Le flux numérique en implantologie - Implant n° 4 du 01/11/2014
 

Implant n° 4 du 01/11/2014

 

DOSSIER CLINIQUE

Thierry Rouach*   Damien Lamaison**  


*Pratique privée
DU implantologie chirurgicale et prothétique Paris VII
Post-graduate implantologie et parodontologie New York
24, rue du Rocher
75008 Paris
**Prothésiste dentaire,
Attestation Universitaire d’implantologie orale à Nantes
Laboratoire Cérazur Tours

Au cabinet dentaire comme au laboratoire, le flux numérique est aujourd’hui présent à chaque étape de nos traitements implantaires (scanner, logiciel de planification, guides chirurgicaux, piliers personnalisés…). Les avantages de ces nouvelles technologies sont illustrés dans cet article au travers de deux cas cliniques. Ces évolutions ont pour but d’optimiser nos résultats chirurgicaux et prothétiques en apportant confort, sécurité, et précision.

Au début de cette révolution numérique, certains prédisaient la disparition du couple praticien/prothésiste. Bien au contraire, de nouvelles fonctions ont été créées dans les laboratoires (planification, conception des armatures et piliers…) et une collaboration étroite entre les différents intervenants est indispensable au bon déroulement du traitement chacun apportant son expertise.

L’implantologie a énormément évolué depuis les premiers travaux du Pr Brånemark. Les améliorations apportées à la forme, à l’état de surface et aux connectiques implantaires ainsi que la maîtrise des techniques chirurgicales et prothétiques ont permis d’améliorer les taux de succès et de diminuer les délais de traitement [1].

Nos patients sont aujourd’hui parfaitement informés, leurs attentes ont évolué. L’implant n’a plus juste un rôle d’ancrage, il doit rétablir une fonction adéquate, un confort satisfaisant et une esthétique compatible avec toute fonction sociale.

Aujourd’hui, le flux numérique est présent à chaque étape du traitement implantaire (scanner, logiciel de planification, guides chirurgicaux, piliers personnalisés…). Nous allons, à travers deux cas cliniques, montrer les avantages de ces nouvelles techniques pour optimiser nos résultats chirurgicaux et prothétiques.

CAS CLINIQUE 1

Une patiente d’une trentaine d’années consulte pour remplacer une incisive centrale maxillaire droite extraite 4 mois auparavant à la suite d’une fracture radiculaire. La patiente est déjà en possession d’un examen tomodensitométrique réalisé quelques semaines auparavant (Fig. 1).

Compte tenu du sujet de cet article, il n’est pas de notre propos de reprendre l’observation clinique dans ses détails – anamnèse, état de santé général, examen exobuccal et endobuccal, examens complémentaires (radiographies, modèles d’études) – mais, seulement, d’en présenter une version résumée permettant d’étayer notre propos.

Le traitement d’un tel cas débute de manière conventionnelle par la prise d’empreinte d’étude, la coulée des modèles et la réalisation d’un wax-up au laboratoire de prothèse (Fig. 2).

Après validation du projet prothétique par le praticien (et le patient), les différents modèles avec et sans le wax-up sont scannés à l’aide du scanner 3Shape. L’étape suivante consiste à créer, à l’aide du logiciel SimPlant(r) (logiciel de simulation pré-implantaire), un modèle 3D à partir des données scanner Dicom du patient. Cette étape de segmentation en fonction des différentes densités peut être plus ou moins longue suivant les artefacts présents ou non sur le scanner. Une fois le modèle 3D obtenu, les modèles scannés en amont (avec et sans le wax-up) sont superposés afin de transposer le projet prothétique initial ainsi que les tissus mous en regard des bases osseuses du patient (Fig. 3).

Le module de « double acquisition » est un complément de choix du logiciel SimPlant(r). En effet, dans le cas d’un édentement partiel, il n’est plus nécessaire de réaliser de guide radiologique en amont. Cela trouve tout son sens lorsque le patient possède déjà un scanner ou lorsque des extractions sont prévues. Toutes ces étapes plus ou moins chronophages peuvent tout à fait être réalisées par le laboratoire, la planification étant effectuée dans un second temps conjointement par le prothésiste et le chirurgien pour répondre au mieux aux impératifs chirurgico-prothétiques.

Dans la situation clinique présente, du fait d’un volume osseux limité en épaisseur, il y a peu de possibilités quant au positionnement de l’implant. Si le projet n’avait pas été réaliste, il aurait été fort possible de modifier le wax-up et l’importer de nouveau dans le scanner.

Une fois la planification validée, un guide chirurgical SimPlant(r) Expertease à appui dentaire (guide SAFE) est commandé.

Le procédé de guidage SAFE – acronyme de secure (sûr), accurate (précis), flexible (adaptable), ergonomic (ergonomique) – est le guide le plus évolué proposé par SimPlant(r) permettant un guidage total de la séquence de forage ainsi que de la pose de l’implant [2-3].

Une mise en charge immédiate étant programmée, il est demandé au laboratoire de réaliser une couronne provisoire et, pour limiter les manipulations au niveau des tissus mous, un pilier personnalisé Atlantis™ sera positionné dès la chirurgie et il ne sera plus retiré (Fig. 4).

Les piliers personnalisés Atlantis™ présentent de nombreux avantages :

• ils sont disponibles en titane, titane nitruré et zircone ;

• leur profil d’émergence est anatomique ;

• ils permettent un positionnement idéal de la limite ;

• ils favorisent la rétention optimale de la restauration prothétique…

Le laboratoire reçoit quelques jours plus tard le guide chirurgical stéréolithographié et le pilier Atlantis™ (Fig. 5).

Deux options sont alors envisageables pour la réalisation de la provisoire : continuer dans le tout numérique (plus rapide mais impossibilité de vérifier le résultat) ou basculer en méthode conventionnelle.

Pour la solution numérique, une fois le pilier personnalisé validé, Atlantis™ fournit le fichier numérique .stl du « modèle + pilier » créé. Il suffit de l’implémenter dans un logiciel de CAO (Dental Designer ou autres) et de réaliser la conception virtuelle de la provisoire, soit par miroir de l’adjacente soit à partir d’une dent de la bibliothèque (Fig. 6). On l’usine ensuite dans un disque de PMMA (polyméthacrylate de méthyle). Le laboratoire est donc en mesure de livrer au praticien, de façon rapide, un guide chirurgical, un pilier sur mesure et une couronne provisoire avant l’acte chirurgical.

Pour la méthode conventionnelle, il faut au préalable s’assurer que le guide chirurgical s’adapte parfaitement sur le modèle d’étude en plâtre (un défaut d’ajustage sur le modèle sera retrouvé en bouche et faussera la précision de la mise en place de l’implant).

Pour fabriquer le modèle, il faut disposer d’un composant particulier : l’auxiliaire de repositionnement propre à l’implant.

Un modèle « artisanal » est fabriqué en réalisant une fenestration sur le modèle en plâtre au niveau du futur site implantaire. L’analogue d’implant est vissé sur l’auxiliaire et l’ensemble est inséré dans la douille de forage du guide (Fig. 7). Attention : afin de garantir le même positionnement de l’indexation de l’analogue sur le modèle et de l’implant en bouche, il est indispensable d’aligner le repère en vestibulaire du guide avec l’encoche présente sur l’auxiliaire ! Il suffit alors de positionner l’ensemble guide + auxiliaire + analogue sur le modèle et de combler avec du plâtre (Fig. 8). Il est possible (mais pas indispensable) de réaliser une fausse gencive amovible. On obtient ainsi un modèle implantaire fiable avant l’acte chirurgical (Fig. 9). La conception de la provisoire redevient traditionnelle avec la réalisation d’un wax-up sur le pilier et la transformation en résine. Cette technique présente certains avantages :

• il n’est pas nécessaire de disposer d’un système CFAO au sein du laboratoire ;

• on peut s’assurer de la conformité de la provisoire avant sa livraison, notamment en termes de point de contact et d’esthétique (symétrie…).

Quelle que soit la méthode de réalisation de la provisoire, deux petites fenestrations sur le guide chirurgical (au niveau des pointes cuspidiennes) sont systématiquement réalisées afin que le praticien s’assure du bon positionnement (enfoncement) du guide en bouche.

Le jour de la chirurgie, on dispose donc de différents éléments :

• un guide chirurgical ;

• un modèle avec la position de l’implant (qui n’a pas encore été posé) ;

• un pilier personnalisé Atlantis™ en titane ;

• une couronne provisoire.

La chirurgie débute par la mise en place du guide chirurgical. Il est extrêmement important de vérifier son positionnement parfait et sa stabilité (Fig. 10).

Le forage se fait à l’aide d’une trousse spécifique pour la chirurgie guidée et commence par un foret emporte-pièce suivi d’une succession de forets respectant un protocole tout à fait conventionnel. Il est important de respecter les vitesses de rotation et une double irrigation pour éviter tout échauffement au niveau osseux [4].

L’implant Ankylos(r) (Dentsply Implants) est mis en place dans la situation déterminée lors de la planification grâce à la présence de repères pour valider l’enfoncement et le bon positionnement de l’indexation (Fig. 11 et 12).

Du fait de l’indexation présente dans l’implant et sur le pilier Atlantis™, le positionnement de l’implant doit être identique à celui planifié.

L’implant présente une stabilité primaire compatible avec une mise en temporisation immédiate. Le pilier personnalisé Atlantis™ est positionné grâce à une clé en résine et vissé au couple indiqué par le fabricant (Fig. 13 et 14). La couronne provisoire est scellée (en prenant soin d’éliminer les excès de ciment) et mise en sous occlusion statique et dynamique (Fig. 15).

CAS CLINIQUE 2

Après la perte de ses quatre incisives, cette patiente souhaite remplacer les dents absentes par des prothèses implanto-portées (Fig. 16).

Le point de départ de tout plan de traitement reste le même : après la coulée des modèles, le projet prothétique est réalisé, ici le wax-up en cire des quatre incisives maxillaires (Fig. 17).

Après discussion et validation par le praticien, le modèle avec et sans wax-up est scanné à l’aide du 3Shape. Parallèlement, un modèle 3D à partir des coupes 2D du scanner du patient est réalisé grâce au SimPlant(r). Il suffit de recouper les modèles .stl avec les données Dicom pour disposer du projet prothétique en regard des bases osseuses. La planification implantaire est réalisée en étroite collaboration du chirurgien et du prothésiste, chacun apportant son expertise aussi bien sur la position des implants que sur le choix des futurs piliers ou même du design de la prothèse (Fig. 18). En effet, quand on dispose de la hauteur transgingivale sur le scanner, il est tout à fait possible de choisir les piliers et de discuter du profil d’émergence des futures couronnes.

Une fois le projet validé, le laboratoire commande un guide SimPlant(r) Expertease (guide SAFE) à appui dentaire ainsi qu’un Immediate Smile(r) Model (ISM), duplicata stéréolithographié du maxillaire du patient avec la position exacte des implants planifiés. À réception de l’ISM au laboratoire, il suffit d’insérer dans les orifices prévus des analogues d’implants et de les bloquer grâce aux vis spécifiques [5] (Fig. 19).

À partir de là, on dispose d’un modèle implantaire, certes dans un matériau inhabituel, sur lequel on va pouvoir réaliser le bridge provisoire. On valide le choix des piliers implantaires précédemment planifiés, qui s’était porté sur des piliers Balance Posterior C/ (non indexés) afin de pouvoir les positionner au mieux et d’éviter au maximum les retouches liées au parallélisme. Après quelques retouches à la fraiseuse, on vérifie que les piliers se trouvent bien dans l’enveloppe prothétique représentée par une clé en silicone du wax-up. Deux clés de repositionnement en résine Pi-Ku-Plast (Bredent) sont confectionnées : elles sont indispensables au repositionnement des piliers rotationnels en bouche et très pratiques à manipuler [6]. Il suffit alors de reproduire le wax-up sur les piliers et de le transformer en résine. Après avoir vérifié l’occlusion, le bridge est gratté, poli et légèrement maquillé (Fig. 20 à 22).

Le jour de la chirurgie, le positionnement et la stabilité du guide sont vérifiés et les implants Ankylos(r) (Dentsply Implants) sont mis en place en respectant le protocole de forage (vitesse et double irrigation) (Fig. 23 à 25).

La stabilité primaire des implants étant compatible avec une mise en charge immédiate, les piliers provisoires sont vissés avec la clé de positionnement et les couronnes provisoires sont scellées en sous-occlusion statique et dynamique (Fig. 26 et 27).

CONCLUSION

Le flux numérique est aujourd’hui présent à chaque étape des traitements implantaires. Ces nouvelles techniques apportent confort, sécurité et précision dans le but d’optimiser les résultats chirurgico-prothétiques. Une collaboration étroite entre les différents intervenants est indispensable au bon déroulement du traitement.

Il est important de comprendre que toutes ces techniques sont des « aides » dont il ne faut pas se priver mais qui ne peuvent en rien remplacer l’expérience et le sens clinique du praticien.

Bibliographie

  • 1. Bessade J. Le système Ankylos 1987-2007 : 20 ans de fiabilité clinique. Rueil-Malmaison : CdP, 2007.
  • 2. Ganz SD. Use of stereolithographic models as diagnostic and restorative aids for predictable immediate ­loading of implants. Pract Proced ­Aesthet Dent 2003;15:763-71.
  • 3. Davarpanah M, Szmukler-Moncler S. Implantologie assistée par ordinateur. Rueil-Malmaison : CdP, 2011.
  • 4. Davarpanah M, Szmukler-Moncler S. Manuel d’implantologie clinique. Rueil-Malmaison : CdP, 2012.
  • 5. Tardieu PB, Vrielinck L. Implantologie ­assistée par ordinateur : le programme SimPlant/SurgiCase et le SAFE ­System™. Implant 2003;9:15-28.
  • 6. Tardieu P, Vrielinck L, Roose N. Computer guided implantology. Introduction to the SAFE System(r) and a clinical case. Dental Horizons 2004;2:125-130.

Remerciements à M. Marc Thiry et à l’ensemble du laboratoire Cérazur.

LIENS D’INTÉRÊT : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant cet article.