La parodontite et le déclin cognitif dans la maladie d’Alzheimer - Clinic n° 05 du 01/05/2021
 

Clinic n° 05 du 01/05/2021

 

Revue de presse

Internationale

Bichoy MATTA  

La parodontite est définie par une inflammation chronique des tissus de soutien de la dent. La parodontite conduit à une expression plus prononcée de certains marqueurs systémiques de l’inflammation tels que le TNFα et la CRP. Il a ainsi été démontré que les maladies inflammatoires chroniques sont associés à un taux de cytokines pro-inflammatoires élevé et à un taux augmenté du déclin cognitif de la maladie d’Alzheimer. L’équipe de chercheurs suspecte une association...


La parodontite est définie par une inflammation chronique des tissus de soutien de la dent. La parodontite conduit à une expression plus prononcée de certains marqueurs systémiques de l’inflammation tels que le TNFα et la CRP. Il a ainsi été démontré que les maladies inflammatoires chroniques sont associés à un taux de cytokines pro-inflammatoires élevé et à un taux augmenté du déclin cognitif de la maladie d’Alzheimer. L’équipe de chercheurs suspecte une association entre la parodontite et une augmentation du déclin cognitif dans la maladie d’Alzheimer, et ce indépendamment du degré de gravité de la démence.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Il s’agit d’une étude longitudinale sur 6 mois, à Southampton, au Royaume-Uni. Soixante patients non fumeurs sont sélectionnés et sont atteints d’une démence légère à modérée. Les participants à cette étude devaient avoir la capacité d’exprimer seuls leur consentement. Un médecin psychiatre s’est assuré que les participants ont bien compris les tenants et aboutissants de l’étude et, lorsque les patients ne sont plus capables de consentir, ils sont retirés de l’étude.

Les patients sélectionnés passent un premier test cognitif principal (ADAS-COG) et un test secondaire (s-MMSE). Puis ces patients sont prélevés afin de pouvoir quantifier la CRP, le TNFα et la cytokine anti-inflammatoire IL-10.

L’état parodontal des patients est évalué selon l’indice de plaque en score 1 (plaque identifiable à l’aide d’une sonde) et score 2 (plaque identifiable sans sonde), la profondeur de poche et les saignements au sondage par un hygiéniste calibré permettant d’établir ou non le diagnostic de parodontite. Les patients sont ensuite revus à 6 mois en compagnie de leur soignant principal pour réévaluation.

RÉSULTATS

L’âge moyen de la population étudiée était de 77 ans et 50 % d’entre eux étaient des hommes ; 89 % des participants présentaient de la plaque dentaire dont 11,8 % sans usage d’une sonde et 69,1 % à l’aide d’une sonde. La profondeur moyenne de sondage était de 2,5 mm avec 6,7 % de sites présentant des poches parodontales supérieures à 3 mm.

Un diagnostic de parodontite a concerné 22 patients dont 15 en parodontite modérée et 7 en parodontite sévère. La moyenne des scores ADAS-COG et s-MMSE était respectivement de 46,2 et 20,4 points.

À la réévaluation à 6 mois, on objectivait une différence significative dans le changement du score ADAS-COG en fonction de la présence de parodontite mais cette différence n’était pas significative pour le score s-MMSE. Une association significative était observée entre le déclin du score ADAS-COG et le nombre de dents au départ de l’étude. En revanche, il n’y avait pas d’association significative retrouvée entre les taux d’anticorps anti-P. gingivalis dans le sang et le déclin du score ADAS-COG ou s-MMSE.

DISCUSSION

Dans la maladie d’Alzheimer, les patients atteints de démence sévère ont une moins bonne santé bucco-dentaire au vu de la difficulté rencontrée à s’occuper de leur hygiène. En revanche, il n’existe pas d’étude prouvant qu’une hygiène bucco-dentaire insuffisante était en corrélation avec un état cognitif plus faible dans le temps, et ce indépendamment de l’état cognitif de base.

Cette étude montre une association forte entre la présence d’une parodontite et l’augmentation significative du déclin cognitif.

Les auteurs soulignent le fait que :

- l’étude devrait être reproduite afin de réduire les doutes concernant cette association ;

- il n’est pas impossible que les patients deviennent plus sensibles au développement de la parodontite du fait du déclin cognitif par des mécanismes encore inconnus ;

- la parodontite soit en réalité un facteur de confusion et qu’elle soit le reflet d’une réponse inflammatoire ou immunitaire modifiée en raison de la maladie d’Alzheimer.

D’autres études ont montré que les anticorps dirigés contre le microbiote parodontal peuvent précéder de nombreuses années le développement de la maladie d’Alzheimer.

Enfin, si, comme le suggère cette étude, il existe une relation directe entre la parodontite et le déclin cognitif, les auteurs pensent que le traitement de la parodontite pourrait être une option de traitement possible dans la maladie d’Alzheimer.

PERTINENCE CLINIQUE

De plus en plus, il est évident que les maladies parodontales constituent une branche dont le mécanisme est encore trop peu connu et que leurs conséquences dans l’organisme demeurent encore abstraites. Il apparaît aussi nécessaire, depuis un certain nombre d’années, de traiter la parodontite au sein d’une approche pluridisciplinaire et centrée sur le patient.

Le but de l’analyse de cet article, plus ancien que d’autres dans cette rubrique, est de rappeler à partir de d’un exemple parmi d’autres (ici la maladie d’Alzheimer), que le praticien à un rôle à jouer dans la prise en charge globale de ses patients et que de plus en plus de liens sont faits entre les maladies bucco-dentaires (notamment parodontales) et d’autres maladies plus systémiques. Avant de tirer un lien définitif entre maladie d’Alzheimer et parodontite, d’autres études tirant des conclusions similaires seront nécessaires.

La Revue de presse est coordonnée par

Philippe FRANCOIS

AHU en OCE, UFR Odontologie, Université de Paris

Ont collaboré à cette revue de presse

Charline CERVELLERA

Spécialiste qualifiée en Chirurgie orale, DDS Candidate 2021, University of California, Los Angeles

Marie-Joséphine CRENN

AHU en Prothèse, UFR Odontologie, Université de Paris

Martin GAUDINAT

Interne DESCO, Hôpital Pitié Salpêtrière, AP-HP, Paris

Mathieu IZART

Attaché en OCE, UFR Odontologie, Université de Paris

Marianne LAGARDE

AHU en Odontologie pédiatrique, UFR Odontologie, Université de Paris

Bichoy MATTA

AHU en Parodontologie, UFR Odontologie, Université de Paris

Alexandre PIERGA

Attaché en OCE et Odontologie pédiatrique, UFR Odontologie, Université de Paris Exercice libéral privé, Paris

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