Le « syndrome du fil », complication des contentions orthodontiques collées Revue systématique de la littérature - Clinic n° 06 du 01/06/2023
 

Clinic n° 06 du 01/06/2023

 

Revue de presse

Internationale

Jérôme PETIT  

Le suivi à long terme des contentions orthodontiques collées reste un défi pour les orthodontistes, parodontistes et omnipraticiens. Des mouvements dentaires décrits comme inexpliqués, aberrants, inattendus peuvent se produire en présence d’un fil de contention orthodontique intact. Ce phénomène iatrogène (à différencier d’une récidive orthodontique), peu ou non connu de nombreux praticiens, est responsable de complications dentaires et parodontales, à la fois fonctionnelles...


Le suivi à long terme des contentions orthodontiques collées reste un défi pour les orthodontistes, parodontistes et omnipraticiens. Des mouvements dentaires décrits comme inexpliqués, aberrants, inattendus peuvent se produire en présence d’un fil de contention orthodontique intact. Ce phénomène iatrogène (à différencier d’une récidive orthodontique), peu ou non connu de nombreux praticiens, est responsable de complications dentaires et parodontales, à la fois fonctionnelles et esthétiques, qu’on appelle « syndrome du fil ».

OBJECTIFS

Le but de cette revue est de définir la prévalence du « syndrome du fil » puis d’étudier les caractéristiques cliniques associées.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

La revue systématique de la littérature a été réalisée en suivant les directives PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses). La recherche électronique a été effectuée à partir de 4 bases de données, complétée par une recherche manuelle. Toutes les études incluses sont des études cliniques prospectives et rétrospectives, incluant des rapports et séries de cas, toutes rédigées en anglais ou en français et mentionnant clairement la description, la détection ou la prise en charge du « syndrome du fil ».

Trois auteurs ont participé indépendamment à la sélection des études, à l’extraction des données puis à l’analyse des biais.

RÉSULTATS

Parmi les 1 891 articles, 20 publiés entre 2007 et 2021 remplissaient les critères d’inclusion. Le risque de biais est globalement élevé puisque 16 articles étaient des rapports et séries de cas.

L’analyse de chaque article a permis de détailler 13 catégories sur la mise en évidence du « syndrome du fil » : prévalence, délai d’apparition, caractéristiques du patient, arcade et dent concernées, mouvements réalisés, conséquences dentaires, conséquences parodontales, type de fil de contention, facteurs de risque, étiologies, traitement à mettre en œuvre, recommandations et approche préventive.

CONCLUSION

Cette revue systématique de la littérature a permis d’élaborer une synthèse sur le « syndrome du fil », permettant aux chirurgiens-dentistes omnipraticiens, aux parodontistes ainsi qu’aux orthodontistes de comprendre cet événement indésirable, d’en faciliter l’approche diagnostique ainsi que les mesures préventives associées.

PERTINENCE CLINIQUE

• Justification scientifique de l’étude. Une enquête réalisée dans l’Est de la France a montré que seulement 18,6 % des chirurgiens-dentistes omnipraticiens étaient conscients des mouvements indésirables associés aux dents présentant une contention orthodontique fixée, résultats en accord avec des enquêtes suisse et néo-zélandaise. Il est donc nécessaire que l’ensemble des professionnels dentaires soient informés de ce phénomène afin de les dépister, de les prévenir puis de les prendre en charge.

• Principales conclusions. La prévalence du « syndrome du fil » varie entre 1,1 et 43,0 % selon les études, avec un délai d’apparition de 1 à 7 ans environ. Ce phénomène est plus rencontré pour les dents mandibulaires. Les étiologies sont diverses : un torque différent entre deux incisives adjacentes, un torque opposé entre les canines controlatérales, l’ouverture du diastème, un fil de contention actif, une déformation du fil lors du collage, un décollement du fil, une fracture de la contention…

• Différentes recommandations en découlent :

- lors du collage : fabrication et adaptation précise d’un fil passif sur modèle dentaire, méthode de collage indirect à privilégier afin d’éviter la déformation du fil par la pression des doigts ou des instruments, collage uniquement des canines et des incisives centrales pour améliorer la sensibilité du patient en cas de décollement, renforcement de la liaison fil/adhésif par l’utilisation de primer métallique après dégraissage du fil et sablage amélaire de la surface à coller, réalisation d’une contention amovible en plus pour le port nocturne ;

- lors du suivi : instaurer des contrôles réguliers avec recherche systématique de tous les signes de « syndrome du fil », puis sensibiliser et informer les patients sur ce phénomène.

IMPLICATIONS PRATIQUES

La problématique du « syndrome du fil » doit impliquer toutes les professions dentaires, y compris les chirurgiens-dentistes omnipraticiens qui pourront orienter, si nécessaire, le patient vers un praticien spécialisé. La collaboration entre orthodontistes et parodontistes est également à maintenir pendant et après la thérapeutique orthodontique. Le traitement dépend de la sévérité de ce phénomène et permet d’éviter une aggravation clinique.

La prise en charge la plus courante est le retrait de la contention, suivi d’un contrôle régulier. Une amélioration significative allant jusqu’au repositionnement spontané est possible. Un nouveau traitement orthodontique est nécessaire lorsque la sévérité est modérée afin de corriger la malposition, de repositionner correctement la racine dans l’os alvéolaire puis d’améliorer les conditions chirurgicales.

Enfin, un traitement endodontique et/ou parodontal est indiqué lorsque la sévérité est importante. En cas de syndrome du fil extrême, l’avulsion dentaire est parfois la seule solution.

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