Matériaux souples « permanents » : quelles indications en prothèse totale ? - Cahiers de Prothèse n° 102 du 01/06/1998
 

Les cahiers de prothèse n° 102 du 01/06/1998

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Sylvie Montal *   Jean-Paul Joly **   Brigitte Vignal ***  


* DEA de sciences chirugicales
Ex-assistante de la faculté d'odontologie
de Montpellier
Service de Prothèse
568, rue de la Roqueturière - 34090 Montpellier
** DEA de gérodontologie
Ex-assistant de la faculté d'odontologie
de Montpellier
*** Docteur ès sciences odontologiques
Ex-assistante de la faculté d'odontologie
de Montpellier

Résumé

L'indication majeure de l'utilisation d'une base souple dite « permanente » en prothèse complète s'applique aux patients chez lesquels la chirurgie est contre-indiquée. Ces matériaux présentent l'avantage de réaliser un amortisseur et apportent un grand confort. La réalisation de ce type de traitement est assujettie aux mêmes règles que celles de la prothèse complète « classique ». Toutefois, un certain nombre de paramètres seront à prendre en compte et on réservera ces matériaux souples à un usage à moyen terme, sans déroger aux règles d'hygiène et de maintenance propres à ces types de matériau : dans ces conditions, les bases souples pourront permettre de trouver une solution et souvent la seule à des cas cliniques délicats.

Summary

« Permanent » supple materials: what indications in full denture ?

The use of « permanent » supple materials in full denture allows a prosthetic rehabilitation of a whole category of partially or totally-edentulous patients for whom any surgery is contraindicated (either momentarily or definitvely). These supple materials will play an important part of shock absorption and will bring much comfort by providing a better dispatching of constraints. However, the supple bases show a certain number of constraints linked to the very nature of these materials (link with the resin base, surface state, ageing…). That is why we offer certain options aiming at reducing the impact of these parameters ; in particular, we give a preponderance to the oral prosthetic hygiene and to the maintenace without which nothing is possible. The patient must be enlightened about the advantages and limits of this type of prosthetic treatment. Currently, we recommend a medium-term use of these « permanent » supple materials.

Key words

complete denture, hygiene, shock-absorber, soft lining materials

Doubler l'intrados d'une prothèse complète au moyen d'un matériau souple est une idée qui paraît judicieuse face à certaines situations cliniques délicates de l'édenté total. En effet, il semble logique de ne pas comprimer la muqueuse entre deux structures dures, la prothèse et l'os [1]. Ces matériaux souples ont fait et font toujours l'objet de nombreux malentendus, car si d'un côté, ils semblent pouvoir résoudre, par leur seule présence, la plupart des problèmes, d'un autre côté, certaines de leurs caractéristiques représentent des contraintes qui, si elles ne sont pas prises en compte, peuvent conduire à l'échec du traitement. Le but de cette étude est de faire le point sur l'utilisation de ces matériaux et peut-être de réhabiliter les bases souples en prothèse complète en les démystifiant. Nous proposons une conduite à tenir (quel que soit le type de base souple « permanente » employée) tant au niveau de la réalisation prothétique qu'au niveau de la maintenance et de l'hygiène, en essayant d'avoir une démarche la plus rationnelle et la plus efficace possible, car le plus important n'est-il pas de permettre aux patients concernés de pouvoir recouvrer une vie sociale et personnelle plus harmonieuse ?

Les matériaux

Le sujet de cet article ne concerne que les bases souples dites « permanentes » et, en aucun cas, les résines à prise retardée type Hydrocast, Fitt… La liste des matériaux souples utilisés dans cette étude n'est pas exhaustive, mais elle couvre les quatre grandes familles de produits présents dans le commerce. On trouve :

Les résines acryliques

Ce sont des polyméthylméthacrylates « classiques » rendus souples par l'adjonction d'un plastifiant. Il semble que ce plastifiant s'évapore et entraîne un durcissement du matériau souple à court terme [2]. Toutefois, ces résines se lient très bien à la résine rigide de la base prothétique puisqu'elles sont de même nature chimique. La mise en œuvre au laboratoire est aisée. Dans cette famille, on trouve le Vertex , thermopolymérisable, et le Perform Soft , qui est photopolymérisable.

Les silicones

Ils sont souples de par leur nature chimique. Ils ont des propriétés anti-adhérentes vis-à-vis des micro-organismes, mais, en contrepartie, il est nécessaire d'utiliser un adhésif et une interface métallique coulée (liaison mécanique) pour relier ce matériau souple à la résine base : ont été utilisés le Lutemoll , qui est pressé et vulcanisé à haute température (pratiquement 200 °C), et le Permaflex , qui est pressé et réticulé aux environs de 100 °C.

Éthylène acétate de vinyle (ou EVA)

Ce sont des matériaux thermoplastiques contenant des substances antibactériennes. Ils sont souples de par leur nature chimique. Leur liaison à la résine rigide est renforcée par l'utilisation d'un adhésif. Le Flexital Plastulène est le représentant le plus connu de cette famille. Sa mise en œuvre nécessite un équipement et une technique spécifiques (il est injecté, à chaud, sous presse). Il se présente sous forme de cartouche prête à l'emploi.

Le fluoroélastomère

Le fluoroélastomère, représenté par le Novus , est un matériau semi-organique ; c'est le seul qui soit radio-opaque. Il contient des substances fongicides et bactériostatiques. Sa liaison à la base rigide est correcte, mais nécessite l'adjonction d'un adhésif pour plus de sûreté. Ce produit est emballé sous forme prémixée. Il est thermopolymérisable et ne nécessite l'acquisition d'aucune nouvelle technique de laboratoire.

Tous ces matériaux présentent des caractéristiques mécaniques similaires : ils sont souples et présentent tous un module d'élasticité d'environ 4,2 MPa et un coefficient de Poisson de 0,47 [3]. C'est dire qu'ils réalisent dans tous les cas un amortisseur permettant de réduire l'énergie fournie par les chocs des forces masticatoires [4] et on peut, comme le D. Buch [5], les considérer comme des « solutions anti-trauma ».

Dans tous les cas, le matériau souple idéal n'existant pas, connaître leurs avantages et leurs inconvénients permettra de tirer le meilleur parti (ou le moins mauvais) de ce type de matériau.

Indications cliniques des bases souples « permanentes »

Malgré les nombreux progrès réalisés dans les différentes disciplines odontologiques, la prothèse complète a encore sa place : l'espérance de vie croissante et l'environnement médical ont pour conséquence une augmentation des patients très âgés et de plus en plus difficiles à appareiller.

L'indication majeure de l'utilisation des bases souples « permanentes » est représentée par toute une catégorie de patients partiellement ou totalement édentés chez qui toute chirurgie est contre-indiquée ou refusée soit momentanément soit définitivement. La chirurgie sera contre-indiquée avec :

- les risques majeurs d'ostéoradionécrose ;

- des états pathologiques spécifiques en évolution ;

- une sénescence trop importante ;

- un refus psychologique (phobie ou traumatisme).

Pour ces patients, chez lesquels aucune chirurgie n'est envisageable, il faudra toutefois faire face aux problèmes suivants :

• les muqueuses fines et fragiles ne supportant pas le contact d'une résine dure : la base souple va apporter une meilleure tolérance des prothèses amovibles et du confort ;

• les crêtes irrégulières (fig. 1) sur lesquelles il est très difficile, faute de correction chirurgicale, de répartir correctement les pressions : la prothèse doublée d'une base souple va minimiser les surpressions assurant une meilleure répartition des contraintes ;

• les fortes résorptions à la mandibule, avec émergence du nerf mentonnier : l'amortissement réalisé par le matériau souple va améliorer le confort et préserver le support osseux résiduel ;

• un support osseux réduit face à une denture naturelle (fig. 2) aggravé par une classe II d'Angle : la base souple va permettre au patient d'avoir peu de contacts concentrés à supporter et de ménager les tissus de soutien ;

• après fracture, la mise en place d'un système d'ostéosynthèse (fig. 3) rend difficile le port de la prothèse. L'utilisation d'une base souple entraîne une diminution des phénomènes douloureux ainsi que les sollicitations transmises à l'os, tout en réalisant une mise en fonction « douce » du tissu osseux ;

• les pertes de substance avec greffe de peau (fig. 4) sont consécutives essentiellement à des atteintes cancérologiques opérées, mais aussi dues à des traumas balistiques (contexte biologique plus favorable, car sain et stable). Dans ces cas, une prothèse doublée d'une base souple est la seule alternative possible.

Toutes ces situations montrent que les compromis à réaliser ne seront pas faciles pour obtenir une réhabilitation prothétique fonctionnelle, d'autant que l'utilisation d'une base souple ne peut, en aucun cas, pallier une insuffisance technique [1] ni permettre de déroger aux critères de réalisation de la prothèse complète en général.

Il existe d'autres indications de l'utilisation des bases souples en prothèse amovible :

• en pédodontie : chez les jeunes patients édentés, la prothèse amovible doublée d'une base souple permet une certaine adaptation aux remaniements tissulaires et à la croissance ;

• en prothèse amovible partielle quand il y a persistance du bloc incisivo-canin et une résorption très importante des secteurs latéraux et postérieur : la base souple réalise un appui non traumatique sur le support ostéomuqueux déficient ;

• en prothèse maxillo-faciale : dans les phases transitoires, ce type de prothèse favorise l'acquisition de réflexes de compensation avant la prothèse définitive ;

• dans les cas de refus psychologique suite à une phobie ou, le plus souvent, à des traumatismes liés à de nombreuses interventions : la base souple apporte alors une alternative (et la seule) non agressive et donc acceptée par le patient.

Cas cliniques

Cas clinique n° 1

Ce patient de 80 ans, ancien militaire, ne supporte pas sa prothèse complète mandibulaire. Il se plaint de sa mobilité et de zones très sensibles. Il est satisfait de sa prothèse complète maxillaire. L'examen endo-buccal révèle une muqueuse fine et douloureuse par endroits ainsi qu'une surface d'appui plate (fig. 5), en présence d'une musculature « énergique ». La radiographie panoramique révèle une résorption très importante avec émergence des trous mentonniers (fig. 6). En accord avec le patient, averti des avantages et des inconvénients du traitement, on a décidé de réaliser à nouveau une prothèse totale mandibulaire doublée d'une base souple, dite permanente.

Compte tenu des éléments périprothétiques très toniques, on a procédé à des empreintes primaires et secondaires anatomo-fonctionnelles à la cire (Ex-3-N des Éts Meist, Nuremberg) (fig.7 et 8). La base souple utilisée pour la réalisation de la prothèse complète mandibulaire a été le Flexital-Pastulène (fig. 9).

Le patient a vu la disparition de ses doléances et a aussi bénéficié d'un confort important. Il a accepté les contraintes liées à ce type de traitement et est très conscient du rôle qu'il doit jouer lui-même dans la pérennité de sa prothèse.

Cas clinique n° 2

Il s'agit de Monsieur C., 69 ans, adressé par le service ORL au centre hospitalier. Il a été traité par chimio-et radiothérapie pour un cancer de la parotide gauche. Ce patient est édenté total et n'a jamais été appareillé. Il présente des risques majeurs d'ostéoradionécrose.

L'examen clinique montre, au maxillaire (fig. 10), une surface d'appui présentant deux tubérosités de grande taille et mobiles. À la mandibule, les vestiges des avulsions posent un problème (fig. 11) de par leur relief bosselé. Il existe un déficit salivaire mais qui ne compromet pas totalement la tenue des prothèses.

Le plan de traitement choisi a consisté à réaliser une prothèse complète bimaxillaire doublée d'une base souple dans le but de gérer la répartition des contraintes sur le relief osseux et d'éviter toute effraction de la muqueuse. Au maxillaire, une technique d'empreinte spécifique a été réalisée pour pouvoir enregistrer les tubérosités mobiles et hypertrophiées (fig. 12, 13, 14 et 15). Un suivi très attentif et des visites fréquentes ont permis à ce patient amaigri et en état de détresse psychologique de se nourrir et de retrouver une image de lui plus positive (fig. 16).

Cas clinique n° 3

Madame S., 68 ans, vient consulter pour une amélioration de l'esthétique de sa prothèse complète mandibulaire très ancienne et très remaniée. Elle demande également s'il est possible d'augmenter la stabilité de la prothèse. C'est une femme coquette et élégante.

L'interrogatoire révèle une asymétrie faciale congénitale traitée par chirurgie à l'âge de 50 ans. De nombreux déboires, suite à cette intervention, ont entraîné une perte de substance importante du côté gauche. Le préjudice esthétique est important (fig. 17). Une greffe osseuse a été réalisée au niveau de la branche horizontale gauche de la mandibule, avec une greffe conjonctive au niveau du plancher buccal dans cette zone.

L'examen clinique montre une surface d'appui très discordante (fig. 18), avec une hypotonie musculaire gauche. Au maxillaire, il y a présence d'une denture naturelle. La radiographie panoramique montre l'étendue des difficultés à gérer (fig. 19). De plus, cette patiente présente une classe II d'Angle sévère (fig. 20).

Compte tenu de tous ces éléments, le plan de traitement propose la réalisation d'une prothèse complète mandibulaire doublée d'une base souple (fig. 21). La réalisation prothétique s'est faite de manière conventionnelle. Toutefois, une fois la prothèse terminée, il a été procédé à un enregistrement des extrados de la prothèse au moyen d'une résine plastique à prise retardée, ici de l'Hydrocast. Une deuxième cuisson a permis de parfaire tous les appuis musculaires (fig. 22 et 23). Sans régler le problème de la perte de substance vue de face, l'esthétique est satisfaisante et son réglage a été suivi pas à pas par la patiente.

Le traitement de ces cas cliniques montre que les bases souples ont un rôle important à jouer face à certaines situations cliniques particulières et qu'elles doivent être prises en compte comme un traitement à part entière et non comme quelque chose de marginal. Il est vrai qu'aux problèmes anatomiques et fonctionnels présents, s'ajoutent souvent une anxiété ou une détresse psychologique. La relation à établir entre le patient et le praticien prend, dans ces cas, une valeur de toute première importance.

Si les bases souples peuvent apporter une solution (parfois la seule) à ces situations cliniques particulières, il est primordial de savoir qu'il existe un certain nombre de contraintes liées à la nature même de ces matériaux et dont on ne peut s'affranchir. Le praticien, mais également le patient, devront en être avertis et conscients pour en tirer le meilleur parti.

Problèmes rencontrés dans l'utilisation des bases souples. Solutions ?

Malgré les grands services apportés par les bases souples, un certain nombre de désagréments se sont présentés :

- des fractures de la prothèse mandibulaire dues à la faible épaisseur de la résine base dans certaines zones (fig. 24) ;

- des changements de teinte (fig. 25) ;

- des déchirures (fig. 26) ;

- des dégradations de l'état de surface (fig. 27) ;

- des colonisations bactériennes (fig. 28) dues, certes, au matériau, mais aussi à une hygiène déficiente.

La grande difficulté dans l'apparition de ces manifestations du vieillissement est que ces phénomènes ne sont pas systématiques, se présentent sous des aspects variés et qu'on ne peut en prévoir l'apparition dans le temps. Toutefois, nous avons essayé (puisque nous ne pouvons intervenir sur le matériau lui-même) de réduire certains de ces inconvénients à différents niveaux :

en ce qui concerne l'état de surface : lorsqu'on observe au microscope la surface de l'intrados, on remarque des porosités propres au matériau, mais également, assez fréquemment, des micro-inclusions de plâtre (fig. 29) et des excroissances du matériau souple. Ces défauts sont imputables aux erreurs accumulées au cours des différentes étapes de la chaîne prothétique et à l'utilisation de matériaux non adaptés. Les opérations de polissage sont également limitées pour les bases souples.

Au niveau des matériaux d'empreinte secondaire, nous préconisons l'utilisation de silicones ou de thiocols pour un état de surface plus lisse et plus homogène (fig. 30 et 31). Au laboratoire, il est nécessaire de respecter le protocole établi par le fabricant et d'utiliser un plâtre de type IV (dur et peu poreux). Enfin, on préférera une base souple dont la mise en œuvre se fera sous presse. Les techniques d'hygiène se feront dans le plus grand respect de cet état de surface : brosse souple, produits adaptés ;

• le risque de fracture est loin d'être négligeable lorsqu'on réalise une prothèse mandibulaire doublée d'un matériau souple, car celui-ci est réalisé aux dépens de la résine dure, en particulier dans la zone incisive. Il est donc souhaitable de renforcer la base avec une interface métallique coulée Cela ne nuit en rien à l'esthétique ni au confort et permet de procéder par la suite à un rebasage sans difficultés (fig. 32 et 33) ;

• les colorations peuvent être le fait d'habitudes alimentaires, de prise de médicaments, de techniques d'hygiène inadéquates ou parfois du matériau souple lui-même : on préférera éviter d'employer, dans ces cas, les résines acryliques (souples) qui paraissent moins stables dans le temps que les autres matériaux ;

• la colonisation bactérienne des bases souples est le plus grand reproche fait à ces matériaux. Comme dans d'autres disciplines (parodontie, implantologie…), les patients ayant reçu ce type de traitement prothétique sont l'objet d'une maintenance « obligatoire », avec des visites de contrôle régulières. Ils sont avertis des techniques d'hygiène bucco-prothétiques à effectuer.

C'est pour toutes ces raisons qu'il est raisonnable de préconiser l'emploi de ces bases souples pour un moyen terme.

Hygiène bucco-prothétique

L'hygiène et le contrôle prothétique sont indispensables au maintien de la biocompatibilité des prothèses. La procédure d'hygiène doit être adaptée à la nature des bases souples et le praticien doit s'assurer qu'elle est bien maîtrisée par le patient.

Hygiène buccale

- brossage quotidien des surfaces d'appui avec une brosse souple ;

- cette méthode simple mais efficace peut être complétée une fois par semaine par un rinçage (2 min) avec une solution de gluconate de chlorhexidine à 0,2 % ;

- cependant, les bains de bouche antiseptiques doivent être utilisés avec prudence, car ils risquent de modifier l'équilibre fragile du milieu buccal.

Hygiène prothétique

Le nettoyage quotidien de la prothèse s'effectue à l'aide d'une brosse à dents souple ou chirurgicale (afin de rayer le moins possible l'intrados) et de l'eau savonneuse ou additionnée de dentifrice. Les solutions détergentes sont généralement trop agressives pour le matériau prothétique et ne sont pas une alternative satisfaisante au nettoyage mécanique. La désinfection quotidienne des prothèses avec la chlorhexidine n'est envisageable que dans les cas d'infections aiguës. Le port nocturne est déconseillé si le patient n'a pas une hygiène bucco-prothétique stricte.

Maintenance prothétique

Lors des séances de contrôle, le praticien procède au nettoyage minutieux de la prothèse à l'aide d'une brosse adaptée et de curettes, puis l'immerge quelques minutes dans une cuve ultrasonique (puissance minimale : 100 W). La désinfection de la prothèse est assurée par une solution antiseptique à base de chlorure de benzalkonium (1/700) [6].

Prévention des candidoses

Certaines situations cliniques nous conduisent à appareiller des patients qui peuvent être exposés à une infection candidosique. Ce risque est majoré dans le cas des bases souples, car la prolifération des micro-organismes (en particulier des levures) à la surface de ce matériau est supérieure à celle observée sur des bases dures [7]. Les patients à risque seront donc soumis à une surveillance clinique permanente :

• la mesure régulière du pH salivaire, à l'aide d'indicateurs colorés en papier, est un élément de diagnostic et un indice de l'état de la salive. Une diminution sensible du pH signera un terrain favorable à la croissance des levures ;

• éventuellement l'examen mycologique se fait avec un prélèvement, puis une observation directe au microscope optique (coloration May-Gunwald-Giem ou Gram) ou une culture en laboratoire d'analyse.

Les contre-indications

Les caractéristiques des matériaux et les contraintes liées à leur utilisation ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. Il existe des contre-indications précises :

• l'asialie : souvent consécutive aux traitements anticancéreux. Pourtant, ce sont en général des patients où les risques d'ostéoradionécrose sont importants et qui nécessiteraient une réhabilitation avec une base souple. Le praticien devra opter, si c'est possible, pour un compromis en utilisant des substituts salivaires. Avec les années, il arrive souvent qu'il y ait une petite sécrétion salivaire… salvatrice ;

• la mauvaise hygiène qui peut être le fait d'un handicap moteur ou cérébral, mais aussi de négligence. La motivation à l'hygiène et/ou la prise en charge par une tierce personne (famille, personnel soignant) pourra parfois permettre d'entreprendre la réalisation du traitement prothétique ;

• les candidoses : elles devront être traitées, si possible, avant la réalisation de la prothèse et un suivi rigoureux devra être assuré ;

• en prothèse maxillo-faciale : les matériaux souples ne devront jamais être en contact avec les tissus mobiles (voile) ou les muqueuses sinusiennes et nasales ;

• les crêtes flottantes ne peuvent être traitées par ces matériaux souples « permanents ».

En conséquence, il est indispensable d'insister sur l'importance de l'hygiène bucco-prothétique, du suivi et de la maintenance. Le patient doit être « éclairé » sur tous les aspects de ce type de traitement prothétique.

Conclusion

On ne peut ignorer le fait que les bases souples font partie intégrante de notre arsenal thérapeutique. Elles représentent souvent la seule solution prothétique pour les patients atteints de déficiences anatomiques et/ou fonctionnelles telles qu'aucune chirurgie n'est envisageable. Les indications de l'utilisation des bases souples (quelle que soit la famille de matériaux) montrent que les compromis réalisés ne sont pas une solution de facilité. En effet, ces matériaux ne peuvent en aucun cas pallier ou suppléer une insuffisance technique. D'autre part, la nature chimique des bases souples, leur état de surface, leur liaison à la base rigide, les phénomènes de vieillissement… sont autant de paramètres qui, non seulement ne peuvent tolérer certaines situations cliniques, mais nous font réserver actuellement leur utilisation au moyen terme.

Le patient sera clairement informé des avantages mais aussi des limites de ce type de restauration prothétique ainsi que des contraintes liées à l'hygiène et à la maintenance. Ce n'est que dans ces conditions que patient et praticien trouveront satisfaction à la réalisation d'une prothèse complète doublée d'une base souple dite « permanente ».

Perspectives

Les bases souples s'accommodent mal des tissus mobiles, ce qui a deux conséquences :

1) elles assurent un joint périphérique de mauvaise qualité ;

2) leur utilisation est limitée en prothèse maxillo-faciale.

Nous pensons qu'il sera peut-être possible à l'avenir d'améliorer leur état de surface, mais surtout nos recherches se poursuivent vers une utilisation sectorielle de la base souple. Il a été prévu de placer le matériau souple aux endroits nécessitant un amortissement tout en gardant un joint périphérique en résine rigide.

Remerciements à Jean-Michel Brossal, technicien de laboratoire à l'UFR d'odontologie de Montpellier.

(1) Odoncia, 3, rue Michelet, 94853 Ivry-sur-Seine Cedex. Tél. : 01 46 58 06 96. Fax : 01 46 72 14 81.

(2) Coltène Whaledent, 16, rue Louis-Blanc, 93585 Saint-Ouen Cedex. Tél. : 01 40 11 02 47. Fax : 01 40 10 99 80.

(3) Bisico France, L'Opéra, BP 60, 13680 Lançon-de-Provence. Tél. : 04 90 42 92 92. Fax : 04 90 42 92 61.

(4) Kohler-Medizintechnik GmbH and Co KG, Danningen, 9, 78579 Neuhasem, Allemagne.

(5) Laboratoires Mazeau Sarl, France.

(6) Hygienic-Eudident SA, BP 38, 95270 Luzarches.

bibliographie

  • 1 Louis JP, Archien C, Ludwigs H, Louis C. Les matériaux souples permanents en prothèse complète. Une solution intéressante : silicone Lutemoll vulcanisé sur base en titane pur. Actualités Odonto Stomatol 1992;177:203-229.
  • 2 Douz ER, Koran A, Craig RG. Physical property comparison of 11 soft denture lining materials as a function of accelerated aging. J Prosthet Dent 1993; 69(1):114-119.
  • 3 Montal S, Veyret D, Segura D, Martin R. Simulations informatiques du comportement des bases souples « permanentes » en prothèse totale. Cah Prothèse 1995;90:40-46.
  • 4 Lejoyeux R. La réfection des bases en prothèse complète. Coll. « Guide clinique ». Paris : Éditions CdP, 1995;(6):81-87.
  • 5 Buch D, Wehbi D, Roques-Carmes C. Solutions préventives antitrauma utilisant des composés visco-élastiques comme matériaux de rebasage en prothèse amovible. J Biomat Den 1992;7: 69-77.
  • 6 Ettinger RL, Beck JD, Miller J, Jakobsen J. Evaluation of a fluoride rinse program in an institutionalized adult population [abstract]. J Dent Res 1983; 62:669.
  • 7 Nikawa H, Iwanagia H, Kameda M, Hamada T. In vitro analysis of Candida albicans adherence to soft denture lining materials. J Prosthet Dent 1992; 68:804-808.