Décontamination de surfaces implantaires micro-rugueuses par des traitements mécaniques Decontamination of micro-rough implant surfaces using various mechanical procedures - JPIO n° 4 du 01/11/2018
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2018

 

Article

Salma Zayane1 / Selena Toma2 / Michel Brecx3 / Gilles Gagnot4 / Jérôme Frédéric Lasserre5  

1- Licenciée en sciences dentaires, spécialiste agréée en parodontologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Service de parodontologie, Université catholique de Louvain2- Chef de clinique adjoint, licenciée en sciences dentaires, spécialiste agréée en parodontologie, docteur en sciences dentaires, Cliniques universitaires Saint-Luc, service de parodontologie, Institut de recherche expérimentale et clinique (IREC), pôle de morphologie, Université catholique de Louvain, Belgique3- Professeur émérite, licencié en sciences dentaires, spécialiste agréé en parodontologie, docteur en sciences dentaires, Cliniques universitaires Saint-Luc, service de parodontologie, Université catholique de Louvain, Belgique4- Exercice privé, Vitré, France5- Praticien hospitalier, licencié en sciences dentaires, spécialiste agréé en parodontologie, docteur en sciences dentaires, Cliniques universitaires Saint-Luc, service de parodontologie, Université catholique de Louvain, Belgique

Résumé

Résumé

La décontamination de la surface implantaire est primordiale dans le traitement des péri-implantites. Toutefois, la composante infra-osseuse souvent retrouvée dans les lésions péri-implantaires peut limiter l'accès à la surface à décontaminer. Peu d'études in vitro ont évalué les méthodes de décontamination en tenant compte de ce paramètre. Cette étude in vitro a ainsi pour objectif de comparer l'efficacité de trois modalités de traitement utilisées pour l'élimination mécanique d'un biofilm sur des implants en titane à surface micro-rugueuse.

Des implants Southern Implants® (n = 40) sont fixés dans des cubes en résine dure transparente, au niveau desquels une lésion de type infra-osseuse circonférentielle est créée. Ils sont ensuite contaminés par un biofilm mono-espèce de Streptococcus gordonii pendant 72 heures avant d'être finalement traités mécaniquement pendant deux minutes soit par (i) une curette universelle en plastique (n = 10), par (ii) aéro-polissage à l'AIR-N-GO® easy (n = 10), ou enfin par (iii) implantoplastie (n = 10). Dix implants contaminés et non traités servent de contrôles. Le biofilm résiduel est quantifié par une analyse de la biomasse au cristal violet et l'analyse statistique est réalisée avec un test de Kruskal-Wallis.

Dans cette étude, l'implantoplastie s'est révélée être la méthode de décontamination la plus efficace, puis l'aéro-polissage. La décontamination par l'implantoplastie est supérieure à l'aéro-polissage et à la curette en plastique (p < 0,001). L'aéro-polissage est également significativement plus efficace que la curette (p < 0,01).

En conclusion, cette étude de simulation in vitro d'une lésion infra-osseuse péri-implantaire met en évidence de façon significative que l'implantoplastie élimine la contamination par Streptococcus gordonii des surfaces implantaires micro-rugueuses. La méthode d'utilisation d'un aéro-polisseur est efficace et celle par des curettes en plastique est moins efficace. La réalisation d'études randomisées est néanmoins nécessaire afin de valider l'efficacité de ces moyens de décontamination et leur utilisation en clinique.

Summary

Abstract

The decontamination of an implant surface is essential for the treatment of peri-implantitis. Nevertheless, the configuration of the intrabony defect may limit the accessibility to the implant surface. Few in vitro studies evaluated disinfection methods taking this limitation into account. The aim of this study was to compare the effectiveness of three treatment modalities on the removal of a specific bacterial biofilm from titanium dental implants.

Streptococcus gordonii biofilms were grown for 72 hours on entire micro-rough titanium implants (Southern Implants®) inserted in plastic cubes mimicking an intrabony defect (n = 40). Ten implants were contaminated and served as controls. Contaminated implant surfaces were then treated mechanically with either (i) plastic curette (n = 10), (ii) glycine air-polishing (n = 10) or (iii) implantoplasty (n = 10) for two minuts. The remaining biomass was then measured by crystal violet as to evaluate and compare the relative efficiency of these tested modalities.

Implantoplasty and air-polishing both induced a highly significant decrease of the biofilm mass when compared to the controls (p < 0.001) (Kruskal-Wallis). Nevertheless, Implantoplasty was more efficient than air-polishing (p < 0.001). Air-polishing was significantly superior than the plastic curette in decreasing the biomass (p < 0.01).

The plastic curette technique was by far the less efficient in removing the biofilm.

Implantoplasty and air-polishing with glycine powder are the most efficient techniques for the removal of this S. gordonii biofilm from contaminated micro-rough implants in the present model. Clinical randomized studies should be further conducted in order to confirm these results and the reliability in clinical practice of these mechanical decontamination techniques.

Key words

Oral Implants, peri-implantitis, biofilms, decontamination.

Introduction

L'implant dentaire est une alternative clinique à l'édentement de plus en plus fréquente (Derks et al., 2016).

Une revue de littérature s'est intéressée au taux de survie des implants dentaires (Albrektsson et Donos, 2012). Cette méta-analyse a montré que le taux de survie implantaire atteignait en moyenne 97,7 % à cinq ans et 94,9 % à dix ans. Les taux de survie étant élevés, l'implant dentaire unitaire peut donc être considéré comme une option thérapeutique sûre.

Malgré ces taux de survie élevés, des complications surviennent fréquemment. Ces dernières peuvent être d'ordre biologique, mécanique ou esthétique.

Les complications biologiques se divisent d'une part en mucosite, définie comme une inflammation superficielle des tissus péri-implantaires, et d'autre part en péri-implantite, décrite comme étant une inflammation associée à une perte osseuse (Claffey et al., 2008). Ces complications biologiques sont considérées comme étant une problématique grandissante en médecine dentaire (Derks et al., 2016).

Le terme de péri-implantite a été introduit pour la première fois suite à une recherche portant sur l'étude du microbiote autour d'implants dentaires présentant ou pas une perte osseuse périphérique (Mombelli et al., 1987). Les premières définitions des maladies péri-implantaires ont été proposées en 1994 dans un rapport publié à la suite du premier European Workshop on Periodontology (EWOP) (Albrektsson et Isidor, 1994). La mucosite était décrite comme une inflammation réversible des tissus entourant un implant en fonction. La péri-implantite était, elle, définie comme une inflammation associée à une perte osseuse.

Il y a une grande divergence dans la littérature en ce qui concerne la fréquence globale de ces maladies. Cela peut être attribuable au fait que leur définition n'est pas la même dans toutes les études, comme cela a été évoqué dans une revue de littérature publiée en 2008 (Zitzmann et Berglundh, 2008). À cette époque, les auteurs concluaient que les études transversales étaient rares. Deux grandes études réalisées en Suède sur 662 et 216 sujets ont montré que la péri-implantite était observée respectivement chez 28 % et 16 % des sujets examinés et dans 12 % et 7 % des sites implantaires observés (Fransson et al., 2005 ; Roos-Jansaker et al., 2006). Selon une revue systématique publiée en 2013 par Atieh et al., la prévalence de la mucosite atteindrait 64,3 % des patients et 30,7 % des implants. La péri-implantite, elle, concernerait 18,8 % des patients et 9,6 % des implants.

Afin de mieux traiter les maladies péri-implantaires, nous devons pouvoir les définir précisément et de manière consensuelle.

Les complications biologiques implantaires regroupent l'ensemble des réactions inflammatoires des tissus autour d'un implant. Elles sont le résultat d'un déséquilibre entre les micro-organismes et les défenses de l'hôte, menant à une inflammation pathologique des tissus péri-implantaires (Lang et Berglundh, 2011). Elles peuvent être initiées et maintenues par des facteurs iatrogènes tels que la fusée de ciment de scellement, un pilier prothétique mal adapté ou une mauvaise position de l'implant (Lang et Berglundh, 2011).

Le microbiote associé aux maladies péri-implantaires est décrit comme étant un biofilm multi-espèces anaéorobie assez similaire à celui retrouvé en sous-gingival chez les patients souffrant de parodontite chronique (Mombelli et Décaillet, 2011). Cependant, certaines espèces (i.e Staphylococcus Aureus), qui ne sont pas retrouvées dans les parodontites chroniques sont présentes dans les lésions péri-implantaires (Persson et Renvert, 2014).

Réaliser un diagnostic précoce est primordial dans le traitement de ces maladies (Heitz-Mayfield, 2008). Pour ce faire, les examens proposés sont le sondage des tissus péri-implantaires et les examens radiologiques. Les cliniciens sont encouragés à faire une radiographie lorsqu'ils observent un saignement et une augmentation de la profondeur au sondage. Les études cliniques indiquent qu'il y a un risque élevé de progression de la maladie lorsqu'il y a une profondeur au sondage supérieure à 5 mm, associée à un saignement au sondage (Lang et Berglundh, 2011).

Les facteurs de risque des maladies péri-implantaires sont le mauvais contrôle de plaque, les antécédents de maladies parodontales, le tabagisme, les fusées de ciment de scellement et le manque de suivi (Renvert et Quirynen, 2015).

Les traitements des péri-implantites et des mucosites incluent la décontamination de la surface implantaire. Elle se fait par l'élimination mécanique du biofilm et du tartre. Pour ce faire, certains auteurs vont choisir l'utilisation d'agents chimiques tels que l'acide citrique ou la chlorhexidine, l'utilisation de laser ou encore l'association de ces méthodes (Figuero et al., 2014). Le traitement optimal serait d'éliminer les contaminants (les bactéries et leurs produits), le tartre et les tissus inflammatoires. En effet, pour espérer une recolonisation par les cellules osseuses et pour que les méthodes de régénération fonctionnent, il faut rétablir une surface qui permette la formation osseuse (Claffey et al., 2008).

Les méthodes de décontamination mécanique proposées dans la littérature sont l'aéro-polissage, le curetage manuel ou ultrasonique, l'implantosplastie, le polissage avec cupules et pâtes abrasives, ou bien le laser. Il n'y a pas de méthode qui s'est montrée supérieure en termes d'amélioration des paramètres cliniques (Claffey et al., 2008). John et al. (2014) et Toma et al. (2016) ont testé une brosse rotative en titane, mais il existe peu d'informations sur l'efficacité de ces méthodes en termes d'élimination du biofilm.

Cette étude in vitro a pour objectif de comparer l'efficacité de trois moyens d'élimination mécanique d'un biofilm sur des implants en titane à surface micro-rugueuse : la curette universelle en plastique, l'aéro-polisseur AIR-N-GO® easy et l'implantoplastie. Ces trois moyens sont comparés dans la situation spécifique d'une lésion infra-osseuse circonférentielle simulée dans un bloc de résine qui peut limiter l'accès à la surface implantaire. Cette étude in vitro a donc pour particularité d'ajouter un facteur important : l'accessibilité des surfaces implantaires en clinique.

Matériels et méthodes

L'étude a été réalisée sur des implants Southern® (Southern Implants, Pretoria, South Africa) d'un diamètre de 4 mm et de 10 mm de long (ITSTA 410). Ces implants sont réalisés à partir de titane pur de grade 4 (ASTM-F67-95). Leur état de surface est micro-rugueux. Ceux-ci ont été placés dans des cubes en résine dure transparente de 11 mm de côté. Ces cubes ont été préalablement préparés, deux cônes ont été fraisés au centre des cubes. Le premier, plus grand, va entourer la partie coronaire des implants et simuler une lésion de type infra-osseuse circonférentielle. Le deuxième, fraisé au centre du premier, est plus petit pour accueillir la partie apicale des implants. Les dimensions sont précisées dans la figure 1 (fig. 1).

Quarante implants ont été inclus pour réaliser cette étude.

Quatre groupes ont été formés :

1. Groupe contrôle (N = 10)

← →

N = 5 contrôle positif N = 5 contrôle négatif

2. Groupe curette en plastique (N = 10)

3. Groupe aéro-polisseur (N = 10)

4. Groupe implantoplastie (N = 10)

Cinq expériences de huit implants ont été réalisées. Lors de chaque expérience, sept implants ont été contaminés et chaque modalité de traitement a été appliquée sur deux implants. Les deux implants restants ont servi de contrôles : un positif contaminé mais pas traité et un négatif stérile (tableau 1).

La contamination des implants a été réalisée en les immergeant dans un bouillon de culture inoculé par la bactérie Streptococcus gordonii (souche ATCC 10558), afin de former un biofilm mono-espèce à leur surface.

Mise en place des implants

Les implants ont d'abord été placés manuellement à l'aide d'un instrument de la firme Southern® dans les cubes en résine (fig. 2). Les ensembles cube/implant ont enfin été placés dans un bac, au centre duquel une pièce en mousse a été fixée afin de pouvoir les plaquer aux parois (fig. 3). Ce système a été conçu pour pouvoir les immerger ensemble dans le bouillon sans que les implants ne remontent à la surface ni ne touchent le fond du bécher.

Contamination des implants

A. Stérilisation du matériel expérimental : la stérilisation du matériel (bac, cubes, implants, bécher, mousse) a été réalisée à l'oxyde d'éthylène (température : 55 oC, durée 8 h 00, pression absolue : 3,20 bars). L'implant « contrôle négatif » est, lui, stérilisé seul avec son cube.

B. Salive : la présence de glycoprotéines salivaires peut faciliter la formation d'un biofilm sur la surface des implants. En effet, la salive et ses composants jouent un rôle important dans la colonisation bactérienne de la cavité buccale, notamment dans la phase d'adhésion (Scannapieco, 1994). De la salive non stimulée a donc été récoltée de volontaires et stérilisée. La salive non stimulée présente moins de variations dans la composition inter- et intra-sujets (Chen et al., 2015).

C. Cinq cents millilitres de salive non stimulée ont été récoltés chez quatre volontaires sains. La salive a été diluée cinq fois avec de l'eau physiologique et centrifugée pendant 10 minutes à 4 000 tours par minute (centrifugeuse VWR, CompactsStar CS4). Le surnageant a ensuite été récolté à l'aide d'une pipette et filtré trois fois dans des filtres Millipore (le premier avec des pores de 5 μm, le deuxième de 0,8 μm et le dernier de 0,22 μm). Une fois stérilisée, la salive est conservée à –20 oC dans des tubes de 10 ml.

D. Pour chaque expérience, 0,3 ml de surnageant salivaire filtré est alors placé à l'aide d'une pipette stérile dans les cubes au niveau de la lésion circonférentielle afin de mouiller la surface des implants.

E. Le surnageant salivaire est laissé au contact de la surface implantaire pendant 30 minutes à 37 oC. La salive est ensuite aspirée.

F. Bouillon de culture : l'espèce bactérienne choisie pour la contamination des implants est le Streptococcus gordonii (souche ATCC 10558). Elle est anaérobie facultatif et commensale de la cavité buccale. C'est un colonisateur primaire de la plaque dentaire et elle est considérée par certains auteurs comme un pathogène accessoire permettant la colonisation du biofilm par le Porphyromonas gingivalis (Hendrickson et al., 2017). Les bactéries sont mises en culture sur des boîtes de Petri et ensuite les colonies formées sont transposées dans un milieu de culture liquide (Tryptic Soy Broth, hémine + vitamine K).

Après inoculation des colonies de Streptococcus gordonii, le bouillon est placé pendant 24 heures dans la tente anaérobie. Par la suite, la concentration de bactéries en suspension dans le bouillon est mesurée après ce temps d'inoculation avec un densitomètre (BIOSAN, Riga, Lettonie) qui mesure la densité optique à 550 nm et la convertit en unités McFarland. Elle est ajustée à 1,1 McFarland pour chaque expérience.

Après mouillage des implants par la salive, le bac contenant les sept ensembles cube-implant est fixé au bécher contenant le bouillon à l'aide de pinces métalliques pour y être immergé afin de laisser se former le biofilm sur les surfaces implantaires. Avant cette manipulation, l'implant « contrôle négatif » a été placé dans un tube Falcon de 10 ml contenant du tampon phosphate salin (Phosphate Buffered Saline, PBS).

Enfin, l'ensemble est placé dans la tente anaérobie sous atmosphère contrôlée. Le bécher est positionné sur un agitateur magnétique (fig. 4). Après 72 heures, chaque ensemble bloc/implant est traité selon l'une des modalités de traitement sélectionnées.

Traitement

Après 72 heures de mise en culture, le bécher est sorti de la tente anaérobie. Les blocs sont placés un à un dans les puits d'une plaque à douze puits contenant du PBS. Les implants sont traités puis désolidarisés des blocs et placés dans des puits contenant du PBS d'une plaque à 24 puits, afin d'être rincés et d'éliminer les bactéries non adhérentes. Quatre faces par implant (A-B-C-D) ont été déterminées. Le temps de traitement par implant est de deux minutes avec trente secondes par face.

Modalités de traitement

1. Groupe « curette en plastique » : le traitement est réalisé avec une curette de la firme Hu-Friedy en résine (PlasteelTM). La curette est une curette universelle de type Columbia 4R/4L (fig. 5). Une vingtaine de passages étaient réalisés par face durant les trente secondes de traitement.

2. Groupe « aéro-polisseur » : le matériel utilisé pour cette modalité de traitement est la technologie développée par la société Satelec avec leur aéro-polisseur AIR-N-GO® easy, la poudre PERIO à base de glycine (25 μm) et la buse PERIO (fig. 6). Chaque face était traitée depuis la base de la lésion en remontant progressivement et avec un mouvement circonférenciel tout en gardant une distance d'environ 1 mm avec la surface.

3. Groupe « implantoplastie » : le traitement est réalisé avec un contre-angle rapide de la marque KaVo et une fraise diamantée (SHOFU®, 0842) (fig. 7). La fraise était utilisée avec irrigation à 200 000 t/min sur chaque face et du fond de la lésion vers la partie coronaire avec un mouvement circonférenciel. Une nouvelle fraise était utilisée pour chaque implant à traiter.

Une fois les implants traités ils sont donc d'abord placés dans les puits contenant du PBS d'une plaque à 24 puits et ensuite ils sont déplacés dans des puits secs de la même plaque. Celle-ci est alors placée dans une étuve pendant 40 minutes à 40 oC (fig. 8). Cette étape a pour but de fixer le biofilm afin de commencer le test de quantification de la biomasse résiduelle au cristal violet.

Quantification du biofilm

Test au cristal violet

La biomasse est quantifiée par la coloration au cristal violet (1 %, solution aqueuse, SIGMA Life Science, St Louis, MO, USA). Le test est réalisé sur tous les implants. Le cristal violet (CV) est un colorant basique qui colore aussi bien les cellules vivantes que les cellules mortes, en se liant aux molécules de surface chargées négativement et aux polysaccharides de la matrice extracellulaire.

Le protocole choisi pour cette étude se base sur les travaux de Peeters et al. (2008), Extremina et al. (2011) et Cabal et al. (2012).

Une fois les implants secs, chacun d'entre eux est placé dans un puit contenant du cristal violet 1 % (dilué deux fois au PBS) pendant 15 minutes dans le noir. Puis ils sont rincés trois fois au PBS pour éliminer les excès. Ensuite, ils sont immergés dans une solution d'acide acétique à 33 % (1 ml) pendant 15 minutes à 37 oC. Pour finir ils sont vortexés pendant 5 secondes, remis dans le noir pendant 15 minutes et vortexés une dernière fois pendant 5 secondes afin de libérer le cristal violet lié au biofilm et d'homogénéiser. Cent microlitres de ces solutions d'acide acétique sont prélevés par implant et placés dans les puits de la plaque de lecture pour mesurer l'absorbance au spectrophotomètre à 570 nm (MULTISKAN EX, THERMO Electron Corporation, Wilmington, USA) (fig. 9).

Statistiques

Les données concernant la biomasse sont calculées en valeur de densité optique (+ écarts-types) et analysées à l'aide du logiciel Graph Instat Software version 3.0. Un test statistique non paramétrique de Kruskal Wallis a été appliqué afin de déterminer une différence entre les différents groupes de traitement. Une valeur de p < 0,05 était considérée comme étant statistiquement significative.

Résultats

Dix mesures d'absorbance sont prises. La relation de Beer-Lambert décrit qu'à une longueur d'onde donnée, l'absorbance d'une solution est proportionnelle à sa concentration et à la longueur du trajet optique. Donc plus la valeur de l'absorbance est faible, moins il reste de biofilm sur les implants.

La figure 10 (fig. 10) est un diagramme représentant les moyennes d'absorbance obtenues par groupe avec les écarts-types. L'implantoplastie a la moyenne la plus faible, suivie de l'aéro-polissage. La tableau 2 est un tableau qui présente les moyennes d'absorbances par groupe et par expérience (tableau 2).

Les différences entre l'implantoplastie et l'aéro-polissage, l'implantoplastie et la curette, l'implantoplastie et le groupe contrôle sont extrêmement significatives avec p < 0,001. La différence entre l'aéro-polissage et la curette est très significative avec p < 0,01. Celle entre l'aéro-polissage et le groupe contrôle est extrêmement significative également avec p < 0,001. La différence entre le groupe curette et le groupe contrôle est significative avec p < 0,05.

Discussion

Cette étude in vitro confirme que les différentes modalités de traitement mécanique n'éliminent pas le biofilm des surfaces implantaires avec la même efficacité. Le modèle présenté tente de se rapprocher de la réalité clinique en prenant en compte la notion d'accès à la lésion, facteur important qui est oublié dans les études sur disque ou cylindre.

Trois modalités couramment utilisées sont comparées : (i) la curette universelle en plastique, (ii) l'aéro-polisseur AIR-N-GO et (iii) l'implantoplastie. Dans les conditions expérimentales de cette étude, ces trois méthodes éliminent de manière significative le biofilm. L'implantoplastie est la technique qui donne les meilleurs résultats et la différence entre elle et les autres groupes est extrêmement significative. L'aéro-polissage présente également une bonne efficacité.

Cette étude in vitro est réalisée sur des implants tels qu'ils sont commercialisés pour la pratique clinique. Il y a deux avantages à avoir fait ce choix. Le premier est qu'elle se démarque des autres études in vitro car une grande majorité d'entre elles sont réalisées sur des disques ou des cylindres en titane (Louporoulou et al., 2014). Le second avantage est que ce modèle se rapproche de la réalité clinique ; lorsque les études sont réalisées sur des disques et des cylindres, il n'y a que la nature de la surface et la micro-topographie qui sont respectées, la macrostructure (spires) ne l'est pas, l'accès à la lésion souvent infra-osseuse non plus.

En clinique il y a des facteurs qui compliquent l'accès des instruments à la surface implantaire, tels que la forme de l'implant et de la suprastructure, la morphologie de la lésion osseuse parfois étroite et infra-osseuse, ainsi que la présence des tissus mous. Dans une étude in vitro réalisée par Mouhyi et al. (1998), les implants sont fixés sur des disques en aluminium avant d'être traités mais ceci est assez éloigné des conditions rencontrées en clinique.

Le modèle expérimental proposé dans l'étude présente essaie de s'en rapprocher. En effet, les implants sont fixés dans des cubes en résine dans lesquels une lésion calibrée de type infra- osseuse circonférentielle est créée.

Une autre particularité est la méthode choisie pour quantifier le biofilm. La coloration au cristal violet marque les bactéries et la matrice extracellulaire. Ceci semble approprié lorsque l'efficacité d'élimination de la biomasse est recherchée. L'avantage est qu'elle permet de le faire sur une surface importante (ici sur la totalité de la surface exposée des implants). En analysant la viabilité bactérienne par culture, comme par exemple dans l'étude réalisée par Barbour et al. (2007), la quantité de bactéries vivantes après traitement aurait pu être estimée mais ce n'était pas l'objectif de ce travail de recherche.

Une des limites de cette étude in vitro est néanmoins que les implants sont contaminés par un biofilm mono-espèce sans dépôts minéralisés. Ce type de contamination est différent de la réalité clinique dans la nature des bactéries composant le biofilm. Une autre limite est que l'efficacité des techniques de décontamination n'a pas été comparée sur des implants non placés dans les cubes.

Cependant, le principal objectif du traitement des péri-implantites est de décontaminer la surface implantaire du biofilm pathogène. Le modèle choisi dans cette étude est donc en ce sens approprié afin de tester l'efficacité des différentes modalités de traitement mécanique même si la nature du biofilm dentaire in vivo est bien plus complexe.

En clinique, cette décontamination a pour but d'obtenir une résolution de l'inflammation, un arrêt de la perte tissulaire, Pour y arriver, il faut trouver la méthode de décontamination des surfaces qui est suffisamment efficace pour diminuer la charge bactérienne et retrouver un équilibre entre les défenses immunitaires et le microbiote (Mombelli, 2002). Cette méthode doit également rendre et laisser les surfaces biocompatibles.

En effet, les surfaces implantaires subissent des modifications lorsqu'elles sont traitées de façon mécanique (Quirynen et Bollen, 1995). Il y a des changements dans la micro-topographie, la composition chimique et l'énergie de surface des surfaces en titane (Mouhyi et al., 1998). Ceci pourrait avoir un impact sur la biocompatibilité et également sur la formation de la plaque dentaire (Teughels et al., 2006).

En ce qui concerne la biocompatibilité de la surface implantaire après des traitements mécaniques, Dmytryck et al. (1990) observent que, sur les surfaces traitées par une curette en métal, la morphologie des fibroblastes change, ce qui laisse penser que la surface est moins compatible à leur croissance. Cependant, une étude in vitro réalisée en 2001 montre que la croissance des fibroblastes est possible sur des surfaces instrumentées par des limes diamantées (Rühling et al., 2001). Une étude in vitro récente réalisée sur la biocompatibilité de surfaces en titane traitées compare quatre modalités de traitement : l'implantoplastie, la curette en plastique, l'aéro-polissage et une brossette rotative en titane. La conclusion de cette étude est que l'implantoplastie est la seule méthode qui modifie la surface du titane en termes de morphologie, composition chimique et mouillabilité. Toutes les modalités permettaient cependant de conserver une certaine biocompatibilité des surfaces après traitement. En effet, la croissance d'ostéoblastes n'était affectée par aucun des traitements ni par la formation molécules biologiques telles que l'ostéocalcine ou la phosphatase alcaline (Toma et al., 2016).

Une revue systématique réalisée par Louporoulou et al. (2012) évalue l'effet de différents instruments sur la surface implantaire. La conclusion en est que les instruments non métalliques et les cupules semblent être les meilleures options pour ne pas altérer les surfaces lisses. Concernant les surfaces rugueuses, ce sont les instruments non métalliques et l'aéro-polissage qui sont conseillés, si l'intégrité de la surface veut être maintenue. Les instruments métalliques et les fraises sont indiqués lorsque le but est de lisser une surface rugueuse. En effet, des études ont montré que lorsque la rugosité de l'implant est diminuée, il y avait une diminution de la formation du biofilm (Quirynen et Bollen, 1995).

Cette étude évalue trois modalités de traitement, dont la curette en plastique depuis longtemps utilisée comme standard mais qui n'est pas indiquée dans la décontamination des surfaces rugueuses (Louporoulou et al., 2012).

L'aéro-polissage a été réalisé avec une poudre de glycine. Il peut également se réaliser avec une poudre à base de bicarbonate. Dans une étude réalisée par Schwarz et al. (2009), ces deux poudres sont comparées. Les auteurs concluent qu'elles sont équivalentes en termes d'efficacité pour décontaminer les surfaces rugueuses ou lisses. Cependant, la poudre à base de bicarbonate, lorsqu'elle est utilisée à répétition sur le titane, crée des altérations ce qui n'est pas le cas des poudres à base de glycine (Schwarz et al., 2009).

L'implantoplastie est la méthode qui s'est montrée la plus efficace dans cette étude in vitro pour décontaminer les surfaces de la biomasse. Son efficacité dans le traitement des péri-implantites lorsqu'elle est associée à une chirurgie résectrice a également été quelques fois démontrée en pratique clinique avec une stabilité des résultats obtenus jusqu'à plusieurs années de suivi (Romeo et al., 2005 ; Schwarz et al., 2017). Elle peut donc être considérée comme une option possible pour la prise en charge des péri-implantites. Toutefois, cette approche nécessite plus de données scientifiques et de travaux de recherche clinique afin de valider son innocuité sur le long terme.

En conclusion, cette étude in vitro confirme l'intérêt de l'implantoplastie et de l'aéro-polissage dans la décontamination des surfaces implantaires micro-rugeuses dans un modèle in vitro prenant en considération la composante infra-osseuse des lésions péri-implantaires.

Remerciements

Les auteurs remercient sincèrement Madame Ana Maria Dos Santos Gonçalves pour son aide précieuse au laboratoire ainsi que les sociétés Southern Implants® et Satelec® pour leur apport en matériel nécessaire aux expérimentations.

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