La chirurgie guidée simulée par ordinateur et sans lambeau - Cahiers de Prothèse n° 146 du 01/06/2009
 

Les cahiers de prothèse n° 146 du 01/06/2009

 

IMPLANTOLOGIE

Hadi ANTOUN*   Pierre CHERFANE**  


*Exercice privé exclusif en implantologie et parodontologie
**Exercice privé exclusif en implantologie et parodontologie
Attaché de consultation, Unité d’implantologie (Paris-VII)

La mise en place d’implants est censée suivre un projet prothétique bien défini, la finalité du traitement étant une restauration fonctionnelle et esthétique. Les édentements de petite étendue et encastrés ne nécessitent pas toujours de guide chirurgical, les dents adjacentes et antagonistes servant de repères à la pose des implants. Quand il s’agit de remplacer un nombre important de dents, d’autant plus chez le patient complètement édenté, un guide radiologique et...


La mise en place d’implants est censée suivre un projet prothétique bien défini, la finalité du traitement étant une restauration fonctionnelle et esthétique. Les édentements de petite étendue et encastrés ne nécessitent pas toujours de guide chirurgical, les dents adjacentes et antagonistes servant de repères à la pose des implants. Quand il s’agit de remplacer un nombre important de dents, d’autant plus chez le patient complètement édenté, un guide radiologique et chirurgical simulant le montage prothétique semble incontournable. Ces guides sont souvent difficiles à utiliser et, généralement, manquent de précision. À la lecture du scanner, on est souvent amené à corriger l’axe prédéterminé sur le guide radiologique. L’adaptation de ce dernier pour le transformer en guide chirurgical n’est pas toujours aisée.

La simulation par informatique de la chirurgie implantaire, la possibilité de matérialiser le projet prothétique en 3D vis-à-vis du volume osseux disponible, puis d’adapter d’une façon précise et numérique le guide chirurgical, sont des avancées récentes particulièrement intéressantes.

Par ailleurs, la mise en charge des implants dans les cas d’édentement complet, qu’elle soit immédiate ou rapide, est une option thérapeutique bien documentée dans la littérature scientifique et présente des taux de survie prévisibles allant de 96 à 100 %. Les bridges partiels, mis en charge immédiatement (en occlusion fonctionnelle ou pas), sont de plus en plus documentés et présentent des taux de survie implantaires variant de 93 à 99 %. Les avantages de la mise en charge immédiate sont multiples. Elle procure un confort supplémentaire au patient et un gain de temps non négligeable, en réduisant le nombre de séances au fauteuil. De plus, l’apport immédiat de la fonction et de l’esthétique est d’une grande aide psychologique aux patients. Enfin, elle permet aussi d’éviter la prothèse amovible transitoire.

Cet article présente, à travers un cas clinique, les indications les plus pertinentes de la chirurgie guidée ainsi que ses avantages et ses inconvénients.

PRÉSENTATION D’UN CAS

Un patient de 67 ans, en bon état de santé général, nous a été adressé par son praticien traitant pour un projet de réhabilitations implanto-portées maxillaire et mandibulaire (fig. 1 et 2). Les dents résiduelles présentaient des restaurations défectueuses, des lésions endodontiques et carieuses avec des rapports couronnes-racines défavorables. Au vu de l’étendue des différents édentements, un projet prothétique préalable était nécessaire ainsi que la réalisation d’un guide radiologique et chirurgical (fig. 3). Nous avons choisi de procéder par chirurgie guidée (concept Nobel Guide®, Nobel Biocare) et mise en charge immédiate des implants par une prothèse transitoire fixée. La chirurgie guidée permettra de transposer d’une manière précise le montage prothétique préalable et la mise en place immédiate des bridges provisoires afin d’éviter toute surcharge délétère occasionnée par la prothèse amovible en redonnant au patient fonction et esthétique immédiates.

Le traitement du cas a été réalisé selon les étapes suivantes.

Phase préparatoire

Elle a consisté en :

• des extractions atraumatiques des piliers naturels non récupérables, à savoir 13, 14, 15, 17, 24, 44 et 45 ;

• le comblement à l’hydroxyapatite d’origine bovine (Bio-Oss®, Geistlich Pharma France) et greffons épithélio-conjonctifs associés à l’entrée des alvéoles afin de stabiliser le caillot et maintenir le matériau (fig. 4 et 5).

Après une période de cicatrisation postextractionnelle de 4 mois (fig. 6), des empreintes ont été prises pour réaliser les modèles de travail. Le praticien correspondant a réalisé au cours de cette phase d’attente les traitements endodontiques et la temporisation des dents résiduelles maxillaires. Une cire de diagnostic préfigure les futures réhabilitations prothétiques au niveau des secteurs postérieurs (fig. 7 et 8). À partir de cette dernière, un guide radiologique en résine transparente à appuis muqueux et dentaires a été réalisé sur chaque arcade. Ces guides devaient être parfaitement adaptés aux niveaux muqueux et dentaire et avoir une insertion passive en bouche ainsi que sur les modèles en plâtre (fig. 9 et 10). Un double scanner a ensuite été réalisé en vue de l’application du concept concerné.

Scanner

Un premier scanner a été réalisé avec les guides en bouche dont la stabilité a été vérifiée au préalable. Ensuite, le guide en résine transparente a été scanné seul avec la même orientation que le maxillaire. Au préalable, des repères radio-opaques ont été intégrés au guide.

Simulation

Les données numériques, issues du scanner sous format DICOM et remises par le radiologue, ont été converties par le logiciel Procera® (Nobel Biocare). Ce logiciel offre une vision tridimensionnelle du maxillaire et de la prothèse en plus des coupes coronales conventionnelles. Ces éléments permettent de déterminer la position optimale, la longueur, le diamètre et l’axe de chaque implant en fonction du projet prothétique (fig. 11 à 14).

Guide

À partir des données numériques de la simulation envoyées par Internet à l’unité de fabrication, les guides ont été réalisés par stéréolithographie et photopolymérisation en acryl médical. Des gaines métalliques servant de canons aux guides de forage ainsi que des gaines destinées aux broches d’ancrage (clavettes de stabilisation du guide) y ont été incorporées (fig. 15 et 16). Ces guides ont servi à positionner les répliques d’implants sur les modèles en plâtre et de placer aussi les implants au moment de la chirurgie.

Travail de laboratoire

L’intrados du guide était exactement le même que celui du guide radiologique scanné, d’où la nécessité d’avoir une bonne adaptation du guide radiologique aux tissus mous. Dans les cas d’édentement partiel, le modèle initial qui a servi à la réalisation du guide radiologique a été modifié et ajouré face aux sites implantaires (fig. 17). Après fixation des répliques d’implants dans le guide à l’aide des « piliers guides », une fausse gencive et du plâtre ont été coulés afin d’obtenir le modèle de travail qui a été monté sur articulateur (fig. 18). Le modèle de travail, obtenu avant la pose des implants, a permis la réalisation de la prothèse provisoire sur des piliers expansifs (fig. 19).

Chirurgie

Le guide a été maintenu sous pression digitale ; les fenêtres d’inspection permettaient de valider sa bonne insertion. Les broches d’ancrage de 1,5 mm de diamètre le fixaient à l’os suite à un forage transmuqueux à travers les gaines spécifiques intégrées au guide. Par la suite, les séquences de forage guidé se sont succédé à travers la muqueuse et sans aucune incision. Le diamètre des gaines métalliques correspondait aux guides des forets qui, eux-mêmes, étaient guidés précisément dans le sens axial grâce aux butées de forage. Un foret de démarrage a été utilisé en première intention pour éliminer les tissus mous et initier le forage. Après une première séquence de forage, un premier implant a été posé à l’aide d’un porte-implant spécifique, puis un pilier de stabilisation a été vissé sur cet implant. Un deuxième implant situé de l’autre côté de la ligne médiane a été posé par la suite et un autre pilier de stabilisation a été fixé. Le rôle de ces piliers était d’assurer une meilleure stabilité du guide et sa parfaite immobilisation. Par la suite, le forage des implants restants a été effectué successivement pour que ces derniers puissent être posés en même temps (fig. 20 et 21). Une fois les piliers de stabilisation et les porte-implants dévissés, une tréphine spécifique a été passée à travers les gaines pour éliminer tout résidu de tissus mous. Les broches d’ancrage ont été retirées et le guide est déposé (fig. 22 à 25).

Prothèse

Des piliers expansifs ont été inclus dans l’intrados de la prothèse transitoire qui a été réalisée préalablement à l’intervention. La prothèse a été posée et les piliers ont été vissés manuellement, puis serrés à 35 Ncm (fig. 26). L’expansion des ailettes sur ce type de pilier a permis de compenser d’éventuelles divergences, dans le sens vertical, entre la position prévue des implants et la position clinique. Le panoramique dentaire a confirmé la bonne adaptation entre la prothèse, les piliers et les implants (fig. 27). Dans ce cas, l’occlusion était répartie sur toute l’arcade, prothèse immédiate et dents restantes. Un contrôle occlusal postopératoire à 1 semaine, puis à 1 mois était indispensable et des recommandations ont été données au patient afin d’avoir une alimentation semi-liquide pendant 6 semaines. À 4 mois, les bridges ont été dévissés et l’ostéointégration des implants vérifiée (fig. 28 et 29). Le praticien correspondant a, par la suite, réalisé des bridges céramo-métalliques scellés sur des piliers en titane transvissés selon le protocole classique (fig. 30 et 31). Les céramiques antérieures ont été réalisées conjointement (fig. 32).

DISCUSSION

Dans le cas présent, l’approche Nobel Guide® a permis de poser les implants dans l’axe prothétique choisi à partir des cires de diagnostic et sans avoir à récliner de lambeaux. La pose des implants, en transmuqueux est peu invasive et les suites opératoires sont réduites. Les étapes préparatoires sont indispensables et se rapprochent de celles qui sont réalisées lors d’un protocole classique : cires de diagnostic, guide radiologique/chirurgical et examen scanner. Cependant, les étapes de préparation du modèle de travail pour les provisoires se déroulent avant l’étape chirurgicale. La temporisation immédiate ne requiert, par conséquent, aucun rebasage ou empreinte en postopératoire.

La précision de ce protocole et particulièrement la fiabilité de la transmission du projet implantaire en bouche ont été évaluées sur des cadavres. Un deuxième scanner a été alors réalisé après la pose des implants et confronté aux données de la simulation préopératoire. La déviation des implants par rapport à la position prédéfinie est de 0,8 mm en moyenne au niveau du col et de 0,9 mm en moyenne au niveau du corps de l’implant. La plus importante différence est enregistrée dans le sens vertical, elle fait 1,1 mm en moyenne. Ces divergences imposaient le rebasage de la prothèse à la résine autopolymérisable immédiatement avant sa pose. L’introduction des piliers expansifs a permis l’évolution du protocole et de compenser cette divergence entre la position souhaitée et la position effective des implants. En revanche, une divergence importante entre la position planifiée et la position clinique des implants due à une mauvaise adaptation ou stabilisation du guide, risque de compromettre le résultat. Un suivi strict du protocole ainsi que l’expérience de l’équipe thérapeutique restent les seuls garants de la réussite de ce genre d’approche.

CONCLUSION

Le concept de la chirurgie guidée et de la simulation informatique constitue une évolution incontestable de notre approche implantaire. Elle offre une prise en charge globale du traitement implanto-prothétique. Cependant, elle exige une rigueur au niveau de toutes les étapes du traitement. La mise en charge immédiate associée à ce concept représente un apport significatif aux patients en termes de confort, de fonction et une esthétique immédiate. De plus, l’absence d’incisions et de soulèvement de lambeau fait que cette intervention est minimalement invasive et rend les suites opératoires quasi inexistantes.

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