Dosage de l'élastase et de la bêta-glucoronidase du fluide gingival au cours de la préparation initiale avec ou sans irrigations sous-gingivales sur des patients atteints de parodontite avancée de l'adulte - JPIO n° 1 du 01/02/1999
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/1999

 

Articles

Michel PERRIN *   Jean-François MORIN **   Gilles GAGNOT ***   Jean-François MICHEL ****  


*Faculté d'Odontologie de Rennes,
Faculté d'Odontologie de Brest
**Département de Biostatiques,
Faculté de Médecine de Brest
***Faculté d'Odontologie de Rennes
****Département de Parodontologie,
Faculté d'Odontologie de Rennes

Résumé

Des études préalables menées dans notre laboratoire ont évalué les variations quantitatives de l'élastase et de la bêta-glucuronidase du fluide gingival sur des patients atteints de parodontite avancée de l'adulte (PAA). Ce travail compare l'évolution de la concentration de ces deux enzymes au cours de la préparation initiale (motivation, détartrage supragingival, enseignement d'une méthode raisonnée de brossage) avec ou sans irrigations sous-gingivales pratiquées avec un collutoire à 0,12 % de chlorhexidine.

Summary

Preliminary studies in our laboratory have evaluated the levels of two enzymes of polymorphonuclear neutrophils, elastase and beta-glucuronidase, in the crevicular fluid of patients with chronic adult periodontitis. This work assessed change of the levels of these two enzymes during initial therapy (motivation, supragingival scaling, instruction in oral hygiene) with or without subgingival irrigation with a spray containing a solution of 0.12 % chlorhexidine. The results showed that, the release of elastase and ß-glucuronidase follow a similar curve. Subgingival irrigations seem unable to enhance the efficacy of initial therapy.

Key words

Chronic adult periodontitis, elastase, beta-glucuronidase, polymorphonuclear neutrophils, crevicular fluid, initial therapy, subgingival irrigations, chlorhexidine

Introduction

Des études préalables (Lucas et coll., 1994 ; Florent et coll., 1995 ; Lucas, 1996) ont évalué les variations de l'élastase du fluide gingival sur des patients atteints de parodontite avancée de l'adulte (PAA). Pour y faire suite, nous avons comparé l'évolution quantitative de cette enzyme et de la ß-glucuronidase au cours de la préparation initiale. La ß-glucuronidase, selon Lamster et coll. (1991), semble un excellent marqueur de l'activité d'un site. Produit des granules primaires des polynucléaires neutrophiles, cette glycosidase d'un poids moléculaire de 218 kilodaltons agit sélectivement sur l'acide hyalobiuronique, unité de base de l'acide hyaluronique, et la chondroïne, unité de base des chondroïtines sulfates ; son intervention aboutit à la libération d'acide glucuronique, qui induit la détoxication des tissus et la cicatrisation (Miller et Wolfe, 1968). Son activité dépend étroitement du pH, l'optimum se situant à 4,3 (Romeo et De Bernard, 1968). Lamster et coll. (1991) ont constaté, lors d'une étude sur des sujets atteints de PAA, que l'élévation du taux de ß-glucuronidase dans le fluide gingival est fortement corrélée à la perte d'attache clinique et que cette élévation se produirait 3 à 6 mois avant une phase d'activité de la maladie.

Lamster et coll. (1994) ont étudié les relations entre la concentration de la ß-glucuronidase dans le fluide et divers paramètres cliniques (perte d'attache, profondeur des sites, saignement au sondage). Ils ont constaté que cette enzyme est très abondante au niveau des molaires (≥ 140 unités) au cours des poussées inflammatoires ; ils ont également remarqué que dans les poches superficielles (1 à 1,5 mm de profondeur) la ß-glucuronidase est peu abondante (15 unités) alors que dans des sites de 5 à 8 mm, on relève 127 unités en moyenne.

Nous avons suivi l'évolution des concentrations d'élastase et de ß-glucuronidase au cours de la préparation initiale de patients atteints de parodontite chronique de l'adulte, dans le cadre d'un essai clinique d'une canule adaptée aux irrigations sous-gingivales, montée sur un pulvérisateur de collutoire à la chlorhexidine.

Patients et méthode

Protocole de l'étude

L'étude a été pratiquée d'octobre 1995 à avril 1997 dans le Département de Parodontologie du Centre de soins dentaires de la Faculté d'Odontologie de Rennes, sur des patients âgés de 35 à 55 ans (tableau I), pris en charge par des chirurgiens-dentistes étudiants du diplôme universitaire de Parodontologie et Réhabilitation occlusale de la Faculté d'Odontologie de Rennes. Ces malades étaient atteints de Parodontite avancée de l'adulte diagnostiquée à la première consultation par l'examen clinique et la prise d'un status radiographique complet.

Ces clichés radiographiques ont été effectués par la méthode du long cône, avec le générateur utilisé dans le Département de Parodontologie du Centre de soins dentaires (appareil CCX Digital®, Trophy).

Dans la mesure où le protocole ne modifiait pas le déroulement du traitement, l'expérimentation ne relevait pas de la loi Huriet. Nous avons recueilli le consentement éclairé des sujets, après la seconde consultation, consacrée au sondage des sites et à l'évaluation de l'indice de saignement gingival, signe majeur de l'éventuelle activité d'un site (Page, 1991). Nous avons renoncé à relever l'indice de plaque, trop aléatoire.

Le sondage a été fait avec une sonde de Williamson Hu-Friedy® (Buffalo, USA), par un membre du corps enseignant de la Faculté (tableau II). L'évaluation de l'indice de saignement sulculaire (Sulcular Bleeding Index ou SBI) (Muhleman et Son, 1971) était pratiquée sur tous les patients par deux des auteurs (tableau III).

Les sites étudiés sur ces malades ont été choisis en fonction des critères suivants :

- aspect érythémateux ;

- saignement provoqué ou spontané de la gencive ;

- profondeur au sondage de 5 mm au minimum ;

- destruction de l'os alvéolaire appréciée par la radiotransparence des zones atteintes ou la diminution de la radio-opacité de l'os environnant le site. Ces sites présentaient pour la plupart soit une résorption angulaire soit une résorption horizontale voisine de 5 mm.

Les critères d'exclusion étaient les suivants :

- patientes futures parturientes ;

- patients ayant pris récemment (moins de 3 mois) ou prenant des antibiotiques ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens ;

- sujets sous corticoïdes ou sous immunothérapie (greffés rénaux), patients immuno-déprimés ;

- patients atteints de Parodontite juvénile ou de Parodontite à progression rapide ;

- fumeurs ;

- alcooliques ;

- sujets sous anxiolytiques ;

- patients ayant subi une vaccination moins de 3 mois auparavant.

Une troisième consultation, ou Jour 0 (J0) de l'étude, était consacrée :

- au prélèvement de fluide avec trois pointes de papier absorbant (Mynol® 45/100) introduites sans forcer dans le site à évaluer et maintenues en place 1 minute (Cimasoni et Kowashi, 1980) ;

- à la réévaluation de la profondeur des sites (tableau II) ;

- à la réévaluation de l'indice de saignement SBI (tableau III) ;

- à l'enseignement du brossage adapté à chaque patient.

L'observation de chaque patient a duré 2 mois et concernait 19 sujets âgés de 35 à 55 ans (14 femmes et 5 hommes) (tableau I), répartis en 2 groupes :

- Groupe A (10 sujets) : mesures d'hygiène + irrigations sous-gingivales au digluconate de chlorhexidine à 0,12 % en collutoire, appliqué grâce à la modification des embouts pulvérisateurs par adjonction d'une canule d'hydropulseur (fig. 1) (Ciancio, 1995) ;

- Groupe B (9 sujets) : enseignement des mesures d'hygiène buccale et détartrage supragingival.

A J21 et J60, nous avons renouvelé le prélèvement de fluide (fig. 2 et 3), la mesure de la profondeur des sites (tableau II) et l'évaluation de l'indice de saignement (tableau III), tout en renforçant le cas échéant la motivation du patient.

Chaque fois que se produisait un saignement de la gencive au moment de l'introduction des pointes de papier, nous avons éliminé le site de l'étude, afin de ne pas biaiser les données ; le fait de laisser les pointes en place une minute permettait de recueillir une quantité maximale de fluide tout en évitant leur saturation (Villela et coll., 1987).

Les sites choisis se sont répartis sur les deux arcades dentaires de manière inégale en raison de divers aléas (défection des patients, prise de médicaments commandée par des épisodes aigus, ce qui entraînait l'éviction de l'étude…) (tableau II).

Technique de laboratoire

Les pointes de papier étaient conservées dans des micro-tubes de 10 ml, pesés avant et après chaque prélèvement afin de déterminer le volume de fluide prélevé (fig. 2 et 3). Après pesée du tube, nous avons procédé à l'élution par centrifugation pendant 1 minute du fluide imbibant les pointes de papier dans 225 microlitres de solution de Hanks BSS ; 100 microlitres de solution étaient ensuite transférés dans 2 tubes destinés au dosage de l'élastase et de la ß-glucuronidase et congelés en attente de l'analyse.

Nous avons employé comme réactif de l'élastase une solution de 500 µl de DMSO additionné de 116,9 mg de NaCl, 605,7 mg de TRIS HCl et 9,6 mg de nitroanilide (Haverman et Gramse, 1984). Pour l'analyse spectrographique, nous avons prélevé avec une pipette multiple 30 microlitres de réactif, déposés dans les deux premiers puits d'une platine à 16 puits d'un spectrophotomètre Hyperion Micro-Reader III® (Hyperion Inc. ; Miami, USA), puis 30 microlitres de la solution de chaque tube, placés dans les 14 puits libres de la platine d'analyse (Microstrip®, Labsystems ; Helsinki, Finlande). Les deux premiers puits servaient de témoin (blank). La lecture était pratiquée à la longueur d'onde de 405 nm (Lucas, 1996).

Nous avons utilisé pour la recherche de la ß-Glucuronidase un substrat à base de naphtol AS-BI et d'hydrochlorure de pararosaniline (Hayashi et coll., 1963). L'analyse spectrographique était pratiquée à la longueur d'onde de 630 nm, après étalonnage. Les manipulations étaient par ailleurs identiques.

Les platines étaient incubées 1 heure à 37 °C avant de procéder à la lecture sur le spectrophotomètre.

Résultats

Le tableau IV montre les variations du relargage des deux enzymes et en confirme la similitude.

Analyse statistique des résultats

Descriptif des échantillons

Statistiquement, la moyenne d'âge de l'ensemble des patients se situait à 44,6 ± 7,1 ans ; elle était de 43,1 ± 5,8 dans le groupe A et de 46,3 ± 8,4 ans dans le groupe B.

Les femmes étaient âgées en moyenne de 44,2 ± 6,7 ans et les hommes de 45,8 ± 9 ans.

Il est apparu que la majorité des sites étudiés (28 sur 47) se situaient dans l'angle mésio-vestibulaire des dents ; les patients porteurs de ce type de sites étaient âgés en moyenne de 44,2 ± 7,7 ans ; 17 autres sites se situaient dans l'angle disto-vestibulaire et les patients étaient âgés en moyenne de 45,1 ± 7,3 ans (tableaux I et II).

Comparaisons statistiques

Nous nous trouvons en présence d'un groupe de patients composé de 14 femmes et 5 hommes, ce qui est statistiquement différent (χ2 = 4,26 ; p < 0,05) d'une distribution uniforme. La répartition des sexes entre les groupes ne montre pas de différence significative (χc 2 = 0,02).

Les moyennes d'âge entre les deux groupes ne diffèrent pas statistiquement (F = 0,96 ; p = 0,34).

Il n'existe pas de différence significative dans la répartition des trois types de sites (MV, DV, V) entre les deux groupes (χ2 = 0,52 ; p = 0,75)

La comparaison des moyennes des jours à l'intérieur d'un même groupe par le test t sur séries appariées montre des différences significatives dans la profondeur des sites entre J0 et J60, tant dans les deux groupes confondus que dans chaque groupe (tableau V).

Cependant, la comparaison des moyennes des groupes à jour fixé par ANOVA n'indique pas de différence significative de profondeur de site dans les groupes selon les jours de l'examen ; il en est de même quand on compare les jours entre eux, selon les sites (tableau V).

Le test t sur séries non appariées pratiqué pour la variation de profondeur des poches entre J21 et J60 montre une différence par contre significative (tableau VI).

La comparaison des indices de saignement selon les jours démontre des différences significatives de cet indice dans les deux groupes, sauf entre J0 et J60 et J21 et J60 dans le groupe A (tableau VII).

Par contre, si la comparaison des moyennes des groupes à jour fixé par ANOVA ne montre pas de différence significative de SBI selon les groupes, ni les sites, le test t sur séries non appariées pour le SBI de J21 à J60 démontre une différence significative entre les groupes (tableau VIII).

La comparaison des moyennes de fluide gingival en fonction des jours à l'intérieur d'un même groupe ne démontre pas de différence significative, comme l'ANOVA (tableau IX).

Le test t sur séries non appariées ne met lui aussi en évidence aucune différence entre J21 et J60 dans les deux groupes (tableau X).

La comparaison des moyennes des quantités d'élastase et de ß-glucuronidase en fonction des jours à l'intérieur des groupes ne démontre de différence significative que dans le groupe B, entre J0 et J60 et J21 et J60 (tableau XI).

L'ANOVA ne fait apparaître de variation à la limite de la significativité qu'à l'intérieur de chaque groupe (tableau XI).

Le test t sur séries non appariées ne met pas en évidence de différence significative (tableau XII).

Discussion

Analyse des données brutes

Nous avons pu constater que sur 47 sites, la majorité sont interproximaux (28 mésio-vestibulaires et 17 disto-vestibulaires), conformément aux mécanismes pathogéniques tenus pour classiques (Cohen, 1959 ; Nielsen et coll., 1980), et 2 seulement sont vestibulaires (tableau II).

Il apparaît aussi que l'évolution de la quantité des deux enzymes (rapportée en unités de spectrophotométrie) s'effectue de manière similaire à celle relevée dans les principales études menées récemment (Huynh, 1990 ; Lamster et coll., 1985, 1994 ; Nakashima et coll., 1996 ; Palcanis et coll., 1990, 1992). Chez la plupart des sujets, les variations de quantité des deux enzymes évoluent parallèlement aux signes inflammatoires (tableau IV) ; elle peuvent donc bien être considérées comme de bons marqueurs, ainsi que l'ont souligné récemment Uitto et coll. (1993) ou Florent et coll. (1995). Il convient toutefois de tempérer ce propos en rappelant que la durée de l'étude a été limitée dans le temps par les aléas liés au suivi de la patientèle et à l'évolution de la maladie.

Les signes cliniques ne présentent pas la plupart du temps de variations marquées ; en particulier, la profondeur des sites reste très stable : cela s'explique par la durée restreinte de l'observation. Chez un certain nombre de sujets, nous avons pu constater cependant que le volume de fluide diminue, parfois notablement, et que le SBI décroît, ainsi que la profondeur des poches.

Chez d'autres (BJ, DF, LJ, PY, TM, TR), la quantité d'enzymes s'accroît entre J0 et J21, puis décroît de manière plus ou moins accentuée jusqu'à J60 : on peut penser que les mesures d'hygiène n'étaient pas assimilées totalement entre les deux premières séances de prélèvement ; la consultation à J21 permettait de préciser et d'améliorer la technique de nettoyage.

La supériorité de l'efficacité du traitement par pulvérisations sous-gingivales n'apparaît pas : le nombre de poussées inflammatoires paraît légèrement diminué dans le groupe A.

Mais chez les patients LA et DF leur intensité reste très forte (tableau IV) ; LA surtout montre une élévation très nette de la quantité d'enzymes et un accroissement du SBI de J0 à J60, sur les deux arcades, mais surtout sur les sites mésio-vestibulaires de 47 et de 16 (tableaux III et IV) ; la profondeur des poches n'a cependant pas varié et le volume de fluide reste très stable et relativement peu important ; ce sujet droitier faisait preuve d'une maladresse certaine dans l'emploi des instruments d'hygiène et n'a pu devenir totalement efficace. En ce qui concerne ces deux derniers patients, il reste toutefois à envisager une autre hypothèse, celle de la tolérance immunitaire de la chlorhexidine, dont il est démontré qu'elle lyse les neutrophiles, et augmente donc le relargage de radicaux oxygénés (Agarwal et coll., 1997).

On constate en fait une décrue plus régulière de la production d'enzymes lors de l'application des mesures d'assainissement classiques sans irrigations sous-gingivales par pulvérisation.

Ceci permet de supposer que la pulvérisation du produit dans les poches, même à une profondeur obligatoirement limitée, modifie l'équilibre de la relation hôte-flore sous-gingivale sans supprimer un nombre significatif d'espèces pathogènes.

Mais il est aussi possible de se rallier à l'opinion de Westling et Tynellius-Bratthal (1984), qui estimaient que les irrigations sous-gingivales ne sont pas efficaces, ou de penser que la canule adaptée sur un pulvérisateur du commerce ne permettait de procéder qu'à une irrigation supra-gingivale, dont Sanders et coll. (1986) nient la capacité inhibitrice sur les plaques bactériennes.

Il est par ailleurs certain que les volumes de fluide et la concentration des enzymes sont le plus souvent réduits chez la majorité des patients entre le 21e et le 60e jour : l'acquisition d'une efficacité supérieure dans le maniement des brossettes interdentaires en paraît la cause la plus probable ; en effet, lors de la visite de contrôle à J60, après coloration, une diminution des dépôts de plaque dentaire dans les zones proximales ressortait nettement par rapport à J21.

Analyse des données statistiques

Elle fait ressortir la cohérence des deux groupes de sujets étudiés, en l'absence de différence significative tant pour le sexe (χ2 = 0,02), l'âge (F = 0,96 ; p = 0,34) que les sites (χ2 = 0,52 ; p = 0,75). Le choix des sujets n'apparaît donc pas biaisé.

La comparaison des moyennes de la profondeur des sites en fonction des jours du prélèvement fait ressortir une différence significative entre les mesures à J0 et celles à J60, tant sur l'ensemble des sujets (p < 0,0001), que dans les groupes A et B de patients (p = 0,0088, et p = 0,0016, respectivement) ; cette différence ressort bien aussi entre J21 et J60 sur l'ensemble des sujets (p = 0,0002) et dans le groupe B (p = 0,0008), mais n'est qu'à la limite de la significativité dans le groupe A (p = 0,0571). L'effet du traitement, quel qu'il soit, ne paraît pas discutable, les patients ayant acquis entre le jour de la première séance d'enseignement de l'hygiène parodontale et la fin du second mois une efficacité apparemment suffisante pour faire régresser l'inflammation locale. L'évolution des sites en fonction de leur localisation apparaît plus favorable au niveau mésio-vestibulaire, à l'évidence plus accessibles, ainsi que le fait ressortir un test t qui montre la différence significative entre J0 et J60 (p = 0,0039) ou J21 et J60 (p = 0,0079) ; les sites disto-vestibulaires apparaissent moins favorisés (p = 0,0149, pour la période J0/J60 ; p = 0,0156 pour la période J21 à J60) ; sur les deux sites vestibulaires, un seul a pu donner lieu à une analyse fiable, mais, en raison de l'atteinte d'une furcation de molaire mandibulaire, il apparaît logiquement le moins accessible à la thérapeutique (différence non significative ; p = 0,5).

Par ailleurs, il faut souligner la différence entre sexes en ce qui concerne l'évolution de la profondeur des sites : en effet, il existe chez les femmes étudiées une différence significative entre J0 et J60 (p = 0,0009) et J21 et J60 (p = 0,0005) ; elle n'apparaît pas chez les hommes, sinon à la limite de la significativité entre J0 et J60.

Le test t fait apparaître une différence significative entre la valeur moyenne du SBI à J21 et J60 dans les deux groupes. L'ANOVA ne montre pas de différence entre les deux groupes, mais démontre une évolution temporelle différente (p = 0,0293).

Il n'y a pas de différence statistique dans la production de fluide à l'intérieur des groupes en fonction des jours, sauf dans le groupe B, où apparaît une différence entre le 21e et le 60e jour (p = 0,0024). L'ANOVA indique une différence entre groupes, mais ne souligne pas d'évolution temporelle.

En ce qui concerne les concentrations d'enzymes, on peut remarquer que celles-ci ne montrent une différence à la limite de la significativité qu'à J60. L'ANOVA indique une différence entre les deux groupes mais ne met pas en évidence une évolution temporelle dissemblable.

La similitude de comportements des deux enzymes ressort des graphes analysant l'évolution de leurs variations moyennes (fig. 4, 5, 6, 7 et 8) ; elle n'est sûrement pas le fait du hasard, dans la mesure où tous deux sont des produits des mêmes cellules, les polynucléaires neutrophiles (Miyasaki, 1991).

L'analyse de variance fait ressortir l'impression que l'échantillonnage et la durée de l'étude semblent insuffisants pour dégager des différences significatives, quelles que soient les données analysées ; seules les valeurs à J60 sont proches de la significativité.

Conclusions

Ce travail rejoint les conclusions d'un certain nombre de recherches précédentes (Florent et coll., 1995 ; Huynh, 1990 ; Huynh et coll., 1992 ; Lamster et coll., 1994, 1996 ; Lucas, 1996 ; Palcanis et coll., 1990, 1992), à savoir d'une part la coïncidence de la décrue de l'inflammation et de la concentration des enzymes protéolytiques (élastase et ß-glucuronidase) dans le fluide gingival, d'autre part le parallélisme des courbes représentatives du volume de fluide et de cette concentration d'enzymes. En raison de sa brièveté dans le temps, dictée par la nécessité de procéder à l'assainissement du terrain, et de l'échantillonnage relativement limité, en raison des défections de certains patients et de la sortie de l'étude d'autres en raison de la prise d'antibiotiques, dictée par l'apparition d'abcès parodontaux sur certains sites, il nous est impossible de montrer des résultats plus tangibles. Seule une étude sur une période plus longue et sur un échantillonnage plus étendu permettrait de tirer des enseignements supplémentaires.

Toutefois, des éléments positifs se dégagent :

- la méthode de prélèvement (pointes de papier intrasulculaires groupées dans le site, laissées en place 1 minute) est non invasive ;

- la méthode d'analyse des résultats (lecture spectrographique en présence d'un réactif approprié) apparaît fiable ; en effet, on constate une cohérence avec les études précédentes (Florent et coll., 1995 ; Lucas, 1996), qui ressort de l'évaluation des concentrations d'élastase pratiquées sur des échantillonnages similaires de patients.

Si, sur le plan strictement clinique, cette étude confirme (s'il en était besoin) la nécessité de la préparation initiale des patients menée avant tout traitement parodontal, elle fait ressortir la plus grande efficacité des seuls traitements mécaniques (brossage après enseignement d'une méthode rationnelle, détartrage).

Le rendement moindre des traitements mécaniques accompagnés de pulvérisations sous-gingivales avec un collutoire pourrait être lié à la concentration en chlorhexidine du collutoire (0,12 %), alors qu'on s'accorde sur le fait que la concentration optimale de cet antiseptique en solution est de 0,2 % (Cummings et Löe, 1973 ; Löe et Rindom-Schiott, 1970 ; Seliger, 1969) ; ce n'est cependant pas l'avis de Aziz-Ghandour et Newman (1986) qui utilisent une solution à 0,02 %. Les pulvérisations sous-gingivales pourraient également provoquer le relargage des super-oxydes des polynucléaires (Charon et coll., 1985) et raviver la réponse inflammatoire, si on s'en tient tout au moins à la remontée moyenne de la concentration d'enzymes entre J21 et J60 chez les sujets du groupe A ; une éventuelle bactériémie serait toutefois à écarter, conformément à l'étude de Lofthus et coll. (1991).

Demande de tirés à part

Michel PERRIN, 12, route de Perello, 56270 PLOEMEUR - FRANCE

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