Pose en un-temps chirurgical d'implants de Brånemark : une option thérapeutique fiable - Implant n° 3 du 01/08/1999
 

Implant n° 3 du 01/08/1999

 

Chirurgie

William Becker*   Jean Pierre Lucchini**   John Doerr***  


*DDS, MSD, OD (hc), Associate professor
University of Southern California School of Dentistry
Department of Periodontology Los Angeles California
**DDS
10, quai Saint-Antoine 69002 Lyon
***DDS
5255 E. Knight Drive Tuscon, Arizona, États-Unis

Les implants de Brånemark peuvent être posés en un-ou deux-temps chirurgicaux. L'expérimentation animale et des essais cliniques montrent que, comparée à la démarche en deux-temps, la chirurgie en un-temps donne des résultats fiables. Cette dernière technique s'adresse toutefois aux patients présentant un os en quantité suffisante et de bonne qualité. Cet article analyse les conditions favorables à sa mise en œuvre, décrit les plans de traitement adaptés aux différents cas de figures rencontrés et en explique les avantages.

La fiabilité des implants endo-osseux a révolutionné la dentisterie. Brånemark et ses collègues ont présenté des études à long terme démontrant les succès cliniques de ces implants [1-3]. Au cours des dix dernières années, le protocole chirurgical original de Brånemark a connu plusieurs modifications [4]. On considère aujourd'hui que la pose d'implants au moment de l'extraction [5-8] est une méthode fiable et sûre [9-10]. Des travaux cliniques ont récemment confirmé la fiabilité de la pose en un-temps d'implants de Brånemark [11-14]. Les résultats de notre étude montrent un taux de succès cumulé de 94,2 % à un an [14]. Les implants ont été posés dans des arcades totalement ou partiellement édentées, dans des sites unitaires et dans des sites immédiatement après extraction.

Pose en un-temps d'implants de Brånemark

La pose d'implants en un-temps chirurgical offre plusieurs avantages. Les patients ne sont soumis qu'à une étape chirurgicale. L'expansion de la muqueuse kératinisée commence dès la pose de l'implant et la durée totale entre cette pose et la restauration finale en est raccourcie. En toute logique, cela devrait se traduire par une diminution du coût du traitement pour le patient. Le but de cet article est de décrire le diagnostic et le plan de traitement, et de présenter les observations de patients ayant reçu des implants de Brånemark en un-seul-temps chirurgical.

Diagnostic et plan de traitement

La pose d'implants doit être précédée d'un examen médical et dentaire approfondi. Les patients atteints d'un diabète mal contrôlé, les grands fumeurs et les sujets sous traitement stéroïdien de longue durée présentent un risque d'échec implantaire. Les patients doivent être interrogés sur ce qu'ils attendent et désirent d'une reconstruction sur implants.

Chez le patient denté, on procède à un examen parodontal complet avec des radiographies rétro-alvéolaires, une radiographie panoramique et des tomographies. Dans la plupart des cas, la tomographie numérique n'est pas souhaitable, car elle soumet le patient à une irradiation excessive. Chez le sujet édenté, on peut ajouter au bilan radiographique une céphalographie. Tous ces éléments sont nécessaires pour évaluer la qualité de l'os, sa quantité, la position relative des sinus maxillaires et la localisation à la mandibule des nerfs dentaires et mentonniers. Les patients avec un os de qualité médiocre (type IV) [15], une crête alvéolaire de largeur ou de hauteur insuffisante ou présentant un site déficient qui nécessiterait une greffe osseuse ne sont pas de bons candidats pour la pose d'implants de Brånemark en un-seul-temps chirurgical.

Le chirurgien, le praticien en charge de la restauration et le technicien de laboratoire doivent faire le bilan médico-dentaire du patient et établir un plan de traitement global. Les cas d'édentation totale de la mandibule, les remplacements unitaires sur le secteur antérieur du maxillaire et la pose immédiate d'implants après extraction se prêtent à la démarche chirurgicale en un-temps. Le patient doit avoir une anatomie favorable de l'arcade osseuse (type A, B, C) et présenter un os de bonne qualité (type I, II, III). Il devra s'abstenir de porter ses prothèses pendant au moins trois semaines. Si possible, le patient édenté partiel ne devrait pas porter de prothèse amovible pendant la période de consolidation (quatre mois à la mandibule, quatre à six mois au maxillaire). Une prothèse provisoire amovible sur le secteur antérieur du maxillaire peut être insérée le jour de la chirurgie à condition qu'il n'y ait aucun contact avec les piliers de cicatrisation.

Guide chirurgical

On a intérêt à préparer des maquettes-diagnostic en cire. Elles servent à évaluer la position de l'implant et à réaliser un guide de forage.

Chirurgie

Le patient est anesthésié avec le produit approprié et, du côté lingual de la crête, on incise la muqueuse dans toute son épaisseur de façon à récliner des lambeaux muco-périostés. Si l'on doit poser des implants dans les secteurs postérieurs de la mandibule, on veillera à bien repérer et identifier le nerf mentonnier. Guide chirurgical en place, on procède au forage de l'os. L'implant une fois inséré, la jauge de profondeur servant à mesurer le pilier est posée sur le sommet de l'implant ; les bords des lambeaux sont ajustés pour être au contact de la jauge de profondeur ; le pilier de cicatrisation choisi doit dépasser de 1 mm la mesure qui a été prise. Chaque pilier de cicatrisation est étroitement fixé sur la tête de l'implant correspondant. Les bords du lambeaux sont adaptés autour des piliers et suturés par des points discontinus. Il est recommandé aux patients de brosser délicatement les piliers de cicatrisation à l'aide d'une brosse monotouffe. Les sutures sont retirées au bout d'une semaine ; le patient peut alors reprendre ses mesures d'hygiène habituelles. Les prothèses sont rebasées avec un matériau souple après trois semaines de cicatrisation.

Cas cliniques

Patient I

Cette patiente de 67 ans, en bonne santé, est édentée à la mandibule et éprouve des difficultés à porter sa prothèse amovible (fig. 1a). Elle se plaint essentiellement de ne pouvoir manger efficacement et ressent une gêne tissulaire due à l'appareil. L'image radiographique révèle une bonne anatomie osseuse de la mâchoire (type B) et un os de bonne qualité (type 3) (fig. 1b). On coule des modèles d'étude et on utilise la prothèse de la patiente comme patron pour réaliser le guide chirurgical. Le plan de traitement final prévoit la réalisation d'une prothèse fixée portée par cinq implants de Brånemark répartis entre les trous mentonniers. La patiente est prémédiquée par injection intraveineuse d'un sédatif, puis anesthésiée localement. On effectue des incisions linguales par rapport à la ligne faîtière de la crête. On récline les lambeaux et on pose cinq implants endo-osseux en respectant le protocole chirurgical standard [16]. Les piliers de cicatrisation choisis sont étroitement adaptés aux implants (fig. 1c). Les lambeaux sont rabattus en place et refermés par des sutures discontinues en polytétrafluoroéthylène . Ces sutures sont retirées au bout de sept jours. On constate à ce moment que le bord du lambeau s'est déplacé en direction coronaire au niveau de l'un des implants. L'excès de tissu est alors réséqué et la cicatrisation se poursuit sans plus d'incident. Cinq mois plus tard, on radiographie les sites chirurgicaux et on vérifie la qualité de la cicatrisation muqueuse (fig. 1d). En regard de l'un des implants choisi au hasard et du côté vestibulaire, on incise un petit lambeau (fig. 1e) qu'on écarte pour s'assurer du niveau de l'os. On observe que celui-ci est stable et on place alors les piliers prothétiques classiques (fig. 1f). Les empreintes finales sont prises le jour même de la mise en place des piliers. Dans les quatre semaines qui suivent, la prothèse fixe implanto-portée est placée à son tour (fig. 1g). Un an après la mise en charge, le niveau de l'os, évalué d'après les radiographies, est stable (fig. 1h).

Patient II

Cette jeune fille nous est adressée pour examen de l'incisive centrale maxillaire gauche fracturée (fig. 2a). On ne relève aucun signe d'atteinte parodontale ; l'hygiène est bonne et l'indice de saignement faible. La patiente présente une ligne du sourire plutôt horizontale qui découvre les papilles interdentaires lors du sourire épanoui (fig. 2b et 2c). L'examen radiographique comprend un cliché rétroalvéolaire et une seule tomographie linéaire. La largeur vestibulo-palatine est de 4,5 mm et la hauteur mesurée de la crête alvéolaire à la limite inférieure du nez est de 16 mm. On prépare des modèles d'étude ainsi qu'une maquette de préfiguration en cire.

Après avoir anesthésié les tissus, on effectue des incisions intrasulculaires vestibulo-palatines. Les tissus sont réclinés a minima. On utilise un petit élévateur, le Molt CM2 , pour luxer la dent de mésial en distal. Une fois la racine extraite, l'alvéole est prudemment cureté à l'aide de petites curettes et irrigué de sérum physiologique stérile. Le guide chirurgical est mis en place et l'os est préparé selon le protocole de forage habituel. Il est important d'utiliser le prolongateur de foret dans le cas où la petite fraise ronde (pilote) n'atteindrait pas avec précision l'emplacement approprié du futur implant. Lorsqu'on pose un implant au moment de l'extraction, on ne parvient pas toujours à obtenir une préparation parfaite avec le foret à évasement. On vérifie la relation de voisinage entre la tête de l'implant et les dents adjacentes à l'aide d'un indicateur de direction. Pour créer un profil d'émergence correct de la future restauration, il faut que la tête de l'implant se trouve au minimum à 3 mm en dessous de la jonction émail-cément des dents adjacentes [17]. La figure 2d montre l'implant en place et la préservation intégrale des papilles interdentaires. Un pilier de cicatrisation de 4 mm est fermement vissé à l'implant et les papilles sont suturées avec du fil 4-0 par points discontinus (fig. 2e). La prothèse provisoire est évidée de façon à n'exercer aucun contact sur le pilier de cicatrisation. La cicatrisation s'effectue sans incident.

La patiente est réexaminée six mois après la chirurgie. L'examen clinique et radiographique (fig. 2f et 2g) révèle un rapport os-implant excellent ainsi que la présence d'un tissu kératinisé sain bordant le pilier de cicatrisation. Celui-ci est retiré et nous prenons une empreinte de la tête de la fixture. La restauration finale est réalisée sur un pilier Procera retaillé sur mesure. Elle nous paraît d'une excellente qualité esthétique et fonctionnelle (fig. 2h).

Discussion

Les résultats de plusieurs études multicentriques montrent que les implants du système Brånemark peuvent être posés avec succès soit en un-temps, soit en deux-temps chirurgicaux [11-14]. Le choix judicieux du cas à traiter joue un rôle déterminant pour le succès à long terme. Les patients présentant un os favorable en qualité et quantité sont d'excellents candidats à la pose d'implants en un-temps. C'est cette démarche chirurgicale que nous utilisons pour restaurer des mandibules totalement édentées ou des édentations partielles [14]. La méthode est également appliquée avec succès pour la pose d'implants immédiatement après extraction. L'un des critères de réussite est la stabilité de l'os marginal autour de l'implant [18]. Plusieurs études témoignent de cette stabilité après la mise en charge d'implants posés en un-seul-temps chirurgical.

Mais cette approche doit être évitée dans les cas d'édentation totale du maxillaire. La protubérance des piliers de cicatrisation fait obstacle à la stabilité des prothèses maxillaires. Le déplacement de ces prothèses amovibles occasionne une mise en charge prématurée des implants susceptible de précipiter leur perte. Une méthode pour éviter la mise en charge intempestive consiste à utiliser des piliers de cicatrisation courts ; la muqueuse risque alors de proliférer sur ces piliers. Si tel est le cas, on procède à une chirurgie mineure d'excision au moment du raccordement des piliers prothétiques. Le système Brånemark offre aux patients, aux chirurgiens et aux praticiens-prothésistes la possibilité de choisir la pose d'implants en un-ou deux-temps opératoires sans changer d'équipement ni recourir à des fournitures spéciales. Les empreintes finales peuvent être prises le jour du raccordement des piliers prothétiques sans devoir attendre la maturation des tissus muqueux.

La démarche en un-temps diminue la durée du traitement depuis l'insertion de l'implant jusqu'à l'achèvement de la prothèse terminale. En dernière analyse, les vrais bénéficiaires en sont les patients : la totalité du traitement demande moins de temps ; une seule intervention chirurgicale suffit et les dépenses engagées peuvent éventuellement être réduites.

(1) WL Gore, Z. I. de Saint-Guénault, 4, rue Jean-Mermoz, 91031, Evry Cedex. Tél. : 01 60 79 60 79. Fax : 01 60 77 27 60.

(2), HuFriedy, Clos Cigalon, Chemin de Piedequien, 13390, Auriol. tél. : 04 42 72 83 03. Fax : 04 42 72 83 20.

(3) Nobel Biocare, 80, avenue des Terroirs-de-France, 75607, Paris Cedex 12. Tél. : 01 53 33 89 10. Fax : 01 53 33 89 33.

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