Etude in vivo de l'efficacité d'un bain de bouche contenant 0,10 % de digluconate de chlorhexidine - JPIO n° 3 du 01/08/2002
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2002

 

Articles

Steffen RICHTER *   Gerlinde BRUHN **   Gérard BRUNEL ***   Thomas HOFFMANN ****   Lutz NETUSCHIL *****   Michel BRECX ******  


*Poliklinik für Zahnerhaltung (Direktor : Prof. Dr W. Klimm) des ZZMK der Medizinishen Fakultät Carl Gustav Carus der TU Dresden
**Poliklinik für Zahnerhaltung (Direktor : Prof. Dr W. Klimm) des ZZMK der Medizinishen Fakultät Carl Gustav Carus der TU Dresden
***Laboratoire de biologie buccale, Faculté de chirurgie dentaire, Université Paul-Sabatier, Toulouse, France
****Poliklinik für Zahnerhaltung (Direktor : Prof. Dr W. Klimm) des ZZMK der Medizinishen Fakultät Carl Gustav Carus der TU Dresden
*****Poliklinik für Zahnerhaltung (Direktor : Prof. Dr W. Klimm) des ZZMK der Medizinishen Fakultät Carl Gustav Carus der TU Dresden
******Poliklinik für Zahnerhaltung (Direktor : Prof. Dr W. Klimm) des ZZMK der Medizinishen Fakultät Carl Gustav Carus der TU Dresden

Résumé

Le but de cette étude monocentrique réalisée sur 64 patients était de comparer un bain de bouche contenant 0,10 % de digluconate de chlorhexidine (CHX) avec un placebo. Sélectionnés à partir de critères précis, les patients ont respecté une hygiène intensive pendant une période préalable à l'essai de 14 jours (de J - 14 à J0) pour ramener l'indice de plaque à un niveau ≤ à 0,15. Pendant les 21 jours qui ont suivi (de J0 à J21) les patients ont interrompu toute mesure d'hygiène bucco-dentaire à l'exception d'un bain de bouche biquotidien. Les solutions de rinçage, placebo pour le groupe témoin et CHX pour le groupe test, ont été distribuées équitablement en double aveugle par tirage au sort entre les patients. Les résultats de l'essai clinique ont été évalués tous les 7 jours, dans chaque groupe et entre les groupes, à partir du relevé des indices épidémiologiques, indice de plaque (IPl), indice gingival (IG), indice de coloration (IC) et de l'examen bactériologique (proportion aérobies/anaérobies de la plaque). L'IPl de chaque groupe a augmenté significativement tout au long de l'étude (p = 0,001). L'augmentation dans le groupe témoin était plus importante que dans le groupe test dès J7 pour atteindre + 1,37 contre + 0,65 à J21 (p = 0,0001). L'IG a aussi progressé, dans chaque groupe, à chaque stade de l'essai clinique de façon significative (p = 0,001). L'augmentation est devenue significativement supérieure dans le groupe témoin à partir de J14 (p = 0,034) pour atteindre + 0,65 à J21 contre + 0,33 pour le groupe test (p < 0,0001). De J0 à J21, la proportion aérobies/anaérobies a diminué dans le groupe témoin alors qu'elle augmentait dans le groupe test pour devenir significativement supérieure à J21 (p = 0,0009). Enfin l'IC a augmenté à chaque stade dans chaque groupe (p = 0,001). L'augmentation était significativement plus élevée dans le groupe test à J14 (+ 0,38 contre + 0,26, p = 0,037) et plus encore à J21 (+ 0,60 contre + 0,36, p = 0,013). En conclusion, cet essai clinique a montré que le digluconate de chlorhexidine à la concentration de 0,10 % pouvait s'opposer efficacement au développement de la flore anaérobie qui favorise la formation de la plaque dentaire et l'apparition de la gingivite. L'effet clinique s'est accompagné d'une bonne innocuité du bain de bouche, exception faite de l'effet colorant bien connu mais parfaitement réversible de la chlorhexidine.

Summary

The aim of this study was to evaluate the efficacy and the safety of a 0.10 % chlorhexidine (CHX) mouthrinse compared to a placebo. Following precise criteria 64 subjects were eligible for inclusion. A preliminary 14-day period of intensive oral hygiene (D - 14/D0) was used to bring the plaque index to ≤ 0.15. Subjects were then allocated by double-blind randomisation to the CHX test or placebo control groups. The mouthrinses were used twice-daily for 21 consecutive days (D0/D21) without other oral hygiene. Clinical parameters (plaque index [PlI], gingival index [GI] and discoloration index [DI]) were recorded at D - 14, D0, D7, D14 and D21. Dental plaque samples were collected at the same intervals for bacterial flora analysis (aerobic/anaerobic ratio). A significant difference was found for the PlI in and between the treatment groups at each assessment time. The increase in the PlI from baseline to the end of the treatment was +1.37 in the placebo group and +0.65 in the CHX group. This difference was highly significant (p = 0.0001). For the GI, a significant difference between treatment groups was found only at D14 and D21. At the end of the treatment period, the increase in the GI was +0.65 for placebo and +0.33 for test group (p < 0.0001). The aerobic/anaerobic ratio reduced in the placebo group from D0 to D21 but increased in the test group during the same period and became significantly higher at D21 (p = 0.0009). Discoloration increased at each stage in both groups (p = 0.001), being significantly greater in the test group by D14 (+0.38 against +0.26, p = 0.037) and even more so by D21 (+0.60 against 0.36, p = 0.013). In conclusion, these data clearly demonstrate that 0.10 % chlorhexidine prevented the development of the anaerobic flora that favours dental plaque formation and the development of gingivitis. This clinical effect was associated with a good safety profile. It is, however, associated with staining which is a well known but reversible side effect.

Key words

Clinical trial, experimental gingivitis, chlorhexidine, bacteriology, plaque index, gingival index, discoloration index

Introduction

Le modèle de la gingivite expérimentale chez l'homme (Theilade et al., 1966) a définitivement prouvé que l'accumulation de la plaque dentaire provoque une inflammation gingivale dont les premiers signes peuvent se manifester dès le troisième jour. Il a aussi été montré que la gingivite était réversible à la condition de rétablir une hygiène buccale efficace. Le contrôle de la plaque dentaire, indispensable à la prévention des parodontopathies, peut être assuré par des moyens mécaniques (Lang et al., 1998a) mais aussi chimiques (Brecx, 1997). Parmi les antiseptiques possédant un effet antiplaque, la chlorhexidine (CHX) est certainement celui qui a été le plus testé au cours des dernières décennies (Fardal et Turnbull, 1986 ; Robinson, 1988). Son activité antibactérienne sur les bactéries à Gram positif comme à Gram négatif (Hennessey, 1973 ; Netuschil et al., 1989) lui a valu une large utilisation dans divers domaines comme la désinfection des plaies (Clarke, 1975 ; Lowburry et al., 1976), avant et après la chirurgie (Langebaek et Bay, 1976 ; Davies, 1977), en gynécologie et en obstétrique (Duignan et Lowe, 1975 ; Maloney, 1975) ou encore en urologie (Paterson et al., 1960 ; Richards et Bastable, 1977).

La première publication par Löe et Schiött, en 1970, sur la prévention de la gingivite par la CHX a été suivie de nombreuses études consacrées à l'efficacité et à l'innocuité du produit dans ses indications bucco-dentaires (revue de littérature dans Fardal et Turnbull, 1986). Différentes formules ont été testées : dispositifs permettant une libération lente, gels, incorporation de CHX dans des tablettes de gomme à mâcher et des pâtes dentifrices. A l'issue d'une étude clinique sur 2 ans présentée en 5 volets (Löe et al., 1976 ; Schiött et 1976b ; Mac Kenzie et al., 1976 ; Nuki et al., 1976), la concentration de 0,20 % de CHX est devenue la norme internationale. D'autres concentrations ont pourtant été testées (Bonesvoll et al., 1975 ; Bay, 1978 ; Segreto et al., 1986) et des solutions à 0,15 et 0,10 % ont eu un effet significatif sur la réduction de la plaque et de la gingivite. Ces résultats ont mis l'accent sur l'importance de l'effet dose, indépendamment de la concentration. A la lumière de ces données, il semblerait justifié de préférer un bain de bouche avec une concentration assez faible pour limiter les effets indésirables de la CHX, mais délivré à une dose suffisante pour préserver son action sur la réduction de la plaque et de la gingivite.

Le but de cette étude est de comparer un bain de bouche à 0,10 % de CHX à un placebo en évaluant leur efficacité sur le contrôle de la plaque dentaire, sur l'inflammation gingivale et leur innocuité.

Matériel et méthode

Cette étude monocentrique a été conduite dans le respect des principes éthiques de la déclaration d'Helsinki, en accord avec les lois de la République fédérale d'Allemagne et avec le comité d'éthique de la faculté de médecine de l'université de Dresde. Après avoir reçu une information complète et donné leur consentement éclairé, 64 patients ont été recrutés sur la base de critères précis : homme ou femme âgé de 18 à 35 ans, en bonne santé, possédant 24 dents (troisièmes molaires exclues) et jugé assez coopératif après une période initiale pour obtenir un indice de plaque ≤ à 0,15 au début de l'essai clinique (J0). Ont été systématiquement écartés :

- les sujets à risque avec un passé médical lourd ;

- ceux ayant subi une intervention chirurgicale dans les 3 mois précédents ;

- les femmes sans contraception ;

- les patients atteints de parodontite ou de caries multiples ;

- les gros fumeurs et consommateurs d'alcool ;

- les patients allergiques ;

- ceux ayant reçu dans les 3 derniers mois un traitement susceptible d'interférer (antibiotiques, anti-inflammatoires, antiseptiques, immunosuppresseurs, immunostimulants, antimitotiques, antihistaminiques, molécules ayant une action sur la fonction salivaire).

Les patients ont été instruits sur le contrôle mécanique de la plaque de façon à instaurer et maintenir une hygiène rigoureuse au cours d'une phase initiale de 14 jours (de J - 14 à J0). L'essai clinique proprement dit a duré 21 jours (de J0 à J21) pendant lesquels les patients ont arrêté toute mesure d'hygiène bucco-dentaire à l'exception d'un bain de bouche biquotidien. Les produits de rinçage, placebo pour le groupe témoin, digluconate de chlorhexidine à 0,10 % (CHX, Inava Odonto-Stomatologie, Castres, France) pour le groupe test, ont été équitablement répartis en double aveugle par tirage au sort entre les 64 patients ; les deux solutions avaient le même aspect, la même présentation et les consignes d'utilisation étaient identiques : deux fois 15 ml, pendant 30 secondes, matin et soir (après dilution 1/1, la CHX a donc été utilisée in situ à une concentration de 0,05 %).

L'indice de plaque (IPl, Silness et Löe, 1964), l'indice gingival (IG, Löe, 1967) et l'indice de coloration (IC, Brecx et al., 1993) ont été relevés sur chaque patient à J - 14, J0, J7, J14 et J21. Aux mêmes périodes et sur des patients tirés au sort, des prélèvements de plaque ont été réalisés sur la première molaire du premier quadrant à J0, du deuxième quadrant à J7, du troisième quadrant à J14 et du quatrième quadrant à J21. Les prélèvements ont été mis en culture dans des milieux aérobie et anaérobie et le comptage des colonies (CFU : colony forming unit) a permis de calculer, à chaque stade, la proportion aérobies/anaérobies de la flore prélevée.

Les données relatives aux indices et à la bactériologie ont été regroupées par sites (vestibulaire, lingual et interproximal), par dents (moyenne des quatre sites), par patients (moyenne de toutes les dents) et par groupes (moyenne des patients du groupe) pour être analysées statistiquement en fonction des différents stades (de J0 à J21) et du traitement administré (placebo ou CHX). Les variables qualitatives ont été traitées par le test du Chi carré et, au-delà de 4 classes, par le test de Wilcoxon. Pour les variables quantitatives, la normalité de distribution a été vérifiée par le test de Shapiro-Wilk, l'égalité des variances par le test de Fisher et, dans l'analyse comparative, le test de Student ou le test de Wilcoxon a été employé en fonction du test de normalité. Les différences ont été jugées significatives pour p = 0,05.

Résultats

Sur les 64 patients recrutés, 5 ont dû être exclus de l'essai clinique (3 à J0 et 2 à J7) pour non-respect du protocole. L'effectif du groupe témoin est passé à 31, celui du groupe test à 28, ce qui a permis de conserver l'équilibre initialement prévu entre les groupes, de conduire l'étude et d'en faire l'analyse. La moyenne d'âge était de 21,7 ans (de 18 à 34 ans) pour un échantillon composé de 28 hommes et de 31 femmes. Aucune différence statistique n'a été constatée entre les 2 groupes, que ce soit à propos de l'âge moyen (p = 0,88, Wilcoxon), de la proportion sexuelle (p = 0,71, Chi carré), ou d'autres variables démographiques comme la taille (p = 0,95, Wilcoxon) et le poids des patients (p = 0,92, Wilcoxon). Il y avait 9 fumeurs dans le groupe test et seulement 4 dans le groupe témoin, mais la différence, là non plus, n'était pas significative (p = 0,075, Chi carré).

Au début de l'étude, à J0, la moyenne de l'IPl était de 0,13 (sd : 0,04) pour l'ensemble des sites, de 0,06 (sd : 0,05) pour les sites vestibulaires, de 0,13 (sd : 0,09) pour les sites linguaux et de 0,16 (sd : 0,07) pour les sites interproximaux. A ce stade, aucune différence statistique n'a été relevée entre les IPl des deux groupes (p = 0,513) (tableau I).

Au même moment, la moyenne de l'IG était de 0,08 (sd : 0,08) pour l'ensemble des sites, de 0,06 (sd : 0,07) pour les sites vestibulaires, de 0,13 (sd : 0,18) pour les sites linguaux et de 0,07 (sd : 0,08) pour les sites interproximaux. Là encore, il n'y avait aucune différence significative entre les IG des deux groupes (p = 0,743) (tableau II).

La proportion aérobies/anaérobies a d'abord été calculée sur 19 patients, dont 8 témoins et 11 tests. Elle était de 96,6 (sd : 57,2) pour les témoins et de 84,3 (sd : 39,3) pour les tests, sans que la différence soit significative (p = 1). La proportion moyenne était de 89,5 (sd : 46,6) et se situait à un niveau habituel (tableau III).

A J0, la moyenne de l'IC était de 0,19 (sd : 0,15) tous sites confondus, de 0,07 (sd : 0,09) pour les sites vestibulaires et de 0,3 (sd : 0,24) pour les sites linguaux, sans aucune différence significative entre les deux groupes (p = 0,814) (tableau IV).

Au terme de l'essai, l'interrogatoire des patients n'a révélé aucun incident qui aurait pu être interprété comme une conséquence des traitements. Dans chaque groupe, les IPl mesurés aux stades J7, J14 et J21 étaient significativement plus élevés (p = 0,001) que ceux enregistrés au départ de l'étude (J0). Cette augmentation était plus marquée dans le groupe témoin que dans le groupe test, et de façon significative à J7 (p = 0,016), mais aussi à J14 (p = 0,0003) ainsi qu'à J21 (p = 0,0001) (tableau I). Les mêmes variations et les mêmes différences significatives ont été observées quand l'évolution de l'IPl était analysée à l'échelle de la dent ainsi qu'au niveau des sites vestibulaires, linguaux et interproximaux.

L'indice gingival a augmenté de façon significative (p = 0,001) dans chaque groupe et à chaque stade (J7, J14 et J21). A J7, la variation de l'IG n'était pas différente entre les deux groupes (p = 0,354). Par contre, l'augmentation de l'IG était significativement plus importante dans le groupe témoin aux stades J14 (p = 0,034) et J21 (p < 0,0001) (tableau II). Des résultats identiques ont été enregistrés quand l'évolution de l'IG était analysée à l'échelle de la dent et des sites vestibulaires. Pour les sites linguaux et interproximaux, l'écart de l'IG par rapport à J0 n'était significativement différent entre les deux groupes qu'à J21 (p = 0,0002 et p = 0,0007 respectivement).

La proportion aérobies/anaérobies est restée statistiquement comparable entre les deux groupes à J7 et J14 ; à J21, elle était de 64,56 (sd : 29,20) pour les témoins et de 97,37 (sd : 11,84) pour les tests, la différence étant significative (p = 0,0009) (tableau III).

A partir de J0, l'IC a régulièrement augmenté tout au long de l'étude pour l'ensemble des patients (p = 0,001) (tableau IV). Cette augmentation était comparable entre les deux groupes à J7 (p = 0,266). Elle était significativement plus importante dans le groupe test à J14 (+ 0,38 contre + 0,26, p = 0,037) et elle s'est renforcée à J21 (+ 0,60 contre + 0,36, p = 0,013). Pour les sites vestibulaires, la différence n'était pas significative (p = 0,109). Pour les sites linguaux, cette différence était tout juste significative à J14 (p = 0,049).

Discussion

Cette étude est la première à tester, sur un modèle de gingivite expérimentale, les potentiels antiplaque et antigingivite d'un nouveau bain de bouche contenant 0,10 % de CHX. Le modèle et les indices utilisés ont été largement validés par le passé et sont devenus des références pour évaluer la rétention de plaque et l'inflammation gingivale. Le choix de la CHX s'appuie sur son activité antibactérienne connue et favorisée par sa faculté d'adhérer à l'émail, aux protéines salivaires et aux parois bactériennes qu'elle est capable de désorganiser ; il s'appuie aussi sur plusieurs essais comparatifs qui ont montré la supériorité de la CHX sur d'autres antiseptiques. Elle a induit une réduction de l'IPl comprise entre 38 et 88 % selon les études, supérieure à celles du delmopinol (Collaert et al., 1992 ; Lang et al., 1998b), du triclosan (Jenkins et al., 1994), d'une combinaison fluorure d'amine-fluorure d'étain ainsi que d'une huile essentielle (Riep et al., 1999) et d'ammoniums quaternaires (Moran et al., 2000). Elle s'est montrée active sur des gingivites non traitées à la concentration de 0,12 % (Corbet et al., 1997) et dans une autre étude assez voisine, elle a pu réduire l'IPl de 28 % et l'IG de 25 % (Eaton et al., 1997). La corrélation qui existe entre la diminution des scores moyens de plaque et l'augmentation de doses comprises entre 2 et 40 mg (Jenkins et al., 1994) a permis de penser que la dose efficace moyenne était voisine de 20 mg/j. Ces données sont en accord avec les modalités d'administration de la CHX dans cet essai (concentration, volume et fréquence).

Les données enregistrées au début de l'étude (J0) n'ont révélé aucune différence entre les deux groupes ; elles sont donc en faveur de la validité du modèle expérimental, c'est-à-dire comparabilité des patients des deux groupes pour tous les critères analysés et, notamment, pour le niveau d'hygiène. La comparaison avec d'autres études est parfois rendue difficile par les différences de protocole. La CHX à faible concentration (0,12 et 0,10 %) a été testée sur des patients présentant des gingivites et dont les habitudes de brossage n'étaient pas modifiées. Dans ces conditions, les auteurs ont toujours rapporté des réductions des indices plus importantes avec la CHX qu'avec le placebo (Eaton et al., 1997 ; Corbet et al., 1997) ou comparables entre CHX à 0,20 et à 0,10 % (Ernst et al., 1998). Ici, au contraire, tous les indices ont augmenté dans les deux groupes tout au long de l'étude. Cette augmentation est inhérente au modèle de la gingivite expérimentale qui s'est développée pendant 21 jours. Cette période de 3 semaines explique la progression des indices, favorisée aussi par l'absence de contrôle mécanique de la plaque. L'effet du traitement ne peut donc être apprécié que dans la limitation de l'augmentation des indices. L'efficacité de la CHX à 0,10 % s'est manifestée ici par une augmentation des IPl et des IG inférieure environ de moitié par rapport à celle des patients qui ont reçu le placebo. Il faut remarquer que la variation intergroupe était d'emblée différente pour l'IPl, alors qu'elle ne l'est devenue qu'à J14 pour l'IG et même plus tard pour les sites linguaux et interproximaux.

L'analyse des prélèvements de plaque a mis en évidence une réduction de 33 % de la proportion aérobies/anaérobies avec le placebo et, au contraire, une augmentation de 15,5 % de la même proportion avec la CHX. Dans le groupe témoin, l'évolution de la proportion est à rapprocher de la progression de l'IPl, puisque l'accumulation de la plaque ne peut que favoriser le développement des anaérobies. Comme pour l'IG, cette évolution n'est devenue significative que vers la fin de l'essai. Ces observations laissent supposer que les manifestations de l'inflammation gingivale ne se sont démarquées entre les deux groupes que lorsque le taux d'anaérobies a atteint un certain seuil chez les témoins. Dans le groupe test, cette proportion, qui a évolué a contrario de celle des témoins, traduit bien le pouvoir limitatif de la CHX sur le développement de la flore anaérobie. Ce résultat vient confirmer son pouvoir antibactérien, déjà souligné par d'autres études : activité sur des biofilms modélisés in vitro (Kinniment et al., 1996), effet additionnel au traitement mécanique sur la détection des principaux parodontopathogènes (Bollen et Quirynen, 1996), limitation de la colonisation des membranes (Zucchelli et al., 2000), effet bactéricide à l'examen en fluorescence (Brecx et al., 1993 ; Gehlen et al., 2000).

Sur le plan de l'innocuité, l'augmentation de la coloration dans le groupe test n'était supérieure à celle des témoins que tardivement et surtout du côté lingual. Ainsi, sans être supprimé, l'effet indésirable habituellement attribué à la CHX est resté modéré à la concentration de 0,10 %, ce qu'un essai comparatif avec une concentration de 0,20 % avait déjà souligné (Jenkins et al., 1989).

En conclusion, le bain de bouche à 0,10 % de CHX s'est opposé efficacement au développement de la flore anaérobie qui favorise la formation de la plaque dentaire et l'apparition de la gingivite. L'effet clinique s'est accompagné d'une bonne innocuité, mis à part un effet colorant limité. La concentration de 0,10 % semble donc constituer un bon compromis entre efficacité et tolérance.

Demande de tirés à part :

Gérard BRUNEL, Faculté de chirurgie dentaire, 3, chemin des Maraîchers, 31062 TOULOUSE Cedex - FRANCE. e-mail : brunel@cict.fr

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