Article
Selena TOMA1 / Catherine BEHETS2 / Michel BRECX3 / Jérôme Frédéric LASSERRE4
1- Chef de clinique adjoint, licenciée en sciences dentaires, spécialiste agréée en parodontologie, docteur en sciences dentaires, Cliniques universitaires Saint-Luc, service de parodontologie, Institut de recherche expérimentale et clinique (IREC), pôle de morphologie, Université catholique de Louvain, Belgique2- Professeur, docteur en médecine, docteur en sciences médicales, Institut de recherche expérimentale et clinique (IREC), pôle de morphologie, Université catholique de Louvain, Belgique3- Professeur émérite, licencié en sciences dentaires, spécialiste agréé en parodontologie, docteur en sciences dentaires, Cliniques universitaires Saint-Luc, service de parodontologie, Université catholique de Louvain, Belgique4- Praticien hospitalier, licencié en sciences dentaires, spécialiste agréé en parodontologie, docteur en sciences dentaires, Cliniques universitaires Saint-Luc, service de parodontologie, Université catholique de Louvain, Belgique
Résumé
Les implants dentaires représentent de nos jours une des options thérapeutiques les plus fréquentes en vue de remplacer une ou plusieurs dents. Malgré un taux de succès élevé à 5 ans, de plus en plus de cas d'inflammation péri-implantaire accompagnée de perte osseuse sont décrits dans la littérature. On estime que 30 % des patients souffriraient actuellement de péri-implantite. La compréhension des mécanismes biologiques à l'origine de cette pathologie est essentielle afin de définir de futures stratégies de prévention et de traitement.
Nowadays, dental implants represent one of the most used options to replace missing teeth. Despite a high success rate at 5 years, an increasing number of peri-implant inflammation cases associated with loss of the supporting tissues are reported. Approximately 30% of patients with dental implants develop peri-implantitis. It is essential to understand the physio-pathological mechanisms occurring during this disease to develop future preventive and therapeutic strategies.
Parmi les implants à ancrage osseux, dont l'usage est très répandu en chirurgie orthopédique, les implants dentaires ont la particularité d'associer une interface os-implant et la proximité de la muqueuse gingivale.
La stabilité à long terme des implants dentaires reflète leur ostéo-intégration dans l'os alvéolaire (Brånemark et al., 1969). Une ostéo-intégration réussie repose impérativement sur la stabilité primaire, ou stabilité mécanique, de l'implant lors de sa mise en place. L'os compact fournit un ancrage initial conférant à l'implant une stabilité primaire, tandis que l'os spongieux, riche en vaisseaux sanguins, permet l'arrivée de cellules progénitrices mésenchymateuses. Ces deux organisations tissulaires de l'os favorisent l'ostéogenèse via le contact étroit de la surface de l'implant avec le tissu osseux compact et les ostéoblastes des espaces intertrabéculaires (Davies et al., 2003).
Dès lors, le succès clinique d'un implant ostéo-intégré dépend de facteurs locaux incluant l'état de surface, la forme de l'implant, la qualité de l'os, le type de connexion ainsi que la réaction de l'hôte.
L'ostéo-intégration repose en outre sur un couplage efficace de l'activité des cellules osseuses, ostéoblastes et ostéoclastes, régulée par de nombreux facteurs locaux et systémiques, tels que des cytokines et des facteurs de croissance. Le métabolisme cellulaire du tissu osseux est contrôlé par des hormones, principalement l'hormone thyroïdienne, des facteurs de transcriptions tels que SOX9, RUNX2 ou encore OSX (Akiyama et al., 2005 ; Kronenberg et al., 2004 ; Nakashima et al., 2002), ainsi que via différentes voies de signalisation moléculaires incluant des protéines morphogéniques osseuses, comme BMPs, Hedgehog, Notch, Wnt et FGF (Rosen et Thies, 1992 ; St-Jacques et al., 1999, Hilton et al., 2008 ; Long, 2012). Outre ces facteurs systémiques, d'autres contingences régionales interfèrent avec le succès de l'ostéo-intégration.
Le terme de péri-implantite a été utilisé pour la première fois en 1987, pour décrire une nouvelle maladie ressemblant à une parodontite mais touchant les implants dentaires. Celle-ci se caractérise par une inflammation des tissus entourant l'implant dentaire incluant les tissus mous et le tissu osseux (Mombelli et al. 1987). L'adhésion d'un biofilm pathogène sur la surface de l'implant et les tissus péri-implantaires va donner lieu à une inflammation des tissus mous et à une perte osseuse progressive (Scarano et al., 2004). La plaque dentaire est considérée comme la première étiologie des péri-implantites et ce dans une relation de cause à effet (Zitzmann et al., 2001). D'autres facteurs de risques ou indicateurs ont été liés à la survenue de péri-implantite, tels que le tabac ou des antécédents de maladies parodontales (Sanz et Chapple, 2012, Renvert et Quirynen, 2015). Plus récemment, de nouvelles pistes incluant la biocompatibilité, le placement de l'implant ainsi que la libération de particules de titane, ont été envisagées comme autant d'éventuels facteurs de risque (Trindade et al., 2016).
Les cellules osseuses appartiennent à deux lignées distinctes, les cellules mésenchymateuses et les cellules hématopoïétiques.
Les ostéoblastes, à savoir l'ostéoblaste mature, la cellule bordante et l'ostéocyte, forment un ensemble de cellules toutes issues de cellules progénitrices mésenchymateuses. Elles ont pour fonction la formation de la matrice osseuse, mais cette fonction varie suivant la localisation et l'activité de chaque type cellulaire (Rodan Ga, Rodan Gb elsevier).
Les ostéoblastes matures ont la double fonction de synthétiser la matrice organique du tissu osseux (Dudley et Spiro, 1961) riche en collagène de type 1, en ostéocalcine et en phosphatase alcaline (Long et al., 2012), et de contrôler le processus de minéralisation. La matrice synthétisée consiste principalement en du collagène de type 1 associé à des glycosaminoglycanes et des protéines non collagéniques régulant la minéralisation de la matrice, telles que l'ostéopontine et l'ostéonectine. La proportion de chaque constituant dépend de l'état de maturité de l'os et de son niveau de calcification.
La lignée des ostéoblastes est caractérisée par l'expression de diverses molécules tels que l'ostéocalcine, le récepteur à l'hormone parathyroïdienne (PTHR), la sclérostine et le récepteur activateur du ligand de NFKB (RANKL). RANKL est une cytokine qui joue un rôle primordial dans la différenciation des ostéoclastes ; elle est produite par les ostéoblastes mais aussi par d'autres cellules mésenchymateuses et non mésenchymateuses, tels que les lymphocytes T et B. Les ostéoblastes et les cellules mésenchymateuses produisent également de l'ostéoprotégérine, qui agit comme un récepteur leurre en se fixant à RANKL et inhibe ainsi l'activation des ostéoclastes en diminuant la résorption osseuse.
Les ostéoblastes matures sont des cellules différenciées qui ne se divisent pas. Au cours de l'apposition de la matrice osseuse, certains ostéoblastes s'y enclavent et deviennent ainsi des ostéocytes (Palumbo et al., 1990, Bonewald et al., 2011), tandis que d'autres, les cellules bordantes, demeurent sur la surface osseuse sous une forme moins active.
Les ostéocytes sont issus des ostéoblastes matures, ils représentent la population osseuse la plus abondante. Enclavés dans la matrice extracellulaire, ils forment un réseau étendu grâce à leurs prolongements qui s'insinuent dans les canalicules osseux afin de former des jonctions intercellulaires avec d'autres ostéocytes et avec les cellules bordantes. Permettant une proprioception sensitive et de conduction (Schneider et al., 2010), les ostéocytes sont des régulateurs importants du remodelage osseux en réponse aux charges occlusales, mais aussi à des signaux hormonaux (Long et al., 2012). De plus, ils sécrètent de nombreuses molécules, dont la sclérostine qui inhibe la fonction ostéoblastique et active les ostéoclastes. Ces cellules, longtemps sous-considérées, jouent un rôle important dans la régulation du remodelage osseux en influençant les ostéoblastes et les ostéoclastes (Bonewald et Johnson, 2008, van Bezooijen et al., 2005).
Les cellules bordantes sont régulées par les mêmes facteurs que ceux qui régulent l'ostéoblaste mature, ce qui leur permet de jouer un rôle important dans le processus de remodelage osseux. De plus, la formation osseuse dépend essentiellement de la prolifération de ces cellules bordant la surface de l'os (Marie et al., 1991).
Les ostéoclastes sont des cellules matures chargées de résorber le tissu osseux calcifié au cours du processus physiologique de remodelage. Ils sont issus de cellules souches hématopoïétiques qui fusionnent entre elles pour former un ostéoclaste mature. La différenciation de ces cellules souches en ostéoclastes résulte notamment de l'interaction entre M-CSF, sécrété par les ostéoblastes, et le récepteur FMS de la cellule précurseur de l'ostéoclaste. L'ostéoclaste mature, multinucléé, résorbe la matrice osseuse calcifiée en formant des lacunes de résorption (fig. 1).
La cascade de différenciation des ostéoclastes comprend l'activation du récepteur pour RANKL (receptor activator of nuclear factor kappa-B ligand). RANK est une protéine transmembranaire appartenant à la famille du récepteur du TNF exprimé à la surface des cellules d'origine hématopoïétique, notamment les ostéoclastes. RANK est une cytokine clé de la genèse des ostéoclastes. La liaison de RANKL à RANK va activer une série de voies métaboliques de transduction qui va mener à la génération d'ostéoclastes activés. Lorsque l'ostéoprotégérine se lie à RANKL, elle bloque l'interaction de celui-ci avec le récepteur RANK, interaction responsable de la différenciation et de l'activation des ostéoclastes. L'ostéoprotégérine induit par le fait même l'apoptose des ostéoclastes. L'ostéoprotégérine est donc un puissant inhibiteur de la résorption osseuse (qui est promue par les ostéoclastes) (fig. 2). De plus, des cytokines pro-inflammatoires vont également affecter la genèse des ostéoclastes tels que TNF, Il-1 et Il-6. Ces trois cytokines sont produites par une gamme assez large de cellules et vont activer une multitude d'autres familles cellulaires via des mécanismes autocrine, paracrine et endocrine impliquant de nombreuses voies de signalisation (Devlin et al., 1998, Ma et al., 2004, De Benedetti et al., 2006). TNF va induire la différentiation de monocytes et de macrophages en pré-ostéoclastes indépendamment de RANKL (Teitelbaum, 2000). Concernant IL-6, celle-ci est la cytokine la plus abondante dans la circulation sanguine et possède une activité endocrine (Naka et al., 2002). Celle-ci est activée après l'apparition de TNF et d'IL-1. Une autre voie de plus en plus décrite est celle régulée par les lymphocytes T helper 17 (TH17), ceux-ci produisent un des plus puissants stimulateurs de RANKL (pour rappel, le facteur clé de la différentiation et activation des ostéoclastes) (Wong et al. 2006).
Les cytokines décrites précédemment vont inhiber la différentiation des ostéoblastes et la genèse de celles-ci favoriser l'action des ostéoclastes. De nombreuses cytokines vont également activer la voie de NFKB qui a un effet négatif sur la fonction ostéoblastique. La régulation des ostéoblastes se base essentiellement sur la voie de signalisation « Wingless type » (Wnt), qui favorise la différenciation ostéoblastique à partir des progéniteurs ostéochondraux (diminution des adipocytes), stimule la prolifération des ostéoblastes et augmente la survie des ostéoblastes et des ostéocytes (diminution de l'apoptose). TNF va mener par exemple à une inhibition de cette voie. La sclérostine va également inhiber l'activité des ostéoblastes en interférant avec la voie WNT et en jouant un rôle antagoniste sur les protéines morphogéniques osseuses.
Pour résumer, la perte osseuse inflammatoire est le résultat de l'hyper-régulation (et donc hyperactivité) des ostéoclastes ainsi que d'une dérégulation (et donc hypoactivité) des ostéoblastes qui va mener à une perte osseuse substantielle (tableau 1).
La péri-implantite est considérée comme l'une des causes principales de la perte d'implants (Berglundh et al., 2002). En effet, 30 % des patients porteurs d'implants dentaires ont développé cette maladie (Berglundh et al., 2002, Roos-Jansaker et al., 2006 ; Mombelli et al., 2012).
Comme dans la parodontite, certains pathogènes bien connus pour leur virulence, tels que Porphyromonas gingivalis, Prevotella Intermedia, ou Aggregatibacter actinomycetemcomitans, sont organisés en biofilm à la surface des implants contaminés (Leonhardt et al., 1999).
Alors que plusieurs études ont montré des similitudes microbiennes entre parodontite et péri-implantite (Carcuac et al., 2016, Charalampakis et Belibasakis, 2015, Mombelli et Décaillet, 2011), d'autres ont impliqué des espèces qui ne sont pas traditionnellement associées à aux maladies parodontales/péri-implantaires, telles que Helicobacter pylori, Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus et Staphylococcus anaerobius dans l'étiologie de la péri-implantite (Persson et Renvert, 2014). La mauvaise compréhension actuelle de l'étiologie microbienne et de la pathogenèse de la péri-implantite pourraient expliquer l'absence de traitement efficace.
Bien qu'ayant la même fonction, des différences peuvent être notées entre une dent naturelle et un implant.
Le tissu conjonctif péri-implantaire est constitué d'un réseau dense de fibres de collagène disposées parallèlement à la surface osseuse, contrairement aux dents, où plusieurs fibres de faisceau de collagène se déplacent dans diverses directions vers différentes structures adjacentes.
Les fibres de collagène alvéolo-gingivales sont fermement insérées dans le cément et dans l'os, dans une direction perpendiculaire ou oblique, servant ainsi de barrière à la migration épithéliale et à l'invasion bactérienne imminente. Contrairement à la liaison élastique entre l'os, le ligament parodontal et le cément autour d'une dent, l'ankylose fonctionnelle/ostéo-intégration de l'implant est une connexion rigide. En l'absence de ligament parodontal et de résilience, les charges sont directement transmises à l'interface os-implant et aucun mouvement compensatoire de l'implant ne peut s'adapter à la dysharmonie occlusale. L'absence de ligament parodontal empêche également l'utilisation d'implants chez les individus en croissance. Les récepteurs très sensibles présents dans le ligament parodontal sont responsables de la sensibilité proprioceptive et tactile autour de la dent. L'absence de ligament parodontal entraîne une diminution de la sensation tactile et de la fonction réflexe autour des implants (Jacobs et Van Steenberghe, 1994, Carcuac et Berglundh, 2014).
Les dents et les implants ont montré des réactions différentes lorsqu'une parodontite expérimentale est réalisée. La formation de plaque sous-gingivale, faisant suite à la pose d'une ligature ayant pour but la formation de lésions parodontales et péri-implantaires chez les chiens Beagles, a révélé des signes de destructions cliniques et radiographiques plus prononcés autour des implants avec une atteinte plus prononcée des tissus mous et osseux autour de l'implant (Lindhe et al., 1992).
Des études histomorphométriques ont révélé que les tissus péri-implantaires et parodontaux ont des ratios comparables de collagène, de vaisseaux et de plasmocytes, alors que les proportions de lymphocytes, de macrophages et de PMN sont plus faibles dans les tissus péri-implantaires. Les implants présentent donc une barrière biologique plus faible permettant une migration plus apicale des cellules inflammatoires (Ericsson et Lindhe., 1993, Carcuac et al., 2013).
Dans les deux pathologies, le système immunitaire répond à l'agression bactérienne en mobilisant différentes cellules immunitaires, dans le but de limiter celle-ci et d'induire une réparation des tissus. Cette réponse implique des cellules issues de l'immunité innée ou acquise qui, à leur tour, produisent des médiateurs cellulaires qui vont amplifier la réponse immuno- inflammatoire. Les principales cytokines concernées sont les interférons, les interleukines et les chimiokines. La plupart de ces cytokines ont un effet sur la différenciation ou l'activité des ostéoblastes et des ostéoclastes.
La majorité des études sur les péri-implantites concernent principalement les aspects microbiologiques, ou alors l'efficacité des traitements (Heuer et al., 2012, Heitz-Mayfield et Mombelli , 2014). Peu d'études se concentrent sur les mécanismes physiopathologiques de cette pathologie.
Le système immunitaire répond à l'agression bactérienne en mobilisant tout d'abord les neutrophiles, les macrophages et ensuite les lymphocytes T et B. La migration de ces cellules de défenses va engendrer une réponse inflammatoire locale au niveau des tissus mous et osseux (Belibasakis et al., 2014). Le recrutement de de ces cellules de défense va mener à la production d'une série importante de cytokines, qui vont moduler la réponse cellulaire locale et humorale via une série de mécanismes de transductions complexes, jouant un rôle primordial dans l'initiation et la progression de la réponse inflammatoire (Bryant et Slade, 2015). Les cytokines pro-inflammatoires telles que TNF-α, IFN-γ, IL-1β, IL-6, IL-12, IL-17 et RANKL, et anti-inflammatoires tels que l- IL-4, IL-10, ainsi que des chimiokines comme l'IL-8, monocyte chimoattractant protein-1, macrophage inflammatory protein-1α, ont été suggérées comme acteurs principaux de la réponse immuno- inflammatoire dans la péri-implantite (Li et Wang, 2014 ; Candel-Martí et al., 2011). Le déséquilibre entre les cytokines pro-inflammatoires et anti-inflammatoires empêche la résolution de l'inflammation menant à une persistance de la lésion et à une destruction des tissus. De plus, le tissu osseux et les cellules de défenses vont interagir, menant à la libération de cytokines induisant des dommages osseux rapidement irréversibles (Bryant et Slade, 2015). La perte osseuse va résulter de mécanismes immunitaires directs et indirects au sein même du tissu osseux (Lang et Berglundh, 2011).
La péri-implantite présente un caractère immuno-inflammatoire, avec comme caractéristique principale une augmentation de l'activité ostéoclastique menant à une résorption osseuse plutôt qu'à une apposition. La conséquence de ce déséquilibre va se marquer cliniquement par une perte osseuse visible rapidement sur une image radiographique (fig. 3 et 4). L'analyse de la composition du liquide créviculaire de patients sains et malades met en évidence la présence d'une série importante de cytokines pro-inflammatoires telles que l'IL-1β, IL-6, IL-17, TNF-α, IL-12, mais aussi plus particulièrement d'IL-1β chez le patient malade (Duarte et al., 2016, Ata-Ali et al., 2015). Des taux importants d'IL-8, essentiels pour le recrutement des leucocytes dans le tissu inflammatoire furent également reportés (Severino et al., 2011).
Le mécanisme sous-jacent principal menant à la perte osseuse semble être centré sur RANKL (fig. 5). Comme mentionné précédemment, les cellules impliquées dans la réponse de l'hôte locale produisent une série de cytokines qui vont mener à la production de facteurs favorisant la genèse des ostéoclastes par les cellules stromales ou les ostéoblastes. Les cellules de défenses activées vont également produire RANKL, la production de cette molécule sera modulée par la concentration des médiateurs pro-inflammatoires et le LPS bactérien. En ce qui concerne son taux dans le liquide créviculaire, les résultats sont incohérents. Des taux augmentés, diminués voire encore similaires sont reportés dans la littérature (Rakíc et al., 2013, 2014 ; Arikan et al., 2011 ; Duarte et al., 2009). Ces résultats ne mettent aucunement en cause le système RANKL/RANK/OPG comme élément central de la régulation osseuse.
La sclérostine, exprimée par les ostéocytes dans la matrice osseuse, et possédant des propriétés négatives sur la formation osseuse, semblerait être un élément important de la perte osseuse péri-implantaire. Cette molécule serait activée par les cytokines pro-inflammatoires mais aussi par une surcharge occlusale (Suva et al., 2009).
Selon Schminke et collaborateurs (2014), des protéines osseuses matricielles telles que SPP1, BGLAP ou COL9A1 seraient réduites dans le tissu osseux atteint de péri-implantites. L'os extrait de sites atteints présenterait un phénotype fibro-élastique avec une réduction de RUNX2 et une augmentation de l'expression de fibrocytes. Le tissu osseux atteint s'apparenterait plus à un tissu cicatriciel possédant des caractéristiques fibreuses plutôt qu'osseuses, menant à une perte d'ostéo-intégration de l'implant atteint. Les fibroblastes ont déjà été identifiés comme des acteurs importants de la pathogenèse des péri-implantites, en exerçant une régulation positive sur la vascularisation et la dégradation de la matrice (Bordin et al. 2009). Les fibroblastes péri-implantaires joueraient un rôle primordial dans la pathogenèse de la maladie et en régulant positivement des médiateurs cellulaires et des protéines matricielles (MMPS) (Irshad et al., 2013). Toujours selon Schminke et collaborateurs, il semblerait que, conjointement au processus inflammatoire, les cellules fibro-élastiques du tissu osseux malade péri-implantaire seraient responsables de la perte d'ostéintégration de celui-ci en produisant un tissu plus fibreux et exprimant moins de marqueurs.
Comme dans la parodontite, les fibroblastes jouent un rôle de régulation des cellules osseuses en produisant de l'OPG en réponse au LPS bactérien et à l'IL-1, suggérant un rôle protecteur (Hienz et al., 2015).
En ce qui concerne les cytokines pro-inflammatoires tels que l'IL-6, IL-17 et IL-33, celles-ci seraient présentes en plus grandes quantités dans le liquide créviculaire péri-implantaire des patients malades, contribuant ainsi à l'aspect clinique caractéristique tels que les saignements et l'augmentation de la profondeur au sondage. Il semblerait même que l'IL-17 et l'IL-33 seraient davantage présents dans les mucosites, hypothétisant leur action dans les débuts de la maladie (Severino et al., 2016) (fig. 2).
Les implants sont devenus très courants en médecine dentaire ces vingt dernières années. Leur utilisation journalière a mené à une banalisation de leur indication. Malgré la similitude existante entre la péri-implante et la parodontite, il s'agit bien de deux entités différentes.
La péri-implantite ne peut être ignorée et son dépistage doit faire partie intégrante de la consultation parodontale. L'élimination de la plaque dentaire au quotidien reste l'élément clé de la prévention de cette maladie, de même que la prise en compte des facteurs de risques associés que sont les antécédents de parodontite ou le tabac, ou encore la surcharge occlusale.
Un suivi régulier des implants accompagné d'un nettoyage minutieux de ces derniers reste le meilleur conseil à prodiguer aux patients.
Les recherches futures permettront de mieux comprendre cette maladie et, à l'instar d'autres pathologies osseuses, de mener ainsi à des thérapies d'immuno-modulation.