Refus de soins : quels sont les risques ? - Clinic n° 05 du 01/05/2014
 

Clinic n° 05 du 01/05/2014

 

Juridique

Le serment que j’ai prêté m’oblige-t-il à soigner toutes les personnes qui se présentent à moi ? Si Hippocrate vivait à notre époque, aurait-il élaboré les mêmes principes ? Mais finalement, qu’est-ce que je risque ?

Le principe fondateur

Selon le serment d’Hippocrate, le chirurgien-dentiste est tenu de délivrer des soins à tout patient. En effet, le serment rappelle que : « Je ne permettrai pas que des considérations de religion, d’ethnie, de classe sociale ou de revenus viennent s’interposer entre mes patients et moi. […] Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. » Et c’est dans cette stricte continuité que le législateur moderne a rappelé ce principe fondateur, à savoir l’accès aux soins pour tous. Le chirurgien-dentiste ne peut donc adopter un comportement susceptible d’être qualifié de discriminatoire dans l’accès aux soins.

Qu’est-ce qu’une discrimination aux soins ?

Il s’agit de tout refus reposant sur l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation ou l’identité sexuelles, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, l’appartenance ou la non-appartenance, vraies ou supposées, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées, la situation sociale de la personne (bénéficiaire de la CMU ou de l’aide médicale d’État). En revanche, il est admis que le chirurgien-dentiste puisse refuser un soin en raison d’une « exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité de la sécurité ou de l’efficacité des soins(1) ». Ainsi, un refus peut être légitimement opposé pour convenance personnelle (que l’on interprétera au regard des discriminations susvisées) ou parce que l’acte requis n’entre pas dans les compétences du praticien. Mais ce droit au refus ne peut s’exercer en cas d’urgence ou lorsqu’il nuit au patient. En cas de refus, le chirurgien-dentiste doit s’assurer de la continuité des soins et fournir à cet effet tous renseignements utiles(2). Il doit donc tout mettre en œuvre pour accompagner le patient vers un autre praticien et fournir à ce dernier les informations médicales qu’il détiendrait.

Quels risques en cas de refus de soins ?

Si le refus n’est pas justifié ou s’il est susceptible d’être discriminatoire, il s’analyse en une faute professionnelle de nature à entraîner une sanction disciplinaire du chirurgien-dentiste. Le patient peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie. Il peut surtout saisir d’une plainte le président du Conseil départemental de l’Ordre. Le chirurgien-dentiste est convoqué à une conciliation dans les trois mois suivants la réception de la plainte. Dans la majorité des cas, la conciliation aboutit. À l’inverse, ou alors si le chirurgien-dentiste se trouve en situation de récidive, la plainte est transmise à la chambre régionale disciplinaire par avis motivé. L’Ordre départemental peut s’associer à la plainte du patient. La chambre régionale peut prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre du praticien (avertissement, blâme, interdiction d’exercice). Cette décision est susceptible d’appel devant le Conseil national. Le chirurgien-dentiste ne doit pas oublier qu’en plus d’une sanction disciplinaire, il peut s’exposer à une sanction financière prononcée par l’Assurance maladie.

1. Article L. 1110-3 du Code de la santé publique.

2. Article R. 4127-232 du Code de la santé publique.

À RETENIR

Le refus de soins ne peut se justifier que pour convenance personnelle (sauf si le motif est discriminatoire) ou en raison des capacités professionnelles du chirurgien-dentiste. Si un refus n’est pas justifié, le praticien peut se voir sanctionné disciplinairement par l’ordre professionnel, mais également financièrement par l’Assurance maladie.

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