Méthodologie des préparations corono-périphériques pour prothèses fixées à visées esthétiques - Cahiers de Prothèse n° 108 du 01/12/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 108 du 01/12/1999

 

Prothèse fixée

Serge Armand  

DCD, DSO, DEO - Maître de
conférences des universités - Praticien hospitalier
des CSERD

Faculté de chirurgie dentaire Toulouse III
3, chemin des Maraîchers
31062 Toulouse Cedex 4

Résumé

En prothèse fixée, l'arrivée de nouveaux matériaux, l'apparition de nouvelles techniques de collage et l'utilisation de nouvelles technologies nécessitent une réactualisation des principes classiques de préparation des dents supports d'éléments prothétiques en céramique ou céramo-métalliques. Dans cet article, nous proposons une méthode thérapeutique permettant de préparer les dents supports de couronne quels que soient les matériaux utilisés et le mode de fixation choisi.

Cette méthodologie basée sur le principe de la pénétration contrôlée répond aux trois objectifs majeurs, à savoir : respecter les structures parodontales ; assurer la fonction occlusale ; obtenir un bon résultat esthétique.

Summary

Teeth preparation for aesthetics fixed restorations

In the area of fixed prosthodontics has witnessed the emergence of new materials together with new bonding techniques. These new technologies require that traditional ways of preparation of pillar teeth for ceramo-metallic crowns are updated. In this article, the author proposes a therapeutic method allowing to prepare the pillar teeth whatever the used materials and the chosen mode of fixation. This methodology which is founded upon contolled penetration answers three major objectives which consist in : respecting parodontal structures ; maintaining occlusion ; and obtaining the best possible aesthetic results.

Key words

ceramo-metallic crowns, esthetic, parrodontoly, teeth preparation

En prothèse fixée, la recherche de l'esthétique ou plus exactement du « naturel » doit prendre en compte un grand nombre de facteurs et faire appel à une succession de traitements multidisciplinaires. Citons de façon non exhaustive la dentisterie restauratrice, l'orthodontie, la parodontologie, l'implantologie et les diverses thérapeutiques prothétiques.

Dans ces différentes séquences thérapeutiques, la préparation des dents supports constitue une phase essentielle et doit répondre à deux objectifs majeurs :

- respecter les structures parodontales ;

- établir un résultat esthétique satisfaisant en ménageant lors de la préparation la place nécessaire et suffisante aux matériaux prothétiques utilisés.

L'intégration biologique des prothèses fixées est directement liée à la qualité du joint dento-prothétique, la mauvaise qualité de ce joint pouvant avoir deux origines :

- d'une part, un mauvais état de surface qui fixe la plaque bactérienne et favorise donc l'apparition de la maladie parodontale ;

- d'autre part, un défaut d'adaptation, source d'un manque d'étanchéité cervicale, le facteur biologique négatif s'accompagnant dans ce cas d'un déficit esthétique.

Se pose alors le problème du diagnostic d'un joint dento-prothétique défectueux. La visualisation de ces défauts est souvent difficile, surtout dans le cas de dents postérieures ou lorsque les limites prothétiques sont dans une situation sous-gingivale. Parfois, le contexte anatomique est si tourmenté qu'il nécessite une grande rigueur du geste thérapeutique pour éviter tout problème parodontal ultérieur (fig. 1 et 2).

Ces différents facteurs de risque montrent bien l'intérêt d'une méthode d'élaboration prothétique fiable et reproductible, notamment lors de la phase de préparation des dents supports ; cette méthodologie doit prendre en compte un certain nombre d'impératifs parodontaux qui conditionnent en grande partie le résultat esthétique terminal.

Impératifs parodontaux

L'intégration biologique des prothèses fixées ne peut être obtenue sans une parfaite connaissance des structures anatomiques constituant l'environnement du joint dento-prothétique. Ces structures environnantes constituent le parodonte qui comprend la gencive, l'os alvéolaire, le desmodonte et le cément (fig. 3). La profondeur non pathologique du sulcus ou sillon gingivo-dentaire est variable : de 0,5 à 2 mm ; elle doit être évaluée avant toute thérapeutique prothétique.

Deux cas de figures peuvent se présenter :

- soit le parodonte est sain et permet d'envisager immédiatement la phase prothétique ;

- soit le parodonte est malade et nécessite un traitement parodontal pré-prothétique.

Dans le cas de parodonte sain, deux questions se posent.

Première question : Faut-il ou non une bande importante de gencive attachée kératinisée (fig. 4a et 4b) ?

Certains auteurs [1] pensent qu'en présence d'une fine bande de gencive kératinisée, aucune thérapeutique autre que le contrôle de plaque n'est indiquée. D'autres [1] affirment que dans le cas de gencive attachée de faible épaisseur, il existe toujours un risque de perte d'attache, s'accompagnant dans ce cas d'un résultat esthétique non satisfaisant.

Pour nous comme pour un grand nombre d'auteurs tels que Maynard et Wilson [2], il est nécessaire d'avoir un minimum de 5 mm de gencive kératinisée :

- 1 mm de gencive libre ;

- 4 mm de gencive attachée.

Deuxième question : Où doit-on situer la limite cervicale en prothèse fixée ?

Trois situations sont possibles : la limite cervicale peut être sus-gingivale, juxta-gingivale ou intrasulculaire (fig. 5) :

Chaque fois que cela est possible, la limite cervicale doit être en situation sus-gingivale. Ce type de finition sus-gingivale permet un accès et un nettoyage faciles du joint dento-prothétique et supprime le risque pathogène d'une prothèse fixée vis-à-vis du parodonte.

Il faut éviter les limites juxtagingivales, car elles constituent un facteur irritant permanent de la gencive libre ; ce type de limite est simplement réalisé de façon très ponctuelle lorsque l'on passe sur une même dent, d'une situation sus-gingivale à une situation intrasulculaire.

Pour augmenter la rétention d'une préparation ou respecter des impératifs esthétiques majeurs, il est souvent nécessaire de situer la limite cervicale dans le sulcus. Se pose alors la question suivante : à quel niveau doit être réalisée cette limite ?

Deux règles sont à respecter :

• 1re règle : quel que soit le type de parodonte, aucune limite prothétique ne doit être enfouie à plus de 1 mm dans le sulcus, comme le préconise Romanelli [3] ;

• 2e règle : respecter la notion d'espace biologique définie par Gargiulo, Maynard et Wilson : l'espace biologique est l'espace nécessaire (2 à 3 mm) pour loger le système d'attache parodontal superficiel. Cet espace est réparti de la façon suivante :

- 0,5 à 1 mm pour le sulcus,

- 1 mm pour l'attache épithéliale,

- 1 mm pour l'attache conjonctive (fig. 6).

Le respect de cet espace biologique implique donc une situation de toute limite de restauration prothétique à 3 mm de la crête osseuse.

Deux hypothèses :

• cet espace peut être conservé. Le positionnement de la limite cervicale se fait alors en fonction :

- de la profondeur du sulcus ;

- des critères esthétiques ;

- des facteurs mécaniques de rétention ;

• cet espace n'existe pas. Il faut donc le recréer par chirurgie parodontale (élongation coronaire) ou traitement orthodontique (éruption forcée).

Le respect de ces impératifs parodontaux constitue un passage obligé avant toute réhabilitation prothétique fixée, notamment lors de la phase de préparation des dents supports.

Méthodologie de préparation

La préparation des dents supports reste dans la littérature professionnelle un des sujets les plus fréquemment traités ; quelle que soit la méthodologie proposée, tous les principes de préparation tendent à atteindre un certain nombre d'objectifs :

- assurer la sustentation, la stabilisation et la rétention de la prothèse ;

- ménager suffisamment de place au matériau prothétique utilisé ;

- assurer une économie tissulaire au niveau de la dent, compatible avec la conservation de la vitalité pulpaire ;

- réaliser des limites précises et adaptées au type de prothèse (céramo-métallique ou céramique) ;

- préserver le parodonte ;

- satisfaire aux impératifs esthétiques.

Devant ce cahier des charges dont la liste n'est pas exhaustive, les techniques de préparation des dents supports les mieux adaptées semblent être celles faisant appel au principe de la « pénétration et de l'abrasion contrôlées ». La technique de pénétration et d'abrasion contrôlées est basée sur la détermination immédiate du type de limite cervicale et de la profondeur de coupe grâce à la réalisation dans un premier temps de rainures-guides au niveau cervical et sur toutes les surfaces à préparer (fig. 7). Ces deux paramètres sont fixés en fonction du type de couronne que l'on doit réaliser et en fonction de la dent-support elle-même.

La pénétration contrôlée : pourquoi ?

Il est parfois difficile de diagnostiquer un joint dento-prothétique défectueux d'où l'importance d'une méthodologie de préparation fiable et reproductible qui permet d'obtenir de façon systématique des épaisseurs de joint compatibles avec une intégration prothétique optimale (de l'ordre de 30 μm).

La pénétration contrôlée peut aisément se justifier à partir des différentes situations d'échecs décrites ci-dessous (fig. 8, 9, 10, 11, 12 et 13).

Situation 1 (fig. 8)

Ces deux couronnes céramo-métalliques constituent un facteur inflammatoire permanent vis-à-vis du parodonte marginal. Ce phénomène est essentiellement dû à un déficit de préparation des dents supports qui n'a pas permis de loger, sans surcontour, le complexe céramo-métallique nécessitant entre 1 et 1,2 mm d'épaisseur (0,2 à 0,4 mm pour l'alliage et 0,8 à 1 mm pour la céramique). Cette irritation permanente de la gencive marginale peut évoluer :

- soit vers une parodontite avec création de poche ;

- soit vers une récession gingivale révélant le joint dento-prothétique, ce constat démontrant que les problèmes biologiques et esthétiques sont directement liés.

Situation 2 (fig. 9)

À l'opposé, l'échec peut aussi être dû à un excès de préparation. Si l'on ne dispose d'aucun repère peropératoire, il est parfois difficile de connaître la quantité de tissu abrasé au niveau des différentes zones coronaires. Dans ce cas, la préparation de la dent support sans contrôle et sans repère a mis à jour la chambre pulpaire (voir la flèche sur la figure) nécessitant une dépulpation immédiate. La pénétration contrôlée permet d'éviter ce type d'écueil et de répondre à l'objectif initial de conservation de la vitalité pulpaire.

Situation 3 (fig. 10)

Cette figure illustre un exemple de préparation prothétique insuffisante et de mauvaise technique de laboratoire. Seule, la réalisation d'un lambeau et l'abord chirurgical permettent d'évaluer l'état de destruction du parodonte. Deux erreurs fondamentales sont à l'origine des problèmes parodontaux touchant ce secteur postérieur maxillaire :

- une erreur lors de la phase clinique où le praticien a insuffisamment préparé les dents-supports ;

- une erreur lors de la phase de laboratoire où le prothésiste, pour obtenir un meilleur résultat esthétique, a recouvert de céramique le joint métal-dent utilisé dans la technique de Stein [5]. Ce recouvrement de céramique crée un surcontour pathogène permanent.

Situation 4 (fig. 11)

Il est erroné de penser que les éléments prothétiques en sous-contours ne posent pas de problème. Dans ce cas, les limites prothétiques sont en deçà des limites cervicales laissant apparaître une fraction de la préparation. Cette zone dentinaire préparée, non recouverte par la prothèse est très rugueuse et constitue un piège à plaque important, qui est lui-même source de récession gingivale étendue à tout le secteur traité et donc à l'origine d'un problème esthétique majeur.

Situation 5 (fig. 12)

Sur ce cas clinique, les trois défauts précédemment décrits sont présents sur une même dent, à savoir :

- surcontour ;

- sous-contour ;

- hiatus important au niveau du joint.

Les dégâts au niveau du parodonte profond nécessitent un traitement parodontal lourd et la mise en place d'une couronne transitoire, le temps de la cicatrisation et avant réévaluation.

Situation 6 (fig. 13)

Un autre avantage de la pénétration contrôlée est de respecter, pendant la préparation, l'axe de fonction de la dent support. Sur le cas présenté, il s'est produit une déviation de la préparation par rapport à cet axe, entraînant un réel décalage entre dent support et couronne prothétique. Ce décalage provoque un double effet :

- création de contraintes transversales sur la dent support ;

- réalisation de plages de céramique d'épaisseur réduite, pouvant entraîner des fractures du matériau cosmétique et une perte de la stabilité occlusale.

Ces différents exemples d'échecs permettent d'appréhender le pourquoi des techniques de préparation par pénétration contrôlée ; reste à définir le « comment ? ».

La pénétration contrôlée : comment ?

La pénétration contrôlée comprend trois séquences successives :

- le choix de la limite cervicale ;

- le choix de l'instrumentation rotative ;

- le protocole opératoire de préparation pour les dents antérieures, les dents postérieures et les dents délabrées.

Choix de la limite cervicale

De nombreux types de limites cervicales sont décrits dans la littérature : la trace, le congé quart d'ovale, le congé quart-de-rond, l'épaulement, le choix se faisant le plus souvent en fonction du type de prothèse à réaliser [4].

Notre choix s'est porté sur la réalisation d'un congé quart-de-rond quel que soit le type de prothèse :

- couronne coulée ;

- couronne céramo-métallique ;

- couronne céramique ;

- facette pelliculaire.

Seule, la largeur de ce congé quart-de-rond varie en fonction de la dent support et de la construction prothétique envisagée (fig. 14). Le congé quart-de-rond présente un grand nombre d'avantages :

- sa réalisation clinique est aisée ;

- l'économie tissulaire est importante par rapport à une limite de type épaulement ;

- il permet d'exploiter le comportement rhéologique des pâtes à empreinte et des ciments de scellement qui colonisent facilement ce profil quart-de-rond ;

- il est adapté à tous les types de couronnes ; il permet notamment de loger aisément le complexe céramo-métallique et assure mieux qu'un congé quart d'ovale la sustentation des couronnes en céramique ;

- sa réalisation clinique entraîne peu de dégagement de chaleur et permet la préservation de la vitalité pulpaire.

Le profil de la limite étant déterminé, se pose le problème du choix de la ligne de finition entre le plan horizontal cervical et le profil d'émergence. Pour les prothèses céramo-métalliques, deux types de ligne de finition sont possibles :

- soit la limite cervicale est chanfreinée à 30° : c'est la technique de Stein [5] (joint alliage-dent) (fig. 15a) ;

- soit l'angle de raccordement est simplement surfacé, pour éliminer les prismes d'émail non soutenus, et réaliser un angle droit, c'est le type de finition utilisé dans la technique de Weiss [6] (joint alliage-dent) (fig. 15b) et pour les joints céramique-dent (fig. 15c).

En résumé

• deux types de ligne de finition sont possibles :

- congé quart-de-rond chanfreiné ;

- congé quart-de-rond non chanfreiné.

• trois modes de liaison dent-couronne sont réalisables :

- deux modes de liaisons alliage-dent: Stein ou Weiss ;

- un mode de liaison céramique-dent.

Le choix entre ces différents types de finition et modes de liaison est directement lié au cas clinique considéré.

Choix de l'instrumentation rotative

Cette trousse de cinq instruments diamantés (fig. 16) constitue l'instrumentation rotative de base permettant d'effectuer la majorité des préparations de prothèse fixée. Elle comporte :

- un instrument diamanté boule réf. ISO 801 016 (016 signifiant un diamètre de 1,6 mm) :

- un instrument à congé quart-de-rond d'un diamètre de 1,4 mm réf. ISO 881 014 ;

- un instrument à congé quart-de-rond d'un diamètre de 1,2 mm réf. ISO 881 012 ;

- un instrument en forme d'olive réf. ISO 368 023 ;

- un instrument dit à sulcus réf. ISO 889 009.

L'évaluation de cette instrumentation peut amener l'observateur à se poser deux questions.

Première question : Pourquoi un nombre si réduit d'instruments, la plupart des trousses proposées comportant plus d'une dizaine d'éléments ?

Deuxième question: Pourquoi choisir un profil cylindrique, et non pas conique, pour les deux instruments à congé: ISO 881 012 et ISO 881 014 ?

Réponse 1 concernant le nombre réduit d'instruments: le chirurgien-dentiste exerce une activité qui demande énormément de concentration nécessaire à la visualisation du champ opératoire. Tout changement d'instrument rotatif fait perdre de vue ce champ opératoire et nécessite donc un nouvel effort pour ré-évaluer son domaine d'action. C'est pourquoi une méthodologie de préparation faisant appel au nombre le plus réduit possible d'instruments semble plus judicieuse. De plus, le coût moindre de chaque instrumentation de base permet de posséder un grand nombre de trousses pour répondre au besoin quotidien, tout en respectant les règles strictes de décontamination et d'asepsie.

Réponse 2 concernant le profil cylindrique des instruments à congé : l'utilisation d'instruments coniques permet d'obtenir à la fois la limite cervicale et la dépouille nécessaire à l'insertion prothétique. Cette conicité impose une dépouille identique quels que soient la dent support ou le type de couronne à réaliser. Il appartient au praticien de déterminer le degré de dépouille pendant la préparation en fonction du cas clinique et de ce point de vue, le profil cylindrique répond mieux à cette exigence. En effet, la conicité de la préparation peut être régulée en inclinant plus ou moins l'instrument cylindrique. De plus, lors de la préparation des faces proximales, le passage des instruments cylindriques est plus facile, le risque d'interférence avec la dent adjacente dans la partie la plus occlusale étant plus réduit. Toutefois, ces références d'instruments ne sont pas obligatoires pour appliquer cette méthode de préparation. À chaque praticien d'adapter sa propre instrumentation au protocole opératoire décrit, l'important étant de conserver le principe d'un nombre réduit d'instruments.

Protocole opératoire de préparation

Première phase

Elle est réalisée avec l'instrument-boule diamanté (réf. 801 016) et va déterminer deux éléments essentiels de la préparation :

- le profil de la limite, c'est-à-dire le congé quart-de-rond ;

- la profondeur de coupe correspondant à la moitié du diamètre de l'instrument, c'est-à-dire 0,8 mm (fig. 17 et 18).

Le praticien ménage une rainure cervicale vestibulaire qui suit la concavité de la gencive marginale. L'instrument boule doit travailler sur la moitié de son diamètre, le mandrin de l'instrument rotatif faisant une angulation de 10 à 20° par rapport à l'axe de la dent pour ne pas créer d'interférence avec la face vestibulaire. À ce stade de la préparation, la rainure cervicale correspondant au congé quart-de-rond est dans une situation supragingivale.

Deuxième phase

À l'aide du même instrument et ceci est important pour la concentration, des rainures verticales sont réalisées. Elles s'étendent le long de la face vestibulaire depuis la rainure cervicale, précédemment tracée jusqu'au bord libre. Dans cette zone, le passage de la face vestibulaire à la face palatine réalise des encoches semi-lunaires (fig. 19).

La profondeur de coupe reste de 0,8 mm. Le nombre de rainures verticales varie de 2 à 3 en fonction du type de dent à préparer. Les rainures verticales suivent la convexité de la face vestibulaire de façon à donner la même profondeur de coupe quelle que soit la zone considérée.

Après passage de l'instrument boule, la phase la plus délicate de la préparation est terminée, les étapes ultérieures découlant logiquement de cette pénétration contrôlée initiale.

Une variante de préparation

Dans le cas de jaquette en céramique pure, la limite cervicale périphérique est d'une profondeur constante (de 1 à 1,2 mm) contrairement aux couronnes céramo-métalliques où elle est variable (de 1 à 1,2 mm sur la face vestibulaire et de 0,6 à 0,8 mm sur les autres faces). Pour ces couronnes en céramique, une rainure cervicale de même profondeur (0,8 mm) est donc tracée sur la face palatine de la dent support.

Troisième phase

Il s'agit de la préparation de la face vestibulaire avec l'instrument à congé quart-de-rond d'un diamètre de 1,4 mm (réf. ISO 881 014) (fig. 20). Elle consiste à supprimer les pans de dentine et d'émail subsistant après passage de l'instrument-boule et à réaliser entre les deux points de contact proximaux une préparation dite pelliculaire, pré-déterminée par l'instrument-boule ; l'abrasion tissulaire globale se situe entre 1 et 1,2 mm. La limite en congé quart-de-rond est toujours en situation supragingivale.

La préparation de la face vestibulaire respecte la convexité anatomique de cette zone tout en satisfaisant aux impératifs de dépouille (fig. 21).

Quatrième phase :préparation des faces proximales

L'instrument diamanté utilisé est référencé : ISO 881 012, instrument à congé quart-de-rond de 1,2 mm de diamètre (fig. 22). Les faces proximales sont préparées en progressant de proche en proche depuis la face vestibulaire jusqu'à la face palatine de la dent, en veillant à ne pas léser les dents adjacentes. De ce point de vue, l'utilisation d'un instrument cylindrique, par rapport à une instrumentation conique, présente un grand avantage, le gabarit étant plus réduit dans la zone des contacts proximaux pour une largeur de limite cervicale identique.

Ce même instrument réalise la limite cervicale palatine en raccordant la préparation mésiale à la préparation distale. Il est important de ménager une véritable limite cervicale et non pas une simple dépouille dans les zones proximales, une insuffisance de place pour le matériau prothétique entraînant une compression papillaire sur une zone très susceptible à toute agression.

Variante de préparation

Dans le cas de couronne en céramique, la place nécessaire au matériau est plus importante que pour une prothèse céramo-métallique. De ce fait, l'instrument diamanté utilisé pour la préparation des faces proximales est le même que celui utilisé pour la face vestibulaire, c'est-à-dire réf. ISO 881 014 (diamètre : 1,4 mm).

Cinquième phase :préparation de la face palatine

L'instrument en forme d'olive (réf. ISO 368 023) permet une préparation qui respecte la concavité palatine (fig. 23). L'abrasion tissulaire sur cette face est directement liée à l'occlusion dans le respect du guide antérieur et au type de couronne envisagé. Notons qu'à ce stade, la hauteur coronaire de la dent préparée n'a pas encore été déterminée. Il semble plus judicieux de l'établir lors de la dernière phase, après préparation des faces axiales.

Sixième phase : finition cervicale

Après finition de la zone du bord libre en fonction de la pénétration contrôlée initiale, la préparation coronaire est terminée. À ce stade, deux cas de figure peuvent se présenter :

- le plan de traitement prévoit une limite cervicale supragingivale sur toutes les zones, la préparation de la dent support est alors terminée et la phase de prise d'empreinte peut survenir après surfaçage du bord marginal (fig. 24) ;

- dans certaines zones, la limite cervicale est en situation intrasulculaire. Dans ce cas, il faut donc situer la limite initialement préparée dans une situation plus apicale.

Le passage à un niveau intrasulculaire sur les zones concernées par l'esthétique doit retenir toute notre attention. Il est notamment essentiel de déterminer avant la préparation ce que nous appelons le « point haut » (fig. 25).

Le « point haut » correspond à la zone la plus déclive du parodonte marginal et peut être centré sur la face vestibulaire ou excentré vers les zones proximales. Lors de la mise en place de la limite en situation intrasulculaire, il est important d'accentuer l'enfouissement de la limite dans la zone du « point haut », tout en respectant les impératifs parodontaux précédemment énoncés. De cette manière, l'artifice prothétique passe beaucoup plus inaperçu dans la zone cervicale, l'émergence prothétique s'apparentant beaucoup plus à celle d'une dent naturelle. La mise en place intrasulculaire de la limite s'effectue à vitesse plus réduite (fig.26). L'instrument utilisé est réf. ISO 881 014. Il ne semble pas indispensable de réaliser au préalable une déflexion gingivale, le profil cylindrique de l'instrument permettant d'éviter l'agression du parodonte marginal.

Ainsi sans déflexion gingivale, le praticien, guidé par le profil gingival autour de la dent-support, peut mieux situer la limite cervicale. Seule, la finition du bord marginal est réalisée après déflexion gingivale. Du fait du profil en congé quart-de-rond de l'instrument, la progression en direction intrasulculaire réalise une cuvette arrondie. Après déflexion gingivale, ce profil doit être remodelé pour obtenir un angle de raccordement à 90° entre profil d'émergence radiculaire et limite cervicale (fig. 27). Secondairement, cet angle droit peut être chanfreiné à 30° si on désire appliquer la technique de Stein ou surfacé pour supprimer les prismes d'émail non soutenus. Cette finition est réalisée ultérieurement, après déflexion gingivale (fig. 28). C'est l'instrument diamanté à sulcus, réf. ISO 889 009 qui est utilisé.

La granulométrie choisie est fonction du type de préparation préalablement déterminée :

- s'il faut réaliser un chanfrein, nous utilisons dans un premier temps des instruments très abrasifs avec des grains à 100 µm (pas de bague colorée, technique de Stein) ;

- lorsqu'on veut simplement surfacer la ligne de finition et supprimer les prismes d'émail non soutenus (technique de Weiss ou joint céramique-dent), de fines granulométries à 30 ou même 15 µm (bague rouge ou jaune) sont indiquées.

Pour jouer son rôle, l'instrument à sulcus fait le tour de la dent support au niveau cervical en gardant le contact avec les tissus dentaires. L'angulation de l'instrument diamanté varie de 10 à 30° en fonction :

- du profil du sillon ;

- de l'épaisseur de la gencive libre ;

- du degré d'ouverture sulculaire.

Finition de la préparation

Elle est réalisée à l'aide d'une instrumentation diamantée de même profil que celle utilisée lors de la préparation, mais d'une granulométrie plus fine à 30 μm (bague rouge) (réf: ISO 881 012) (fig. 29). Il est important, dans le cas de dents pulpées, de veiller à ne pas provoquer lors de ce polissage des élévations de température trop importantes, néfastes à la conservation de la vitalité pulpaire, l'épaisseur de tissus calcifiés étant très faible.

Préparation des dents postérieures

La préparation des dents postérieures reprend le protocole précédemment décrit. La pénétration contrôlée est réalisée à l'aide de l'instrument-boule sur les faces vestibulaire, occlusale et palatine (fig. 30).

La préparation des faces axiales dépend du type de couronne à réaliser :

- pour une jaquette en céramique pure, la préparation périphérique se fait avec l'instrument réf. ISO 881 014 ;

- pour une couronne céramo-métallique, la face vestibulaire est préparée avec l'instrument réf. ISO 881 014, les faces proximales et palatine avec l'instrument réf. 881 012.

Certains paramètres de préparation sont spécifiques aux dents postérieures (fig. 31) :

- la limite cervicale est le plus souvent sus-gingivale ;

- la face occlusale doit reproduire les cuspides, les versants, les sillons et les fossettes marginales de la future dent prothétique ;

- l'abrasion tissulaire est plus importante sur les cuspides d'appui (de l'ordre de 1,5 mm), c'est-à-dire sur les cuspides palatines des dents du maxillaire et les cuspides vestibulaires des dents mandibulaires ;

- la préparation des faces vestibulaire et palatine doit restituer la convexité naturelle de ces faces tout en respectant les impératifs de dépouille pour aboutir à une intégration parodontale optimale (fig. 32).

Préparation des dents délabrées

Deux techniques opératoires sont possibles pour la préparation corono-périphérique des dents délabrées :

1) première technique: la dent est restaurée avant la préparation par une obturation coronaire ou une reconstitution corono-radiculaire ;

2) deuxième technique qui est préférable : elle consiste à préparer la dent support délabrée avant toute restauration coronaire. Cette façon de procéder exploite parfaitement la pénétration contrôlée, précédemment décrite qui permet de :

- ménager la place nécessaire et suffisante aux matériaux prothétiques ;

- évaluer quantitativement et qualitativement les tissus calcifiés coronaires subsistant après la préparation et poser l'indication soit d'une simple obturation coronaire soit d'une reconstitution corono-radiculaire foulée ou coulée.

Conclusion

La méthodologie de préparation proposée (tabl. I) permet de respecter le cahier des charges inhérent à toute réhabilitation de prothèse fixée à savoir:

- respecter les structures parodontales ;

- assumer la fonction occlusale ;

- assurer l'esthétique des prothèses réalisées, sachant que l'intégration biologique et le résultat esthétique sont très étroitement liés.

Cette méthode de travail basée sur le principe de la pénétration contrôlée n'est pas figée : à chacun de l'adapter, de la faire évoluer en fonction de sa propre façon de travailler et de sa propre méthodologie.

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