Traitement avec succès d'un échec - Implant n° 1 du 01/02/1998
 

Implant n° 1 du 01/02/1998

 

Augmentation verticale de crête osseuse

Chirurgie

Paul Mattout *   Catherine Mattout **  


*Chirurgien-dentiste
**Chirurgien-dentiste
Groupe d'études en parodontologie et implantologie (Gépi)
21, rue Sylvabelle 13006 Marseille

Le principe de la régénération osseuse guidée (ROG) permet d'augmenter, de manière prévisible, le volume osseux d'un site implantaire.

Cependant, des complications peuvent apparaître, en particulier l'exposition et la contamination bactérienne d'une membrane.

Dans le cas présenté, deux fixtures de Brånemark présentaient des spires à nu supracrestales. Une technique de ROG a été utilisée à l'aide d'une membrane,...


Le principe de la régénération osseuse guidée (ROG) permet d'augmenter, de manière prévisible, le volume osseux d'un site implantaire.

Cependant, des complications peuvent apparaître, en particulier l'exposition et la contamination bactérienne d'une membrane.

Dans le cas présenté, deux fixtures de Brånemark présentaient des spires à nu supracrestales. Une technique de ROG a été utilisée à l'aide d'une membrane, Gore Tex. Deux mois plus tard, la membrane fut exposée et dut être retirée. Quelques semaines plus tard, une nouvelle intervention avec pose d'une membrane Gore Tex Augmentation Material (GTAM) permit de transformer l'échec en succès total. Le résultat est resté stable depuis plus de cinq ans.

L'application du principe de la régénération tissulaire guidée au traitement des défauts osseux péri-implantaires a été utilisée pour élargir les indications d'implantations.

De nombreuses études ont montré l'intérêt de la ROG pré- ou péri-implantaire [1-3]. Une condition essentielle du succès de la ROG est le parfait enfouissement de la membrane pendant plusieurs mois [4]. Cependant, quelques complications, liées ou non à des erreurs de la technique chirurgicale, ont été observées.

La complication la plus redoutée est la colonisation bactérienne de la membrane par des germes pathogènes [5]. Dans ce cas, la membrane sera rapidement exposée dans la cavité buccale, le tissu néoformé contaminé n'aura plus les compétences de reconstruction osseuse. Il y aura donc échec de la ROG.

L'échec peut également apparaître par un processus inverse : il y a d'abord exposition de la membrane, puis infection secondaire. Un certain nombre de causes peuvent être à l'origine de l'exposition de la membrane : par exemple une insuffisance de la technique opératoire, le site et le volume du défaut osseux, une compression excessive de la muqueuse recouvrant la membrane [6]. Nous décrirons, dans ce travail, un cas où la technique de ROG a été utilisée au moment de la pose de deux fixtures au maxillaire. L'insuffisance de la hauteur d'os disponible laissa de nombreuses spires à nu. La membrane utilisée fut exposée quelques semaines plus tard et déposée.

Nous verrons ici le protocole chirurgical mis en œuvre pour traiter ce cas et transformer l'échec de la ROG en succès total.

Présentation du cas clinique

Une patiente de 50 ans, devant être implantée au maxillaire, présentait un volume osseux insuffisant. La pose de deux fixtures - sites 23 et 24 - aboutit à l'exposition de cinq à six spires sur la totalité de leur circonférence (fig. 1).

Il fut décidé de réaliser une augmentation verticale de la crête osseuse par la technique de ROG. Une membrane GTAM fut ajustée et mise en place. Les deux vis de couverture des implants assuraient la fixation de la membrane (fig. 2).

Deux mois plus tard, une complication apparut. Une forte inflammation de la muqueuse et une douleur inquiétèrent la patiente. Celle-ci, qui habitait outre-mer, consulta un praticien sur place qui lui prescrivit une antibiothérapie. Une semaine plus tard, à notre cabinet, nous constations une nécrose superficielle laissant apparaître les vis de couverture et la membrane (fig. 3). Nous décidions alors de déposer la membrane (fig. 4) et de débrider le site inflammatoire. Le tissu recouvrant les spires implantaires initialement dénudées était peu dense (indice 1) (tableau I) et d'aspect très inflammatoire. Les parties dénudées des fixtures furent soigneusement nettoyées et détoxifiées à l'acide citrique (pH 1). Les lambeaux vestibulaire et palatin furent positionnés coronairement, puis suturés en immergeant totalement les fixtures (fig. 5). Une antibiothérapie (Clamoxyl® 500 mg, 2 g/jour pendant huit jours) fut prescrite.

Trois mois plus tard, la cicatrisation était indemne de toute inflammation (fig. 6). Les implants étaient totalement enfouis. Il fut décidé de retenter une technique de ROG. Une incision sur la crête et deux incisions de décharge permirent d'élever les lambeaux vestibulaire et palatin et de mettre à nu les spires implantaires exposées (fig. 7). Une membrane GTAM fut ajustée et fixée par les vis de couverture des implants.

Un greffon osseux allogène (os allogène : DFDBA = demineralized freeze dried bone allograft) () fut inséré sous la membrane pour maintenir un espace entre la membrane et l'os sous-jacent (fig. 8 et 9).

Une incision périostée permit de positionner coronairement les lambeaux et de les suturer hermétiquement en enfouissant minutieusement la membrane. Une antibiothérapie fut prescrite pendant huit jours. Il fut demandé à la patiente de n'exercer aucune pression.

La membrane resta enfouie sous la muqueuse sans aucune complication postopératoire. Quinze mois plus tard, la deuxième phase chirurgicale implantaire fut programmée. L'élévation du lambeau mit à nu la membrane (fig. 10). Après dépose des vis de couverture, la membrane fut retirée et laissa apparaître le tissu néoformé. Celui-ci recouvrait totalement les spires implantaires initialement à nu et semblait suffisamment volumineux aussi bien en vue vestibulaire (fig. 11) qu'en vue occlusale (fig. 12). Sa densité évaluée à la sonde n° 23 semblait tout à fait satisfaisante (cf. fig. 12 ) et correspondait à un indice 4 (cf. tableau I ). Les fixtures sont actuellement en charge depuis plus de cinq ans avec une stabilité totale des résultats.

La comparaison des radiographies, avant traitement et cinq ans après, montre également la stabilité du gain d'os péri-implantaire (fig. 13 et 14).

Discussion et conclusion

L'exposition prématurée d'une membrane GTAM constitue une des complications à redouter dans les techniques de ROG, surtout si cette exposition est précoce (inférieure à quatre mois). Une corrélation significative a été mise en évidence entre la durée d'enfouissement d'une membrane et la qualité du tissu néoformé [4].

Dans le cas présenté, le tissu, qui avait colonisé les spires implantaires au moment de l'exposition de la membrane, était de type inflammatoire et dut être éliminé.

Dans une étude précédente [7], il fut montré que l'indice de densité (cf. tableau I ) permettait d'estimer le type de résultat. Plus l'exposition d'une membrane est précoce, plus l'indice de densité est faible. Et plus cet indice est faible, plus le tissu néoformé est inflammatoire et incapable de se transformer en tissu de type osseux. Il ne semble être d'aucune utilité de réenfouir un tissu néoformé de mauvaise qualité car il ne pourra acquérir les potentialités pour se transformer en tissu osseux et ce, quelle que soit la durée du réenfouissement du tissu néoformé. Il est particulièrement important d'éviter toute traction des lambeaux après les sutures et d'interdire toute compression sur le site opéré, que ce soit par la mastication ou par une prothèse (même enduite d'une base souple). Nous devons également noter que le DFDBA a été utilisé dans le seul but de maintenir un espace entre la membrane et les surfaces implantaires exposées. Cependant, nous n'avions observé aucune différence significative lorsqu'une membrane était utilisée seule ou associée au DFDBA [7]. Aujourd'hui, nous avons abandonné l'utilisation de cet os qui ne présente pas toutes les qualités qu'on lui attribuait [3, 7]. Il semble que son seul interêt serait d'être ostéoconducteur et de jouer un rôle de mainteneur d'espace. Cette propriété est moins importante grâce à l'utilisation de membranes renforcées par des tiges de titane et donc permettant de maintenir un espace entre la membrane et le défaut osseux.

Ce travail montre qu'il est possible, en cas de complication et d'échec d'une technique de ROG, de retenter avec succès la même technique à condition de prendre toutes les précautions dans l'asepsie et dans la technique chirurgicale. Les paramètres essentiels intervenant dans le succès de cette technique sont le maintien d'un espace sous la membrane et le bon enfouissement sous-muqueux de cette membrane pendant un minimum de huit à neuf mois.

Par ailleurs, ce cas montre qu'il est possible d'obtenir un gain osseux dans le sens vertical après une pose d'implants émergeant de la crête de 3 ou 4 mm. Ce type de résultat a déjà été rapporté par Simion et al. [8] et Tinti et al. [9].

Gore Tex WL (Flagstaff, USA) distribué par Pharmadent, 45, rue Jean-Jaurès, 92300 Levallois-Perret. Tél. : 01 41 06 64 64. Fax : 01 41 06 64 65.

Pacific Coast, Los Angeles, USA.

Bibliographie

  • 1. Nyman S, Lang K, Buser D, Bragger U. Bone regeneration adjacent to titanium dental implants using guided tissue regeneration. A report of two cases. Int J Oral Maxillofac Implants 1990; 5:9-14.
  • 2. Dalhin C, Andersson L, Lindhe A. Bone augmentation of fenestrated implants by an osteopromotive membrane technique. A controlled clinical study. Clin Oral Implant Res 1991;2: 159-165.
  • 3. Becker WB, Dahlin C, Becker BE, Lekholm U, Van Steenberghe D, Higuchi K, Hultje C. The use of e-PTFE barrier membranes for bone promotion around titanium implants placed into extraction sockets: a prospective study. Int J Oral Maxillofac Implants 1994;9:31-40.
  • 4. Lekholm U, Becker W, Dahlin C, Becker BE, Donath K, Morrison E. The role of early versus late removal of GTAM membranes on bone formation around oral implants placed in immediate extraction sockets. An experimental study in dogs. Clin Oral Implant Res 1993;4:121-129.
  • 5. Nowzari H, Slots J. Microbiological and clinical study of polytetrafluoroethylene membranes for guided bone regeneration around implants. Int J Oral Maxillofac Implants 1995;10:67-73.
  • 6. Mattout P, Nowzari H, Mattout C. Complications post-chirurgicales de la régénération osseuse guidée. J Parodontol Implantol Oral 1996;15:185-197.
  • 7. Mattout P, Nowzari H, Mattout C. Clinical evaluation of guided bone regeneration at exposed parts of Brånemark dental implants with and without bone allograft. Clin Oral Implant Res 1995;6:189-195.
  • 8. Simion M, Trisi P, Piatelli A. Vertical ridge augmentation using a membrane technique associated with osseointegrated implants. Int J Periodont Rest Dent 1994;14:497-511.
  • 9. Tinti C, Parma-Benfenati S, Polizzi G. Augmentation de crête en hauteur. Quelle en est la limite ? Int J Periodont Rest Dent 1996;16:221-229.