Facteurs de risque en chirurgie implantaire - JPIO n° 3 du 01/08/1998
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/1998

 

Articles

Franck RENOUARD *   Pierre ROBERT **   Laurent GODARD ***   Cédric FIÉVET ****  


*Faculté de Chirurgie dentaire
Paris V
**Faculté de Chirurgie dentaire de Strasbourg
***Auxerre
****Faculté de Chirurgie dentaire
Paris V

Introduction

L'échec des implants ostéointégrés est corrélé à deux facteurs principaux, une faible densité osseuse (type IV) (Enquist et coll., 1988 ; Jaffin et Berman, 1991 ; Johns et coll., 1992) et, dans une moindre mesure, une hauteur d'os disponible inférieure à 10 mm (Friberg, 1996). Cependant afin de traiter les...


Résumé

Les techniques implantaires ou de régénération osseuse guidée (ROG) ont montré leur fiabilité. un certain nombre de complications ou d'échecs sont observés en pratique routinière. A partir d'observations rétrospectives il a été possible de mettre en évidence des caractères communs à ces échecs. Le maximum d'échecs en implantologie orale est rencontré chez des patients présentant une faible densité osseuse, ou un faible volume osseux. Cependant des alvéolyses ont parfois été observées autour des implants de large diamètre. Ce phénomène semble devoir être attribué à l'utilisation d'instruments rotatifs de diamètre plus important entraînant un plus grand traumatisme osseux. Un os dense apparaît comme un facteur de risque dans l'utilisation d'implants de large diamètre.

L'observation rétrospective sur 3 ans de 69 patients, sur lesquels de nombreux caractères cliniques ont été étudiés, montre que l'exposition des membranes est la principale source d'échec de la ROG. Les patients fumeurs présentent plus d'exposition que les non-fumeurs.

Il est donc important aujourd'hui que, parallèlement aux résultats de protocoles nouveaux, soit proposée la description des facteurs de risque. Alors seulement l'application quotidienne des techniques nouvelles pourra se faire avec des taux de succès approchant ceux des travaux jusqu'à présent publiés.

Introduction

L'échec des implants ostéointégrés est corrélé à deux facteurs principaux, une faible densité osseuse (type IV) (Enquist et coll., 1988 ; Jaffin et Berman, 1991 ; Johns et coll., 1992) et, dans une moindre mesure, une hauteur d'os disponible inférieure à 10 mm (Friberg, 1996). Cependant afin de traiter les situations cliniques limites, des protocoles chirurgicaux spécifiques ont été développés, comprenant entre autres les techniques de régénération osseuse guidée (ROG) et l'utilisation d'implants de large diamètre. Si l'on se réfère à la littérature il apparaît que ces deux adaptations du protocole chirurgical original ont fait la preuve de leur efficacité. Cependant leurs applications en pratique clinique routinière font ressortir un certain nombre de problèmes et de complications non rapportés dans les différentes études.

Le but de cet article est de décrire deux types de facteurs de risque : l'un, technique, lié au protocole de mise en place des implants de large diamètre ; l'autre biologique associé aux critères de sélections des patients candidats à la régénération osseuse guidée.

Les implants de large diamètre

Les implants de large diamètre ont été développés au début des années 1990 pour permettre aux chirurgiens de traiter des situations cliniques limites (Langer et coll., 1993). Plusieurs indications ont été proposées : os de faible densité ou présentant un faible volume, remplacement d'une fixture instable en per-opératoire ou d'une fixture non ostéointégrée, restauration des molaires unitaires par des prothèses implanto-portées (Renouard et Riachi, 1994).

Malgré une large utilisation des implants de large diamètre, il n'existe que peu d'articles sur ce sujet. Cependant ces implants semblent présenter des taux de succès comparables aux implants standard. Davarpanah et coll. (1995) rapportent 96 % de succès à 2 ans sur 55 fixtures de 5 mm de diamètre sans col lisse (Nobel Biocare®). Graves et coll. (1994) ont étudié avec 2 ans de recul 266 implants larges (3I®) placés chez 196 patients. Onze implants ont été non ostéointégrés. Tous étaient placés dans des os de type III ou IV. Leur taux de succès avec ce type d'implant est de 94 % à la mandibule et 98 % du maxillaire. Tous ces résultats sont encourageants dans la mesure où ces implants sont utilisés dans des situations défavorables, os de faible densité, faible volume osseux, situations biomécaniques limites (implants molaires unitaires). Cependant, il faut noter que Minsk et coll. (1996) dans une étude rétrospective portant sur 1 263 implants rapportent un taux d'échec plus élevé pour les implants larges que pour les implants de petit diamètre ou de diamètre standard. Les auteurs ne proposent cependant pas d'explication.

Pour la majorité de ces auteurs, le seul critère de succès retenu a été l'ostéointégration. Aucun problème spécifique aux implants larges n'est rapporté. Renouard et coll. (soumis à publication) notent un taux de succès de 90 % à 1 an de 98 implants (Nobel Biocare®) placés consécutivement sur 78 patients. Cependant ils observent une perte osseuse crestale supérieure à celle rapportée avec les fixtures de diamètre standard (3,75 mm). Cette perte osseuse s'est produite soit pendant la période d'enfouissement (8 fixtures sur 98) (fig. 1a et 1b), soit juste après la mise en charge : 21 fixtures sur 98 présentaient un an après mise en charge une alvéolyse dépassant le deuxième filet (fig. 2a et 2b). Quand la perte osseuse a eu lieu pendant la période d'enfouissement, aucun signe clinique n'a été décelé, mis à part une fistule souvent découverte fortuitement au moment du deuxième stade chirurgical. Sur les 8 cas d'alvéolyse observés pendant la période d'enfouissement, 7 sites osseux étaient de type I selon la classification de Lekholm et coll. (1985).

La particularité de ces implants de 5 mm de diamètre sans col lisse est l'absence de collerette et donc l'absence d'utilisation d'une fraise conique dans la séquence de forage. Cette forme particulière de l'implant associée au protocole chirurgical qui en résulte a servi d'argument pour expliquer la perte osseuse.

En 1996 sont apparues des fixtures Base Large (Nobel Biocare®). Elles présentent un col lisse, sont autotaraudantes et nécessitent l'utilisation de fraise conique pour leur mise en place. Néanmoins des phénomènes similaires d'alvéolyse ont été observés (fig. 3a, 3b et 3c) pendant la période d'enfouissement ou juste après la mise en charge. Il apparaît donc que le problème réside plus dans le concept même d'utilisation des implants de large diamètre que dans leur forme. L'insertion d'implants de large diamètre nécessite l'utilisation de forets supplémentaires. Ainsi dans le Brånemark System, après le foret de 3 mm il est prévu d'utiliser un foret intermédiaire 3-4,3 mm puis un foret de 4,3 mm. Quand l'os est très dense il est possible de passer un foret de 3,7 mm avant d'utiliser le foret de 4,3 mm. La partie marginale du puits d'ancrage est évasée à l'aide d'une fraise conique. La fixture est ensuite insérée après l'utilisation éventuelle d'un taraud.

L'intérêt clinique des implants de large diamètre réside dans le fait que la périphérie de l'implant rentre le plus souvent en contact avec de l'os cortical plus favorable pour obtenir une stabilité primaire mais également plus sensible à l'agression mécanique. La vitesse circonférentielle à la périphérie du foret de 4,3 mm est beaucoup plus importante que celle obtenue avec les forets de 3 mm. En considérant la vitesse de rotation des forets à 1 500 tours par minute, la vitesse angulaire des forets est de 157 rd/s. La vitesse circonférentielle est de 471 m/s pour un foret de 3 mm de diamètre et de 675 m/s pour un foret de 4,3 mm soit une augmentation de 30 %. Il est possible que cette différence importante engendre un traumatisme osseux non négligeable en particulier pour un os dense qui se traduirait par la formation secondaire d'un séquestre osseux éliminé petit à petit pendant la période d'enfouissement ou juste après la mise en charge. Il semble nécessaire de mettre en œuvre une séquence de forage différente.

Aucune étude ou publication n'est parue à ce jour sur ce sujet. Il apparaît cependant plus prudent en particulier face à un os de forte densité de ne pas utiliser le foret de 4,3 mm après un forage de 3 mm, utiliser la fraise conique puis un foret de 3,85 mm de diamètre (fig. 4a et 4b). Si l'os est très dense, un taraud est employé. Il n'est pas toujours obligatoire de tarauder sur toute la profondeur du puits d'ancrage. Seule la partie marginale du puits peut être préparée afin de faciliter l'insertion de l'implant. La fin de la mise en place de la fixture se fait à la clef de serrage manuelle. Cette séquence semble moins traumatisante pour l'os et pourrait réduire la perte osseuse marginale parfois observée avec les implants de large diamètre. Cependant il n'existe pas de fraise intermédiaire 3-3,85 mm ce qui rend l'utilisation du foret de 3,85 plus délicate.

Alors que la forte densité osseuse est un paramètre favorable pour le pronostic des implants standard, elle représente un facteur de risque pour les implants de large diamètre. Des études prospectives sont nécessaires pour évaluer la fiabilité de ces implants en prenant en compte non seulement leur taux d'ostéointégration mais également différents paramètres comme la stabilité osseuse crestale. Des protocoles chirurgicaux adaptés à chaque situation clinique devront alors être proposés. En attendant les implants de large diamètre doivent être utilisés avec prudence en particulier lorsqu'ils sont placés dans un os dense.

Influence du tabac sur la régénération osseuse guidée (ROG)

Les principes de la Régénération Tissulaire Guidée en parodontie sont à l'origine de la Régénération Osseuse Guidée. Après avoir fait l'objet de nombreuses controverses, la ROG apparaît aujourd'hui comme une technique biologiquement fiable indiquée pour le traitement des lésions osseuses autour des implants ostéointégrés et pour l'élargissement des crêtes osseuses avant la pose d'implants. De nombreux auteurs ont montré qu'il était possible d'obtenir une néoformation osseuse sous une membrane à condition de suivre un protocole parfaitement défini (Dalhin et coll., 1989 ; Becker et Becker, 1990 ; Buser et coll., 1990). Cependant la ROG reste encore considérée par la majorité des praticiens comme étant une technique à risque aux indications très limitées. Il existe un décalage important entre le faible nombre de complications et d'échecs rapportés dans la littérature et les problèmes réellement rencontrés en pratique quotidienne. Cette différence s'explique peut-être par une méconnaissance des facteurs de risque associée à cette technique chirurgicale. En 1997, Fugazzoto et coll. publient une étude sur 1507 sites traités par ROG avec un taux de succès de 97 %, en accord avec la majorité des autres études. Les critères de succès et d'échec sont clairement décrits mais par contre les critères d'inclusion des patients ne sont pas donnés. On peut cependant imaginer que du fait de leur grande expérience, les auteurs n'ont appliqué la technique de ROG qu'à des patients susceptibles d'avoir un minimum de complications. Il est possible que les patients fumeurs n'aient pas été intégrés dans ces évaluations. C'est pourquoi nous avons entrepris une étude afin de déterminer l'influence réelle du tabac sur les taux de succès de la ROG.

Matériel et méthode

Une étude rétrospective a été menée sur des patients traités en exercice privé, entre janvier 1990 et septembre 1993. Soixante-neuf patients (26 hommes et 43 femmes) dont la moyenne d'âge est de 47 ans (18-75 ans) ont été suivis pendant une période de 3 ans tous les 3 mois. Sur ces 69 patients, 13 étaient fumeurs. L'examen clinique préalable a permis de noter les observations suivantes : les critères de sélection ont été les suivants : patients médicalement implantables, volume osseux suffisant pour assurer une bonne stabilité primaire de l'implant. Les patients ont été contrôlés tous les 3 mois pendant toute la durée de l'étude. Des membranes Gore Tex® ont été mises en place selon le protocole défini pour leur utilisation dans la technique de la régénération osseuse guidée. Les membranes sont restées enfouies pendant une période moyenne de 23 semaines (4-60 semaines). Treize patients ont été considérés comme fumeurs car leur consommation dépassait 15 cigarettes par jour (Ah et coll., 1994). La profondeur moyenne des lésions était de 5,04 mm (2-13 mm) et ont été mesurées à partir du nombre de spires restées exposées après mise en place de l'implant. Ces données ont été confirmées par des photos agrandies suivant le rapport 1/1. Les membranes ont été placées afin de traiter des déhiscences dans 45 cas et des fenestrations dans 24 cas.

Les données suivantes ont été enregistrées : le sexe, l'âge, le type d'édentement, le nombre de spires exposées, le mode de temporisation, l'exposition éventuelle de la membrane, la présence d'une suppuration, la durée d'enfouissement de la membrane.

Deux paramètres ont été retenus pour décrire la réponse tissulaire à la technique de la régénération osseuse : une évaluation quantitative donnant le taux de recouvrement de l'implant par l'os néoformé et une évaluation qualitative renseignant sur le type de tissu obtenu (tissu dur ou mou) Toutes ces données ont été recueillies lors de l'intervention de mise en place des implants et lors du deuxième temps opératoire. Dans certaines situations il a été possible de réaliser des prélèvements au-dessus de la vis de couverture de l'implant permettant d'analyser le tissu néoformé.

Critères de succès (fig. 5a, 5b et 5c) :

- Quantitatif : couverture complète des filets exposés.

- Qualitatif : os régénéré d'aspect dur nacré ou corticalisé et absence de suppuration.

Critères d'échec (fig. 6a, 6b, 6c et 6d) :

- Quantitatif : 2 filets ou plus non recouverts par du tissu néoformé, et/ou

- Qualitatif : tissu néoformé ayant l'aspect d'un tissu fibreux ou d'un tissu de granulation.

Toutes les données recueillies dans cette étude sont des données qualitatives et quantitatives qui peuvent être exprimées en pourcentage de fréquences observées. Les données ont été analysées par le test du χ2 avec un seuil à 5 %.

Résultats

Sur 69 cas de mise en place de membrane, 53 cas ont été considérés comme succès pour 16 cas d'échecs suivant les critères qualitatifs et quantitatifs précédemment définis. Le strict respect de l'orientation prothétique a eu comme conséquence l'exposition initiale des spires de certains implants de Brånemark. Les implants ont été exposés sur une longueur moyenne de 5,04 mm. Les membranes sont de type GTAM (Gore tex®). La mise en place de ces membranes résulte d'une technique standardisée qui a été reproduite pour l'ensemble des cas.

Les résultats sont présentés dans deux tableaux de distributions.

Dans le tableau I on peut observer que 84 % des NF (non-fumeurs) présentent un tissu caractérisé comme succès pour seulement 46 % des patients fumeurs. De la même façon le fumeur présente un risque de suppuration 3 fois plus important que le non-fumeur (38 % versus 11 %) (Buser et coll., 1990 ; Jovanovic et coll., 1992 ; Jovanovic et Giovannoli, 1992).

Parallèlement, il apparaît chez le fumeur un taux d'exposition des membranes de l'ordre de 54 % pour 21 % pour le non-fumeur avec p = 0,0001. On remarque également que 75 % des membranes qui ont été exposées ont abouti à un échec que le patient soit fumeur ou non. (tableau II).

Discussion

Une étude rétrospective a concerné l'ensemble des patients traités au cours de 3 années d'activité privée pour tester la réponse tissulaire chez les fumeurs et non- fumeurs. La technique a été considérée comme un succès quand il a été obtenu un tissu d'aspect dur nacré et/ou corticalisé, avec un recouvrement total de tous les filets exposés. Il est possible de montrer que les non-fumeurs ont dans 79 % des cas une non-exposition de la membrane après la cicatrisation. Lorsque la membrane reste enfouie tout au long de la cicatrisation 87 % des cas sont des succès. Parallèlement les fumeurs présentent une exposition dans 54 % des cas qui vont aboutir dans trois quarts des cas à un échec. Il est normal de trouver que toutes les membranes qui ont suppuré sont exposées car la suppuration provoque l'exposition de la membrane (p = 0,0001).

Le fumeur présente un taux d'exposition des membranes pendant la période de cicatrisation nettement supérieur par rapport au non-fumeur (54 % pour fumeur contre 21 % pour le non-fumeur). D'après Mosely et coll. (1978), la consommation de tabac va à l'encontre de la cicatrisation des plaies. La cicatrisation des plaies chirurgicales à la suite d'interventions plastiques ou vasculaires est compliquée et compromise chez les fumeurs (Sherwin et coll., 1990 ; Rees et coll., 1984 ; Sianna et coll., 1989) Dans le domaine dentaire, le tabac augmente le risque d'alvéolite post-extractionnelle (Sweet et Butler, 1978 ; Meechan et coll., 1988). Clarke et coll. (1981) étudient chez le lapin les effets d'une injection de nicotine et observent une sévère réduction de la circulation gingivale avec vasoconstriction. Johnson et coll. (1989) montrent chez le rat, des modifications morphologiques de la microvascularisation de la muqueuse orale après injection de nicotine. On explique la diminution du saignement gingival chez le fumeur par l'effet vasoconstricteur de la nicotine (Bergstrom et Floderus-Myrhe, 1983 ; Preber et Bergstrom, 1985a, b, 1986 ; Goultschin et coll., 1990). De nombreux auteurs observent une fonction polymorphonucléaire neutrophile compromise et altérée chez les fumeurs (Kenney et coll., 1977 ; Mac Farlane et coll., 1992). Tous ces phénomènes contribuent à une moins bonne cicatrisation. Du point de vue parodontal, des études récentes mettent en évidence le rôle du tabac dans la sévérité des atteintes parodontales (Goultschin et coll., 1990 ; Bergstrom et coll., 1991 ; Bridges et coll., 1991). Selon Mac Farlane (1992), le tabac est en relation avec une fréquence accrue de parodontites réfractaires. Dans le cadre d'un traitement parodontal, le tabac compromet la cicatrisation après chirurgie muco-gingivale (Miller, 1987). Bain et Moy (1993) ont étudié la relation entre l'échec implantaire et la consommation de tabac. Sur 2 194 implants de Brånemark, posés chez 540 patients entre 1984 et 1990, le taux d'échec global est de 5,92 %, comparable à ceux d'autres études. Par contre, ils obtiennent un taux d'échec de 11,28 % chez les fumeurs contre 4,76 % pour les non-fumeurs. A ce jour, toutes les études confirment l'effet néfaste du tabac sur la cicatrisation, que ce soit d'un point de vue local ou systémique.

Il semble donc que les phénomènes de suppuration qui apparaissent secondairement à la mise en place de membrane en polytétrafluoroéthylène expansé puissent se faire dans les deux situations - fumeur - non-fumeur. La parfaite tolérance des membranes en polytétrafluoroéthylène a été largement démontrée dans les études où le matériau est totalement enfoui dans le tissu conjonctif (Robert et coll., 1993). Il est vraisemblable que des modifications biologiques locales interviennent pour altérer la continuité de l'épithélium gingival au-dessus de la membrane en favorisant un éventuel ensemencement de la membrane exposée par les bactéries pathogènes de la cavité buccale. Ces phénomènes peuvent être des nécroses tissulaires provoquées par une réduction de la vascularisation dans les tissus sous-épithéliaux due au tabac et un amincissement du tissu conjonctif supra- membranaire lié à la présence du Gore Tex®.

Les principaux échecs retrouvés dans cette étude, sont en relation avec une exposition précoce de la membrane. Cette exposition est par ailleurs régulièrement mise en cause dans les traitements par GTR avec une exposition des membranes entre 53 % des cas (Nygaard-østby et coll., 1996) à 72,5 % (Tonetti et coll., 1993). Cependant dans les traitements par ROG la couverture des membranes est meilleure que pour les traitements par RTG.

Il semble que l'on puisse démontrer chez le fumeur une exposition nettement plus importante des membranes. Cette exposition de la membrane due à des modifications biologiques des tissus locaux s'accompagne la plupart du temps d'une suppuration. Or le taux d'échec augmente nettement (75 %) lorsque la membrane est exposée (tableau II). On peut conclure que le fumeur présente un risque élevé d'avoir une exposition pendant la période de cicatrisation.

Cependant la totalité des membranes qui sont restées enfouies chez le fumeur ont donné après une période de cicatrisation normale un résultat qui a été considéré comme succès.

Il est intéressant de noter que pour les cas d'échec, la période moyenne pendant laquelle les membranes sont maintenues en place est de 14 semaines alors que les cas de succès présentent une durée d'enfouissement moyenne de 24 semaines. Ce qui est confirmé par le fait que seulement 25 % des membranes exposées prématurément aboutissent à un succès contre 87 % pour les membranes restées enfouies jusqu'au deuxième temps opératoire. Une exposition précoce semble donc entraîner un taux de succès nettement inférieur par apport aux membranes qui restent recouvertes. Ceci rejoint la conclusion de la majorité des auteurs, pour qui les échecs en ROG sont le plus souvent liés à une exposition prématurée de la membrane pendant la phase de cicatrisation. L'exposition prématurée de la membrane empêchant le processus de formation d'os nouveau et pouvant entraîner même une perte osseuse (Dahlin et coll., 1989 ; Becker et Becker, 1990). Lekholm et coll. (1993) montrent également chez le chien, que la dépose anticipée (à 4 semaines) de la membrane entraîne une formation osseuse diminuée (42 % contre 100 % pour une dépose à 16 semaines). Le processus inflammatoire qui fait suite à l'exposition prématurée de la membrane compromet le processus de régénération osseuse en conduisant en plus à la résorption de l'os existant (Warrer et coll., 1991). Les membranes non exposées pendant la phase de cicatrisation osseuse ne présentent pas de micro-organismes cultivables et sont associées à une formation osseuse péri-implantaire. Les membranes exposées prématurément pendant la phase de cicatrisation sont associées à un pourcentage significativement élevé de micro-organismes cultivables (P. gingivalis, B. forsythus, P. intermedia, Fusobacterium, des staphylocoques et des streptocoques) associé à une perte osseuse (Nowzari et Slots, 1995). Cette étude a également montré un pourcentage élevé de membranes exposées précocement sur les patients atteints de maladies parodontales.

Nous avons donc tenté de montrer l'incidence et l'importance des facteurs de risques pour la régénération osseuse guidée. Le tabac représente un facteur de risque majeur. La méconnaissance et la non prise en compte de ces facteurs entraînent inévitablement un taux d'échec plus important que ceux rapportés dans la littérature.

Conclusion

L'utilisation d'implants de large diamètre a démontré son efficacité dans le traitement de patient dont le volume osseux était réduit. Cependant un certain nombre d'échecs ou de complications ont été observés avec ces implants. Il est possible que ces problèmes soient associés aux techniques développés pour leur mise en place, en particulier avec l'utilisation de forets de diamètre plus important. L'augmentation du diamètre des instruments est associée à une vitesse de rotation plus élevée et peut être à l'origine d'un traumatisme plus important. Ce phénomène pourrait expliquer la forme des lésions observées autour de certains implants de large diamètre.

Dans notre analyse rétrospective de 3 ans les résultats mettent en évidence que les échecs de régénération osseuse font suite à une exposition précoce des membranes. Ces expositions sont retrouvées principalement chez les patients fumeurs. Il existe bien une relation statistique positive entre fumeur et exposition de la membrane, ainsi que fumeur et faible recouvrement des implants par du tissu régénéré. Il apparaît donc que la prise en compte de facteur de risque comme le tabac est un point essentiel lors de l'indication des techniques de régénération osseuse et que le taux succès est significativement moins important même si le protocole chirurgical est parfaitement respecté.

Demande de tirés à part

Franck RENOUARD, 26, avenue Kléber, 75016 PARIS - FRANCE - e-mail: frenouard@aol.com.

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