Le traitement non chirurgical des péri-implantites Revue systématique de la littérature Non-surgical treatment of peri-implantitis - JPIO n° 4 du 01/11/2018
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2018

 

Article

Olivier HUCK 1 / Ioanna PAPALOU 2 / Henri TENENBAUM 3  

1- Docteur en chirurgie dentaire, PhD, HDR
Professeur des Universités, praticien hospitalier
Vice-doyen de la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg2- DDS
Étudiante en 3e et dernière année du DU de parodontologie et d'implantologie
Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg3- Docteur en chirurgie dentaire, PhD, HDR
Professeur émérite des Universités
Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg

Résumé

Résumé

Objectifs : Le but de cette revue de la littérature est d'analyser les résultats des études qui ont évalué les effets du traitement non chirurgical des péri-implantites.

Matériels et méthodes : la revue de la littérature a été réalisée à partir de la base de données MEDLINE (PubMed). Seuls les essais cliniques conduits chez l'homme pour évaluer le traitement non chirurgical des péri-implantites ont été retenus.

Résultats : Dans les 291 articles retrouvés, 17 ont été analysés indépendamment par 2 auteurs différents. Ces articles concernent très généralement l'évaluation de traitements adjuvants au débridement mécanique par curettes et/ou ultrasons. La comparaison des études entre elles est compliquée par l'absence d'une définition consensuelle de la péri-implantite, par les nombreuses modalités thérapeutiques proposées et par la grande variété des types d'implants. De plus, ces études comportent pour l'essentiel des évaluations à court terme, la plus longue étant à 3 ans.

Conclusion : Aucun des traitements adjuvants ne permet de supprimer totalement de manière pérenne l'inflammation péri-implantaire, ni de stopper définitivement la perte osseuse péri-implantaire.

Summary

Abstract

Objectives: The purpose of this review of the literature was to analyse the results of studies that evaluated the effects of non-surgical treatment of peri-implantitis.

Materials and methods: The review of the literature was carried out using the MEDLINE database (PubMed). Only clinical trials conducted in humans to evaluate the non-surgical treatment of peri-implantitis were considered.

Results: Out of the 291 articles found, 17 were analysed independently by 2 different authors. These articles very generally concern the evaluation of adjuvant treatments to mechanical debridement by curettes and/or ultrasounds. The comparison of the studies was complicated by the absence of a consensual definition of peri-implantitis, by the numerous therapeutic modalities proposed and by the wide variety of types of implants. In addition, these studies are mainly short-term evaluations, the longest being at 3 years.

Conclusion: None of the adjuvant treatments completely eliminates peri-implant inflammation, nor does it permanently stop peri-implant bone loss.

Key words

Peri-implantitis, non-surgical treatment, literature review, clinical trials.

Introduction

Le taux de survie des implants, qui traduit la présence ou l'absence de l'implant en bouche, est très fréquemment utilisé comme indicateur principal par les implantologistes et un grand nombre de publications.

Toutefois, il devient de plus en plus évident que la prise en compte des conditions cliniques qui accompagnent la survie de l'implant est au moins aussi importante.

Les taux de survie à 10 ans excèdent généralement 90 %, avec néanmoins une réduction de ce taux avec le temps. Cet excellent résultat doit être mis en parallèle avec le taux de survie des dents saines entourées de tissus parodontaux sains (99,5 % à 50 ans) et avec celui de dents saines dont le parodonte malade a été traité avec succès et contrôlé régulièrement (92-93 %) (Holm-Pedersen et al., 2007).

Le succès implantaire désigne un implant toujours présent, fonctionnel et accompagné de conditions cliniques optimales pour une période minimale de 12 mois après la mise en charge prothétique. Un succès à court terme se situe entre 1 et 3 ans, un succès à moyen terme entre 3 et 7 ans et un succès à long terme est considéré comme tel au-delà de 7 ans.

Différentes définitions du succès ont été présentées dans la littérature scientifique (Albrektsson et al., 1986, Buser et al., 1990, Karoussis et al., 2003) et vont avoir une influence directe sur le taux de succès (Tenenbaum et al., 2017).

Les complications qui conduisent à l'échec implantaire sont de plusieurs catégories :

– les complications biologiques (mucosite et péri-implantite) ;

– les complications mécaniques en relation avec les différents composants de l'implant (fracture de l'implant, fracture de vis de connexion, fracture de la reconstitution prothétique) ;

– les complications iatrogènes (implant trop proche de structures anatomiques et devant être déposé, implant mal orienté et inutilisable pour la reconstitution prothétique) ;

– les complications reliées directement au patient (phonation, esthétique ou aspect psychologique).

Malheureusement, encore peu d'études à long terme prennent en compte ces paramètres. L'étude à 10-16 ans de Simonis et al. (2010), sur des implants non enfouis, aboutit à un taux de survie cumulé de 83 % et à un taux de succès cumulé de 52 % jusqu'à 16 ans. Cette importante différence est liée à la présence d'un nombre non négligeable de complications biologiques (17 % de péri-implantites et 31 % de complications mécaniques). De même, l'étude de Roos-Jansåcker et al. (2006), jusqu'à 14 ans, et celle de Tenenbaum et al. (2017), après un minimum de 8 ans, montrent des taux de péri-implantites similaires de 16 % et 12 %, respectivement.

La péri-implantite se définit par une perte osseuse péri-implantaire accompagnée d'un saignement au sondage qui traduit la présence d'une réaction inflammatoire (Lang et Berglundh, 2011).

Bien que le facteur étiologique principal soit infectieux, un certain nombre de facteurs de risque peuvent influencer l'apparition et le développement de péri-implantites : défaut d'hygiène orale, tabagisme, antécédents de parodontite, diabète, facteurs génétiques, consommation excessive d'alcool et le type de surface implantaire (Renvert et Persson, 2009).

Un diagnostic précoce peut permettre de stopper, ou pour le moins de limiter, la progression de la destruction osseuse péri-implantaire.

Diverses modalités thérapeutiques ont été proposées, non chirurgicales et chirurgicales.

Comparé au détartrage-surfaçage radiculaire, le traitement non chirurgical des péri-implantaires se heurte à l'obstacle majeur de l'impossibilité d'instrumenter correctement la surface implantaire.

La thérapeutique non chirurgicale des péri-implantites est généralement basée sur le nettoyage mécanique des poches péri-implantaires en utilisant des curettes manuelles métalliques ou non métalliques (en plastique ou en carbone), et des ultrasons avec également des inserts soit métalliques classiques, soit spécifiques en carbone. L'objectif initial en implantologie est d'obtenir une ostéo-intégration rapide, stable et reproductible. Pour cela ont été développées des surfaces lisses ou bien rugueuses par traitement spécifique de la surface de l'implant. Si la qualité de l'intégration à l'os est une constante pour la majorité des implants, le surfaçage de la partie apicale de l'implant, initialement en contact avec l'os, lors de la survenue d'une complication inflammatoire comme la péri-implantite, s'avère impossible. Comme la décontamination de la surface implantaire reste une condition impérative pour réduire le processus inflammatoire et espérer une éventuelle néo-intégration osseuse, de nombreuses approches complémentaires ont été proposées : implantoplastie, traitement antibiotique par voie systémique ou locale, antiseptiques locaux, acide citrique, peroxyde d'hydrogène, lasers, décontamination par une poudre abrasive (bicarbonate de sodium ou glycine) projetée avec une combinaison air/eau sous pression, polissage, thérapeutique photodynamique. L'efficacité de ces techniques reste discutable d'autant plus que peu d'entre elles ont été testées dans des protocoles suffisamment élaborés pour permettre d'en tirer des conclusions dont la validité scientifique ne fait pas de doute.

Des revues systématiques (Renvert et al., 2008a, 2008b) constatent que le seul nettoyage mécanique sous-gingival a des effets très limités sur les signes cliniques de la péri-implantite. L'adjonction d'antibiotiques, localement ou par voie systémique, améliore les résultats du détartrage-curetage sans toutefois résoudre tous les cas (Esposito et al., 2008). Enfin, l'utilisation du laser ou des ultra-sons, en complément du nettoyage mécanique, n'est pas plus efficace que le seul nettoyage mécanique.

Plus récemment, la revue systématique de Muthukuru et al. (2012) a montré que l'administration locale d'antibiotiques (doxycycline ou minocycline) est plus efficace pour réduire le saignement au sondage et la profondeur des poches que l'irrigation à la chlorhexidine en complément du nettoyage mécanique. De même, un traitement par laser Erbium-Yag s'avère plus efficace sur le saignement au sondage que l'irrigation à la chlorhexidine, toujours en complément du nettoyage mécanique (Renvert et al., 2011). Enfin, un polissage par projection de poudre de glycine sous pression d'air est aussi efficace sur le saignement au sondage que le traitement par laser Erbium-Yag, et plus efficace que l'irrigation à la chlorhexidine (Renvert et al., 2011). Aucune information n'est donnée quant à l'effet de toutes ces techniques sur un éventuel arrêt de la perte osseuse.

L'objectif de la présente revue systématique est de réévaluer l'efficacité clinique et la sécurité des traitements non chirurgicaux des péri-implantites à la lumière des travaux les plus récents.

Matériels et Méthodes

Une recherche dans la base de données MEDLINE (PubMed) a été réalisée en utilisant les mots clés « peri-implantitis, non-surgical treatment ». Ont été incluses les études humaines visant à évaluer les résultats du traitement non chirurgical avec ou sans thérapeutiques adjuvantes (antibiotiques, antiseptiques, etc.), sans restriction relative à la date de publication et publiées dans des journaux à comité de lecture en anglais.

N'ont pas été incluses les méta-analyses, les revues systématiques, les études animales, les études portant totalement ou partiellement sur les mucosites, ainsi que les résumés de congrès.

Sélection des articles

Les titres et résumés ont été sélectionnés. Deux auteurs (Olivier Huck et Henri Tenenbaum) ont vérifié indépendamment ces titres et résumés pour ne retenir que les études qui correspondaient aux critères de sélection. D'éventuelles différences dans la sélection ont été résolues par une discussion entre les deux auteurs. Les manuscrits complets des publications sélectionnées ont été ensuite revus en détail afin de vérifier la compatibilité à l'inclusion.

Pour être inclus dans la revue systématique, les individus des études sélectionnées devaient présenter au moins 1 implant avec restauration prothétique définitive atteint d'une péri-implantite. Le traitement non chirurgical est défini comme tout traitement ayant pour objectif de ne pas délibérément léser l'intégrité de l'épithélium de jonction péri-implantaire (donc sans incision). Il comprend l'instrumentation mécanique sous-muqueuse (détartrage et curetage) avec des instruments manuels ou ultrasonores, le polissage sous pression, l'administration locale d'antiseptiques ou d'antibiotiques, l'administration d'antibiotiques par voie systémique, l'utilisation de lasers ou de la photothérapie, et les traitements qui visent à moduler la réaction de l'hôte.

Paramètres pris en compte

Le premier critère est la survie de l'implant. Comme critères secondaires ont été pris en considération le niveau d'attache clinique (CAL), la profondeur de poche (PPD), le niveau osseux péri-implantaire (BL), la présence ou non d'une inflammation péri-implantaire (souvent le saignement au sondage ou BOP), la présence d'une suppuration, et le niveau d'hygiène mesuré par un indice de plaque (PLI).

Résultats

Un total de 291 articles apparaissait dans la base de données. Après analyse des titres, résumés et/ou du texte intégral, séparément par deux investigateurs (Olivier Huck et Henri Tenenbaum), 17 articles ont été sélectionnés pour être inclus dans cette revue systématique.

Le résumé de la méthodologie de la sélection des articles et le tableau 1 (tableau 1) détaille les éléments essentiels des études sélectionnées afin d'en faciliter la comparaison.

Onze études sont des essais cliniques randomisés (RCT) comparant deux méthodologies thérapeutiques. Les 6 autres études, soit comparent deux méthodologies sans les mêmes garanties d'objectivité apportées par les RCT, soit n'évaluent qu'une seule méthodologie (Mettraux et al., 2016). Une des études (Wohlfahrt et al., 2017) concerne une série de cas cliniques.

Aucune de ces études ne présente des résultats à long terme. Le suivi se situe entre 6 mois et 3 ans.

Les caractéristiques qui permettent la définition d'une péri-implantite et qui conditionnent donc l'inclusion des cas dans les études sont rarement identiques d'un article à l'autre. Par exemple, Karring et al. (2005) incluent des cas avec une perte osseuse de 1,5 mm alors que John et al. (2015) ont sélectionné leurs cas avec une perte osseuse inférieure ou égale à 30 % de la longueur de l'implant. De même, si la présence d'un saignement au sondage est un paramètre fréquemment mis en avant, la profondeur du sondage qualifiant la péri-implantite va de plus de 4 mm à plus de 6 mm (Machtei et al., 2012). À l'évidence, les résultats des traitements quels qu'ils soient seront toujours supérieurs lorsque les lésions sont de faible étendue.

Généralement, le nombre de patients et d'implants inclus est indiqué, sauf pour l'étude de Listl et al. (2015).

Il s'avère que la thérapeutique non chirurgicale, avec ou sans traitement complémentaire, permet de réduire significativement la réponse inflammatoire et en particulier le saignement au sondage. Toutefois, environ 40 % des mucosites et davantage de péri-implantites ne répondent pas à une telle approche thérapeutique (Schwarz et al., 2015).

Même si des cas de stabilisation ont été observés, aucune amélioration du niveau résiduel de l'os n'a été observée.

Renvert et al. (2006) comparent sur une durée de 12 mois l'utilisation, en complément du traitement mécanique, de microsphères de minocycline (Arestin) ou d'un gel à la chlorhexidine. Les microsphères de minocycline s'avèrent plus efficaces que la chlorhexidine pour la réduction des signes inflammatoires, mais par contre les 2 approches anti-infectieuses ne changent en rien la composition de la flore bactérienne sous-gingivale pendant toute la durée d'observation.

L'utilisation de lasers, notamment Erbium-Yag, en complément du traitement mécanique, n'apporte pas de bénéfice supplémentaire à 6 mois (Renvert et al., 2011) tant pour les paramètres cliniques (BOP, PPD et CAL) que dans la composition de la flore sous-gingivale (Persson et al., 2011). Ce dernier article de Persson et al. (2011) n'a pas été pris en compte dans la revue systématique puisqu'il s'agit de la même étude que celle de Renvert et al. (2011), présentant les seuls résultats microbiologiques. Schwarz et al. (2005) ont montré une amélioration des mêmes paramètres (BOP, PPD et CAL) à 3 et à 6 mois, tant pour un traitement mécanique, avec des curettes en plastique associé à une irrigation à la chlorhexidine à 0,2 %, qu'avec un traitement par laser Erbium-Yag, sans différence significative entre les 2 modalités thérapeutiques. Par contre, ces améliorations avaient disparu lors de l'évaluation à 12 mois. De la même façon, Abduljabbar et al. (2017), en utilisant un laser Nd : YAG comparé au seul traitement mécanique de débridement, observent des améliorations significativement supérieures avec le laser à 3 mois, sans que ces résultats positifs se maintiennent à 6 mois.

John et al. (2017) présentent la seule évaluation à moyen terme, à savoir 3 ans, avec des résultats positifs qui se maintiennent dans le temps tant pour un traitement mécanique associé à de la chlorhexidine que pour un traitement par laser Erbium-Yag. Toutefois, il ne s'agit pas d'une étude prospective randomisée et le traitement par chlorhexidine est réservé aux mucosites (24 implants), alors que celui par laser Erbium-Yag ne concerne que les péri-implantites (16 implants). Il est donc impossible de comparer réellement les 2 modalités thérapeutiques puisqu'elles s'adressent à des pathologies différentes, et ces résultats doivent être confirmés par d'autres travaux avant de pouvoir être validés.

Esposito et al. (2013) ont testé la thérapeutique photodynamique sur une période de 12 mois pour en souligner l'inefficacité. Toutefois, cette étude n'a pu être retenue dans la présente revue systématique parce qu'elle concerne aussi bien les traitements non chirurgicaux que les thérapeutiques chirurgicales.

Bassetti et al. (2014) ont comparé, après traitement mécanique à l'aide de curettes en titane et projection d'une poudre de glycine, une thérapie photodynamique (qui consiste à activer une molécule sensible, en l'occurrence du chlorure de phénothiazine, par une source de type laser diode avec une intensité de 100 mV à une longueur d'onde de 600 nm) à une application locale de microsphères de minocycline. Des réductions significatives des BOP, PPD et CAL sont observées à 3 et 6 mois, mais aucune différence significative n'apparaît entre les 2 modalités thérapeutiques. Il faut souligner que l'étude de Schär et al. (2013) concerne exactement les mêmes patients et implants, avec une évaluation intermédiaire à 6 mois, que celle de Bassetti et al. (2014) à 12 mois.

Arisan et al. (2015) n'observent pas davantage de bénéfice supplémentaire à 6 mois avec l'utilisation du laser diode par rapport au traitement mécanique seul.

Mettraux et al. (2016), qui présentent une étude rétrospective à 2 ans sans groupe de contrôle, obtiennent des résultats positifs en utilisant un traitement mécanique à l'aide de curettes métalliques et en carbone, suivi de plusieurs applications de laser diode à une longueur d'onde de 860 nm.

Toutefois, l'absence d'évaluation à moyen terme dans le cadre d'une étude clinique contrôlée et randomisée ne permet pas de conclure à l'efficacité de ces traitements.

Stein et al. (2017) constatent qu'un traitement associant l'utilisation des ultrasons, un curetage des tissus mous, un polissage sous-gingival et une application locale de povidone iodée améliore les paramètres cliniques à la fois parodontaux et péri-implantaires chez des patients atteints de parodontite chronique. Les auteurs prétendent qu'une administration d'antibiotiques (amoxicilline et métronidazole) n'apporte aucun bénéfice supplémentaire. Néanmoins, il s'avère que cet apport d'antibiotiques a été fait pour 24 patients atteints de parodontite sévère, sans que les critères de diagnostic différentiel ne soient précisés.

Récemment, Roos-Jansaker et al. (2017) ont comparé un seul traitement mécanique par ultrasons et curettes manuelles à un traitement combiné où se rajoute une application d'un gel de chloramine. Ce dernier traitement ne modifie en rien les résultats du traitement mécanique. Toutefois, il ne s'agit que d'une étude à très court terme (3 mois).

Discussion

L'utilisation des implants en remplacement de dents absentes afin de rétablir une denture équilibrée et bien intégrée esthétiquement est devenue aujourd'hui incontournable. Toutefois, le nombre toujours croissant d'implants mis en place dans le monde s'accompagne aussi d'un nombre de plus en plus important de complications, parmi lesquelles les péri-implantites (22 % des implants en moyenne, selon Derks et Tomasi (2015), restent actuellement un challenge thérapeutique. Cette fréquence élevée de péri-implantites a conduit à de nombreuses études pour en comprendre l'étiologie et les facteurs de risque, ainsi qu'à un nombre tout aussi important de travaux portant sur la prise en charge thérapeutique.

Les objectifs du traitement des pathologies péri-implantaires (mucosites et péri-implantites) sont de stopper la réaction inflammatoire induite par les bactéries présentes dans le sillon péri-implantaire. Dans le cas des péri-implantites s'y ajoutent l'arrêt de la destruction osseuse, une reformation osseuse dans la lésion et une éventuelle nouvelle ostéo-intégration. L'élimination la plus complète possible des dépôts bactériens qui remplissent la lésion péri-implantaire et contaminent la surface de l'implant s'avère donc primordiale. Dans cette revue, nous avons cherché, à partir des articles significatifs de la littérature scientifique, à discerner si le traitement non chirurgical et les nombreux moyens complémentaires qui peuvent l'accompagner sont susceptibles d'atteindre les objectifs qui viennent d'être cités. Actuellement, aucune méthode thérapeutique non chirurgicale ne permet d'aboutir aux buts recherchés avec la fiabilité souhaitable. Nos résultats sont en accord avec ceux de revues systématiques et méta-analyses récentes (Graziani et al., 2012, Faggion et al., 2014, Valderrama et al., 2014, Heitz-Mayfield et Mombelli, 2014, Suárez-López del Amo, 2016). De nombreux articles non retenus sont uniquement des rapports de cas avec un suivi limité à court terme. Ces articles ne permettent donc pas de déterminer si les paramètres analysés (souvent l'état inflammatoire par un indice approprié et l'absence de saignement au sondage, ainsi que la profondeur du sondage autour de l'implant) seront définitivement stabilisés, et que la proportion de bactéries pathogènes sera réduite à long terme. Par ailleurs, la prise en compte de la survie et du succès des implants ainsi traités n'apparaît qu'exceptionnellement dans les études alors qu'il s'agit probablement des paramètres les plus significatifs, en tout cas pour les patients.

Un traitement limité à l'utilisation de curettes manuelles, qu'elles soient en acier comme celles utilisées en parodontologie, en titane, en plastique, en carbone ou en résine, aboutit à une amélioration temporaire de certains paramètres cliniques comme le saignement au sondage dans les premières semaines qui suivent le traitement, mais ne permet ni de réduire l'inflammation à 3 et 6 mois (Schenk et al., 1997), ni de modifier la composition de la flore sous-gingivale (Persson et al., 2010).

L'utilisation d'une poudre abrasive de bicarbonate de sodium ou de glycine sous pression d'air permet une décontamination relativement efficace de la surface implantaire (Tastepe et al., 2012). Toutefois, des particules de poudre peuvent rester à la surface de l'implant ainsi traitée, tout en altérant cette surface (Duarte et al., 2009). Les résultats comparatifs d'un traitement mécanique classique, avec ou sans l'utilisation de la poudre abrasive, ne montrent aucune différence significative (Renvert et al., 2011).

Traiter la surface implantaire par acide citrique, chlorhexidine ou peroxyde d'hydrogène, tout en présentant un risque certain de toxicité pour les cellules épithéliales et conjonctives de la muqueuse péri-implantaire, n'apporte que très peu d'amélioration des paramètres inflammatoires et, a fortiori, ne permet aucun gain osseux.

Conclusion

De nouvelles études prospectives randomisées à moyen et à long terme sont indispensables afin d'évaluer précisément les apports de telle ou telle approche thérapeutique. Elles doivent être conduites à partir d'une définition de la péri-implantite qui fasse consensus et qui soit toujours identique afin de permettre de réelles comparaisons entre les études.

Pour l'instant, la prise en charge des péri-implantites, dont la prévalence est de plus en plus élevée, représente un défi majeur en parodontologie. En effet, contrairement aux premières constatations, mucosites et gingivites, comme péri-implantites et parodontites, constituent des entités différentes tant dans l'implication des facteurs de risque que dans l'évolution du processus inflammatoire. De plus, la décontamination des surfaces implantaires ne peut être abordée de la même manière que celle des surfaces radiculaires.

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