Proposition d'une nouvelle approche clinique de pose d'implant unitaire avec mise en charge immédiate
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2004

 

Articles

L. OHAYON   

Saint-Maur-des-Fossés, France

Résumé

La mise en charge immédiate des implants dentaires est une technique séduisante, comparée au protocole traditionnel en deux temps chirurgicaux, dans la mesure où elle permet de répondre au désir croissant des patients de pouvoir résoudre rapidement les problèmes de confort et d'esthétique engendrés par la perte d'une dent.

En effet, elle présente l'avantage de ne nécessiter qu'une seule intervention chirurgicale et offre aux patients la possibilité de pouvoir poursuivre leur vie sociale et professionnelle en rétablissant, le jour de la mise en place de l'implant, la fonction et l'esthétique, par la pose d'une couronne temporaire.

Sa pratique engendre, cependant, un allongement significatif de la durée de l'intervention, ce qui oblige le praticien à devoir à gérer l'hémostase, l'asepsie ainsi que le stress du patient pendant la réalisation et le réglage de la prothèse provisoire.

La technique décrite dans cet article propose, après étude du scanner, de déterminer la position de l'implant et de réaliser dans un premier temps la prothèse provisoire sur le modèle en plâtre ; l'utilisation d'un guide chirurgical permettra, au cours de la chirurgie, de reporter la position exacte de l'implant dans le tissu osseux et d'assurer le geste du praticien lors des différentes étapes opératoires tout en diminuant la durée de l'intervention.

Summary

Compared to the traditional protocol involving two surgical procedures, the one stage technique with immediate loading of dental implants is an attractive proposition insofar as it provides an answer the increasing desire of the patients to have a rapid solution to the problems of comfort and aesthetics caused by the loss of a tooth.

Indeed, it has the advantage of requiring only one surgical intervention and offers the patient the possibility of being able to pursue their social and professional life while restoring function and aesthetics from the day of placing the implant, by the use of a temporary crown.

However, the technique requires a significant increase in the time taken for the intervention and necessitates the good management of haemostasis, asepsis as well as the patient's stress during the procedure and the adjustment of the temporary prosthesis.

This article describes, after a study using a scanner, a one stage technique to determine the position of the implant and the construction of a temporary prosthesis on plaster model. The use of a surgical guide during the surgery allows the exact positioning of the implant in the bony tissue and assists the practitioner in their actions during the various operative stages, while decreasing the length of intervention.

Key words

Immediate loading, single tooth implant, surgical guide, interproximal dental papilla preservation, implant initial stability of implants

Introduction

La mise en charge immédiate d'un implant unitaire est une technique récente permettant de pallier les inconvénients du protocole chirurgical en deux temps utilisé jusqu'à présent en implantologie. Elle répond à la demande légitime des patients de n'avoir à subir qu'une seule intervention chirurgicale et, par conséquent, permet de diminuer la durée de leur traitement. Cependant, sa mise en application nécessite un allongement notable de la séance puisque la prothèse provisoire est réalisée en cours d'intervention.

Nous essayerons, à l'aide d'un cas clinique, de proposer une méthode permettant d'effectuer la prothèse au laboratoire, ceci avant l'intervention, ce qui supprime ainsi les inconvénients inhérents à sa réalisation le jour de la pose de l'implant.

Principe de la mise en charge immédiate

La mise en charge immédiate de l'implant va à l'encontre du protocole chirurgical en deux temps proposé par Brånemark, qui partait du principe qu'il fallait isoler l'implant de toute contrainte mécanique pendant la cicatrisation afin d'éviter que vienne s'interposer, entre l'os et lui-même, un tissu fibreux (Brånemark et al., 1977 ; Brunski et al., 1979 ; Bert et Missika, 1992 ; Cameron et al., 1973). Ces règles établies étaient de véritables dogmes qu'il ne fallait pas transgresser si l'on voulait limiter les risques d'échec.

Depuis, l'arrivée du protocole chirurgical en un temps, mis au point par la firme ITI, a permis d'ouvrir le débat sur la nécessité de la mise en nourrice de l'implant.

Les premières études de Brånemark et son équipe, confirmant l'échec du traitement implantaire lors d'une mise en charge trop précoce, portaient sur des implants usinés à surface lisse et non autotaraudants (Antoun, 2000). En tout état de cause, les cas étudiés n'étaient pas ciblés alors qu'il est établi à présent que les indications de mise en charge immédiate sont très réduites par rapport à celles des implants enfouis (Tardieu, 2000).

Par ailleurs, le protocole chirurgical et l'état de surface des implants ont évolué ; en effet, il existe à présent des implants autotaraudants qui sont proposés avec un état de surface rugueux, permettant un contact plus intime avec le tissu osseux pour une meilleure stabilisation initiale (Albrektsson et Sennerby, 1990 ; Ericsson et Nilner, 2002). L'évolution du protocole opératoire vers la mise en charge immédiate a donc permis de pouvoir répondre à la demande des patients de supprimer le délai d'attente entre la pose de l'implant et celle de la prothèse. Les principes de l'enfouissement et de la mise en nourrice de l'implant pendant 3 à 6 mois à la mandibule et 6 à 9 mois au maxillaire ont pu être supprimés dans certaines conditions. Ces délais, nécessaires à l'obtention d'une ostéo-intégration, n'ont d'ailleurs jamais pu être vérifiés expérimentalement (Szmukler-Moncler et al., 2000) et l'on admet qu'ils ont été établis de façon empirique ; certains auteurs considèrent d'ailleurs que la mise en nourrice ne repose sur aucune base scientifique mais correspond plutôt à une précaution thérapeutique (Henry et Rosenberg, 1994). Il existe, par conséquent, de nombreux articles qui plaident, dans certains cas cliniques bien définis, pour l'utilisation du protocole chirurgical en un temps (Davarpanah et al., 1999 ; Ericsson et al., 1997 ; Tardieu et Missika, 1997 ; Brånemark et al., 2000).

Les conditions nécessaires à l'obtention de l'ostéo-intégration (Albrektsson et al., 1986) dépendent des facteurs suivants :

• la biocompatibilité du matériau ;

• la forme et l'état de surface de l'implant ;

• la qualité du lit osseux ;

• la technique chirurgicale ;

• les conditions de mise en charge. De plus, selon Szmukler-Moncler et al. (1998), les critères de mise en charge précoce des implants sont :

• la densité osseuse. Il est possible de s'appuyer sur la classification de Lekholm et Zarb (1985), allant de la densité de type I, de meilleure qualité, à celle de type IV, qui est à éviter si l'on envisage de poser des implants ;

• la macrorétention de l'implant, qui repose sur plusieurs facteurs tels que :

• la forme de l'implant, notamment cylindrique qui assure, par elle-même, une bonne friction des parois de l'implant sur le tissu osseux (Brånemark et al., 1988) ;

• la spire de la vis qui augmente la surface de contact entre l'implant et l'os tout en permettant un bon ancrage mécanique (Piatelli et al., 1998) ;

• la longueur de l'implant ;

• le système autotaraudant qui permet une bonne fixité initiale par l'obtention d'une plus grande intimité entre l'implant et le tissu osseux avant le processus d'ostéo-intégration ;

• les microrétentions sur la surface de l'implant ; les revêtements rugueux inertes tels que les surfaces traitées par mordançage, sablage ou par oxydation anodique sont à préférer aux surfaces lisses car elles améliorent les contacts avec le tissu osseux (Buser et al., 1991 ; Lazzara et al., 1999, Gottfredsen et al., 2000 ; Hall et Lausmaa, 2001) ;

- la stabilité initiale, qui permet d'obtenir la rigidité de l'interface os-implant avant le phénomène d'ostéo-intégration, favorisant ainsi l'ostéogenèse (Carter et Giori, 1991 ; Brunski, 1993). Certaines expériences tendent à montrer que l'ostéo-intégration ne peut s'effectuer que si l'amplitude des charges fonctionnelles ne dépasse pas un seuil de 50 à 150 µm (Soballe et al., 1993). Il est, en outre, conseillé d'utiliser un couple d'insertion de 30 à 50 Ncm afin de s'assurer de la bonne stabilité initiale de l'implant (Ericsson et al., 2000a). Il existe, d'ailleurs, plusieurs techniques de contrôle de la stabilité primaire, telles que le système Osstell, qui analysent la fréquence de résonance de l'implant juste après sa pose (Meredith, 1998) ;

• la distribution optimale des implants ;

• l'utilisation raisonnée des cantilevers.

Pour ce qui concerne l'implant unitaire, nous ne prendrons en compte que les quatre premiers critères.

Avantages de la mise en charge immédiate

Il convient, tout d'abord, de préciser la notion de mise en charge immédiate : elle peut être simplement décrite comme une mise en charge de la prothèse le jour même de la pose de l'implant ou quelques jours plus tard (Payne et al., 2001). Elle assure le rétablissement immédiat de la fonction d'occlusion :

- soit par une mise en charge fonctionnelle ; la prothèse provisoire est en sous-occlusion, les contacts se produisent avec le bol alimentaire lors de la mastication, elle reste soumise aux pressions des joues, des lèvres et de la langue (Szmukler-Moncler et al., 1998) ;

- soit par une mise en charge occlusale ; la prothèse provisoire est en occlusion. L'utilisation de résines autopolymérisables pour la réalisation des prothèses provisoires permet un amortissement des forces occlusales transmises à l'implant (Tardieu et Missika, 1997).

Elle permet, de même, le rétablissement immédiat de l'esthétique : la pose de la prothèse provisoire va guider la cicatrisation gingivale jusqu'à l'obtention du profil d'émergence souhaité ; la hauteur des papilles interdentaires sera ainsi conservée (Tarnow et al., 1992) ; la couronne provisoire peut être rectifiée tant dans sa morphologie que dans sa teinte jusqu'à aboutir au résultat esthétique voulu (Biggs et Lituark, 2001).

Elle évite une deuxième intervention, source de stress pour le patient (Chow et al., 2001), qui était nécessaire pour la pose du pilier de cicatrisation ainsi que pour d'éventuels réaménagements des tissus mous qui bordent l'implant. Elle présente un avantage psychologique : le patient va pouvoir reprendre sa vie sociale et professionnelle après la chirurgie (Chaushu et al., 2001) ; son confort est maintenu en évitant de recourir à une prothèse amovible ou à une dent prothétique collée sur les dents collatérales.

Force est de constater que de nombreux articles attestent les bons résultats de la mise en charge immédiate (Tarnow et al., 1997 ; Proussaefs et al., 2002 ; Kan et al., 2003) et considèrent cette technique comme un traitement au résultat prévisible (Ericsson et al., 2000b).

Inconvénients de la mise en charge immédiate

Il n'en demeure pas moins que certaines études tendent à montrer un taux d'échec sensiblement plus important lors de la mise en charge immédiate par rapport au protocole classique en deux temps chirurgicaux (Schnitman et al., 1997 ; Balshi et Wolfinger,1997).

À ce titre, l'étude de Balshi présente un taux de réussite de 96 % pour ce qui concerne la technique traditionnelle de mise en charge différée, alors qu'elle n'obtient qu'un taux de 80 % pour la mise en charge immédiate ; en d'autres termes, les résultats de cette étude tendent à montrer que les risques sont multipliés par cinq.

En tout état de cause, bien que cette technique soit séduisante, elle reste encore trop récente pour que l'on puisse clairement en évaluer les risques (Tardieu, 2000). Il convient, par conséquent, de ne l'utiliser que dans le cadre strict de ses indications lorsque toutes les conditions favorables sont réunies. Par ailleurs, il ne faut pas non plus perdre de vue que les patients sont, pour la plupart, motivés par la rapidité de ce traitement et son résultat esthétique ; il est donc nécessaire d'envisager avec eux les conséquences d'un échec qui pourrait aboutir :

- soit à une réimplantation immédiate par la technique traditionnelle en deux temps chirurgicaux ;

- soit à devoir attendre plusieurs mois la cicatrisation osseuse au terme de laquelle il sera possible de réintervenir, toujours par la technique classique de l'implant enfoui, ce qui augmentera d'autant la durée du traitement.

De plus, les différentes étapes nécessaires à la réalisation de la prothèse provisoire au cours de l'intervention se font dans des conditions difficiles car il faut gérer dans le même temps l'hémostase et l'asepsie.

Indications

Cette technique, qui constitue une modalité de traitement supplémentaire, nécessite de bien cibler les indications et d'être effectuée dans des conditions bien définies car le protocole chirurgical de référence reste celui établi par Brånemark (Tarnow et al., 1997). Elle est indiquée, pour ce qui concerne les implants unitaires, dans les cas de restauration immédiate au niveau du secteur antérieur pour des raisons esthétiques.

Elle nécessite une bonne stabilité primaire de l'implant ainsi qu'une hauteur et une densité osseuse suffisantes (Étienne, 2000).

Contre-indications

Outre les contre-indications classiques des implants liées à la santé générale du patient (Bert et Missika, 1992), les contre-indications spécifiques à la mise en charge immédiate sont les défauts de densité et de volume osseux empêchant la stabilité initiale de l'implant.

Les causes principales d'échec sont (Ledermann et al., 1998) :

- le manque de stabilité initiale ;

- un défaut de connexion entre l'implant et le pilier ;

- une hauteur d'os insuffisante ;

- la perforation des corticales osseuses ;

- la pose de l'implant trop tôt après l'extraction ;

- le défaut d'hygiène buccale.

Principe d'élaboration du guide chirurgical

Les techniques existantes de mise en charge immédiate des implants consistent à effectuer, au cours d'une même séance, dans un premier temps, la pose de l'implant, puis à réaliser, dans un deuxième temps, la prothèse provisoire.

L'objectif de cet article est de proposer d'inverser les deux étapes en suivant une méthode qui permet tout d'abord de déterminer et de reproduire, sur un modèle en plâtre, la position exacte de l'implant tel qu'il devra être posé en bouche, afin de pouvoir effectuer la prothèse temporaire au laboratoire sans que la présence du patient soit nécessaire. L'étape chirurgicale et la pose de la couronne provisoire seront alors effectuées lors d'une séance ultérieure.

La réalisation de la prothèse provisoire avant l'intervention présente plusieurs intérêts :

- elle permet de limiter la durée de la séance, ce qui est appréciable autant pour le praticien que pour le patient car cela diminue l'anxiété et la fatigue liées à une intervention trop longue ;

- le prothésiste peut effectuer la prothèse plus sereinement sans être soumis à des délais réduits ;

- la teinte et la morphologie de la prothèse peuvent être modifiées et retouchées au préalable de façon à s'assurer du résultat esthétique ;

- l'asepsie est plus facilement gérable puisque l'on supprime les différentes étapes de prise d'empreinte, de réalisation, d'essayage et de réglage de la prothèse provisoire qui ont lieu pendant la séance et qui sont autant de sources potentielles d'infection ;

- le délai d'attente entre la pose de l'implant et la fixation de la suprastructure provisoire est réduit, ce qui permet de mieux contrôler le saignement et de suturer sans attendre les papilles interdentaires pour une meilleure cicatrisation.

Le principe de cette technique nécessite de pouvoir, au préalable, reproduire sur le plâtre la position exacte de l'implant tel qu'il devra être placé dans l'os maxillaire lors de l'intervention chirurgicale. Il faudra donc savoir maîtriser deux paramètres, le point d'émergence ainsi que l'axe de l'implant, que l'élaboration d'un guide chirurgical nous permettra de reproduire. Ce même guide offrira l'intérêt d'assurer le geste du praticien lors du passage du premier foret guide et arrêtera la progression du foret à la longueur choisie. L'axe et la longueur de l'implant ainsi que le point d'émergence de sa tête seront déterminés lors de l'étude du scanner et des empreintes.

Cas clinique

Il s'agit d'une jeune femme d'une trentaine d'années ; le questionnaire médical ne révèle aucune pathologie de nature à contre-indiquer la pose d'implants. L'examen buccal laisse apparaître la persistance des dents temporaires n° 52, 54, 62 et 64 ; l'examen de la radiographie panoramique permet de constater les agénésies des dents n° 12 et 22. La dent n° 62 présente une mobilité qui nécessite son avulsion et son remplacement à brève échéance pour éviter à la patiente un traitement dans l'urgence. Les dents collatérales étant vivantes et non délabrées, la réalisation d'un bridge est écartée (fig. 1) ; la pose d'un implant est alors envisagée.

Deux techniques sont possibles. La technique chirurgicale en deux temps sera évitée car :

- elle impose une deuxième intervention chirurgicale ;

- elle augmente la durée du traitement ;

- la prothèse provisoire, qui peut être une prothèse amovible ou une dent provisoire collée sur les dents collatérales, ne présente pas un confort optimal et ne permet pas d'amorcer le remodelage des contours gingivaux.

La technique de pose d'implant avec temporisation immédiate sera donc préférée si les conditions nécessaires à sa réalisation sont remplies.

Réalisation du guide chirurgical et de la prothèse temporaire

Une gouttière est réalisée sur le modèle d'étude afin de pouvoir visualiser sur le scanner, grâce à un repère radio-opaque constitué de gutta-percha, le rebord osseux cervical pour le reporter sur le plâtre.

Le scanner est effectué gouttière en bouche ; son étude va permettre d'évaluer la densité et le volume osseux disponibles. Il va aussi déterminer l'axe et la longueur de l'implant (fig. 2).

Le niveau de la limite osseuse cervicale est mesuré sur le scanner en fonction du repère radio-opaque puis il est reporté sur le modèle en plâtre (fig. 3). Le plâtre est ensuite meulé jusqu'à atteindre le repère qui va déterminer la profondeur d'enfouissement de l'implant (fig. 4).

Une fois la profondeur d'enfouissement visualisée, il faut déterminer, à l'aide du scanner, la situation de l'implant dans les deux plans de l'espace. Sa position sera fonction de son point d'émergence et de son axe. Dans le cas qui nous concerne, la dent temporaire à extraire a subi une rhizalyse importante, les racines des dents collatérales sont convergentes, laissant un espace mésio-distal limité dans la région apicale. Par ailleurs, le choix du couloir osseux, qui déterminera l'axe du futur implant, devra tenir compte de l'axe du futur pilier prothétique. De plus, l'avulsion de la dent temporaire laissera apparaître un cratère osseux qui sera préjudiciable à la stabilité initiale de l'implant et qui sera accompagné d'une ostéolyse au niveau du site d'extraction (Davaparnah et Tecuccianu, 2000). Ces différents paramètres vont devoir être pris en compte pour déterminer la longueur et l'axe de l'implant. Le choix se porte donc sur un implant Nobelbiocare de type MKIII de 3,75 mm de diamètre et d'une longueur de 13 mm ; c'est un implant à vis cylindrique à double spire en titane à surface rugueuse.

Sur le modèle en plâtre, les différentes séquences de forage selon le protocole chirurgical de Brånemark sont suivies :

• le point d'impact de la fraise boule correspond au point d'émergence de la tête de l'implant ;

• le foret guide de 2 mm de diamètre détermine l'axe et la longueur de l'implant (fig. 5) ;

• la réalisation d'un guide chirurgical (fig. 6) doit satisfaire aux exigences suivantes :

• se positionner de façon stable sur les dents collatérales ;

• épouser l'axe déterminé par le foret guide de façon suffisamment intime pour que le praticien puisse se laisser guider lors de l'étape chirurgicale ;

• être équipé d'une butée qui arrêtera la progression du foret guide, monté sur le prolongateur, à la longueur voulue ; en effet, la forme de ce dernier présente plusieurs méplats qui facilitent la création d'une butée au niveau du guide chirurgical ;

• puis les passages du foret intermédiaire, du foret de 3 mm de diamètre et du countersink sont effectués ;

• l'analogue de l'implant est alors vissé sur le modèle en plâtre (fig. 7) ; la tête de l'implant présentant un hexagone externe, il faut repérer la position de ce dernier de façon que la prothèse provisoire ne présente pas de rotation en bouche une fois l'implant mis en place ;

• la prothèse temporaire est réalisée au laboratoire ; un puits y est ménagé dans l'axe de l'implant de façon à pouvoir la transvisser (fig. 8).

On peut remarquer que les guides chirurgicaux sont le plus couramment utilisés pour situer les points d'impact des forets afin de matérialiser l'espace entre les implants lors de la réalisation d'implantations multiples ; dans le cas décrit ici, le guide chirurgical va déterminer l'émergence, l'axe et la longueur de l'implant.

Étape chirurgicale

Une incision intrasulculaire, à l'aide d'une lame 15, partant de la dent n° 21 jusqu'à la dent n° 23, est réalisée afin d'obtenir une meilleure laxité lors de la réclinaison du lambeau (fig. 9). La dent est mobilisée avec un syndesmotome de Bernard pour être extraite à l'aide d'un davier. Le guide chirurgical est alors positionné en bouche pour vérifier sa stabilité et son adaptation (fig. 10).

Le forage est commencé sous irrigation au sérum physiologique, le foret pilote de 2 mm de diamètre étant monté sur le prolongateur.

Une fois le forage amorcé, il est nécessaire de contrôler au fur et à mesure, sans le guide chirurgical, l'axe et la progression du foret (fig. 11). Le guide chirurgical est remis en place afin de poursuivre le forage jusqu'à la butée (fig. 12). À ce stade, l'axe et la longueur de l'implant ainsi que le point d'émergence de sa tête sont déterminés. Les jauges qui existent sur les forets vont permettre de vérifier la longueur du forage. Il faut donc passer les différents forets suivant le protocole chirurgical tel qu'il est décrit par Brånemark.

L'implant est présenté devant le puits de forage (fig. 13) ; on effectue sa mise en place, à une vitesse de 15 tr/min et un couple de 45 Ncm, sous irrigation au sérum physiologique, jusqu'à obtenir une butée. À ce stade, le contre-angle doit débrayer, signant ainsi une bonne stabilité primaire.

La position de l'hexagone externe est alors vérifiée ; elle doit être conforme à celle obtenue sur le modèle en plâtre, ce qui assurera le bon positionnement de la prothèse temporaire. Cette position peut être ajustée, si besoin est, à l'aide d'une clé manuelle de serrage, la rotation maximale à effectuer étant d'un douzième de tour de spire, ce qui correspond à la rotation nécessaire pour déplacer le milieu d'un côté vers le sommet le plus proche.

La couronne provisoire est tout d'abord transvissée à la main ; il est possible de s'assurer du bon positionnement de la prothèse sur l'implant en regardant sous le lambeau. Une fois en place, il faut contrôler sa position par rapport aux dents antagonistes en intercuspidie maximale, dans les mouvements de protrusion et de latéralité.

Il est important de noter que, d'une façon générale, certains facteurs tels que la densité osseuse ainsi que la direction des forces occlusales par rapport à l'axe de l'implant sont défavorables à la mise en charge immédiate de l'implant unitaire dans le secteur maxillaire antérieur ; certains auteurs préconisent d'ailleurs l'absence totale de contact en intercuspidie maximale, en protrusion et dans les mouvements de latéralité (Tardieu, 2000 ; Hui et al., 2001) ; à ce titre, Hui et al. décrivent « une occlusion de la prothèse unitaire protégée par les dents collatérales », ce qui fait plutôt référence à la notion de temporisation immédiate. Dans le cas que nous décrivons, la dent n° 62 était initialement en occlusion en intercuspidie maximale avec l'incisive mandibulaire antagoniste et en inocclusion avec la dent n° 33 ; la dent n° 32 ne présentait, par ailleurs, aucun contact avec la dent n° 21. Lors de l'intervention, le contact en intercuspidie maximale entre la couronne provisoire sur implant et la dent n° 32 a été maintenu afin d'éviter l'égression de cette dernière. La prothèse provisoire a, de plus, été réglée de façon à se trouver immédiatement en inocclusion dans les mouvements de protrusion ainsi que dans ceux de latéralité.

Les papilles interdentaires sont ensuite suturées par des points matelassés verticaux (Mousques et Levavasseur, 1989 ; Newel et Brunswold, 1985) (fig. 14). La couronne provisoire est fixée à l'aide d'un contre-angle avec un couple de 10 Ncm ; l'immobilité de la prothèse lors de cette dernière étape confirmera la stabilité initiale de l'implant (fig. 15).

Le puits d'accès aménagé en vestibulaire de la couronne temporaire est comblé au composite ; la hauteur et la morphologie de la prothèse sont contrôlées en fonction de la ligne du sourire ; la face vestibulaire est alors polie (fig. 16).

Les points de suture sont retirés au bout de 8 jours.

Pendant la durée de la cicatrisation conjonctive, les contours et le profil d'émergence de la couronne provisoire peuvent être modifiés pour mieux guider cette cicatrisation au niveau de la gencive marginale et des papilles interdentaires et obtenir le résultat esthétique désiré (Touati, 2000) (fig. 17).

Après 2 mois de cicatrisation, les contours gingivaux sont contrôlés (fig. 18), l'empreinte pour la réalisation du pilier peut être réalisée. Elle permettra d'enregistrer les contours gingivaux qui n'apparaissent plus sur l'empreinte d'étude. Un pilier en zirconium est mis en place sur l'implant (fig. 19) : sa position sera contrôlée à l'aide d'une radiographie rétro-alvéolaire. Il est maintenu par une clé réalisée en résine et vissé avec un couple de 20 Ncm (fig. 20) ; en effet, à ce stade, le phénomène d'ostéo-intégration n'est pas arrivé à son terme.

La couronne définitive est ensuite scellée ; les papilles interdentaires comblent les embrasures, sans être comprimées, et répondent ainsi aux exigences esthétiques parodontales (fig. 21 et 22).

Une radiographie de contrôle est réalisée à la fin du traitement (fig. 23).

Conclusion

La mise en charge immédiate a permis de satisfaire aux exigences croissantes des patients concernant le confort et l'esthétique pendant la durée du traitement ; en effet, elle évite d'avoir à effectuer un deuxième temps opératoire pour la pose du pilier de cicatrisation ainsi qu'une chirurgie correctrice des tissus mous.

Bien que de nombreuses publications fassent état des excellents résultats obtenus par cette technique, les cas cliniques présentés sont encore trop récents et ponctuels pour en confirmer la fiabilité ; il convient, par conséquent, de réaliser des études multicentriques à long terme afin d'en attester l'efficacité.

La pose de la couronne provisoire, immédiatement après la mise en place de l'implant, s'avère donc être une méthode séduisante, dans la limite de ses indications, permettant la conservation des contours gingivaux et des papilles interdentaires ; elle permet aussi de diminuer la durée du traitement ainsi que le nombre de rendez-vous et répond à la demande des patients, de pouvoir poursuivre, dans les meilleures conditions, leur vie sociale et professionnelle pendant la période d'ostéo-intégration.

Ceci étant, elle impose aussi de fabriquer et de régler la prothèse provisoire pendant l'intervention chirurgicale, ce qui présente un certain nombre d'inconvénients.

Cet article a pour objectif de proposer une nouvelle approche de la mise en charge immédiate des implants unitaires qui permette d'assurer et de faciliter les différentes séquences chirurgicales et prothétiques tout en diminuant la durée de l'intervention.

Demande de tirés à part

Laurent OHAYON - 25, rue de La Varenne - 94100 SAINT-MAUR-DES-FOSSÉS - FRANCE

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