Développement des armatures en titane pour la prothèse implantaire - Implant n° 3 du 01/08/2001
 

Implant n° 3 du 01/08/2001

 

Prothèse

Anders Örtorp*   Torsten Jemt**  


*LDS
**LDS, professeur associé et chef de service
The Brånemark Clinic Public Dental Health Medicinaregatan 12 C 413 90 Göteborg, Suède

Résumé

Cet article décrit l'historique des armatures en titane et un nouveau procédé pour fabriquer des armatures en titane pour la prothèse implantaire. La technique montre des résultats préliminaires prometteurs avec près de 6 000 armatures fabriquées durant ces trois dernières années. Les données cliniques positives laissent entrevoir de nombreuses possibilités de développement futur.

Summary

The present paper has described the history of titanium frameworks, and a new protocol to fabricate titanium frameworks in implant dentistry. The technique show early promising results and the fact that almost 6,000 frameworks has been fabricated during the last three years support the positive clinical data and indicate the potentials for further developments.

Key words

Implant , rehabilitation, titanium framework , computer numeric controlled fabrication

Durant ces 15 dernières années, les armatures en titane ont fait l'objet d'études et de développements pour la prothèse implantaire. La logique de ce développement s'est associée à différents aspects de la dentisterie restauratrice. Pour le patient, il est important de trouver un métal de substitution de moindre prix afin de réduire le coût du traitement implantaire. De plus, lorsque les cliniciens introduisent de nouveaux matériaux implantaires, il faut que ce soit dans le but de réduire le nombre de matériaux de restauration différents placés dans la cavité buccale. L'utilisation de matériaux similaires (le titane) pour fabriquer à la fois les composants implantaires et la suprastructure prothétique devient alors un avantage évident. Le titane a montré des propriétés biologiques favorables et le risque potentiel de corrosion en bouche peut alors être minimisé. Ce matériau, aux propriétés biologiques intéressantes, rend également possible la fabrication de prothèses sous-gingivales jusqu'au niveau de la tête de l'implant, excluant ainsi les composants de pilier et permettant d'utiliser des éléments de vissage pour le bridge qui sont mécaniquement plus solides. Cependant, cela requiert également des techniques de fabrication offrant une précision d'ajustage supérieure au niveau des implants [1].

Bien que le titane se soit toujours avéré précis en comparaison avec les techniques de coulée conventionnelle [1, 2], ce matériau autorise également d'autres techniques de fabrication industrielles pour les armatures [3-14]. Certaines limites sont inhérentes à la technique de coulée conventionnelle. Les armatures en or sont normalement fabriquées selon la technique de la cire perdue qui est décrite comme étant source de problèmes [1, 2]. Plus il y a d'alliage en or dans une coulée, plus le risque de déformation est élevé [1, 2]. Par ailleurs, plus la ligne sur laquelle sont placés les piliers (dents/implants) est courbe, plus on observe de déformation au niveau des armatures [1, 2]. Les techniques de fabrication de substitution utilisant le titane pourraient, par conséquent, être favorables dans les situations de résorption extrême des maxillaires ou chez les patients resaurés avec des fixtures zygomatiques qui nécessitent l'utilisation d'armatures volumineuses.

Plusieurs modifications de composants en titane pré-usinés ont été expérimentées depuis l'introduction de ces nouvelles techniques d'armatures [3-16].Ces modifications ont été faites en vue d'améliorer le concept de la prothèse définitive ainsi que la précision et la solidité mécanique de l'armature [6-14]. Le but de cet article est de décrire l'historique des armatures en titane et d'illustrer la technique actuelle, fondée sur l'utilisation de procédés de fraisage numérique contrôlé par ordinateur (CNC, computer numeric controlled), en vue de fabriquer des armatures en titane d'une seule pièce (All-In-One) en prothèse implantaire.

Historique

En 1985-1986, les armatures en titane soudées au laser à partir d'éléments pré-usinés ont été les premières expérimentées en prothèse implantaire, pour remplacer les coulées en alliage d'or conventionnelles. Depuis, ces suprastructures ont été développées en plusieurs étapes, fondées sur des techniques différentes [4-6, 10]. Les auteurs de cet article ont participé à ce développement et expérimenté quatre générations de fabrication différente d'armatures en titane.

La première génération d'armature (type I) était fondée sur l'utilisation de cylindres en titane pré-usinés et d'une barre [4, 12]. Les cylindres étaient placés sur le maître-modèle et la poutre était assemblée après un certain nombre d'adaptations. Ces éléments étaient soudés par laser à rayonnement unique, grâce à deux lasers placés de chaque côté de l'armature métallique [3, 4]. Ensuite, la totalité de l'armature en titane était enrobée de résine. Cette technique était facile à réaliser et, de ce fait, peu onéreuse. Cependant, elle présentait occasionnellement quelques problèmes : l'aspect volumineux de la prothèse finale avec des difficultés de nettoyage rencontrées par le patient, des problèmes muqueux et des fractures de l'armature au niveau des points de soudure [4-12].

Forte de l'expérience de la première génération, la deuxième génération d'armatures en titane (type II) a été conçue pour être plus personnalisée. Dans cette technique, différents composants en titane avec des cylindres ont été utilisés [4]. Ceux-ci étaient placés sur le maître-modèle (Fig. 1), puis fraisés jusqu'à un même et unique niveau. La barre en titane était soudée à cette surface plane au moyen de deux lasers afin de réaliser l'armature (Fig. 2). Les variations d'angulation de ce plan fraisé ainsi que la mise en place de la barre permettaient une certaine personnalisation de ce type d'armature. La technique de la résine enrobée autour de la barre pouvait éventuellement être aussi appliquée dans ce procédé, comme moyen de rétention pour les dents en résine. Cependant, cette deuxième génération d'armature en titane présentait quelques problèmes de volume trop important, et des problèmes de déformation [1, 4, 12].

Afin de pallier l'aspect massif et les problèmes de déformation, une troisième génération d'armature en titane a été expérimentée (type III). De petits composants en titane étaient fabriqués individuellement, pour chaque pilier en titane, sur le maître-modèle par le technicien de laboratoire (Fig. 3). Les composants de l'armature, après avoir été profilés, étaient à nouveau réunis par la technique de soudure au laser. Puis les dents en résine ou en porcelaine étaient respectivement cuites ou montées sur l'infrastructure en titane [10, 13, 15]. Cette technique procurait une armature bien conçue, mais demandait trop de temps au technicien pour fraiser ces armatures au laboratoire, ce qui minimisait les avantages des éléments pré-fabriqués et rendait le procédé trop onéreux.

Technique actuelle

La technique actuelle de fabrication de l'armature en titane suit les étapes cliniques classiques, à savoir: empreinte définitive, enregistrement des relations intermaxillaires et essayage esthétique avant la fabrication de l'armature métallique (Tableau I). En conséquence, même si le clinicien ne modifie en rien le protocole thérapeutique, au laboratoire en revanche, cette technique fait appel à un concept totalement nouveau de fabrication des armatures pour les prothèses implanto-portées [6, 14]. La technique est fondée sur un concept selon lequel le technicien de laboratoire fabrique une maquette en résine de l'armature définitive (Fig. 4 et 5). Un laser enregistre la forme de la maquette en résine et transmet les informations à un ordinateur (Fig. 6). Les informations concernant la position respective des implants à l'intérieur du maître-modèle sont ensuite ajoutées à la fiche de l'ordinateur en mesurant le maître-modèle à l'aide d'une machine à mesurer les coordonnées (CMM : coordinate measuring machine) (Fig. 7). Lorsque toutes les données ont été saisies dans l'ordinateur, une armature est fraisée dans une masse unique de titane placée dans une machine de fraisage numérique contrôlé par ordinateur (CNC), comportant 5 degrés de liberté. Le procédé de fraisage est réalisé sur un bloc compact de titane (Fig. 8).

L'armature est ensuite placée dans la machine à mesurer les coordonnées (CMM) pour en confirmer la précision (Fig. 7), dégrossie et polie, puis envoyée au clinicien pour un essayage (Fig. 9 et 10). Après l'essayage de l'armature en titane, le technicien a la possibilité de polymériser des dents en résine ou de monter de la porcelaine basse fusion sur l'armature métallique (Fig. 11).

Discussion

Cette technique utilise un concept de fabrication totalement nouveau pour les armatures métalliques utilisées en prothèse implantaire. En introduisant un procédé industriel - au lieu d'une manipulation manuelle de coulée - le contrôle de la précision d'ajustage est amélioré [6]. Lorsque le clinicien peut se fier aux fabrications, l'expérience a prouvé que la nécessité d'un rendez-vous clinique particulier, pour tester l'ajustage de l'armature, n'était plus indispensable [6, 14]. Cela permet de gagner du temps et augmente le confort clinique (Tableau I).

Cependant cette observation est fondée sur un protocole clinique fiable permettant de fabriquer un maître-modèle précis. Il n'en reste pas moins que les techniques d'empreintes conventionnelles et celles de fabrication traditionnelles des maîtres-modèles impliquent toujours de nombreuses manipulations susceptibles de compromettre la précision finale du maître-modèle. L'ajustage clinique final peut donc être compromis, aussi parfait que puisse être celui de l'armature sur le maître-modèle. Le fait que la technique All-In-One soit fondée sur un protocole industriel digitalisé introduit néanmoins d'autres options possibles pour enregistrer la position des implants en bouche. Ainsi, les photographies en 3D de la situation clinique ont été expérimentées comme une option possible pour remplacer la prise d'empreinte [16]. Cette technique a montré une adaptation clinique comparable pour les armatures usinées issues d'une photographie 3D et celles réalisées à partir d'un maître-modèle conventionnel (Fig. 12).

Les premières expériences faites avec les armatures en titane réalisées par fraisage numérique contrôlé par ordinateur (CNC) ont montré des résultats encourageants, par rapport à ceux obtenus avec les armatures issues de techniques de coulées conventionnelles [14]. L'étude ne montre pas de différences majeures quant au taux de survie des implants et des prothèses entre le groupe en titane fraisé CNC et le groupe témoin des coulées conventionnelles, et ce durant la première année de mise en fonction. Peu de problèmes ont été rapportés dans les deux groupes, et les résultats cliniques et radiologiques sont comparables. Aucune complication mécanique majeure n'a été enregistrée et la réponse osseuse était similaire dans les deux groupes. Les résultats présentés dans ce premier article concernaient des patients édentés totaux restaurés avec des armatures All-In-One surmontées de facettes en résine. Cependant, les armatures en titane ont également été décrites pour des restaurations implantaires unitaires [17] et partielles [13, 15], en combinaison avec de la porcelaine basse fusion. La technique de cuisson de la porcelaine basse fusion sur le titane est encore dans un stade précoce de son développement, mais quelques données cliniques sont disponibles. Ces expériences préliminaires montrent des résultats comparables à ceux obtenus avec la porcelaine conventionnelle cuite sur des armatures métalliques. Les fractures importantes de porcelaine semblent rares, avec une fréquence équivalente dans les deux systèmes de porcelaine, mais de petits éclats superficiels semblent être légèrement plus fréquents pour les porcelaine basse fusion [13,15]. Il est toutefois important de noter que la technique de porcelaine à basse fusion est encore au stade de développement préliminaire et que l'on peut espérer de prochaines améliorations.

Le présent article décrit l'historique des armatures en titane, et un nouveau protocole pour fabriquer des armatures en titane pour la prothèse implantaire. La technique montre des résultats préliminaires prometteurs, et le fait que près de 6 000 armatures ont été fabriquées au cours des trois dernières années vient renforcer les données cliniques positives et laisse entrevoir des possibilités de développement futur.

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