Étude prospective de 95 cas consécutifs de désinclusion chirurgico-orthodontique de canines - JPIO n° 1 du 01/02/2000
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2000

 

Articles

Patrick EXBRAYAT  

MCH-PH, Unité de Chirurgie buccale
Service d'Odontologie
Faculté d'Odontologie Lyon, France

Résumé

La désinclusion chirurgicale des canines est un acte qui donne d'excellents résultats, à condition d'un dépistage précoce, du respect d'un protocole opératoire, tel que celui décrit par Korbendau et Guyomard, du collage d'un boîtier en peropératoire et de la coordination de ce geste avec le traitement orthodontique. Une étude portant sur une série de 95 cas traités par le même chirurgien en une année permet de tirer quelques données chiffrées sur le sex-ratio, la position transversale de la canine, la prévalence maxillaire ou mandibulaire de l'inclusion, le type de lambeau pratiqué, le collage per-opératoire et la localisation du boîtier collé, les complications et le taux de succès.

Summary

Surgical exposure of unerupted canines offers good results, as long as the condition is diagnosed sufficiently early, a precise surgical protocol is followed (such as that described by Korbendau and Guyomard), a bracket is effectively bonded during surgery and there is good cooperation with the orthodontist. The present prospective study includes 95 cases of impacted canines treated by the same oral surgeon in one year. Data on the sex ratio, the horizontal position of the impacted canines, the frequency of maxillary and mandibular impaction, the type of gingival flap, the localisation of the bonded bracket, the rates of complication and success have been statiscally analysed.

Key words

Impacted canine, oral surgery, orthodontics, prospective study

Introduction

Les canines revêtent une importance particulière en raison de leur rôle fonctionnel, de leur contribution à l'esthétique, de leur morphologie et de leur valeur d'ancrage. Leur inclusion induit donc un préjudice important pour le patient concerné et justifie la mise en œuvre d'un traitement approprié pour permettre la mise en place sur l'arcade (Béry et Canal, 1984 ; Béry et al., 1987).

Cette inclusion canine est la plus fréquente après celle des troisièmes molaires ; des taux de 1 à 2 % de la population sont rapportés dans la bibliographie (Dachi et Howell, 1961 ; Thilander et Jakobsson, 1968 ; Mayer et Joosen, 1971 ; McKay, 1978 ; Ericson et Kurol, 1987 ; Bishara, 1992).

Plusieurs étiologies sont envisagées pour expliquer l'inclusion des canines (Negro, 1979 ; Bassigny, 1990 ; Korbendau et Guyomard, 1998 ; Andreasen et al., 1994) ; citons, outre les causes générales, le rôle de l'incisive latérale dont la racine assurerait un guidage de la couronne de la canine, l'encombrement ou la dysharmonie dento-maxillaire qui favoriserait plutôt l'inclusion vestibulaire, la densité gingivale, une orientation anormale du germe, l'ankylose, la présence (rare) d'une dent surnuméraire, la rétention prolongée ou la perte prématurée de la canine temporaire, le volume des fosses nasales, une pathologie du sac péricoronaire, un traumatisme.

Le traitement de l'inclusion canine peut être l'abstention, l'extraction ou la mise en place chirurgicale avec guidage orthodontique. Cette dernière solution est retenue majoritairement depuis l'avènement du collage, l'amélioration des techniques chirurgicales et parodontales, les progrès de l'imagerie et des techniques orthodontiques.

Nous avons décidé de suivre l'ensemble des patients traités sur une année pour la désinclusion chirurgicale d'une ou plusieurs canines incluses.

Matériel et méthode

Notre étude porte sur 75 patients traités consécutivement par l'auteur entre septembre 1996 et juillet 1997 et présentant 95 canines incluses ayant nécessité une désinclusion chirurgico-orthodontique. Les cas ont été adressés par 13 orthodontistes spécialistes de la région lyonnaise, en accord avec le praticien traitant.

Les seuls critères d'exclusion retenus sont un état de santé empêchant tout geste chirurgical et le refus du patient d'une intervention sous anesthésie locale. Aucune limite d'âge n'a été fixée.

Les critères d'inclusion dans l'étude font référence à la définition d'une dent retenue : toute dent qui ne participe pas à l'occlusion fonctionnelle au-delà de sa date normale d'éruption.

En pratique, le geste chirurgical a été programmé dès que les signes radiologiques d'inclusion étaient évidents et, plus précisément, quand la canine a franchi la face distale de la racine de l'incisive latérale ou quand cette canine présentait une orientation divergeant de plus de 45° par rapport à la normale (Ericson et Kurol, 1986a et b). Enfin, lorsque la canine semblait avoir une orientation moins défavorable, le geste chirurgical a été proposé quand l'éruption de la canine était décalée de plus de 6 mois par rapport à son homologue.

L'ensemble des cas cliniques de cette étude a été traité d'après le protocole suivant :

- la préparation orthodontique ;

- l'intervention chirurgicale ;

- la traction orthodontique ;

- le suivi chirurgico-orthodontique.

L'orthodontiste qui a dépisté l'inclusion canine lors de son examen initial prend contact avec son partenaire chirurgien afin d'établir en commun un diagnostic et un plan de traitement. Il donne les éléments liés à son analyse du cas et, notamment, les classes dentaires et squelettiques, la dysharmonie dento-maxillaire, le recours à des extractions (prémolaires ou dents de sagesse), la durée prévisible du traitement, etc. Il aura à préparer l'espace receveur de la ou des canines incluses avec un appareillage multibague.

A ce stade, la possibilité de mise en place de la canine est pesée, surtout chez l'adulte. La décision d'extraire la canine pour conserver une première prémolaire ou d'extraire une première prémolaire sans avoir encore la certitude de sauver la canine est toujours très délicate à prendre quand la conservation des deux dents n'est pas possible. L'extraction de la canine temporaire, comme le choix d'attendre l'évolution spontanée de la canine permanente, sont aussi envisagés.

Le chirurgien reçoit le patient, et ses parents pour les mineurs, afin de réaliser l'examen clinique, de cerner son profil psychologique face au geste envisagé (qui est souvent le premier geste chirurgical pour ce jeune patient), d'expliquer l'intérêt du traitement, sa contribution pour sa réussite et les suites postopératoires. Il délivre l'ordonnance préopératoire, prescrit ou effectue les clichés radiologiques complémentaires (clichés rétro-alvéolaires, mordus, examen tomodensitométrique suivant le cas). L'examen clinique est conduit par palpation vestibulaire et palatine afin de sentir une éventuelle voussure incompressible signant la présence de la dent incluse.

L'orientation de l'incisive latérale offre une précieuse indication en cas d'interférence avec la canine. Une position coronaire vestibulaire de l'incisive latérale (signe de Quintero) signe une racine plus palatine et la présence vestibulaire de la canine (fig. 1 et 2). A l'inverse, une orientation coronaire palatine de l'incisive latérale permet de suspecter la canine en palatin. Cependant, la présence de l'appareillage multibague et les mouvements déjà imprimés à l'arcade lors de la préparation orthodontique peuvent effacer cette indication. C'est pourquoi, il nous semble judicieux, dans les situations où canines et incisives interfèrent, de ne pas prendre l'incisive latérale dans l'arc. Le risque de mouvement contraignant pour la racine de l'incisive latérale est ainsi évité et les rhizalyses associées à ces contraintes également.

La dent temporaire, quand elle est présente, donne aussi une indication de la position de la canine incluse de par la forme de la résorption de sa racine. Cette forme de sifflet est très caractéristique et ne laisse aucun doute, comme en témoigne la figure 3 . N'étant pas, par ailleurs, prouvé que l'extraction de la dent temporaire limite significativement l'inclusion de la canine, nous recommandons au chirurgien-dentiste traitant de ne pas extraire cette canine temporaire avant la désinclusion (en tout cas dans l'optique de corriger l'inclusion). Cette option n'est pas consensuelle (Ericson et Kurol, 1988a ; Jacobs, 1992 ; Power et Short, 1993).

Chacun des cas répertoriés dans cette étude a fait l'objet d'une radiographie panoramique, d'une téléradiographie de profil et de deux clichés rétro-alvéolaires : l'un normo-centré et l'autre distocentré, selon la technique décrite par Clark (1971). Cette technique très simple et peu coûteuse est idéale pour les dents incluses présentant un chevauchement sur la radiographie avec la ou les dents adjacentes (fig. 4, 5, 6, 7 et 8). Cependant, dans certains cas particuliers où les rapports avec les dents adjacentes et/ou avec les structures anatomiques environnantes doivent être précisés, le recours à des coupes tomodensitométriques axiales et coronales est possible. Cet examen scanner offre également des reconstructions tridimensionnelles de grande qualité (Lacan, 1989 ; Pajoni et al., 1995), mais demeure exceptionnel pour cette indication de désinclusion chirurgico-orthodontique de canine incluse ainsi que le précise Chambas (1997). Nous n'y avons pas eu recours pour l'ensemble des cas de l'étude.

Résultats

Pour chaque cas inclus dans cette étude prospective, nous avons recueilli les 14 données suivantes :

1. le sexe ;

2. l'âge lors de l'intervention ;

3. la situation maxillaire ou mandibulaire de la canine ;

4. la position transversale et verticale de la canine ;

5. l'orientation spatiale de l'incisive latérale adjacente ;

6. toute anomalie de nombre ou de forme des dents adjacentes ;

7. l'extraction préalable de prémolaires ;

8. le type de lambeau d'accès ;

9. la position du boîtier collé en per-opératoire ;

10. les recollages éventuels et leur justification ;

11. le recours à un aménagement parodontal différé ;

12. l'ankylose ou le succès du traitement ;

13. les classes squelettiques, canine et molaire ;

14. la durée du traitement orthodontique.

Ces deux dernières données ne sont pas publiées dans cet article.

L'échantillon étudié est un groupe de 75 patients présentant 95 canines incluses et traités consécutivement par le même chirurgien sur une période d'une année environ.

La répartition par sexe au sein de notre échantillon est la suivante :

- sexe féminin : 47, soit 63 % ;

- sexe masculin : 28, soit 37 %.

L'âge moyen des patients est de 13 ans et 8 mois (compris entre 10 ans et 1 mois pour le plus jeune et 43 ans pour la moins jeune), mais une très grande majorité est comprise dans une fourchette relativement pincée reflétant typiquement la patientèle des praticiens référents qui sont tous orthodontistes. Ainsi, seuls 9 des 75 patients ont plus de 15 ans.

La répartition entre les canines maxillaires et mandibulaires est la suivante :

- canines maxillaires : 84, soit 88 % ;

- canines mandibulaires : 11, soit 12 %.

Au sein de l'échantillon de 75 patients, la proportion de double inclusion canine est la suivante :

- nombre total de patients : 20 ;

- sexe féminin : 14 ;

- sexe masculin : 6.

Parmi les patients présentant l'inclusion de 2 canines, 16 concernaient exclusivement le maxillaire (12 femmes et 4 hommes), 2 exclusivement la mandibule (2 hommes) et 2 mixtes avec une canine incluse maxillaire et une mandibulaire (2 femmes).

La position des canines dans le sens transversal a été :

- canines vestibulaires : 31, soit 33 % ;

- canines intermédiaires : 37, soit 39 % ;

- canines palatines : 27, soit 28 %.

Les figures 9, 10, 11 et 12 et illustrent une canine maxillaire droite en position intermédiaire présentant un retard d'évolution de plus de 6 mois par rapport à son homologue.

Le lambeau d'accès peut prendre trois configurations différentes et, conformément aux travaux de Korbendau et Guyomard (1980, 1998), nous distinguons :

- le lambeau positionné apicalement (fig. 13 et 14) ;

- le lambeau latéral et apical (fig. 15, 16, 17 et 18) ;

- le lambeau repositionné en fin d'intervention dans sa situation initiale (fig. 19 et 20).

Ce dernier est le plus souvent palatin, alors que les deux premiers sont réalisés en vestibulaire :

- lambeau apical simple : 56, soit 59 % :

- lambeau latéral et apical : 13, soit 14 % ;

- lambeau repositionné : 26, soit 27 %.

Toutes les canines ont été munies d'un bouton ou d'un boîtier collé en peropératoire, sauf une qui n'a pu être collée malgré trois tentatives. Une mèche grasse a été placée et le collage repris 48 heures après avec succès.

Les sites de collage peropératoire ont été situés :

- face vestibulaire : 82 cas, soit 86 % ;

- face palatine : 13 cas, soit 14 %.

Parmi ces 95 désinclusions, 5 cas ont fait l'objet d'un recollage par le chirurgien avant leur mise en place sur l'arcade, essentiellement pour changer la position de l'attache sur une dent toujours enfouie afin de poursuivre plus favorablement la traction ou profitant d'un geste parodontal, différé du fait de la position initiale très haute de la canine. Deux cas ont même fait l'objet de 2 recollages et un seul cas touchant une 43 basse, vestibulaire, d'une patiente de 30 ans et 6 mois a été recollé 3 fois au cours des 8 mois qu'a nécessité sa mise en place sur l'arcade. Ce dernier cas a été conduit malgré tout avec succès. Notre insistance a été motivée par le fait qu'aucun des signes habituels de l'ankylose n'était présent, notamment l'ingression des dents adjacentes.

Au sein de l'échantillon de 75 patients, seulement 2 présentaient l'agénésie d'une incisive latérale, aucun une double agénésie, alors que cette étiologie est fréquemment évoquée pour l'inclusion des canines. Dans les 2 cas, le geste de désinclusion a concerné la canine du côté présentant l'absence d'incisive latérale.

Un seul cas présentait une rhizalyse marquée de l'incisive latérale au moment de l'intervention. Cette altération des incisives est une des conséquences délétères de l'inclusion canine (Sasakura et al., 1984 ; Ericson et Kurol, 1988b).

Pour 3 patientes, la désinclusion chirurgicale de canine a été nécessaire alors que des germectomies des premières prémolaires avaient été réalisées auparavant (fig. 15, 16, 17 et 18). Ces extractions seules n'ont donc pas permis aux canines de reprendre une éruption normale.

Enfin, l'ensemble des 95 canines ont été mises en place sur l'arcade et dotées d'un environnement parodontal sain et quantitativement suffisant. Aucune ankylose n'est déplorée en suivant le protocole opératoire décrit.

Discussion

L'échantillon étudié est de 75 patients présentant 95 canines incluses et traités consécutivement par le même praticien au cours d'une année d'exercice libéral et adressés par ses correspondants orthodontistes spécialistes. Si des séries de désinclusions chirurgico-orthodontiques de canines incluses ont déjà fait l'objet de publications (Mayer et Joosen, 1971 ; Fleury et al., 1985 ; Ericson et Kurol, 1986a ; Bishara, 1992 ; Kuftinec et al., 1995), toutes sont des études rétrospectives et non prospectives comme celle-ci. Par ailleurs, les quelques études comprenant des échantillons importants recensent des cas sur plusieurs années.

Parmi les 75 patients, 47 sont de sexe féminin et 28 de sexe masculin. Cette proportion d'environ 2/3 féminin pour 1/3 masculin est semblable à celle donnée par Bishara en 1992. Les autres études publiées donnent toujours une prévalence du sexe féminin, souvent dans des proportions encore plus importantes (McKay, 1978 ; Becker, 1984 ; Kuftinec et al., 1995) ; seule l'étude de Fleury et al., en 1985, portant sur 224 cas ne relève que 57 % de cas féminins pour 43 % de cas masculins. Si ces chiffres semblent confirmer que l'inclusion canine touche plus fréquemment les femmes que les hommes, il conviendrait, pour s'en assurer statistiquement, de vérifier quelle proportion de filles et de garçons consultent les orthodontistes, ce qui n'a pas été fait dans notre étude. Les inclusions doubles de canines ont touché 20 patients sur les 75 de l'échantillon, et 3 fois plus les filles que les garçons au maxillaire.

Nous relevons 88 cas de canines incluses maxillaires pour 11 cas mandibulaires. Cette écrasante majorité est conforme aux données de la littérature (Fleury et al., 1985 ; Kuftinec et al., 1995 ; Chambas, 1997).

Aucune prévalence droite/gauche n'a été relevée dans notre échantillon. Aux 43 canines supérieures droites traitées s'ajoutent les 41 canines supérieures gauches. Et pour 6 canines inférieures droites, nous avons désinclus 5 canines inférieures gauches. Pourtant, certains auteurs rapportent une prévalence d'un côté par rapport à l'autre : Chambas (1997) à droite, mais Kuftinec et al. (1995) à gauche. On voit mal ce qui pourrait expliquer une dominance d'inclusion d'un côté plutôt que de l'autre.

La position des canines incluses dans le sens transversal est palatine pour une majorité d'études. Certaines donnent même une prédominance des deux tiers. Notre échantillon montre des résultats très équilibrés entre les situations vestibulaire, intermédiaire et palatine. Parmi les cas de double inclusion, nous avons remarqué la présence de canines en position transversale différente entre un côté et l'autre.

Si la position des canines incluses est divisée en trois catégories dans le sens transversal, la voie d'abord chirurgicale ne peut être que vestibulaire ou palatine. Nos résultats montrent que toutes les canines intermédiaires ont été abordées par voie vestibulaire et même une canine en position palatine. Cette dernière était en forte version palatine, mais dans son couloir d'éruption.

Les lambeaux d'accès ont été réalisés selon la forme décrite par Korbendau et Guyomard, dès 1980, avec le souci constant de l'environnement muco-gingival des canines incluses. Le succès de mise en place d'une dent retenue étant, non seulement lié à son bon positionnement sur l'arcade, mais aussi à la présence de tissus parodontaux sains et quantitativement suffisants. Ainsi, 13 des 95 canines incluses ont fait l'objet d'un lambeau de positionnement latéral et apical afin de translater la gencive attachée du site édenté voisin au collet de la dent incluse. Les 56 autres canines abordées en vestibulaire ont bénéficié d'un simple lambeau apicalisé. Enfin, les 26 canines abordées par voie palatine n'ont pas nécessité de manipulation des tissus épithélioconjonctifs. Le lambeau d'accès a été resuturé dans sa position initiale. Il convient de noter qu'aucune exérèse tissulaire n'a été pratiquée en palatin. Tous les cas ayant fait l'objet d'un collage peropératoire du boîtier de traction, cette exérèse s'avère inutile, voire dangereuse, par l'augmentation importante du risque d'hémorragie et de douleur postopératoires qu'elle engendre.

Le collage du boîtier ou du bouton de traction en peropératoire est une étape fondamentale de la mise en place des dents retenues, notamment des canines incluses. En effet, le chirurgien sera toujours mieux placé pour effectuer ce collage au cours de son geste chirurgical que l'orthodontiste dans une séance ultérieure. Il dispose de toute la visibilité nécessaire à ce collage par le lambeau d'accès. Il doit simplement bénéficier d'une aide opératoire très efficace pour contrôler le saignement et assurer l'aspiration avec un embout fin et connaître le protocole de collage de composites spécialement conçus pour ce type d'usage : soit chémopolymérisable rapide sans mélange (Unite®, 3M-Unitek ; Right On, TP Orthodontics ; Systeme One®, Ormodent), soit photopolymérisable (Transbond, 3M Unitek, Séquence, Ormodent). S'il est vrai que certaines situations cliniques rendent ce collage un peu fastidieux car elles peuvent requérir deux tentatives pour qu'il soit efficace, ce temps supplémentaire consacré au collage bénéficie au patient et est très apprécié de l'orthodontiste. Celui-ci parvenait dans une majorité de cas vestibulaires à s'en sortir, même si la dent incluse pouvait être en partie recouverte par le lambeau et si l'enfant appréciait fort peu ce geste en pleine suite inflammatoire. Par contre, les cas palatins devaient être traités différemment sur le plan chirurgical pour permettre le collage différé par l'orthodontiste. La large operculisation palatine pratiquée alors, associée à la pose d'une mèche grasse, ne devrait plus avoir cours aujourd'hui qu'exceptionnellement. Il en est de même des dispositifs invasifs, comme les vis intra-coronaires, ou mutilants, comme les ligatures cervicales (technique du lasso, Shapira, 1981), qui ne correspondent plus aux normes actuelles.

Le principe du collage peropératoire étant acquis, le chirurgien veille, de plus, à localiser son boîtier sur la dent incluse pour faciliter la traction et limiter les mouvements parasites. Ainsi, notre étude montre que si 26 des 95 canines étaient en position palatine, seules 11 ont été munies d'un bouton collé en palatin. En effet, chaque fois que la situation clinique le permettait, le collage vestibulaire a été préféré (fig. 19), car il n'induit pas comme un collage palatin cette rotation de la dent, plus longue à corriger par l'orthodontiste.

Il ressort aussi de notre étude que seul 1 cas sur les 95 présentait une rhizalyse marquée de l'incisive latérale avant toute intervention chirurgicale, et que seules deux incisives latérales étaient agénésiques. Ainsi, l'association fréquente d'une canine incluse à l'absence ou à la détérioration de l'incisive latérale adjacente (Sasakura et al., 1984 ; Ericson et Kurol, 1988b) ne s'est pas vérifiée dans notre échantillon.

Enfin, nos résultats montrent qu'aucun cas d'ankylose n'a été déploré en suivant le protocole chirurgico-orthodontique décrit. Si les canines désincluses ont nécessité un temps variable pour être mises en place suivant leur orientation initiale, les aléas du collage du boîtier et sa localisation, le système de traction et la technique orthodontique employés, les 95 canines de notre échantillon ont été mises en place. Il convient de noter, à l'appui de ce taux de succès, qu'il est en partie lié au dépistage précoce de l'inclusion qui conduit à un traitement engagé à un âge moyen de moins de 14 ans. Par contre, Fleury et al. (1985) rapportent 28 % d'ankylose dans une étude de 224 cas de canines maxillaires incluses, mais dont 77 % ont été dépistées après l'âge de 21 ans. Cette équipe n'a alors procédé à la mise en place de ces canines incluses que dans 5 % des cas ; leur extraction a, elle, été réalisée dans 41 % des cas.

Conclusion

L'étude de 95 cas consécutifs de désinclusions chirurgico-orthodontiques de canines incluses traitées par le même chirurgien, selon le protocole précisément décrit par Korbendau et Guyomard, montre l'efficacité de cette technique. Elle confirme la prévalence chez les filles de l'inclusion canine et sa forte prévalence maxillaire par rapport à la mandibule. Elle établit que la situation transversale de la canine incluse est aléatoire entre les positions vestibulaire, intermédiaire et palatine, que le collage peropératoire d'un boîtier de traction doit être la règle et qu'un soin tout particulier doit être apporté à la gestion des tissus gingivaux.

Enfin, aucun échec de mise en place n'a été recensé parmi les 75 patients, dont l'âge s'échelonnait de 10 ans à 43 ans avec un âge moyen à 13 ans et 8 mois. L'intérêt d'un dépistage précoce de l'inclusion est ainsi souligné.

Remerciements

Nous tenons à remercier chaleureusement le Dr Ilinca Cosor, pour son aide précieuse et son assistance tout au long de cette année afin de recueillir les données de cette étude.

Nos remerciements vont également pour leur contribution et leur confiance aux Drs Jean-Jacques Aknin, Pierre Bacis, Jean-Luc Bertrand, Elisabeth Busson, Jacques Chassignol, Raphaël Cioccolini, Colette et Christian Demange, Carolyne Etienne, Véronique Geissant, Marie-Jo Goumy, Eric Maissiat et Elisabeth Proy-Konigsberg, orthodontistes spécialistes.

Demande de tirés à part

Dr Patrick EXBRAYAT, 68, avenue des Frères-Lumières, 69008 LYON. E-mail : exbrayat@cismsun.univ-lyon1.fr

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