Homéopathie : une grande envie de prescrire dans la profession - Clinic n° 10 du 01/10/2019
 

Clinic n° 10 du 01/10/2019

 

FLORINE BOUKHOBZA

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Suivant l'avis de la HAS, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a décidé au mois de juillet de ne plus rembourser les médicaments homéopathiques. Le déremboursement sera effectif en 2021 après une année de transition en 2020 pendant laquelle ils seront remboursés à 15 % au lieu de 30 %. Formatrice en homéopathie pour les chirurgiens-dentistes et auteure d'un ouvrage sur le sujet, Florine Boukhobza nous livre son point de vue.

Comment avez-vous réagi à l'annonce du déremboursement de l'homéopathie ?

Je ne veux pas porter de jugement positif ou négatif. Mais je pense qu'il a peut-être manqué des éléments qui auraient conforté un avis en faveur de l'homéopathie. Car on dispose de résultats sur le plan de l'expérimentation clinique. Claude Bernard disait que si l'on n'arrive pas à apporter une preuve scientifique mais qu'il y a des résultats cliniques, on les accepte. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé pour les antibiotiques qui ont été utilisés avant que l'on apporte la preuve de leur efficacité. Dans mes formations, je préviens toujours qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments probants en recherche fondamentale et que je me fonde sur des expérimentations cliniques.

La décision est regrettable pour l'homéopathie parce qu'il y a des résultats et qu'il s'agit de remèdes peu coûteux.

Craignez-vous l'échéance de 2021 ?

Lors de déremboursements de médicaments, on observe souvent une chute de la consommation à partir de l'annonce puis une remontée ensuite. C'est peut-être ce qui se passera pour l'homéopathie.

En revanche, en ce qui concerne la formation continue, les demandes des chirurgiens-dentistes n'ont jamais été si importantes ! Comme si une demande « rebelle » se révélait ! Les praticiens ne sont pas d'accord pour qu'on leur enlève un arsenal thérapeutique.

Les patients, eux, font deux types de remarque sur cette échéance. Ils disent que le déremboursement ne les freinera pas dans leur consommation. Mais ils pensent aussi que, si l'assurance maladie ne rembourse plus, les prix vont augmenter.

Quelle est la pratique de l'homéopathie dans les cabinets dentaires aujourd'hui ?

Il y a une grande envie de prescrire. Les praticiens utilisent de plus en plus l'homéopathie, mais pas dans une pratique globale. Leur formation n'est pas suffisante. Ils ont donc plutôt recours à des remèdes ciblés, faciles d'emploi et directement intéressants pour leur pratique.

Quelle place tient l'aromathérapie et la phytothérapie que vous enseignez aussi ?

L'homéopathie est une médecine. La phytothérapie et l'aromathérapie sont des branches de l'allopathie. J'utilise donc les médecines homéopathique et allopathique. Et cet ensemble forme pour moi un arsenal thérapeutique. L'avantage est que ces différentes médecines peuvent être utilisées de façon complémentaire ou en association.

Il existe par exemple des anti-inflammatoires par les plantes, par l'homéopathie et par l'allopathie conventionnelle. La phytothérapie peut avoir certains effets secondaires mais ils sont minorés par rapport à ceux de l'allopathie conventionnelle. J'insiste toujours sur le fait que l'allopathie dite « douce » reste de l'allopathie avec des effets qui peuvent être graves si cette médecine est mal utilisée. Une formation est nécessaire pour connaître l'intérêt des huiles essentielles, les indications et les précautions à prendre.

Avec l'homéopathie en revanche, il n'y a quasiment pas d'effets indésirables.

Qu'est ce qui amène les confrères à s'intéresser à ces médecines douces et qui sont-ils ?

Deux raisons reviennent toujours : les effets indésirables des médicaments et la demande des patients. Les jeunes confrères s'intéressent massivement à ces méthodes. Les plus anciens y viennent moins nombreux mais sont très curieux. Généralement, les chirurgiens-dentistes commencent par s'intéresser aux plantes et aux huiles essentielles. C'est compréhensible car la démarche intellectuelle est la même que pour l'allopathie conventionnelle. Et puis, l'aromathérapie et la phytothérapie ont la capacité d'optimiser les traitements du praticien au fauteuil. Un praticien qui fait de la parodontie et de la chirurgie peut facilement utiliser des plantes qui améliorent la réponse du patient en agissant sur l'immunité adaptogène et qui permettent de renforcer la cicatrisation et de limiter l'infection.

Généralement, les praticiens ne s'intéressent à l'homéopathie qu'après ce passage par l'aromathérapie et la phytothérapie.

1 Homéopathie clinique pour le chirurgien-dentiste de Florine Boukhobza et Albert-Claude Quemoun et Phytothérapie en odontologie de Paul Goetz et Florine Boukhobza, aux Éditions CdP.