Diabète et état parodontal : données actuelles - JPIO n° 1 du 01/02/1999
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/1999

 

Articles

Georges HAGE *   Mithridade DAVARPANAH **   Jean-François TECUCIANU ***  


*Département de parodontologie Paris VI
UFR de stomatologie et de maxillo-faciale Hôpital de la Pitié-Salpêtrière

Résumé

Le traitement de la maladie parodontale chez le diabétique peut parfois s'avérer délicat du fait de l'implication de certains facteurs systémiques en rapport avec le diabète et ses complications. Cet article expose les perturbations liées au diabète et leurs répercussions sur le milieu buccal en général et sur le parodonte en particulier. Les aspects clinique, bactérien, immunologique et génétique sont évoqués. Une dégradation subite de l'état parodontal peut parfois révéler un diabète inconnu. De même, le rôle du chirurgien-dentiste et du stomatologiste dans le maintien de la stabilité du diabète est important. Il consiste à prévenir et à traiter les foyers infectieux d'origine dentaire et parodontale.

Summary

Treating periodontal disease in diabetic patients can sometimes be distinctly challenging because of the involvment of systemic factors related to diabetes and its complications. This article reviews the complications linked to diabetes and their effects on the oral status, particularly those affecting the periodontium. Clinical, microbial, immunological and genetic aspects are discussed. An unexpected breakdown of the periodontal conditions may sometimes disclose previously undetected diabetes. The practitioner has an important role in maintaining the stability of diabetic patients by preventing and treating dental and periodontal focal infection.

Key words

Diabetes, periodontitis, metabolic control

Introduction

Le diabète affecte 2 à 10 % de la population (Firalti et coll., 1994). Il est classé parmi les 10 premières causes de décès dans les pays occidentaux (Cutler et coll., 1991). Il figure parmi les facteurs de risque des maladies parodontales. Cependant les résultats des études sont contradictoires. En effet, la parodontite a une étiologie multifactorielle. De même, le diabète est un syndrome métabolique complexe. la complexité de ces deux maladies contribue très probablement à la controverse rencontrée dans la littérature. Pourtant, récemment, l'Association américaine pour le diabète a ajouté la parodontite aux autres risques du diabète (Oliver et Tervonen, 1993a). Aux Etats-Unis, le diabète de type II (80 % des diabètes) croît en moyenne de 6 % par an. On estime que les 14 millions de diabétiques seront deux fois plus nombreux d'ici 15 ans (Miller et coll., 1992). Ces prévisions s'expliquent par les nouveaux modes d'alimentation et par un mode de vie de plus en plus sédentaire de la population. En France, 2 millions de Français sont diabétiques. Il faudrait ajouter 500 000 personnes ignorant leur maladie. Par conséquent, il est fort probable que le parodontiste soit amené à traiter de plus en plus de patients diabétiques.

Rappel sur le diabète (tableau I)

Il existe approximativement 5 % des diabètes qui ne sont ni de type I ni de type II : ce sont les diabètes secondaires.

Les éléments d'évaluation de l'hyperglycémie les plus utilisés sont :

1. la glycémie (taux de glucose plasmatique). Elle s'exprime en mmol/l ou bien en g/l. Le rapport entre ces 2 entités est : mmol/l = g/l x 5,5. Sa valeur normale varie de 0,8 à 1,2 g/l chez les jeunes, et de 0,8 à 1,4 g/l chez les adultes ;

2. l'hémoglobine glycosylée Hb A1c : le glucose s'attache d'une façon irréversible à l'hémoglobine par une réaction dont le taux dépend du niveau de la glycémie et de la demi-vie de l'hématie, qui est de 6-8 semaines. Elle s'exprime en pourcentage. Sa valeur normale est de 4,5 à 5,7 %.

La glycémie fait état du taux du glucose plasmatique à un instant donné. Sa valeur est donc ponctuelle. L'Hb A1c reflète une moyenne à long terme de la glycémie sur une durée de 2 mois et ce en rapport avec la demi-vie de l'hématie. Son intérêt est majeur dans le suivi du patient diabétique et le contrôle de son métabolisme. L'avantage de l'Hb A1c par rapport à la glycémie est une plus grande précision de diagnostic et la possibilité de réaliser le dosage sans que le patient soit à jeun.

Les dysfonctionnements majeurs chez le diabètique

Les modifications vasculaires

Les modifications vasculaires sont dues à l'exposition prolongée des vaisseaux à l'hyperglycémie. Il en résulte une réduction du diamètre vasculaire.

Ces perturbations ont pour conséquences d'empêcher la diffusion de l'oxygène et des facteurs de l'immunité au niveau des différents tissus (Zachariasen, 1991). Cela constitue un des facteurs pouvant expliquer l'atteinte parodontale chez les diabétiques.

Le métabolisme du collagène

L'altération du métabolisme du collagène contribue à la progression de la maladie parodontale. L'augmentation de l'activité collagénolytique des tissus gingivaux chez les diabétiques pourrait expliquer la destruction parodontale rapide observée chez certains patients. De même, l'altération du métabolisme de collagène ralentit le processus de cicatrisation (fig. 1a et 1b). Le diabète entraîne une baisse de la production des composantes de la matrice osseuse par les ostéoblastes, diminue la synthèse du collagène par les fibroblastes de la gencive et du ligament parodontal et augmente l'activité collagénolytique au niveau de la gencive (Golub et coll., 1978 et Sasaki et coll., 1990).

Altération de la réponse de l'hôte

Plusieurs études ont démontré une déficience de la fonction des polymorphonucléaires (PMN) chez les diabétiques. Le chimiotactisme, l'adhérence et la fonction de phagocytose sont diminués (Bagdade et coll., 1978 ; Kjersem et coll., 1988 ; Cutler et coll., 1991).

Cependant beaucoup de diabétiques ne présentent pas de dysfonctionnement de leurs PMN (Bridges et coll., 1986) et ne développent pas de problèmes parodontaux. Il semblerait que seuls les patients présentant un chimiotactisme altéré développent des parodontites de sévérité inhabituelle (Ainamo et coll., 1990).

Un phénotype monocytaire anormal expliquerait en partie l'importance de la destruction parodontale chez certains diabétiques. Ce même phénotype existe également chez les individus atteints de parodontite précoce ou ayant une parodontite réfractaire (Page et coll., 1997 ; Salvi et coll., 1997).

La prédisposition génétique

Le diabète de type I est associé à des types spécifiques de HLA (Human Lymphocyte Antigen). Environ 95 % des diabétiques insulino-dépendants (DID) présentent le HLA-DR3 et/ou le HLA-DR4 (Rotler et coll., 1990). Des études montrent que le HLA-DR4 est également un facteur prédisposant à la parodontite (Katz et coll., 1987 ; Reinhardt et coll., 1991 ; Seagren et coll., 1993).

Les affections buccales

Les symptômes les plus fréquents sont la sécheresse buccale, les brûlures de langue et les douleurs gingivales. Dans une étude portant sur 64 patients atteints de candidose orale pseudomembraneuse symptomatique, Ueta et coll. (1993) ont décelé 8 patients diabétiques non diagnostiqués. Par ailleurs, parmi les 31 patients atteints de candidoses asymptomatiques, aucun n'était diabétique. Les auteurs soulignent l'importance d'un test de glycémie devant la forme symptomatique de la candidose dans le but de déceler un éventuel diabète. Parmi les 8 cas de diabétiques, 7 avaient une hyposalivation. La salive contient l'immunoglobuline A sécrétoire (IgAs) et un composant sécrétoire libre qui inhibent l'adhésion des Candida aux cellules épithéliales. La diminution du flux salivaire favorise la candidose. De plus, la capacité de destruction du Candida par les neutrophiles est inhibée en présence d'un taux de glucose salivaire élevé d'origine essentiellement parotidienne, caractérisant les diabétiques (Hostetter, 1990).

Des paresthésies orales, des glossodynies et une diminution de la sensibilité gustative ont été décrites chez les diabétiques (Rose et coll., 1995). Elles seraient en rapport avec la neuropathie, une des complications majeures du diabète. Les manifestations muqueuses telles que la perlèche et l'aphte sont fréquentes chez le diabétique (Gautier et coll., 1989).

Sur le plan parodontal

La grande majorité des études s'accorde sur l'association entre diabète et parodontite. Les résultats variables d'une étude à l'autre sont dus à la multiplicité des critères d'évaluation du diabète et de la parodontite. Les paramètres étant similaires (durée du diabète, âge, contrôle métabolique, etc.), il n'y a pas de différences dans la parodontite chez les diabétiques de type I et de type II (Bacic et coll., 1988). Dans l'une des plus grandes enquêtes épidémiologiques menées sur la relation entre le diabète type II et la parodontite, Emrich et coll. (1991) ont montré que le diabète augmente de 3 fois le risque de développer une maladie parodontale. Cianciola et coll. (1982), chez de jeunes diabétiques de type I, trouvent 10 % de patients atteints de parodontite comparés au 2 % du groupe contrôle non diabétique.

La plaque bactérienne

Les diabétiques à contrôle métabolique déficient présentent plus de plaque et de tartre que des diabétiques à bon contrôle métabolique quel que soit le type de diabète (Harrison et Bowen, 1987 ; Tervonen et Oliver, 1993 ; Oliver et Tervonen, 1994 ; Karjalainen et coll., 1994 ; Seppâlâ et Ainamo, 1996). De plus, les diabétiques, même bien contrôlés, ont un indice de plaque et un indice gingival plus élevé que les non-diabétiques (Novaes et coll., 1991 ; Cherry-Peppers et Ship, 1993).

La diminution du flux salivaire et l'augmentation du glucose salivaire chez les sujets mal contrôlés expliqueraient leur indice de plaque élevé (Harrison et Bowen, 1987). La faible motivation à l'hygiène de ces patients est une autre raison évoquée (Tervonen et Oliver 1993 ; Karjalainen et coll., 1994).

La flore sous-gingivale

Mashimo et coll. (1983) ont trouvé que les capnocytophages étaient prédominants (24 % de la flore sous-gingivale cultivable) dans la majorité des poches parodontales de jeunes diabétiques insulino-dépendants (DID). L'Actinobacillus actinomycetemcomitens (Aa) a été également retrouvé en quantité importante dans cette étude. D'autres études n'ont pu associer de manière significative les espèces capnocytophaga avec la parodontite chez des diabétiques non insulino-dépendants (DNID) (Zambon et coll., 1988) ou des diabétiques insulino-dépendants (DID) (Sastrowijoto et coll., 1989 ; Mandell et coll., 1992 ; Thorstensson et coll., 1995). Concernant l'Aa, ni Mandell et coll. (1992) ni Sastrowijoto et coll. (1989) ni Thorstensson et coll. (1995) n'ont pu le déceler d'une manière significative chez des DID.

D'une manière générale, la flore sous-gingivale est similaire à celle rencontrée dans la parodontite chronique de l'adulte (tableau II).

L'inflammation gingivale

Plusieurs études ont montré une inflammation gingivale plus prononcée chez les sujets diabétiques (Hugoson et coll., 1989 ; Emrich et coll., 1991 ; Thorstensson et coll., 1995) et ce malgré des indices de plaque similaires (Sandholm et coll., 1989 ; De Pommereau et coll., 1992). Dans l'étude de Cianciola et coll. (1982), la gingivite chez les jeunes DID s'installe entre 11 et 13 ans. Dans une population de diabétiques, le sous-groupe ayant un contrôle métabolique faible présente plus d'inflammation malgré une quantité de plaque similaire (Ervasti et coll., 1985 ; Seppala et coll., 1993).

La perte d'attache

La prévalence et l'étendue de la perte d'attache est la même chez les diabétiques et les non-diabétiques adultes (Oliver et Tervonen, 1993). Cependant, elle est plus fréquente chez les patients dont le diabète est moyennement ou mal contrôlé (27 %) par rapport à ceux dont le diabète est bien contrôlé (10 %). Cela est confirmé par d'autres études (Safkan-Seppala et Ainamo, 1992 ; Seppala et coll., 1993). Dans une récente étude portant sur 1 426 adultes, Grossi et coll. (1994) ont constaté que le diabète était la seule maladie systémique à être positivement associée à une perte d'attache.

La profondeur de poche

La prévalence et l'étendue des poches parodontales chez les diabétiques par rapport aux non-diabétiques varient selon les études. Dans celle de Oliver et Tervonen (1993), 41 % des diabétiques avaient des poches > 4 mm versus 16 % chez les non-diabétiques. Pour ces auteurs, les poches se forment plus tôt chez les diabétiques et elles sont plus étendues. Thorstensson et Hugoson (1993) ont trouvé plus de poches > 6 mm chez les diabétiques.

Dans une étude sur 236 enfants DID et 208 contrôlés, Cianciola et coll. (1982) ont noté que la parodontite s'installe chez les DID à partir de l'âge de 13 ans. Des poches existent chez 9,8 % des diabétiques contre 1,7 % chez les non-diabétiques, les sujets étant âgés de 13 à 18 ans. La prévalence de la parodontite augmente jusqu'à 39 % chez les diabétiques de 19 ans et plus. A l'inverse, De Pommereau et coll. (1992) n'ont pas rapporté de perte d'attache ni de poches dans leur étude portant sur 85 adolescents DID âgés de 12-18 ans.

La perte osseuse

En plus du métabolisme de collagène altéré, le diabète peut entraîner une ostéopénie et une ostéoporose (Zachariassen, 1991). Cela s'observe essentiellement chez les diabétiques de longue durée et/ou mal contrôlés. La composante minérale de l'os se trouve inversement liée au taux du glucose sanguin, à la glucosurie et aux besoins d'insuline (Tervonen et Kruuttila, 1986). Le rôle de l'insuline dans le métabolisme osseux n'est pas entièrement élucidé. Toutefois, il apparaît qu'un certain nombre de facteurs impliqués dans la formation osseuse soient affectés par le manque d'insuline (Zachariassen, 1991). Le déficit en insuline chez le rat induit par un diabète provoqué montre une diminution de l'activité et du nombre des ostéoblastes. Ceux-ci ont des récepteurs à l'insuline. Par ailleurs, le DID a toujours été associé à une diminution de la sécrétion de l'hormone parathyroïdienne, qui, par la suite, se manifeste par une réduction aussi bien de la formation que de la résorption osseuse.

La perte des dents

Dans une étude comparant 121 adultes diabétiques à des adultes non diabétiques, Tervonen et Oliver (1993) ont trouvé des pertes dentaires identiques jusqu'à l'âge de 65 ans. Cependant, dans le groupe des diabétiques, les patients bien contrôlés avaient en moyenne 3 dents de plus que les diabétiques mal contrôlés du même âge. Löe (1993), citant l'étude de Schlossman, constate qu'après ajustement du sexe et de l'âge, les diabétiques avaient en moyenne 12 dents manquantes comparés aux non-diabétiques, qui en avaient 8. De même, la fréquence de l'édentement augmente avec la durée du diabète, allant de 7 % pour les personnes ayant un diabète depuis 5 ans, à 14 % pour celles diabétiques depuis 10 ans, et à 75 % pour celles diabétiques depuis 20 ans. Les diabétiques auraient 15 fois plus de probabilité d'être totalement édentés par rapport aux non-diabétiques. Cette plus grande tendance à l'édentation chez les diabétiques a aussi été retrouvée par Thorstensson et Hugoson (1993). Les raisons évoquées sont une plus grande susceptibilité à la maladie parodontale mais aussi une motivation moindre concernant les soins dentaires chez les diabétiques (fig. 2a, 2b, 2c et 2d) (Thorstenson et Hugoson, 1993 ; Karjalainen et coll., 1994).

Facteurs différenciant un diabète d'un autre

Les complications du diabète

Alors qu'il existe un consensus sur le fait qu'il n'y a pas de corrélation entre le dosage de l'insuline et la sévérité de la maladie parodontale, la relation entre les principales complications du diabète (rétinopathie néphropathie et neuropathie) et la sévérité de la gingivite et de la parodontite reste sujet à controverse (Rosenthal et coll., 1988 ; Safkan-Seppala et Ainamo, 1992).

La rétinopathie est la plus commune des complications et, en général, la première à apparaître. De ce fait, les patients qui ne présentent pas cette complication ont peu de probabilité d'en avoir d'autres. Son incidence est de 80 à 90 % après 15 à 20 ans de diabète de type I. Pour Löe (1993) les diabétiques avec rétinopathie ont 5 fois plus de probabilité d'avoir une parodontite comparés aux diabétiques sans cette complication.

La néphropathie se développe chez 35-45 % des diabétiques de type I à long terme (Karjalainen et coll., 1994). Les patients DID sont donc plus susceptibles de développer une hypertension artérielle, conséquence directe des perturbations rénales. Celles-ci sont diagnostiquées essentiellement par une micro ou macro-albuminurie. Dans une récente étude, Thorstensson et coll. (1996) ont conclu qu'il pourrait y avoir une association entre la maladie rénale, les complications cardio-vasculaires de celle-ci et la parodontite sévère. La découverte de micro-albuminurie/ protéinurie chez le diabétique devrait inciter à un examen parodontal.

Il semble que les complications observées chez les diabétiques soient associées à la durée du diabète et à un faible contrôle métabolique. Cependant, elles ne se produisent pas systématiquement. Par opposition, il existe des diabétiques bien contrôlés qui développent des complications peu d'années après le début de leur maladie. Des facteurs génétiques seraient à l'origine de ces variations individuelles.

La durée

L'association de la durée du diabète avec la sévérité de l'atteinte parodontale ne fait pas non plus l'unanimité chez les auteurs. Certains ont relevé une parodontite plus sévère chez les diabétiques de longue durée (Hugoson et coll., 1989 ; Emrich et coll., 1991 ; Oliver et Tervonen, 1994). Cette association est en général accompagnée d'autres complications dues à la durée du diabète, essentiellement la rétinopathie et la néphropathie.

Par opposition, d'autres auteurs n'ont pas trouvé de corrélation entre la durée et les différents paramètres parodontaux (Hayden et Buckley, 1989 ; De Pommereau et coll., 1992).

L'âge

Selon Thorstensson et Hugoson (1993) l'installation précoce du diabète est un facteur bien plus important que sa simple durée. Par exemple, un individu ayant 60 ans, avec une durée moyenne de son diabète de 18,6 années, a été atteint à l'âge de 40 ans. En termes de maladie parodontale, celle-ci ne semble pas être très différente d'un non-diabétique du même âge. Par contre, un diabétique âgé de 40 ans, avec une durée moyenne de son diabète de 25,6 ans, a donc été atteint du diabète pendant son adolescence. Cet individu a non seulement une parodontite plus sévère que les non-diabétiques de son âge mais aussi une parodontite aussi sévère que celle d'autres diabétiques plus âgés.

Le contrôle métabolique

Il est essentiellement établi par le dosage de l'hémoglobine glycosylée Hb A1c. Une moyenne des valeurs de l'Hb A1c est nécessaire afin d'évaluer le niveau du contrôle métabolique. Une seule valeur ne peut être suffisante (Safkan-Seppala et Ainamo, 1992 ; Karjalainen et coll., 1994). Plusieurs auteurs trouvent une corrélation entre le contrôle métabolique et le développement de la parodontite (Tervonen et Knuuttila, 1986 ; Harrison et Bowen, 1987 ; Safkan-Seppala et Ainamo, 1992 ; Seppala et coll., 1993 ; Tervonen et Oliver, 1993 ; Seppala et Ainamo, 1994). D'autres n'ont pas trouvé cette corrélation (Bacic et coll., 1988 ; Sastrowijoto et coll., 1989 ; De Pommereau et coll., 1992).

Ainamo et coll. (1990) ont rapporté deux cas de parodontite à progression rapide (PPR) chez des diabétiques à contrôle métabolique inexistant. Ces deux patients n'ont répondu au traitement parodontal qu'après que leur taux de glycémie ait été ramené à la normale. Les auteurs en ont conclu que la progression rapide de la parodontite n'était pas associée à l'état de diabète en lui-même, mais plutôt à l'hyperglycémie. Par ailleurs, ils précisent que la perte d'os subite et rapide ne peut être pathognomonique d'un taux de glycémie élevé, mais que le lien peut exister. De légères augmentations de la glycémie peuvent entraîner d'importantes déficiences de la réponse de l'hôte à la maladie parodontale. Par conséquent, ils préconisent un examen de la glycémie en cas de progression importante de la parodontite chez l'adulte ou chez une personne âgée. Cet état peut parfois représenter un des premiers signes de l'établissement du diabète.

Chacun des épisodes de mauvais contrôle métabolique peut aggraver la destruction parodontale préexistante (Tervonen et Oliver, 1993).

Influence du traitement du diabète sur la maladie parodontale

Dans une étude menée au Pays-Bas par Sastrowijoto et coll. (1990), 6 patients diabétiques de type I atteints de parodontite avaient reçu uniquement un traitement intensif à l'insuline qui avait sensiblement amélioré leur contrôle métabolique sur une période de 9 mois. Aucun changement au niveau du saignement gingival, du niveau d'attache, et de la microbiologie des sites malades n'a été relevé. Pourtant, les auteurs avaient constaté l'augmentation des streptocoques (bactéries associées à la santé parodontale) après l'amélioration du contrôle métabolique.

D'autres études sur l'homme ont fait état d'amélioration de l'état parodontal suite à une amélioration du contrôle métabolique (Tervonen et Knuuttila, 1986 ; Ainamo et coll., 1990).

Influence du traitement parodontal sur le diabète

William et Mahan (1960), cités par Oliver et Tervonen (1994), avaient constaté qu'un traitement parodontal par gingivectomie chez 7 des 9 patients diabétiques traités a permis de baisser la dose d'insuline. Cohen et coll. (1970) ont abouti au même résultat. Ces deux études étaient des études expérimentales non contrôlées. D'autres études plus récentes ont trouvé une amélioration du contrôle métabolique suite à l'instauration d'un traitement parodontal essentiellement chez les diabétiques ayant à la base un bon contrôle métabolique (Miller et coll., 1992 ; Seppala et coll., 1993 ; Seppala et Ainamo, 1994) contrairement à Aldridge et coll. (1995) et Christgau et coll. (1998). Ceux qui avaient un mauvais contrôle métabolique n'ont vu ni leur taux de Hb A1c ni leur glycémie diminuer.

Résultats du traitement parodontal chez le diabètique

Chez le diabétique bien contrôlé, la réponse au traitement parodontal est la même que chez les non-diabétiques (Tervonen et coll., 1991 ; Westfelt et coll., 1996 ; Christgau et coll., 1998). Seppala et Ainamo (1994) aboutissent aux mêmes conclusions même chez des diabétiques mal contrôlés. Sur ce dernier point, Miller et coll. (1992) pensent que les résultats chez les diabétiques mal contrôlés sont moins prévisibles. Une étude pilote sur l'effet du traitement parodontal (phase initiale) a été réalisée sur 36 patients diabétiques de type I âgés de 26 à 36 ans avec un groupe contrôle de 10 patients non diabétiques du même âge. La particularité de cette étude est la subdivision du groupe des diabétiques en trois sous-groupes en fonction du taux de l'hémoglobine glycosylée (Hb A1c) évalué sur une période de 3 ans et des complications dues à l'état diabétique. Dans le sous-groupe à faible contrôle métabolique avec plusieurs complications (rétinopathie, néphropathie, neuropathie et infections dermatologiques) la parodontite était plus avancée à la base et le taux de récidives plus important (Tervonen et Karjalainen, 1997).

Conclusion

Le mécanisme selon lequel le diabète augmente le risque de parodontite reste incertain. Néanmoins, il est considéré comme étant un facteur de risque important prédisposant à la parodontite. Un diabétique a 2 ou 3 fois plus de risques de développer une parodontite par rapport à un non-diabétique (Emrich et coll., 1991 ; Page et coll., 1997). Ce risque est comparable à celui du fumeur qui, selon une méta-analyse de données issues d'un certain nombre d'études, est évalué à 2,8 fois par rapport au non-fumeur (Salvi et coll., 1997). L'état diabétique ne semble pas affecter la composition de la flore microbienne sous-gingivale. Par conséquent, ce sont les aspects immunologique et génétique qui influenceraient les différentes étapes de la pathogenèse de la maladie parodontale, provoquant ainsi une plus grande susceptibilité à la parodontite. Ces deux aspects sont en partie liés. Il semblerait que certains diabétiques sont plus prédisposés génétiquement que d'autres à développer une maladie parodontale. Un phénotype monocytaire anormal est incriminé.

Devant une parodontite chez un diabétique le praticien devra s'enquérir de l'état de diabète de son patient. Les antécédents familiaux diabétique et parodontal, la qualité du contrôle métabolique, la durée, la précocité de l'installation du diabète et ses complications sont des variables importantes à déterminer. Elles permettront d'adapter le traitement et d'évaluer le pronostic. Il est important que les infections puissent être prévenues et traitées car elles peuvent rendre le contrôle du diabète plus difficile et transformer un diabète stable en instable. Ainsi les besoins en insuline peuvent augmenter, entraînant parfois certaines complications. De même, la susceptibilité à l'infection et la cicatrisation perturbée chez le diabétique exigent une antibiothérapie préventive lors de tout acte chirurgical.

Devant une détérioration rapide de l'état parodontal (parodontite à progression rapide, apparition de plusieurs abcès, etc.) ou buccal (candidose symptomatique, glossodynies, aphtes, etc.), le praticien devrait suspecter un diabète et par conséquent demander des investigations cliniques et biologiques.

Demande de tirés à part

Georges HAGE, 44, rue Ybry, 92200 NEUILLY-SUR-SEINE - FRANCE.

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