Prothè fixée
Docteur en chirurgie dentaire - Lauréat de l'Académie nationale de chirurgie dentaire
Ancien assistant HU, responsable de l'enseignement de l'anatomie dentaire à la Faculté d'odontologie de Reims
3d, rue des 16e et 22e Dragons
51100 Reims
Cet article consacré à l'anatomie des canines maxillaires comporte deux aspects : l'un destiné à l'étude des formes et des dimensions de dents « types » avec un guide de dessin, l'autre consacré à la présentation de variantes anatomiques de ces mêmes dents et des difficultés potentielles que chacune d'elles peut entraîner dans la pratique clinique.
This paper deals with the anatomy of maxillary canines under two aspects : the first one studies shapes and dimensions of typical teeth with a drawing guide, the second one sets out the different anatomical variations encountered and their clinical relevance.
Les deux canines maxillaires et les deux canines mandibulaires sont implantées distalement par rapport aux incisives latérales maxillaires et mandibulaires, à un lieu stratégique de l'arcade dentaire, à l'union des secteurs antérieur et postérieur.
Leur nom de canine vient du latin canis « chien », par analogie aux dents du chien qui sont pointues 1.
Leur fonction est de percer, de saisir et de tirer les aliments.
Leur racine, créant une voussure de la table externe mandibulaire et maxillaire, contribue au soutien des tissus mous et à l'harmonie du visage.
Ce relief, plus marqué à l'arcade maxillaire qu'à la mandibule, porte le nom de bosse canine.
Sa convexité joue un rôle dans l'expression faciale.
La caractéristique essentielle de leur morphologie coronaire est le développement très important du lobe médian de leur cuspide, tant dans le sens vertical que dans le sens vestibulo-palatin ou vestibulo-lingual. Ceci leur donne la forme d'une cuspide bien construite.
Pour Angle, les canines ainsi que la première molaire permanente sont les clefs de l'occlusion.
C'est une dent monoradiculée ou unifide, unicuspidée. Diphysaire 2, elle succède à la canine maxillaire temporaire.
La canine maxillaire est remarquable par sa longueur : c'est la plus longue de toutes les dents.
Son nom familier de « dent de l'œil » vient du fait de la proximité de son apex avec le plancher de l'orbite.
Caractérisée par sa forme en fer de lance, d'aspect cunéiforme, la couronne s'inscrit dans un triangle en vue proximale et dans un losange en vue vestibulaire.
La face vestibulaire de la couronne est très convexe. Elle est trilobée et son bord libre est divisé en deux versants, l'un mésial et l'autre distal, plus long et plus oblique.
La face palatine, plus petite que la face vestibulaire, est légèrement concave dans sa moitié occlusale et fortement convexe dans la région cingulaire.
La canine maxillaire débute sa calcification vers les 4e et 5e mois. La formation de la couronne intervient entre 6 à 7 ans et son apparition sur l'arcade vers 11 à 12 ans. La calcification complète de la racine est effective entre 13 à 15 ans.
Son ancrage et sa situation dans le maxillaire ainsi que sa proprioception desmodontale très développée lui permettent de jouer un rôle important dans l'occlusion fonctionnelle. Elle assure en particulier le guidage de la mandibule à elle seule (fonction canine) ou avec d'autres dents (fonction de groupe) lors des mouvements de diduction.
Solidement implantée dans le maxillaire, elle constitue un excellent ancrage prothétique.
Comme pour chacun des types de dents décrits, pour aborder l'étude de l'anatomie de cette dent, un guide de dessin est proposé. Il correspond à la description des canines maxillaires en position buccale, d'un individu de 20 ans environ, indemnes de toute abrasion ou atteinte carieuse. Il s'agit de dents « types » à vocation pédagogique dont les caractéristiques sont issues de l'observation de plusieurs milliers de dents extraites, de moulages et de références à de nombreux auteurs.
Dix variantes sont ensuite proposées pour situer ces dents dans le contexte des diversités morphologiques propres à tous les êtres humains.
La planche constituant un guide pour le dessin à l'échelle 2 comprend 5 cadres équilibrés correspondant aux 5 vues de la dent. Chaque cadre est divisé en carrés de 5 mm de côté pour constituer des points de repère pour le tracé (fig. 1a).
La même disposition est adoptée pour le dessin de la dent présentée en coupes longitudinales et horizontales, mettant en évidence la morphologie de la cavité pulpaire, de l`émail et du cément (fig. 1b).
Les dimensions de la dent sont les suivantes :
- hauteur totale de la dent : 27,7 mm ;
- hauteur de la racine : 17,2 mm ;
- hauteur de la couronne : 10,5 mm ;
- plus grand diamètre mésio-distal de la couronne : 8 mm ;
- plus grand diamètre vestibulo-palatin de la couronne : 8,5 mm ;
- diamètre mésio-distal de la racine au collet : 5,5 mm ;
- diamètre vestibulo-palatin de la racine au collet : 7,5 mm ;
- hauteur maximale du collet, face mésiale : 2,7 m ;
- hauteur maximale du collet, face distale : 2,2 mm.
L'angulation théorique de la dent « type » en position buccale est de 16° en vue mésiale et de 5° en vue vestibulaire (fig. 2).
Les principaux points anatomiques sont répertoriés (fig. 3).
Parmi le très grand nombre de dents observées et répertoriées, 10 canines maxillaires ont été sélectionnées pour la fréquence de certains de leurs détails anatomiques (fig. 4).
Leur dessin en position verticale selon les différentes vues vestibulaire, proximales, linguale et occlusale et en coupes longitudinale et horizontale est à comparer avec la dent « type ».
Les cotes principales, à l'échelle 1, mettent en évidence les variantes dimensionnelles (longueur, largeur de la dent, rapport couronne/racine…), la forme et la situation de la cavité pulpaire.
Pour chaque dent, les difficultés cliniques potentielles liées à ses particularités anatomiques sont mentionnées (fig. 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, et 14).
La réalisation du dessin « type » de la canine maxillaire est assez simple, rappelant celui des incisives.
Considérées comme des dents robustes et unicuspidées, on pourrait croire que ce sont des dents faciles à traiter. Or, la très grande diversité des éléments anatomiques concernant la couronne, la racine et la cavité pulpaire augmente les difficultés thérapeutiques, comme :
- la couronne de forme conique ;
- la présence du lobe médian de la cuspide ;
- le cingulum, souvent hypertrophié, devenant dans certains cas une petite cuspide ;
- les crêtes marginales très développées et asymétriques ;
- des sillons et des petits lobes atypiques ;
- le bord libre de la couronne formé par deux versants inégaux formant un angle plus ou moins ouvert soit côté mésial soit côté distal ;
- la racine très aplatie dans le sens mésio-distal présentant des dépressions, des sillons et des crêtes triangulaires cémento-dentinaires longitudinales ;
- l'inflexion fréquente de l'apex dans toutes les directions ;
- la pulpe, très étroite dans le sens mésio-distal et plus large dans le sens vestibulo-palatin.
Les variantes anatomiques présentées mettent en évidence des difficultés cliniques potentielles très diverses, intéressant de nombreuses disciplines odontologiques, comme par exemple la forme et la situation axiale de la cavité pulpaire dans le sens vestibulo-palatin, non décelables sur une image radiographique. Cela doit inciter à la prudence lors de traitements endodontiques et lors de la préparation d'un ancrage radiculaire.
(1) Cuspid, est un mot anglais ne signifiant pas « cuspide » mais « canine », dent mono-cuspidée.
(2) Diphysaire : les dents « diphysaires » sont les incisives canines et prémolaires. Les molaires permanentes sont monophysaires. L'homme est à la fois diphyodonte et mono-phyodonte.