Apports du blanchiment dans les traitements esthétiques - Cahiers de Prothèse n° 108 du 01/12/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 108 du 01/12/1999

 

Prothèse fixée

Dr Louis Colin  

Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier des CSERD

Faculté de chirurgie dentaire Toulouse III
3, chemin des Maraîchers
31062 Toulouse Cedex 4

Résumé

Les traitements esthétiques font appel à des thérapeutiques diverses. Le blanchiment compte parmi celles-ci. Il est utilisé seul dans les situations cliniques où il n'y a pas d'anomalies de structure ou de délabrements coronaires importants. Souvent le blanchiment est associé à des techniques restauratrices. La récidive qui intervient toujours est un élément de décision dans le choix thérapeutique.

Summary

The bleaching contribution to aesthetic treatments

Bleaching is often used in aesthetic treatments. It can be applied alone when the teeth do not show any important loss in their structure. If the tooth is depulped, the canal filling is controlled and made again if necessary in order to limit the risk that an external cervical resorption results from the bleaching treatment.

If the tooth is pulped, the ambulatory method with the help of a supple polyvinyl splint and of peroxyde of carbamide is a choice therapeutics. However, the dychromies due to the taking of tetracyclines are very difficult to treat with this method. The bleaching can be a first step in a global aesthetic treatment. A certain amount of time is necessary if the second step constituted by the restoring therapeutics calls on adhesive techniques.

Any treatment by bleaching is always followed by a recurrence that has to be taken into account when the indication of such a treatment is mentionned.

Key words

aesthetic, depulped teeth, dyschromies, pulped teeth, recurrence, whitening

Le « blanchiment » est un terme générique qui regroupe un ensemble de méthodes visant à éclaircir des teintes de dents jugées trop foncées. La notion de « blancheur », synonyme d'esthétique s'impose dans tous les magazines et spots publicitaires. Cela correspond à un phénomène de mode qui tend à vulgariser ces méthodes qui ne doivent cependant pas échapper au contrôle du chirurgien-dentiste.

Le traitement esthétique est l'ensemble des gestes qui conduisent à rendre ou à donner à un patient un aspect naturel et harmonieux. Le blanchiment est parfois une des étapes de ce traitement. La « dent blanche » n'a de raison d'être que pour des patients jeunes ; un excès de blancheur chez un patient âgé est dis-gracieux et contraire à l'effet recherché. Le plus souvent, c'est un éclaircissement qui est obtenu. Celui-ci est lié à la sévérité de la dyschromie et à son origine. Le blanchiment a des indications bien précises, mais est suivi généralement d'une récidive à plus ou moins long terme.

L'analyse clinique détaillée qui précède toute décision thérapeutique permet d'apprécier les chances de succès par cette méthode. Cet article comporte deux parties : l'une, consacrée au blanchiment des dents dépulpées, l'autre, à celui des dents pulpées. À partir de différents cas cliniques, l'indication, la technique utilisée et les limites du procédé sont successivement abordées.

Blanchiment des dents dépulpées

Les dyschromies des dents dépulpées sont pour la plupart d'origine endodontique et liées à des manifestations hémorragiques ou nécrotiques. Le blanchiment consiste en l'application par voie interne d'un principe actif qui modifie la couleur des pigments.

La préparation initiale

1) Une analyse détaillée du cas clinique est nécessaire pour prendre en compte l'âge de la dent, l'environnement parodontal, l'origine, l'intensité, l'étendue et l'ancienneté de la dyschromie, la perte de substance coronaire.

Le choix du principe actif utilisé ainsi que la méthode d'application tiennent compte de cette analyse.

2) Un traitement endodontique aussi parfait que possible est réalisé. L'herméticité de l'obturation canalaire est garante de la protection des tissus dentinaires et apicaux.

Ce rempart endodontique est renforcé par la mise en place au niveau le plus coronaire du canal d'un « bouchon » situé à 1,5 à 2 mm en deçà de la limite anatomique amélo-cémentaire [1]. Ce bouchon est réalisé en ciment IRM® (Dentsply De Trey), ciment au verre ionomère (CVI) ou ciment oxyphosphate (fig. 1).

3) Préparation cavitaire : tous les résidus de pâte, gutta percha, composites ou autres matériaux d'obturation sont déposés. Les parois dentinaires de la cavité sont traitées avec de l'hypochlorite de sodium et de l'acide orthophosphorique à 37 % pendant 15 secondes [2].

Le passage de l'agent décolorant est facilité par la suppression de l'enduit dentinaire, ce qui a pour effet d'augmenter l'efficacité du traitement.

La barrière amélaire

La couleur de la dentine détermine la couleur de la dent. Plus cette couleur est foncée et plus l'épaisseur dentinaire est élevée, plus la dent apparaît sombre. La concentration des pigments plus colorés augmente à proximité de la jonction amélo-dentinaire (fig. 2). Des zones plus marquées s'inscrivent parfois dans l'épaisseur de l'émail. Il s'agit là de perturbations du métabolisme phosphocalcique au cours de l'édification de ce tissu. Ces petites dyschromies sont réfractaires au blanchiment.

Comment le principe actif parvient-il aux zones fortement colorées ? Par voie interne (fig. 3) : l'arborisation importante et la perméabilité de la dentine facilitent le passage des agents décolorants. Ceci explique que le blanchiment par voie interne apparaît plus efficace que le blanchiment par voie externe. Cette observation conduit certains praticiens à traiter par voie interne après dépulpation, des dents saines qui présentent des dyschromies très sévères [3]. L'émail joue le rôle d'une membrane. Peu concerné dans les traitements par voie interne, il est déterminant dans le traitement par voie externe (fig. 4).

L'émail, même mature, demeure poreux ; les molécules d'H2O2 de faible poids moléculaire empruntent les voies organiques en dépit du fort degré de minéralisation. Le principe actif franchit la barrière amélaire (fig. 5) par les membranes prismatiques jusqu'aux pigments colorés. L'émail qui transmet la lumière participe par son épaisseur à la couleur de la dent. Une faible épaisseur laisse apparaître plus intensément la couleur de la dentine.

Évolution des méthodes

Les principes actifs

Le peroxyde d'hydrogène H2O2 à des concentrations diverses et le perborate de sodium sont les agents les plus utilisés. Ces substances libèrent de l'oxygène naissant qui agit sur les pigments colorés par un phénomène d'oxydation. La polémique sur l'utilisation de l'un ou l'autre de ces produits est liée au risque d'apparition d'une résorption cervicale externe (RCE), consécutive à leur utilisation. Ce risque est majeur car, une fois le processus pathologique amorcé, l'évolution est souvent irréversible et conduit à l'avulsion de la dent. Des tentatives de conservation de dents atteintes de RCE très avancée sont cependant entreprises. Elles mettent en œuvre un protocole opératoire très lourd qui aboutit à un pronostic réservé [4].

L'efficacité du traitement est plus évidente avec le H2O2, mais le risque de RCE est bien plus important qu'avec le perborate de sodium. Ce risque est augmenté si le H2O2 est chauffé et si sa concentration est élevée (110 vol.). Aussi, la méthode extemporanée qui consiste à chauffer une boulette de coton imprégnée de H2O2 à 110 vol. et appliquée dans la cavité est actuellement une méthode déconseillée par de nombreux auteurs [5].

Le peroxyde de carbamide réservé au traitement par voie externe est désormais utilisé par voie interne. Cette méthode donne des résultats satisfaisants avec des risques atténués [6]. Ce composé qui est un peroxyde d'urée comprend un pourcentage d'H2O2 limité à 3 %. Sa principale qualité est de libérer progressivement, sur une période prolongée, l'agent décolorant. Ceci est tout à fait adapté au traitement ambulatoire à l'aide d'une gouttière. La technique a été mise au point par Haywood en 1989 [7].

Applications cliniques

La dent dépulpée et fonctionnelle continue à vivre par son parodonte. Si la perte de substance coronaire n'est pas importante, cette dent peut être maintenue dans son intégrité sur l'arcade, de nombreuses années. Le choix thérapeutique entre blanchiment et restauration prothétique s'impose souvent.

Cas cliniques

Cas n°1 (fig. 6 et 7)

Ce patient de 19 ans a reçu un choc frontal sur 11. Une hémorragie envahissante immédiate provoque par libération de globules rouges une coloration très marquée de la couronne dentaire. Un traitement canalaire est entrepris après contrôle radiographique et test de mobilité. Les préparations conformes aux impératifs requis sont réalisées. Le blanchiment est commencé 30 jours après. Le pansement ambulatoire composé du mélange d'H2O2 à 110 vol. et de granulés de perborate de sodium (Starbrite de Pred) est renouvelé au bout de cinq jours. Le résultat obtenu en dix jours montre un léger excès de traitement volontaire qui compensera une probable récidive.

La célérité du résultat est liée à deux facteurs principaux, l'âge de la dent et la rapidité d'intervention après l'apparition de la coloration. Cette dent non traitée par blanchiment aurait viré du rouge au brun. Plus la dyschromie est ancienne, plus elle est intense et étendue, plus elle est difficile à traiter, plus les chances de récidive sont augmentées.

Cas n°2

Ce patient de 14 ans présente une coloration sévère de 11 (fig. 8). La dent est nécrosée à la suite d'un choc frontal. La dyschromie s'est installée progressivement, le traitement canalaire a été réalisé quelques mois après le traumatisme (informations fournies par le patient).

Le blanchiment est entrepris après reprise de l'obturation canalaire et préparations cavitaires habituelles. Le traitement ambulatoire est fait à l'aide du mélange d'H2O2 à 110 vol. et de granulés de perborate de sodium (Starbrite de Pred), placé dans la cavité. Le résultat est pratiquement acquis en 48 heures après lesquelles le mélange initial est remplacé par un simple mélange de perborate de sodium et d'eau pour une période de dix jours. Ce changement s'explique par les raisons invoquées précédemment.

L'efficacité des produits décolorants est associée à l'herméticité des pansements transitoires. L'IRM bien appliqué sur la paroi interne de la cavité permet une bonne isolation du principe actif avec le milieu buccal. Le résultat final est satisfaisant (fig. 9).

La récidive se produit cependant quatre années après, en dépit des qualités adhésives de l'obturation coronaire effectuée après le traitement (fig. 10). Une correction de la couleur de la dent est faite, cette fois, par voie externe à l'aide d'une gouttière en polyvinyle souple et de peroxyde de carbamide à 15 % (Rembrandt de Den-Mat). Ce moyen simple et sans risques, pouvant être renouvelé à distance, permet de pérenniser un résultat de manière efficace. Le blanchiment est dans ce cas une bonne indication en regard de l'alternative d'une restauration prothétique beaucoup plus agressive et prématurée pour un patient de cet âge.

Cas n° 3

Cette patiente de 40 ans présente une dyschromie ancienne et très marquée de 21 (fig. 11). Après reprise du traitement canalaire et préparation initiale, le blanchiment est entrepris avec le mélange H2O2 à 110 vol. et du perborate de sodium en granulés. Ce blanchiment étant bien amorcé en sept jours, la concentration de H202 est diminuée et le mélange alors utilisé est composé de H2O2 à 30 vol. et de perborate de sodium en poudre (produits pharmaceutiques). Le pansement est renouvelé toutes les semaines pour parvenir à six semaines au résultat final (fig. 12).

La présence d'une légère coloration dans l'angle mésial, située dans l'épaisseur de l'émail montre que l'ensemble de la dent s'éclaircit, mais que les nuances initiales persistent.

Cas n° 4

Ce patient de 47 ans présente une dyschromie très sévère et très ancienne (30 ans) de 11 et 21 (fig. 13). Ce cas illustre les limites de l'indication de traitement par blanchiment.

L'amélioration partielle (fig. 14), obtenue avec la préparation de Starbrite après trois semaines est renforcée par l'utilisation du système XTRA® de Bisico (fig. 15). La méthode consiste en l'application extemporanée, externe et interne d'un principe actif (H202 à 110 vol.) sous forme de gel activé par la lumière après mise en place d'une mini-digue photopolymérisable.

La restauration coronaire par composite s'impose et permet un résultat (fig. 16) que le blanchiment seul n'autorisait pas. Il s'agit cependant d'un équilibre précaire si l'on tient compte de la récidive et de l'altération probable de la restauration esthétique. La justification d'un tel traitement ne s'explique que par un souci de temporisation et le refus du patient de réaliser une thérapeutique prothétique. Celle-ci aurait donné un bien meilleur résultat et sera inévitable à moyen terme.

Dans de nombreuses situations cliniques, le choix thérapeutique est délicat. Le blanchiment est-il le mieux adapté ?

Mesurons les risques :

• pour le blanchiment :

- la RCE est un risque majeur et la récidive est inéluctable.

• pour la restauration prothétique :

- la mutilation est importante et irréversible, la reconstitution corono-radiculaire, si elle est faite, peut favoriser des fractures radiculaires ;

- une récession gingivale peut apparaître;

- la couronne prothétique qui ne change pas de teinte sera en décalage par rapport aux dents naturelles qui auront foncé dans le temps.

Cas n° 5

Ce cas porte sur une patiente dont le traitement de blanchiment par voie interne a été effectué à deux reprises. Le premier est effectué en 1970, la patiente étant alors âgée de 19 ans. Le produit utilisé après la préparation habituelle était de l'Endoperox® (SPAD) sous forme de granulés.

Ceux-ci, dissous avec de la glycérine, étaient placés dans la cavité en pansement ambulatoire.

La patiente consulte 17 ans plus tard avec une récidive très sévère (fig. 17). Celle-ci est à mettre sur le compte, en grande partie, du défaut d'étanchéité de l'obturation définitive. Les techniques adhésives utilisées en 1970 n'avaient pas l'efficacité de celles d'aujourd'hui. La reprise du traitement permet d'améliorer l'aspect de la dent et conduit à la situation de la figure 18 en 1997.

Une dyschromie persiste, mais le contexte parodontal est satisfaisant. Certes, l'aspect esthétique de cette incisive centrale est discutable, mais elle est présente sur l'arcade dans sa quasi intégrité 27 ans plus tard. D'autre part et surtout, la solution prothétique est toujours possible.

Ces observations ne sont évidemment pas un plaidoyer pour le blanchiment, mais un constat, le recul clinique devant nous faire réfléchir sur l'opportunité des choix thérapeutiques.

Si le risque de RCE est écarté et la récidive maîtrisée, le blanchiment par voie interne des dents dépulpées est un traitement de temporisation de choix. L'utilisation du peroxyde de carbamide (produit moins dangereux) par voie interne et externe conforte cette idée. Enfin, retenons qu'à tout moment la restauration prothétique est envisageable.

Blanchiment des dents pulpées

Les colorations extrinsèques, dues à la plaque dentaire, au tartre et aux effets du tabac ou autres produits de consommation, ne font pas l'objet de cet article. Seules sont prises en compte les dyschromies intrinsèques superficielles ou plus profondes. Les plus fréquentes sont les fluoroses, les colorations dues au vieillissement ou celles liées à la prise de tétracycline au moment de la formation des dents permanentes.

L'analyse des cas cliniques suivants montre que le blanchiment est très souvent associé à des thérapeutiques restauratrices et permet de se faire une opinion sur la justesse de son choix.

Microabrasion de l'émail

Cette méthode est simple, efficace et donne des résultats permanents. Elle s'adresse à des dyschromies superficielles, des fluoroses ou des hypoplasies de l'émail. La difficulté réside dans l'appréciation de la profondeur de la coloration.

Le principe consiste en l'action simultanée d'un acide et d'une pâte abrasive. La déminéralisation et l'abrasion suppriment une couche superficielle de l'émail. Si la dyschromie est de faible épaisseur, le résultat est rapidement acquis. Si la dyschromie est profonde, la microabrasion doit être associée à une autre méthode de blanchiment, car l'épaisseur de la couche de l'émail ne peut être diminuée que dans des proportions limitées.

L'historique de cette technique fait apparaître une évolution dans la nature et les pourcentages des substances utilisées. L'acide chlorydrique, préconisé par de nombreux auteurs, est ainsi passé de 36 à 18 et enfin à 10 % dans la formule PREMA (Premier Enamel Micro-Abrasion) de Croll [8] en 1990. Le PREMA est appliqué sur l'émail à l'aide d'une brossette à faible vitesse de rotation.

Tong, en 1992 [9], montre sur des dents extraites que l'action de l'acide orthophosphorique à 37 % provoque dans le même temps une fonte d'émail bien moins importante que celle produite par de l'HCL à 18 %. L'HCL et la pierre ponce (longtemps utilisés) produisent un état de surface amélaire tourmenté qui nécessite un polissage très soigné. Une méthode moins agressive est préférable.

Cas n°6

Ce patient de 42 ans présente des fluoroses brunes sur les quatre incisives maxillaires (fig. 19), les dyschromies semblent superficielles. La déminéralisation est provoquée par l'acide ortho-phosphorique à 37 % suivant la méthodologie traditionnelle du mordançage (fig. 20). L'abrasion à l'aide d'une pâte de polissage (Sitsalicine® de P. Rolland), appliquée avec une cupule à faible vitesse de rotation, n'est pas simultanée mais consécutive. L'opération peut être répétée à deux ou trois reprises dans la même séance jusqu'à la suppression de la dyschromie.

La figure 21a montre 11 et 21 après traitement. L'état de surface poli est très appréciable, mais la coloration jaunâtre inhérente à la méthode et due à la diminution de l'épaisseur de l'émail est décevante. Ce résultat est heureusement amélioré par des phénomènes de reminéralisation de surface dus au contenu salivaire et aux applications fluorées préconisées. L'aspect esthétique définitif est obtenu grâce au blanchiment par voie externe (fig. 21b).

Quatre années plus tard, même si une légère récidive globale est constatée, le résultat demeure très satisfaisant.

Les indications simples

Sont considérées comme simples toutes les formes de dyschromies qui ne nécessitent pas de thérapeutiques associées et qui peuvent être traitées par voie externe en extemporané ou en ambulatoire. Les situations les plus favorables sont celles de colorations jaune brun.

Le traitement au fauteuil nécessite la mise en place d'une digue ou d'une mini-digue photopolymérisable. Le principe actif utilisé peut être un mélange de H202 à 110 vol. et de particules de silice de Pred ou la formule XTRA® de Bisico ou encore le peroxyde de carbamide à 35 %, Quickstart® de Den-Mat France (fig. 22). L'application de ces substances peut être soit prolongée (30 à 40 minutes) pour la substance de Pred, soit de courte durée (3 à 4 minutes), mais renouvelée dans la même séance pour le système de XTRA® de Bisico et le Quickstart® de Den-Mat. L'agent décolorant dans ces deux formules peut être activé à l'aide d'une lampe à photopolymériser. Cette méthode extemporanée est soit menée seule et répétée, soit associée à un traitement ambulatoire. Celui-ci nécessite alors la conception d'une gouttière en polyvinyle souple. Le patient après conseils du praticien place lui-même le principe actif fourni (du peroxyde de carbamide à 10, 15 voire 22 %) dans la gouttière qu'il portera de préférence la nuit.

Des phénomènes de sensibilité peuvent apparaître et nécessitent l'arrêt du traitement pendant 24 heures. Un contrôle à une semaine permet d'évaluer l'amélioration de la couleur. Il est nécessaire de prendre des photographies pour objectiver l'évolution de tout blanchiment. La durée du traitement est liée à l'importance de la dyschromie et aux objectifs fixés. Plusieurs semaines sont parfois nécessaires. Le succès du traitement n'est jamais une certitude et des réserves doivent être exprimées au patient.

Tout traitement est précédé d'une analyse détaillée, d'un contrôle radiographique, d'un enseignement de l'hygiène et de préparation initiale (détartrage et polissage).

Cas n°7

Ce patient de 62 ans présente des dyschromies classiques de vieillissement. Après préparation initiale, l'arcade maxillaire est nettement améliorée en une semaine grâce à un traitement ambulatoire au peroxyde de carbamide à 10 % (Opalescence® de Bisico). Le résultat est obtenu après deux semaines pour les deux arcades.

Les figures 23, 24 et 25 illustrent l'évolution de la couleur dans le temps. Une légère récidive apparaît deux années plus tard. Le patient ayant conservé ses gouttières, il est très simple de faire un traitement « d'entretien » pour retrouver le résultat précédemment acquis.

Cas n° 8

Cette patiente de 58 ans présente des dyschromies, dues au vieillissement des tissus : teinte A4 (fig. 26 et 27). Le port d'une gouttière et de peroxyde de carbamide à 10 % (Rembrandt® de Den-Mat) deux fois trois heures dans la journée, pendant une semaine, produit un résultat insuffisant. Il est alors conseillé un port nocturne avec le même produit et après une semaine le passage vers la teinte A2 est observé (fig. 28 et 29).

Il est vraisemblable que le port diurne de la gouttière provoque une hypersalivation réflexe qui accélère l'élimination du principe actif.

Les thérapeutiques combinées

Il est fréquent que soient associées aux dyschromies des restaurations cosmétiques défectueuses et des problèmes parodontaux. Ces situations cliniques complexes font appel à des thérapeutiques diverses parmi lesquelles le blanchiment tient sa place.

Cas n° 9

Cette patiente de 33 ans présente un aspect très inesthétique du secteur antérieur (fig. 30). Le plan de traitement établi est le suivant :

- préparation initiale ;

- lambeau de déplacement coronaire sur 22 pour compenser une récession gingivale importante ;

- reprise du traitement endodontique et blanchiment par voie interne de 12 ;

- dépose des composites vestibulaires de 11 et 21 ;

- blanchiment ambulatoire avec port d'une gouttière et peroxyde de carbamide à 10 % de 13 à 22 et 43 à 33 ;

- réfection de tous les composites 15 jours après le blanchiment ;

- couronne provisoire refaite au niveau de 23.

Tous ces temps opératoires sont nécessaires à la préparation préprothétique (fig. 31 et 32). Ce n'est qu'après une période d'observation que les restaurations coronaires définitives seront effectuées (facettes pelliculaires sur 11 et 21 et couronne céramo-métallique sur 23). L'inflammation gingivale persistante au niveau de 22 a retardé cette phase terminale.

La chronologie de ce traitement montre que chaque étape demande un temps de réalisation et un temps de stabilisation. Ainsi, le blanchiment par voie externe de l'incisive latérale 22 n'a pu intervenir que trois à quatre semaines après la chirurgie pour que le peroxyde de carbamide ne contrarie pas les dernières phases de la cicatrisation. De même, les composites n'ont pu être mis en place que 15 jours après le blanchiment par voie externe. En effet, le peroxyde de carbamide inhibe les capacités adhésives de tous les systèmes de collage [10] et nécessite un laps de temps pour son élimination.

Cas n° 10

Ce patient de 60 ans présente des dyschromies cervicales très sévères (fig. 33). Le cément et la dentine des mylolyses sont fortement colorés en brun. Le vieillissement des tissus ainsi qu'une consommation de tabac provoquent cet aspect disgracieux.

Une préparation initiale très soignée (détartrage, puis polissage) est suivie d'un blanchiment ambulatoire avec peroxyde de carbamide à 15 % (Rembrandt® de Den-Mat). Trois semaines sont nécessaires pour parvenir au résultat de la figure 34 . La totalité de la couronne dentaire s'éclaircit, mais les différences persistent. La teinte de la zone cervicale demeure très soutenue. La mise en place de composites permet une amélioration de l'aspect esthétique dont l'équilibre reste précaire (fig. 35).

Là encore, il s'agit d'un traitement de temporisation qui autorise à tout moment une restauration prothétique plus stable et mieux adaptée. L'indication de blanchiment est contestable et ne peut être considérée comme un traitement global, suffisant et définitif.

Les limites du blanchiment

Il est des exceptions cliniques où la sévérité des colorations rend aléatoire la réussite d'un traitement de blanchiment par voie externe. La notion de réussite d'un traitement s'entend par l'obtention d'un résultat durable qui restitue une couleur dentaire en harmonie avec l'âge du patient.

Les dyschromies dues à la prise de tétracycline pendant la formation des dents permanentes sont très difficiles à traiter par blanchiment. En effet, la molécule de l'antibiotique se fixe de manière définitive par un phénomène de chélation avec les ions calcium de l'hydroxyapatite. C'est toute la masse dentinaire qui est imprégnée pendant un temps donné alors que l'émail présente souvent des zones dysplasiées. Le plus souvent, les résultats obtenus sont des éclaircissements plus ou moins marqués en raison de la sévérité de la dyschromie et du temps d'application. La question posée est de savoir à quel degré d'éclaircissement un résultat est considéré comme un succès.

Cas n° 11

Cette patiente de 38 ans présente des bandes de coloration (dues à la prise de tétracycline) au niveau du tiers moyen et du bord libre (fig. 36). Cet aspect est rare, c'est plus souvent le tiers cervical ou l'intégralité de la dent qui sont intéressés.

Ces dyschromies montrent les étapes et peut-être aussi les variations du dosage de l'antibiothérapie. Le traitement par blanchiment ambulatoire et extemporané produit un éclaircissement surtout du bord libre au maxillaire (fig. 37). Il s'agit là d'un échec du blanchiment.

Certains auteurs [11] font état de résultats satisfaisants sur des traitements au long cours (six mois). Si l'amélioration est certaine l'aspect esthétique obtenu est imparfait et instable en raison de la récidive probable. D'autre part, la sensibilité fréquente qui apparaît avec le peroxyde de carbamide peut être exacerbée. Enfin, six mois de traitement constituent un protocole lourd et coûteux.

D'autres [12] préconisent un traitement par voie interne après dépulpation des dents intéressées. Les résultats semblent meilleurs, mais les risques ne sont pas négligeables. Il faut ajouter aux risques inhérents à tout traitement endodontique, ceux liés à l'apparition de RCE.

La troisième solution est prothétique. Des facettes pelliculaires ou des jaquettes peuvent être réalisées.

Le choix thérapeutique est toujours difficile, fondé sur l'expérience clinique et le consentement éclairé du patient.

Cas n° 12

Ce patient de 26 ans, d'origine africaine présente un « DARMOUS ». La fluorose fait apparaître des colorations très brunes et des dyschromies en nombre (fig. 38). Une microabrasion, suivie d'un polissage très soigné, améliore l'aspect général. L'état de surface principalement est corrigé par la diminution des reliefs (fig. 39). Le blanchiment par voie externe avec peroxyde de carbamide à 10 % pendant une période de six semaines éclaircit l'ensemble (fig. 40).

Là encore, le résultat ne peut être considéré comme un succès mais montre, à l'évidence, les limites des méthodes de blanchiment.

Blanchiment et prothèse fixée

Quelques aspects des limites du blanchiment ont été évoqués. Mais au nombre des contre-indications, il faut citer les grosses pertes de substances coronaires et les dommages structurels étendus.

La réhabilitation esthétique est alors prothétique, mais peut être précédée par une phase initiale de blanchiment.

Cas n° 13

Cette patiente de 70 ans présente des dyschromies dues au vieillissement et une usure cervicale au niveau de 11 et 21 (fig. 41). Un blanchiment par voie externe de 14 à 23 et 34 à 44 est réalisé. Des couronnes jaquettes en céramique sont secondairement réalisées sur 11 et 21 (fig. 42).

L'association des deux thérapeutiques donne un résultat final tout à fait acceptable.

Cas n° 14

Cette patiente de 26 ans présente des dyschromies des six dents antérieures maxillaires, des dysplasies marquées sur 13, 23 et des pertes de substances coronaires sur 12 et 22 (fig. 43).

Protocole opératoire (fig. 44, 45, 46, 47 et 48) :

1) détermination de la teinte globale par blanchiment de 11 et 21 ;

2) réalisation des facettes 13 et 23 ;

3) réalisation des jaquettes en céramique 12 et 22.

11 et 21 sont traitées par blanchiment ambulatoire, ce qui permet de passer des teintes A4 à un A2 (fig. 43, 45 et 47).

Le résultat final est tout à fait satisfaisant et justifie le choix de l'association des différentes thérapeutiques.

Conclusion

L'étude des différents cas cliniques présentés conduit à certaines observations. Dans le traitement esthétique, le blanchiment n'est utilisé seul que dans un nombre de situations cliniques limitées, le plus souvent pour des dyschromies d'une ou plusieurs dents ne présentant pas de dommages tissulaires. Les résultats sont liés à l'étiologie de la coloration. Les formes les plus sévères, celles dues aux tétracyclines sont très difficiles à traiter.

Le blanchiment est très souvent associé à des thérapeutiques restauratrices soit par composites soit par prothèse en céramique et constitue alors une étape du traitement esthétique. L'inconvénient majeur de la méthode est la récidive. Celle-ci est inéluctable. Elle intervient progressivement, peu ou prou, plus ou moins vite, mais sûrement. Cela est vrai pour le traitement des dents dépulpées comme pour celui des dents pulpées. Seule, la technique de microabrasion dont le principe consiste en la suppression de la dyschromie dans toute son épaisseur donne un résultat définitif. Toutes les autres méthodes qui transforment les pigments colorés en diminuant l'intensité de leur coloration sont susceptibles de récidive. En effet, quand le traitement se termine, la réaction chimique d'oxydation à l'origine de l'« éclaircissement » s'estompe dans le temps. Les pigments demeurent et sous l'effet de la lumière ont tendance à retrouver leur couleur.

Dans quelles situations cliniques peut-on envisager les thérapeutiques de blanchiment ?

• Lorsque les dyschromies ne sont pas très sévères et que le traitement de la récidive est maîtrisé.

• Associées à d'autres thérapeutiques restauratrices.

• Comme thérapeutique de temporisation notamment chez le jeune patient.

bibliographie

  • 1 Steiner DR, West JD. A method to determine the location and shape of an intracoronal bleach barrier. J Endodontics 1994;20(6):304-306.
  • 2 Horn DJ, Hicks L, Bulan-Brady J. Effect of smear layer removal on bleaching of human teeth in vitro. J Endodontics 1998;24(12):791-975.
  • 3 Anitua E, Zabalegui B, Gil J, Gascon F. Technique interne de blanchiment, Clinic/Odontologia 1990;433-439.
  • 4 Dumfahrt H, Moschen I. A new approach in restorative treatment of external root resorption. A case report. J Periodontol 1998;69(8):941-947.
  • 5 Dahlstrom SW, Heithersay GS, Bridges TE. Hydroxyl radical activity in thermo-catalytically bleached root-filled teeth. Endod Dent Traumatol 1997;13(3):119-125.
  • 6 Liebenberg WH. Intracoronal lightening of discolored pulpless teeth: a modified walking bleach technique. Quintessence Int 1997;28(12):771-777.
  • 7 Haywood VB. Commonly-asked questions about nightguard vital bleaching. Dent Assist 1996;65(2):6-8,10-12.
  • 8 Croll TP. Enamel microabrasion : observations after 10 years. J Am Dent Assoc 1997;128 Suppl:45S-50S.
  • 9 Tong LSM, Pang MKM, Mok NYC, King NM, Wei SHY. The effects of etching, microabrasion, and bleaching on surface enamel. J Dent Res 1993;72(1):67-71.
  • 10 Swift EJ Jr, Perdigao J. Effects of bleaching on teeth and restorations. Comprend Contin Educ Dent 1998;19(8):815-20;quiz 822.
  • 11 Haywood VB, Leonard RH, Dickinson GL. Efficacity of six months of nightguard vital bleaching of tetracycline-stained teeth. J Esthet Dent 1997;9(1):13-19.
  • 12 Aldecoa EA, Mayordomo FG. Dyschromies sévères dues aux trétracyclines. Clinic 1993;25-32.