Couronnes partielles en composite - Cahiers de Prothèse n° 127 du 01/09/2004
 

Les cahiers de prothèse n° 127 du 01/09/2004

 

Prothèse fixée

Giorgio Rappelli *   Erminia Coccia **   Claudia Massaccesi ***   Angelo Putignano ****  


* Chercheur universitaire
Titulaire de chaire de prothèse
** Collaboratrice
*** Collaboratrice
**** Professeur adjoint - Titulaire
de chaire d'odontologie conservatrice
Istituto di Scienze Odontostomatologiche Università
degli Studi di Ancona
Via E. Toti 4
60123 Ancona, Italie

Résumé

Chutes et collisions sont les causes les plus fréquentes des traumatismes dentaires. Ces accidents concernent surtout les incisives centrales maxillaires qui, dans la plupart des cas, présentent des fractures coronaires non compliquées. Dans ce dernier cas, lorsqu'on désire une restauration esthétique avec une préparation dentaire minimale, les couronnes partielles en composite peuvent être une option thérapeutique satisfaisante. Les restaurations indirectes en composite, grâce aux techniques adhésives, permettent de reproduire l'anatomie, la fonction et l'aspect esthétique naturel des dents, tout en préservant l'intégrité des tissus dentaires. Les étapes cliniques pour la préparation dentaire et le collage des couronnes en composite sont présentées dans cet article.

Summary

Composite partial crowns : treatment of anterior teeth' injuries

Falls and collisions are the commonest reported aetiological factor of dental injuries. These accidents involve principally the maxillary central incisors, causing uncomplicated crown fracture.

When an aesthetic restoration with minimally-invasive tooth reduction is desired, such as in cases of uncomplicated teeth fracture, composite partial crowns may be a therapeutic option. Indirect composite allows to reproduce the original dental anatomy, function and aesthetics preserving dental tissue. Clinical procedures for tooth preparation and composite crowns luting are described in this paper.

Key words

bonding, composites, dental traumatology, partial crown

Durant ces dernières années, les lésions traumatiques des dents antérieures ont fait l'objet d'un intérêt considérable en raison de leur incidence croissante et de leur capacité à compromettre la vie relationnelle des patients. Plusieurs classifications des traumatismes ont été proposées. Pour l'International association of dental traumatology, les lésions dento-faciales ont été classées, en :

- lésions des tissus mous (déchirures, contusions, abrasions), fractures dentaires (fractures coronaires non compliquées ;

- fractures coronaires compliquées ;

- fractures corono-radiculaires ;

- fractures radiculaires ;

- luxations, subluxations, luxation latérale, extrusion, intrusion, avulsion ;

- lésions faciales et squelettiques pouvant intéresser l'os alvéolaire, le maxillaire, la mandibule et les articulations temporo-mandibulaires [1].

Les causes les plus fréquentes de lésions dentaires traumatiques sont les chutes et les collisions avec des objets animés ou inanimés qui arrivent principalement au domicile, pendant les activités routinières [2-4]. Cependant, les lésions traumatiques peuvent parfois résulter d'activités sportives, d'actes de violence ou d'accidents de la route [5-7].

Les traumatismes dentaires sont plus fréquents pour le sexe masculin avec un rapport masculin/féminin de 2:1 [8-11]. Chez l'adulte, l'incidence de ces traumatismes est la plus élevée chez les patients âgés entre 21 et 30 ans ; elle est la plus faible chez les patients de plus de 60 ans [12]. Le pourcentage d'enfants qui ont subi un traumatisme passe de 9,2 % pour les 7-9 ans, à 21 % pour les 10-12 ans, puis diminue à 12,8 % pour les 13-15 ans [13]. L'âge moyen des garçons avec un traumatisme dentaire est de 7,87 ±3,19 ans ; l'incidence la plus élevée est relevée chez les enfants de 10 ans [14].

Après le sexe et l'âge : un surplomb augmenté et une couverture labiale inadéquate constituent les autres facteurs prédisposants.

Les enfants avec un surplomb supérieur à 5 mm sont 1,37 fois plus prédisposés aux traumatismes dentaires que ceux qui ont un surplomb inférieur à 5 mm. Enfin, les enfants avec une couverture labiale adéquate sont 0,56 fois moins prédisposés aux traumatismes que ceux présentant une couverture labiale inadéquate [15, 16].

Tous ces facteurs associés augmentent considérablement l'incidence des traumatismes qui peuvent intéresser les tissus mous, les dents et les structures osseuses faciales.

Les traumatismes dentaires les plus fréquents sont représentés par des fractures de la couronne, des subluxations ou avulsions, des luxations latérales et des intrusions [17].

Que ce soit sur les dents temporaires ou sur les dents permanentes, le traumatisme dentaire le plus fréquent est la fracture de la couronne sans exposition du tissu pulpaire [18]. Dans ces cas, les dents les plus souvent atteintes sont les incisives maxillaires [19-23]. Pour ces fractures coronaires, le traitement de choix, si possible, est le collage du fragment dentaire récupéré [24, 25]. Si celui-ci n'est pas disponible, les matériaux composites peuvent se substituer aux tissus perdus. Cette option, soit par technique directe soit par technique indirecte, permet de préserver la presque totalité des tissus sains subsistants.

En technique directe, le clinicien effectue la restauration par apports successifs de couches de matériau composite. Dans certains cas de délabrement important, pour reproduire la forme correcte et pour faciliter la préparation dentaire, il peut se révéler utile de réaliser un wax-up prospectif enregistré par une clé en silicone [26, 27]. Les résines composites peuvent être utilisées aussi comme « matériau prothétique » en technique indirecte, ce qui permet de reproduire la morphologie dentaire et l'esthétique plus aisément qu'en technique directe (fig. 1 et 2).

Grâce aux procèdés de la postpolymérisation du composite, la réalisation des restaurations au laboratoire permet une conversion plus importante du monomère en polymère, ce qui donne au matériau des caractéristiques mécaniques plus performantes [28].

Étapes cliniques

Lorsque la perte de substance dentaire est très importante, des couronnes partielles en composite constituent une solution thérapeutique qui permet de préserver la totalité des tissus sains et de réaliser les restaurations au laboratoire (fig. 3). Le traitement d'urgence prévoit la protection du tissu dentaire exposé pour éviter la contamination pulpo-dentinaire. Le coiffage des tubules ouverts peut être réalisé par l'application d'un système adhésif et d'un composite fluide. Les adhésifs étant extrêmement sensibles à l'humidité, il est indispensable d'utiliser un champ opératoire comme la digue en caoutchouc (fig. 4).

La préparation de la dent est effectuée principalement pour donner une stabilité primaire des restaurations au moment du collage. Il suffit ainsi de réaliser une préparation de 1 mm de hauteur. Le type de finition peut être un épaulement ou un chanfrein profond présentant un biseau vestibulaire pour faciliter l'intégration esthétique de la couronne partielle (fig. 5). Une empreinte de précision aux élastomères ou aux hydrocolloïdes est réalisée.

Sur le moulage de travail, le prothésiste de laboratoire réalise les couronnes partielles, en superposant opportunément les différentes masses de composite (fig. 6). L'assemblage est effectué par technique adhésive.

L'emploi d'un composite photopolymérisable à cet effet permet une élimination des excès plus aisée que l'utilisation d'une résine non chargée (fig. 7 et 8).

Pour assurer une parfaite adhésion entre la prothèse et la dent, l'intrados des restaurations peut être sablé et silané et la préparation dentaire peut être mordancée avant d'appliquer le système adhésif. La finition et le polissage sont effectués à l'aide des mêmes matériels et des mêmes techniques que celles utilisées pour les restaurations directes en composite (fig. 9).

Conclusion

Plusieurs matériaux et techniques peuvent être utilisés pour la restauration des dents antérieures fracturées (fig. 10). De par le pronostic incertain (une nécrose pulpaire peut survenir même plusieurs mois après le traumatisme) et le jeune âge du patient, une option thérapeutique conservatrice devrait être privilégiée (fig. 11 et 12). Selon les études cliniques, les analyses par éléments finis et les évaluations biomécaniques, il est préconisé de ne pas réaliser de facettes en céramique et de couronnes périphériques chez des patients avec des fractures dentaires [29, 30].

La résine composite, grâce à ses excellentes caractéristiques esthétiques et mécaniques, représente le matériau de choix pour la restauration des dents antérieures traumatisées, spécialement chez les jeunes patients. Elle assure, en effet, un résultat esthétique satisfaisant et une économie tissulaire appréciable (fig. 13).

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