Les reconstitutions corono-radiculaires : apport des ancrages en fibres de carbone - Cahiers de Prothèse n° 106 du 01/06/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 106 du 01/06/1999

 

Prothèse fixée

Olivier Moyen *   Serge Armand **  


* DCD - DEA biomécanique &
biomatériaux -

Chargé d'enseignement
** DCD - DSO - DEO -
Maître de conférences des universités
Faculté de chirurgie dentaire Toulouse-III
3, chemin des Maraîchers
31062 Toulouse Cedex 4

Résumé

La reconstitution corono-radiculaire des dents dévitalisées est un acte quotidiennement effectué dans les cabinets dentaires. L'utilisation des tenons radiculaires à base de fibres de carbone associés aux composites coronaires ouvre de nouvelles perspectives. En effet, ils permettent la reconstitution des dents en une seule séance clinique et, de plus, respectent l'environnement radiculaire par leur comportement mécanique proche de celui de la dentine.

Summary

Post and core reconstitution: benefit of carbon-fibers anchorages

Nowadays the progress in endodontic treatments enables to preserve the teeth on the arch in numerous cases. This implies the making of a post anchorage. The posts made of carbon-fibers, which were introduced a few years ago, are at the practitioner's disposal as an alternative to the metallic alloy posts. Those posts are made of a composite material in which the carbon fibers, known as « high resistant », represent the charge and a mould. The volume rate of fibers ranges between 60 to 70 %. Those posts show certain advantages compared to the existing materials: complete post and core reconstitution in association with a composite in one clinical session, the mechanical and chemical homogeneity of these reconstitution's different components, carbon-fibers posts showing a unit of elasticity close to the one of the dentine, which is at the origin of a mechanical functioning homogeneity. One important stage during the realization of the post and core reconstitutions is the bonding or the cementing of the post in its place. The aims of the experimental study set out in this article is to assess the efficiency of gluing on the carbon-fiber composite material of different adhesive systems used for these posts. Finally, clinical cases related to the different studied systems show the successive stages of the protocols to be implemented.

Key words

carbon fiber posts, fixed prosthesis, post and core reconstitution

Bien qu'occupant une place importante dans notre pratique quotidienne, les reconstitutions coronora-diculaires (RCR) n'ont pas, pendant de très nombreuses années, fait l'objet de beaucoup de publications dans la littérature professionnelle. Cet acte thérapeutique intermédiaire entre deux actes très valorisés, le traitement endodontique et la restauration prothétique, ne suscitait pas l'enthousiasme des praticiens cliniciens.

Depuis une dizaine d'années, les reconstitutions corono-radiculaires ont fait l'objet de nombreux articles ou colloques. Pourquoi ? La réponse est évidente : les échecs très nombreux rencontrés dans ce type de traitement, échecs nécessitant très souvent l'extraction de la dent reconstituée, ont conduit les auteurs à se pencher sur les problèmes rencontrés pour essayer d'y apporter des réponses.

Le clinicien désireux de réaliser une reconstitution corono-radiculaire doit garder à l'esprit une notion essentielle : l'ancrage radiculaire permet d'assurer la rétention du matériau de reconstitution coronaire, mais ne consolide en aucun cas la dent traitée. Au contraire, sa mise en place fragilise la racine dentaire et toute la difficulté clinique est de réaliser un ancrage suffisant en traumatisant le moins possible la dent support. L'objectif majeur est de permettre une répartition et une dissipation harmonieuse des contraintes occlusales lors de la déglutition et de la mastication.

Les paramètres à prendre en compte sont nombreux. Citons de façon non exhaustive :

- la dent et sa situation sur l'arcade ;

- la dent antagoniste et le rôle occlusal ;

- l'anatomie et la perte de substance coronaire ;

- le passé pathologique ;

- le type de prothèse et le rôle prothétique ;

- les problèmes de corrosion ;

- les rapports ancrage/dentine radiculaire.

Étude des paramètres conditionnant la réalisation d'une RCR

La dent et sa situation sur l'arcade

La dent et son parodonte (fig. 1)

Mülhemann a établi que la mobilité dentaire physiologique est de l'ordre de 20 µ ; ce rôle d'« amortisseur » viscoélastique » du desmodonte ne s'applique en fait que lors de pression de longue durée et ne peut donc s'exercer lors des contacts dento-dentaires très brefs se produisant lors de la mastication ou de la déglutition en l'absence d'un syndrome occlusal.

Comme l'a montré Richter [1], dans les contraintes axiales de mastication, la dépressibilité desmodontale est très faible ne permettant donc pas ce rôle d'amortisseur joué par le desmodonte. En revanche, le niveau osseux alvéolaire a un rôle capital par l'effet de cerclage cervical de la dent permettant un soutien mécanique des tissus dentaires calcifiés lors des contraintes occlusales. Sur les dents à support parodontal réduit, seules les parois dentaires cervicales non soutenues par l'os alvéolaire subissent ces contraintes et peuvent donc être l'objet de fractures.

• La nature des tissus calcifiés de la dent

Les tissus calcifiés d'une dent dépulpée sont-ils plus fragiles que ceux d'une dent pulpée ? La réponse est difficile et les études expérimentales sont très contradictoires [2, 3], la fragilité constatée sur les dents dépulpées étant souvent due au délabrement coronaire initial et à l'acte endodontique [4].

Ce que nous pouvons dire, c'est que la présence de fluides intradentinaires et une bonne hydratation des tissus calcifiés militent en faveur d'une augmentation des qualités mécaniques de ces tissus. L'expérience clinique montre en effet des fractures dentaires en nombre important chez des patientes victimes d'asialie. Wiskott [5], s'appuyant sur les travaux de Randon et Glantz, pense que la sensibilité à la torsion de dents vitales est nettement supérieure à celle de dents dépulpées. Ce phénomène permettrait un réflexe de protection vis-à-vis de pressions occlusales trop élevées, par la présence possible de capteurs intrapulpaires mettant en jeu une « boucle de rétro-action négative ».

• La situation sur l'arcade de la dent support de RCR

La conception d'une RCR et son comportement biomécanique sont différents selon qu'il s'agit d'une mono-, bi-ou tri-radiculée et dans le cas d'une dent mandibulaire ou maxillaire. Quelle que soit sa situation sur l'arcade, la dent ne supporte pas uniquement des contraintes selon son grand axe, mais une enveloppe de forces s'exerçant à 180° et dont l'intensité est fonction de cette situation.

La dent antagoniste et son rôle occlusal

D'un patient à l'autre, il existe une grande variabilité d'intensité des forces occlusales. L'édenté porteur de prothèse adjointe complète peut développer des forces occlusales allant de 5,8 à 12,27 kg [6, 7] alors que chez le bruxomane ces dernières peuvent atteindre une valeur maximale de plus de 400 kg. La dent porteuse de RCR va donc subir des contraintes que le clinicien a du mal à appréhender en fonction de quatre paramètres essentiels :

- l'intensité ;

- le temps d'application ;

- la fréquence ;

- la direction.

Devant cet état de fait, la prudence doit être la règle et la conception de la RCR doit découler d'une analyse clinique minutieuse permettant d'évaluer le niveau de contrainte subi par la dent support. Face à une occlusion normale, les dents antéro-supérieures reçoivent des forces en grande partie perpendiculaires à l'axe longitudinal de la dent. Ces forces peuvent provoquer des fractures horizontales. En revanche, les dents postérieures subissent une grande partie des contraintes suivant leur grand axe, pouvant occasionner des fractures verticales. En présence d'une fonction canine, les canines vont subir des contraintes latérales très importantes du fait de leur rôle dans la désocclusion des autres dents dans les mouvements de latéralité. Ces contraintes horizontales ont une direction vestibulaire pour les canines du maxillaire et une direction linguale pour les canines mandibulaires.

L'anatomie et la perte de substance coronaire

Le type de RCR et le choix de l'ancrage radiculaire sont déterminés par deux paramètres essentiels :

- la perte de substance coronaire ;

- la morphologie radiculaire.

Le premier paramètre est aisément évalué par l'examen clinique en ce qui concerne ses formes de contours, son volume et les structures coronaires résiduelles. La morphologie radiculaire est en revanche beaucoup plus difficile à déterminer de façon précise, du fait du déficit d'informations données par les clichés rétro-alvéolaires. Cette image bidimensionnelle ne peut révéler que les particularités anatomiques situées perpendiculairement au rayon incident (fig. 2a et 2b). Tant que les techniques courantes d'imagerie médicale à la disposition du chirurgien-dentiste ne seront pas tridimensionnelles, les risques de perforation radiculaire lors de la pénétration resteront importants (fig. 3).

Le passé pathologique

La persistance d'une image apicale après traitement endodontique nécessite souvent une résection apicale diminuant la longueur radiculaire disponible pour l'ancrage. Pour Sorensen et Martinoff [8], 4 mm de matériau d'obturation canalaire sont au minimum nécessaires entre l'extrémité de l'ancrage radiculaire et l'apex de la dent support pour garantir une bonne herméticité. Si cet impératif ne peut être respecté, la mise en place d'un ancrage est contre-indiquée (fig. 4).

Le type de prothèse et le rôle prothétique

Dans les reconstitutions corono-périphériques, l'abrasion tissulaire nécessaire et suffisante varie de 0,6 mm pour les couronnes coulées à 1,2 mm pour les couronnes céramo-métalliques ou en céramique pure. Une réduction tissulaire importante diminue l'épaisseur des parois dentinaires coronaires. Dans ce cas, la reconstitution coronaire par le matériau d'obturation nécessite un ancrage rétentif sollicitant fortement les tissus radiculaires de la dent support. La présence d'un crochet de prothèse adjointe ou la mise en place d'un attachement extracoronaire sur une dent porteuse de RCR augmentent le niveau de contraintes et modifient l'axe principal d'application des forces. Pour une meilleure répartition des contraintes, il est souvent nécessaire de multiplier et solidariser les piliers prothétiques pour éviter les fractures radiculaires générées par ces surcharges.

Les problèmes de corrosion

Très souvent dans le milieu buccal cohabitent des alliages de nature différente : or, nickel-chrome, cobalt-chrome, amalgames. Cela constitue une hétérogénéité métallique qui peut être à l'origine de phénomènes de corrosion, dont les effets vont se transmettre aux tissus vivants de voisinage. Dans les RCR, l'utilisation d'ancrages en laiton type screw-post associés à l'amalgame de la reconstitution coronaire ou d'alliages de nature différente peut provoquer une corrosion localisée, caractérisée par une destruction à plus ou moins long terme des tissus calcifiés (fig. 5a et 5b).

Le choix de l'ancrage, en ce qui concerne sa nature, est donc primordial et il est impératif de respecter le principe du monométallisme dans le milieu buccal ou de choisir des matériaux inertes d'un point de vue électrochimique.

Les rapports ancrage-dentine radiculaire

Ces rapports sont caractérisés par une double interface :

- interface ancrage/ciment de scellement ou matériau de collage ;

- interface ciment de scellement ou de collage/dentine radiculaire.

Les liaisons obtenues entre les différents intervenants doivent s'opposer au descellement et à la fracture qui peuvent se produire en fonction de différents facteurs :

• le forage, quel que soit le type de tenon utilisé, doit permettre un contact intime entre l'ancrage et la dentine radiculaire en évitant toute interposition de matériau d'obturation canalaire résiduel ;

le module d'élasticité du ciment doit être proche de celui de la dentine pour éviter tout descellement. Si l'ancrage possède un module d'élasticité très élevé et éloigné de celui de la dentine, le ciment utilisé doit enrober parfaitement l'ancrage pour éviter tout contact direct ancrage-dentine radiculaire.

Cliniquement, nous ne pouvons jamais être sûrs d'obtenir ce résultat et ce contact direct va réaliser, sous l'effet des forces occlusales, une contrainte élevée et ponctuelle, source de descellement ou, plus ennuyeux, de fracture radiculaire.

L'ancrage en fibres de carbone

Le carbone est impliqué dans de très nombreux domaines. Citons, de façon non exhaustive, l'aéronautique, les technologies de l'espace et des communications, l'industrie automobile, les biomatériaux médicaux. Les nombreuses applications sont dues aux qualités multiples et parfois paradoxales du carbone et notamment une résistance mécaniquement supérieure à celle des métaux. L'odontologie n'échappe pas à la règle, notamment en utilisant la fibre de carbone dans les ancrages destinés aux reconstitutions corono-radiculaires.

Le premier tenon en fibres de carbone a été le Composipost de RTD, apparu en 1988. La structure de ce tenon est composée de deux parties :

- des fibres de carbone, de 7 µm de diamètre, équitendues et unidirectionnelles dans l'axe du tenon ; ces fibres entrent pour 64 % dans le volume du tenon (fig. 6) ;

- une matrice époxy qui sert de liant aux fibres de carbone et qui représente 36 % du volume du tenon.

La forme du tenon et les différents diamètres sont obtenus par usinage. Cette opération crée un état de surface pourvu de micro-aspérités de 5 à 15 µm, favorable à l'adhésion mécanique du composite de collage et du matériau de reconstitution coronaire sur le tenon (fig. 7). Les propriétés mécaniques des tenons en fibres de carbone sont très élevées et supérieures à celles des alliages (fig. 8) :

Résistance :

- à la flexion 1900 MPa

- au cisaillement 170 MPa

- à la compression 440 MPa

- à la traction 1 600 MPa

Le concept des RCR avec ancrage en fibres de carbone repose sur l'harmonie qui existe entre la dentine radiculaire, l'ancrage, le composite de collage et le composite de reconstitution en ce qui concerne le module d'élasticité. Du fait de son anisotropie, le tenon en fibres de carbone voit son module d'élasticité varier en fonction de l'angle incident de la contrainte à laquelle il est soumis. Ce module d'élasticité varie de 8 à 80 GPa selon que l'incidence des contraintes fait un angle de 90° ou de 0° avec l'axe du tenon.

Une contrainte s'exerçant à 30° détermine un module d'élasticité pour le tenon de 21 GPa, ce qui est très proche du module d'élasticité moyen de la dentine (18 GPa) (fig. 9). À l'opposé, les modules d'élasticité des alliages utilisés dans la fabrication des tenons sont très éloignés de celui de la dentine. Cela explique les cas de fractures radiculaires observées avec de tels ancrages (tabl. I).

Une étude multicentrique menée dans sept universités [9, 10] montre les excellents résultats cliniques obtenus avec les tenons en fibres de carbone (tabl. II). Outre ces qualités mécaniques et cette harmonie entre les différents intervenants d'une RCR avec ancrage de carbone, l'utilisation des tenons en fibres de carbone présente un certain nombre d'autres avantages tels que :

- suppression des phénomènes de corrosion grâce à l'inertie électrochimique du carbone ;

- sollicitation moindre des tissus parodontaux grâce à une répartition harmonieuse des contraintes occlusales ;

- aucune interférence lors de l'utilisation des techniques actuelles d'investigation radiologique telles que scanner ou imagerie à résonance magnétique (IRM) ;

- ré-interventions endocanalaires possibles.

Étude de l'adhésion de différents systèmes sur le matériau constituant les tenons en fibres de carbone

Compte tenu des propriétés mécaniques et élastiques intéressantes de ce type de tenons confirmées par plusieurs études [10-12], il nous a paru utile de connaître et d'évaluer de façon comparative l'adhésion de différents systèmes de collage ou de scellement. En effet, une étape importante lors de la réalisation des reconstitutions corono-radiculaires est le scellement ou collage du tenon dans son logement. Le but de notre étude est d'évaluer la capacité de collage sur le matériau composite à base de fibres de carbone de différents systèmes adhésifs utilisés pour ces tenons.

Matériel et méthode

Plaques composites

Les tenons composites correspondant aux systèmes de collage étudiés sont composés d'une charge et d'une matrice organique. Cette matrice varie selon les produits. Les tenons Composipost (RTD) et Perfect Restorative System (Dental Emco) utilisent une matrice résineuse époxyde alors que le tenon Absolu (SPAD) utilise une matrice résineuse ester de vinyle. Deux types de plaques, d'une épaisseur de 1 mm, sont donc fabriqués.

Huit feuilles de fibres de carbone de 0,125 mm d'épaisseur, préenduites de matrice organique (avec un taux prédéterminé de résine de 34 %), sont superposées pour obtenir une plaque d'épaisseur finale de 1 mm. Après thermopolymérisation à l'autoclave, les plaques sont découpées en éprouvettes de 150 x 20 x 1 mm et microsablées à une granulométrie de 20 µm pour respecter le protocole de fabrication des tenons [13]. Un talon de parallélisation de 1 mm est collé sur chaque plaque pour compenser l'épaisseur de l'éprouvette et obtenir ainsi une composante unique lors de la traction.

Matériaux de collage ou de scellement

Quatre types de matériaux sont utilisés (tabl. III). Le Dyract Cem (Dentsply-De Trey) et l'Absolu Collage (SPAD) sont associés aux éprouvettes à matrice ester de vinyle alors que le Sealbond (RTD) et le Panavia 21 (Dental Emco) sont associés aux éprouvettes à matrice époxyde. Les éprouvettes sont assemblées et collées sur une surface de 20 × 20 mm avant d'être placées en étuve à 37 °C pendant sept jours. Les assemblages sont divisés en cinq groupes en fonction des matériaux utilisés :

- le Sealbond sans primer groupe I (G I)

- le Sealbond avec primer groupe II (G II)

- le Dyract Cem groupe III (G III)

- l'Absolu Collage groupe IV (G IV)

- le Panavia 21 groupe V (G V).

Essais de traction des assemblages collés

Chaque groupe est composé de cinq assemblages collés à recouvrement simple et référencé suivant le type d'adhésif utilisé. La machine utilisée est de marque Instron (Instron, High Wycomb, GB). Cette machine est équipée d'une cellule de ± 100 kN avec une échelle de 100 kN, la course utile est de ± 500 mm et la vitesse de traction de 5 mm/min.

Analyse statistique

Une analyse de la variance est réalisée (Statview 4.5, Abacus Concept) ainsi qu'un test a posteriori : le PLSD de Fisher. Le niveau de signification utilisé est de 5 %.

Analyse infrarouge

Cette technique qui permet de suivre l'évolution d'une réaction chimique constitue aussi une méthode pour l'identification de produits déjà connus ou de groupements fonctionnels particuliers. Les mesures sont effectuées à l'aide d'un spectrophotomètre à transformée de Fourier (Vector 22, Bruker, Allemagne) [14]. Le broyage d'un échantillon de chaque type de plaque et de tenon est réalisé. Cinq types de poudres sont alors obtenus. Trois milligrammes de chacune de ces poudres sont incorporés à 147 mg de cristaux de bromure de potassium. Le mélange est placé sous presse avec une charge de 4 tonnes afin d'obtenir des disques translucides et compacts. Ces cinq disques sont ensuite analysés par spectrophotométrie infrarouge. Ce dispositif donne un spectre dont les pics observés transcrivent une vibration qui correspond à un groupement d'atomes. Le spectre de chaque type de plaque fabriqué pour l'expérimentation a été réalisé et comparé au tenon auquel il correspond. Nous avons ainsi pu obtenir des plaques expérimentales dont la composition chimique était similaire à celle de tenons étudiés.

Résultats

Résistance au cisaillement

Les valeurs obtenues en méga-Pascal (MPa) pour chaque assemblage collé à recouvrement simple sont présentées dans le tableau IV . L'analyse de la variance de ces résultats montre une différence statistiquement significative (p < 0,0001) entre ces différents groupes. Le test a posteriori du PLSD de Fisher (tabl. IV) montre des différences statistiquement significatives entre toutes les paires de groupes, excepté pour les groupes Absolu/Dyract Cem (p = 0,2275) et les groupes Dyract Cem/Sealbond avec Sealbond Primer (p = 0,0986).

L'analyse des résultats (tabl. V) montre tout d'abord que le collage avec le Panavia 21 présente, avec les autres groupes, des résultats significativement différents ; la moyenne des résultats de ce groupe est augmentée par un coefficient de 1,8 à 5,3 par rapport aux autres groupes. Le Sealbond utilisé sans primer, comme le recommandait le fabricant avant la mise sur le marché du Sealbond Primer A B à la fin de l'année 1997, présente quant à lui une moyenne de résultats faibles par rapport aux autres groupes. L'utilisation d'un primer chémopolymérisable sur le matériau à base de fibres de carbone augmente très nettement les résultats d'un coefficient de 2,3. Le laboratoire SPAD propose depuis quelques mois le Dyract Cem comme alternative à l'Absolu Collage.

Pour les tenons Composipost et Absolu, les systèmes de collage disponibles actuellement sont le Sealbond avec primer et le Dyract Cem. Ces deux produits de scellement-collage du tenon radiculaire dans son logement ne présentent pas, selon notre étude, de différence significative quant à leur adhérence vis-à-vis du matériau composite constituant les tenons radiculaires en fibres de carbone.

Applications cliniques

Plusieurs formes de tenons à base de fibres de carbone sont commercialisées. Nous avons retenu, pour les cas cliniques suivants, les trois types de tenons et leur système de collage qui ont fait l'objet de l'étude présentée au chapitre précédent. Il s'agit donc du tenon cylindroconique Perfect de Dental Emco (fig. 10), du tenon à étages successivement cylindrique et conique Composipost de RTD (fig. 11) et le tenon cylindrique à extrémité apicale conique Absolu de SPAD (fig. 12) ; ces tenons sont respectivement associés au Panavia 21 de Dental Emco, au Sealbond de RTD et au Dyract Cem de Dentsply-De Trey.

Cas clinique n° 1

Le premier cas clinique est décrit sur une première prémolaire maxillaire (fig. 13). Le canal palatin est large et permet l'utilisation d'un ancrage d'un diamètre supérieur à 1,2 mm. Le délabrement laisse deux parois et les limites sont supragingivales. Nous avons choisi d'utiliser un tenon du système Perfect de Dental Emco de diamètre 1,4 mm (bague rouge), associé au système de collage Panavia 21.

Les différentes étapes sont :

- élimination de la gutta percha et dégagement du plancher pulpaire, puis pénétration canalaire avec un torpan de Maillefer n° 40 ;

- passage croissant des alésoirs spécifiques au tenon jusqu'au numéro désiré et visualisation du logement radiculaire après mise en place pendant 1 minute d'EDTA à 17 %, rinçage et séchage avec une pointe de papier de gros diamètre ou tenue à l'envers pour augmenter son pouvoir absorbant (fig. 14) ;

- essayage du tenon dans son logement, ici un tenon flottant, laissant un espace plus important pour le composite de collage Panavia 21, qui présente des propriétés supérieures en couche plus épaisse ;

- mise à la longueur du tenon par section au disque diamanté et scellement avec le Panavia 21 apporté dans le canal à l'aide d'un bourre-pâte. Les parois canalaires et le tenon ont été au préalable enduits du primaire d'adhésion (Primer ED). Le tenon est collé et maintenu en place quelques secondes. Le Panavia 21 est un composite à prise anaérobie. De ce fait, pour éviter que ce composite ne prenne prématurément, il est recommandé d'introduire rapidement le tenon dans le canal après son remplissage au bourre-pâte. En revanche, le choix de n'enduire que le tenon risque de conduire à un collage incomplet avec des conséquences non négligeables (fig. 15) ;

- après mordançage de la cavité coronaire à l'acide orthophosphorique à 37 %, rinçage et séchage, un adhésif photopolymérisable recouvre les parois dentinaires et le tenon ;

- le composite de reconstitution utilisé est le composite photopolymérisable Photocore de Dental Emco. Ce composite présente comme avantage majeur pour les RCR d'être photopolymérisable jusqu'à une épaisseur de 6 mm. La chambre pulpaire est remplie de composite qui est ensuite photopolymérisé (fig. 16) ;

- la finition du montage se fait avec une matrice, puis une ébauche de préparation périphérique est réalisée (fig.17).

Cas clinique n° 2

Sur une molaire mandibulaire, nous avons préparé le logement dans le canal distal selon les mêmes principes que dans le cas précédent, mais en utilisant le système Composipost (fig. 18) :

- essayage du tenon sectionné dans son logement (fig. 19) ;

- le Seal Bond avec son primer est mis en place c'est un composite Dual ; c'est-à-dire chémo-et photopolymérisable (fig. 20) ;

- après mise en place du tenon, la source lumineuse de la lampe à photopolymériser permet le durcissement de la collerette de composite à l'entrée du canal, dans l'attente de la chémopolymérisation plus longue du matériau dans le canal (fig. 21) ;

- après collage du tenon, le faux moignon est monté avec le composite chémopolymérisable Résilient de RTD (fig. 22).

Cas clinique n° 3

Ce troisième cas clinique nous présente une molaire maxillaire dont la restauration nécessite la réalisation d'une RCR :

- les différentes étapes de préparation sont identiques aux cas précédents, mais avec l'utilisation des alésoirs du système Absolu de SPAD et d'un tenon Absolu n° 2. Le tenon est essayé dans son logement et mis à la bonne longueur. Dans ce cas, nous n'avons pas recours à un composite, mais à un ciment de scellement de type compomère : le Dyract Cem de Dentsply-De Trey (fig. 23 et 24) ;

- le montage de la reconstitution coronaire se fera avec un composite photopolymérisable après mordançage et utilisation d'un adhésif.

Conclusion

Nous avons vu que les intérêts des tenons à base de fibres de carbone résident essentiellement dans leur respect de l'environnement radiculaire dû à leurs propriétés mécaniques. Ils présentent de plus l'avantage majeur de ne pas générer de phénomènes de corrosion. Cependant, comme pour toute reconstitution corono-radiculaire, il est impératif de travailler sur des dents dont les limites sont supra-gingivales. La mise en œuvre des différents systèmes de collage nécessite un respect rigoureux de l'isolement du champ opératoire, la digue étant la solution de choix. Les phases de collage du tenon sont, dans certains cas, relativement délicates et le respect du protocole doit être très strict, comme dans le cas du collage avec le Panavia 21. En contrepartie, la qualité de ce collage est d'un très bon niveau. Enfin, un avantage non négligeable est la possibilité d'effectuer, dans une seule séance clinique, la reconstitution corono-radiculaire, la préparation périphérique du moignon, la réalisation de la couronne provisoire et la prise d'empreinte.

bibliographie

  • 1 Richter EJ. In vivo forces on implants. Int J Oral Maxillofac Impl 1995;10:99-108.
  • 2 Sabek M, Degorce T. A propos de reconstitutions corono-radiculaires. I. Aspects anatomiques et fonctionnels. Cah Prothèse 1996;95:20-40.
  • 3 Degorce T, Sabek M. A propos des reconstitutions corono-radiculaires. II. Alternatives cliniques. Cah Prothèse 1996;95:45-58.
  • 4 Sabek M. A propos des reconstitutions corono-radiculaires. III. Les techniques utilisées en France en 1996. Cah Prothèse 1997;99:5-9.
  • 5 Wiskott HWA. Éléments de biomécanique. Cah Prothèse 1996;96:15-23.
  • 6 Carr AB, Laney WR. Maximum occlusal force levels in patients with osseointegrated oral implant prosthesis and patient with complete dentures. Int J Oral Maxillofac Impl 1987;2:101-108.
  • 7 Clayton JA, Simonet PF. L'occlusion en prothèse ostéointégrée. Cah Prothèse 1990;72:115-137.
  • 8 Sorensen JA, Martinoff JT. Endodontically-treated teeth as abutments. J Prosthet Dent 1985;53:631-636.
  • 9 RTD. CD-Rom Composipost. Editions RTD, 1988.
  • 10 Fredriksson M, Astbäck J, Pamenius M, Arvidson K. A retrospective study of 236 patients with teeth restored by carbon fiber reinforced epoxy resin posts. J. Prosthet Dent 1998;80:151-157.
  • 10 Torbjorner A, Karlsson S, Syverud M, Hensten-Pettersen A. Carbon fiber reinforced root canal post, mechanical and cytotoxic properties. Eur J Oral Sci 1996;104:605-611.
  • 11 Sidoli GE, King PA, Derrick J. An in vitro evaluation of a carbon fiber based post and core system. J Prosthet Dent 1997;78:5-9.
  • 12 Rovatti L, Mason PN, Dallari A. New research on endodontic carbon fiber posts. Minerva Stomatol 1994;43(12):557-563.
  • 13 Gay D. Matériaux composites. Traité des nouvelles technologies - série mécanique. Paris: Éditions Hermes, 1991:37-44.
  • 14 Hesse M, Meier H, Zeeh B. Méthodes spectroscopiques pour la chimie organique. Paris: Masson, 1997:37-85.