Effet du traitement de surface et du mode d’assemblage sur la résistance à la fracture des couronnes en zircone traditionnelle (3Y), zircone translucide (5Y) et disilicate de lithium - Clinic n° 10 du 01/10/2022
 

Clinic n° 10 du 01/10/2022

 

Revue de presse

Internationale

Élisa CAUSSIN  

Une étude de 2015 rapportait que, lors du choix de matériau pour une couronne unitaire postérieure dento-portée, 32 % des praticiens se tournaient vers la zircone monolithique et 21 % vers le disilicate de lithium.

La zircone alors principalement utilisée était la zircone stabilisée à 3 % molaire d’yttrium (3Y-TZP), qui présente une résistance à la flexion 3 fois plus élevée que le disilicate de lithium mais qui est aussi moitié moins translucide.

Le clinicien...


Une étude de 2015 rapportait que, lors du choix de matériau pour une couronne unitaire postérieure dento-portée, 32 % des praticiens se tournaient vers la zircone monolithique et 21 % vers le disilicate de lithium.

La zircone alors principalement utilisée était la zircone stabilisée à 3 % molaire d’yttrium (3Y-TZP), qui présente une résistance à la flexion 3 fois plus élevée que le disilicate de lithium mais qui est aussi moitié moins translucide.

Le clinicien avait alors le choix entre une couronne zircone opaque et résistante, pouvant être scellée à des épaisseurs fines, ou une couronne disilicate de lithium plus translucide et esthétique, mais nécessitant généralement un collage ou des épaisseurs de préparations importantes pour être scellée.

Les zircones stabilisées à 4 % ou à 5 % molaire d’yttrium (4Y-PSZ/5Y-PSZ), parfois appelées « zircone translucide » ou « zircone esthétique », sont plus récentes et apparaissent dans ce contexte comme un matériau intermédiaire. Elles sont désormais largement disponibles sur le marché mais des données scientifiques sur le mode d’assemblage de ces couronnes 4Y-PSZ et 5Y-PSZ étaient nécessaires.

OBJECTIF DE L’ÉTUDE

Cet article est une étude in vitro, ayant pour but de comparer la résistance à la fracture en fatigue des couronnes en 3Y-PSZ, 5Y-TZP et en disilicate de lithium, selon qu’elles aient été collées ou scellées au CVIMAR. L’intérêt clinique derrière cette étude est d’apporter des éléments de réponse à la question : quand coller ma couronne céramique, quand la sceller ?

MATÉRIEL ET MÉTHODES

De par sa construction et la volonté de généralisation, cet article in vitro présente quelques limites ne nous empêchant pas de nous servir de ses conclusions pour orienter nos pratiques.

En effet, afin de réaliser des tests de fatigue de manière standardisée, c’est une résine composite avec un module d’élasticité de 10 GPa (donc plus bas que celui de la dentine, et sans représentation d’émail périphérique) qui a été usinée un grand nombre de fois et utilisée pour simuler le moignon dentaire durant les tests de fatigue.

Concernant les couronnes, elles ont été usinées à partir du même fichier .stl de manière à parfaitement s’ajuster sur le moignon composite et présentaient une épaisseur homogène de 0,8 mm. Les matériaux testés incluaient : la zircone 3Y-TZP (Lava Plus, 3M ESPE), la zircone 5Y-PSZ (Lava Esthetic, 3M ESPE), et le disilicate de lithium (IPS e.max CAD LT, Ivoclar Vivadent). Les dents préparées et les couronnes ont été réparties en 4 groupes (n = 8) pour chaque matériau.

Dans le 1er groupe, les couronnes 3Y-TZP et 5Y-PSZ étaient sablées à l’oxyde d’alumine 30 mm (à une pression de 0,2 bar pendant 10 secondes), préalablement à l’assemblage. Les couronnes disilicate de lithium étaient mordancées pendant 20 secondes à l’acide fluorhydrique (5 %), puis rincées 20 secondes et enduites de silane (RelyX Ceramic Primer, 3M ESPE). Les couronnes étaient alors collées sur les dents avec une colle auto-adhésive (RelyX Unicem, 3M ESPE).

Dans le 2e groupe, les traitements de surfaces étaient identiques à ceux du 1er groupe, puis les couronnes étaient scellées au CVIMAR de scellement (RelyX Luting Plus, 3M ESPE).

Les couronnes du 3e groupe n’avaient pas subi de traitement de surface et étaient collées à la colle auto-adhésive (RelyX Unicem). Celles du 4e groupe n’avaient pas subi de traitement de surface et étaient scellées au CVIMAR de scellement (RelyX Luting Plus).

Toutes les couronnes ont été alors soumises à 100 000 cycles à 1 Hz et 100 N dans un dispositif de test en fatigue adéquat constitué d’une sphère d’acier inoxydable (diamètre = 8 mm) entrant en contact avec les 4 cuspides de chaque couronne. À la suite de ce test, les couronnes ont été examinées pour déterminer si une fracture critique était apparue. Si ce n’était pas le cas, elles subissaient alors un second test de résistance à la fracture en compression et la valeur la plus haute était relevée. Les couronnes étaient également observées sous microscopie électronique à balayage (SEM, Quanta FEG 650, FEI, Hillsboro, OR) après avoir été assemblées et sectionnées.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

La résistance à la fracture a été significativement différente selon les matériaux et modes d’assemblage choisis (p < 0,001), mais pas selon le traitement de surface réalisé (p < 0,770).

Toutes les couronnes en disilicate de lithium et zircone 5Y-PSZ scellées au CVIMAR ont fracturé lors du test en fatigue. Cela peut s’expliquer par le fait que ces deux matériaux ont des résistances mécaniques 2 à 3 fois plus faibles que les zircones 3Y-TZP. De ce fait, le choix scellement ou collage est grandement influencé, à cette épaisseur de 0,8 mm, par les propriétés mécaniques du matériau choisi. Ainsi, quel que soit le matériau étudié, les couronnes collées ont montré une plus grande résistance à la fracture que les couronnes scellées (p < 0,001) ; cela suggère que, pour des épaisseurs fines et même pour les zircones, le collage sécuriserait mécaniquement la prothèse au long cours. Pour donner des références concrètes aux cliniciens, à cette épaisseur de 0,8 mm, la zircone 3Y-TZP scellée avait une résistance à la fracture comparable à celle du disilicate de lithium et de la zircone 5Y-TZP collée.

De manière assez étonnante, aucune différence significative n’a été montrée sur la résistance à la fracture des zircones selon le fait qu’un traitement de surface ait été ou non réalisé.

CONCLUSION ET PERTINENCE CLINIQUE

Toutes les couronnes (3Y-TZP, 5Y-PSZ, disilicate de lithium) de 0,8 mm d’épaisseur gagnent à être collées au niveau de leur résistance à la fracture. La résistance d’une zircone 3Y-TZP scellée de 0,8 mm d’épaisseur est comparable à celle d’une 5Y-PSZ ou d’une vitrocéramique collée renforcée au disilicate de lithium. Les couronnes collées 5Y-PSZ et en disilicate de lithium ont présenté des résistances à la fracture similaires, suggérant des propriétés mécaniques proches.

D’après cette étude, les zircones peuvent être sablées à cette épaisseur de préparation, sans risque mécanique induit par la génération de microfissures.

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