Occlusion et fonction. Une approche clinique rationnelle
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2003

 

Vient de paraître

François Unger  

Depuis plus de 10 ans Marcel Le Gall et Jean-François Lauret ont développé une approche originale de l'occlusion fonctionnelle fondée sur l'observation et le respect des contacts dentaires tels qu'ils apparaissent au cours des cycles de mastication. Après la thèse soutenue en 1988 par J.-F. Lauret à l'Université de Nantes sur l'étude expérimentale de la phase initiale de diduction, une réserve prudente retarda la publication des travaux de ces auteurs jusqu'à la publication de...


Depuis plus de 10 ans Marcel Le Gall et Jean-François Lauret ont développé une approche originale de l'occlusion fonctionnelle fondée sur l'observation et le respect des contacts dentaires tels qu'ils apparaissent au cours des cycles de mastication. Après la thèse soutenue en 1988 par J.-F. Lauret à l'Université de Nantes sur l'étude expérimentale de la phase initiale de diduction, une réserve prudente retarda la publication des travaux de ces auteurs jusqu'à la publication de leur article princeps paru en 1994 dans Les cahiers de prothèse :

« La mastication : une réalité oubliée par l'occlusodontologie ». Dès lors, les publications se sont multipliées, tant en France qu'aux Etats-Unis, créant, au corps défendant des auteurs, une polémique autour de leurs propositions. Il faut dire que l'instauration des contacts dentodentaires comme référence occlusale fondamentale révolutionne non seulement les concepts admis, mais aussi les pratiques cliniques et de laboratoire, jusqu'à la terminologie.

L'occlusodontologie, qui souffrait déjà trop souvent d'une réputation d'ésotérisme abscons, semblait retrouver ici le champ des querelles d'écoles avec la conséquence habituelle des schismes qui rendent difficiles la réflexion froide, fondée sur la validation clinique des hypothèses proposées et la recherche des preuves scientifiques. L'ouvrage écrit par Le Gall et Lauret est à l'évidence conçu comme un plaidoyer destiné à présenter le concept de l'occlusion fondée sur le respect des fonctions de l'appareil manducateur, à en défendre la compréhension rationnelle et l'exploitation clinique au quotidien.

C'est un vaste programme que cet ouvrage de 170 pages et illustré de plus de 500 photographies ou schémas (de grande qualité didactique), qui se décline en 5 chapitres bien identifiés pour lesquels la pratique clinique sert de fil conducteur.

Le premier chapitre, « Occlusion et manducation », explique et illustre très clairement le concept fondamental qui sous-tend les travaux des auteurs. Sa lecture est indispensable à une bonne compréhension de l'ensemble de l'ouvrage. Pour le lecteur qui se laissera guider et entrera dans les propositions des auteurs, ce premier chapitre sera source de bien des interrogations enrichissantes, surtout s'il les confronte aux concepts occlusaux habituels.

Comment, en effet, intégrer ces nouvelles recherches de « guidages d'entrée ou de sortie de cycle » parmi les notions classiques de l'équilibre occlusal que sont le « centrage », le « calage » et le « guidage » ?

Le deuxième chapitre est consacré à l'« Ajustement occlusal fonctionnel ». Il conduit à décrire l'équilibration fonctionnelle de mastication après avoir réalisé l'équilibration de déglutition, faisant appel, ou non, au port préalable d'une butée ou d'une gouttière pour établir la position de référence, qui sera toujours l'occlusion d'intercupidation maximale. Les habitués de la relation centrée, du meulage des contacts non travaillants et autres tenants de la fonction canine auront sans doute du mal à saisir ce chapitre difficile qui aurait bénéficié d'une présentation préalable de l'analyse occlusale sur l'articulateur Reverse®.

Le troisième chapitre décrit l'« Occlusion fonctionnelle en implantologie », sujet d'actualité s'il en est, et que bien peu d'auteurs affrontent en s'appuyant sur une expérience de plusieurs centaines d'implants. Associés à A.P. Saadoun et J.-F. Lauret, M.G. Le Gall livre ici son expérience d'implantologiste reconnu, et présente ce que doit être selon lui l'équilibration occlusale implantaire revue à la lumière de la dynamique masticatrice.

Les schémas sont remarquablement soignés.

Le quatrième chapitre aborde le problème passionnant des « Dysfonctionnements de l'appareil manducateur » en relation avec les défauts occlusaux de mastication.

Les hypothèses de travail sont riches et les propositions thérapeutiques ouvrent de réelles voies de progrès. L'ouvrage aurait peut-être gagné si ce chapitre avait lui aussi été placé avant les propositions d'ajustement occlusal qu'il éclaire et légitime.

Le dernier chapitre, consacré aux « Limites et utilisations des articulateurs », peut presque se lire séparément : il pose bien la problématique de la simulation des contacts dentodentaires fonctionnels sur les articulateurs de toutes générations, et introduit de nouveaux paramètres dont la simulation est habituellement impossible. Ce chapitre présente aussi l'articulateur Reverse®, seul capable aujourd'hui de simuler les contacts enregistrés en mastication sur des prothèses provisoires.

Comme on le voit, l'ouvrage de M.G. Le Gall et J.-F. Lauret présente clairement le concept fonctionnel qu'ils ont développé (même si quelques redites inévitables dans une telle somme semblent compliquer un peu le propos), ainsi que les outils et moyens de l'exploiter en pratique clinique ; le mérite n'est pas mince. Certains théoriciens ou cliniciens de l'occlusion se plaindront peut-être des bouleversements qu'apportent ce livre. D'autres rappelleront à juste titre que la morphologie cuspidienne est une chose, et que le comportement occlusal en est une autre. Malgré les apports incontestables et importants de ce livre pour l'odontologie clinique, bien des questions restent ouvertes… et, après tout, c'est ce qui doit motiver nos progrès scientifiques et thérapeutiques.

A tous ceux qui s'interrogent sur leurs pratiques et qui ne redoutent pas les remises en cause, nous ne pouvons que conseiller de prendre le temps de lire ce livre parfois difficile mais d'une grande richesse créative : vous ne le regretterez pas.

Encore un mot pour saluer deux contributions à l'ouvrage : celle de Pascal Picq, maître de conférences au Collège de France, qui signe une préface originale et tonique, et celle de Christophe Landeau, chirurgien-dentiste et véritable ingénieur, qui dessina l'articulateur Reverse® et en surveilla la fabrication. Bien que disparu il y a quelques mois à l'âge de 38 ans, son travail valorise l'ensemble des thèmes proposés ici.