Classement des protocoles de recherche utilisé pour déterminer « le niveau de preuve » des réponses aux questions dentaires cliniques - Cahiers de Prothèse n° 114 du 01/06/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 114 du 01/06/2001

 

DENTISTERIE FONDÉE SUR DES PREUVES

Rhonda F. Jacob *   Alan B. Carr **  


* DDS - MS -
Professor of dental oncology - Maxillofacial
Prosthodontics - M.D.

Anderson Cancer Center
Houston, Texas (États-Unis)
** DDS -MS - Professor
School of Dentistry
Ohio State University
Colombus, Ohio (États-Unis)

Le but de cet article est de souligner les caractéristiques importantes du protocole de recherche que les cliniciens peuvent utiliser pour déterminer quels articles sont utiles quand il s'agit de répondre aux questions cliniques et de choisir la meilleure thérapie pour un patient. Cet article propose des moyens systématiques de classer par catégories la qualité des rapports scientifiques pour les cliniciens et les chercheurs cliniques. Un thème clinique d'éducation à l'hygiène est utilisé pour montrer comment la formulation de la question clinique détermine le type de protocole de recherche qui pourra être utilisé. Le continuum des rapports scientifiques, qui sont classés par catégories selon leurs forces ou leurs faiblesses, est décrit. Par ailleurs, il est montré pourquoi les projets de recherche, au sommet de la hiérarchie scientifique, sont d'un très grand intérêt pour les cliniciens en quête de la preuve qui définit la meilleure thérapie pour leurs patients.

Résumé

Le but de cet article est de souligner les caractéristiques importantes du projet de recherche que les cliniciens peuvent utiliser pour savoir quels articles sont utiles quand il s'agit de répondre à des questions cliniques. Cet article offre un moyen systématique de classer la qualité des rapports de recherche pour les cliniciens et les chercheurs cliniques. Ces derniers sont intéressés par tout le continuum des rapports de recherche puisqu'ils s'emploient à définir la question de recherche et la méthode de recherche définitives. Les cliniciens sont intéressés par la plus grande qualité des rapports possible pour déterminer le « meilleur traitement » pour leurs patients. Cet article aidera à formuler les questions et à classer par catégories la meilleure preuve disponible.

Summary

Hierarchy of research design used to categorize the “strength of evidence” in answering clinical dental questions The purpose of this article is to highlight important features of research design that clinicians can use to determine which articles are useful when attempting to answer clinical questions. This article offers a systematic means of categorizing the quality of research reports for clinicians and clinical investigators. Clinical investigators are interested in the entire continum of research reports, as they work to define the definitive research question and research method. Clinicians are interested in the highest quality research report available to determine the “best therapy” for their patients. This article will assist in framing the questions and categorizing the best available evidence.

Key words

evidence-based dentistry, randomized controlled trial, research design

Notre qualité de praticien de santé implique de soigner le mieux possible nos patients. En dentisterie, on pourrait se demander comment définir « le meilleur soin possible ». Parce que peu de situations cliniques mettent en jeu la vie du patient, l'envie de pratiquer une recherche clinique rigoureuse pour comparer l'efficacité des thérapies dentaires peut ne pas paraître aussi importante que dans les thérapies médicales. Dans bien des cas, le choix définitif du traitement se fait en fonction des options thérapeutiques proposées au patient et de celles qu'il trouve le plus attractive. Les traitements proposés sont souvent ceux qui font partie de la routine des praticiens, ou encore le praticien applique celui qu'il sait que le patient aurait choisi [1]. « L'attrait » d'une thérapie particulière est lié au coût financier que le patient peut assumer, à l'esthétique qu'il désire et à la rapidité avec laquelle le soin peut être réalisé. Du point de vue du patient, les matériaux et les prothèses dentaires peuvent paraître équivalents, les différences fondamentales étant l'esthétique, le coût et la sophistication. Un patient suppose souvent que le dentiste ne propose que le meilleur ou que le seul traitement convenant à son cas. On peut voir que la définition de la meilleure thérapie est fonction des préoccupations principales du patient et du clinicien.

Comme cela est mentionné dans l'article d'introduction de dentisterie fondée sur des preuves [2], quand un praticien cherche dans les publications existantes quelle est la « meilleure thérapie possible », il doit formuler une question permettant de guider la recherche. Cette question doit non seulement porter sur l'efficacité et les complications mais aussi sur les désirs du patient et les contraintes. Une recherche sur les prothèses implanto-portées pour un patient qui indique qu'il n'en a pas les moyens financiers ne serait pas cohérente. Formuler la question appropriée permet au praticien de trouver les textes pertinents.

Le but de cet article est de discuter des protocoles de recherche clinique qui peuvent être rencontrés dans ces textes pertinents et dont la qualité peut être appréciée selon un « classement des protocoles de recherche ». La position de chaque protocole à l'intérieur de ce classement est fonction de ses qualités et de ses faiblesses propres. Nombreux sont les protocoles de recherche dans le domaine de la santé. Il en existe que l'on peut qualifier d'idéaux pour répondre aux questions cliniques particulières. Quand le protocole de recherche idéal est utilisé, la force des conclusions est importante et ce rapport montre la « meilleure preuve disponible » pour décider d'un traitement. Cependant, pour beaucoup de questions cliniques, le protocole idéal peut ne jamais avoir été utilisé. Il ne peut pas toujours être appliqué en raison de contraintes liées à la prise en charge des patients, à l'aspect financier, à l'éthique ou au temps. Quelques compromis ont été trouvés pour s'affranchir de certaines de ces contraintes, mais les cliniciens et les chercheurs doivent comprendre que cela peut réduire la crédibilité des conclusions des protocoles de recherche en induisant des faiblesses dans les conclusions cliniques et les décisions qui peuvent découler de cette recherche. Comprendre « la force de la preuve » est au cœur du soin fondé sur des preuves. En utilisant cette analyse hiérarchique de la recherche qui comprend les publications cliniques pertinentes, les cliniciens peuvent parvenir à choisir un plan de traitement fondé sur la meilleure preuve disponible. Cette analyse hiérarchique est également pertinente pour étudier des protocoles d'étude concernant les causes de la maladie, où l'exposition à un agent causal ou un événement particulier précède la maladie.

Considérations premières pour examiner la « meilleure preuve »

La prise en compte de la qualité de n'importe quelle recherche nécessite une évaluation de la validité intrinsèque et de l'absence de biais de l'étude. La validité intrinsèque est définie en fonction de l'exactitude des résultats de l'étude pour la population étudiée. Cela est influencé par la bonne application des méthodes, des résultats des mesures et des analyses de données dans l'étude. La validité intrinsèque d'une étude est menacée par les biais ou les changements imprévisibles.

L'intérêt des essais randomisés est de contrôler l'influence des biais et des changements imprévisibles. C'est ce qui les place en première position dans la hiérarchie de recherche quand il s'agit d'examiner l'efficacité des thérapies. Lors de la sélection des articles pouvant offrir la meilleure preuve, nous répondons à la question [2, 3] : « Les résultats sont-ils valides ? » par l'examen du contrôle des biais et de leurs effets sur la validité intrinsèque.

La validité extrinsèque, également appelée « capacité à généraliser », est en rapport avec la capacité à appliquer les conclusions faites sur la population test à la population générale. C'est aussi une préoccupation majeure pour le praticien posant la question [3] : « Les résultats de cette étude m'aideront-ils à soigner mes patients ? » La validité extrinsèque est ce qui permet d'appliquer les observations de l'étude à d'autres situations cliniques. Pour être sûr qu'un rapport de recherche soit pertinent pour le praticien, il faut que le rapport définisse clairement la population des patients étudiée.

Finalement, nous devons considérer la faisabilité du projet de recherche idéal quand nous cherchons des textes pertinents sur une question clinique. Bien qu'un protocole de recherche de « niveau supérieur ou de qualité » puisse être idéal pour répondre à la question, il peut ne jamais avoir été publié. Dans cette éventualité, il se peut que le clinicien ait besoin de prendre des décisions de traitement fondées sur un rapport utilisant une recherche de qualité moindre.

Introduction au classement des projets de recherche clinique

Les classifications des niveaux de recherche [4] sont fondées sur 3 éléments clés du protocole d'étude qui sont fondamentaux pour le « contrôle des biais » dans une étude :

- la façon dont les sujets sont recrutés pour les groupes tests ;

- si l'exposition à l'intervention ou au facteur causal supposé était sous le contrôle du chercheur ;

- si l'effet considéré était présent au moment du recrutement (évaluation prospective ou rétrospective).

Ces éléments sont tous influencés par des biais et des facteurs d'influence inconnus. Plus le protocole d'étude se situe haut dans la hiérarchie de recherche, plus il réduit les biais et répartit les facteurs d'influence inconnus de façon égale entre les groupes d'étude. Les projets du groupe A augmentent la validité intrinsèque comparés aux projets des groupes B, C et D. Un thème clinique sur l'éducation à l'hygiène est utilisé pour montrer comment formuler la question clinique qui détermine le type d'étude à utiliser. Dans ce scénario clinique, les protocoles du groupe A ont tenté d'augmenter la validité intrinsèque par rapport aux protocoles des groupes B à D.

Groupe A

Les éléments clés sont les suivants :

- exposition à l'intervention ou au facteur causal supposé sous le contrôle du chercheur ;

- groupe contrôle simultané ;

- étude prospective.

Les protocoles d'étude sont formés par :

- un essai comparatif randomisé ;

- un essai comparatif quasi randomisé ;

- un essai croisé randomisé.

Question : les sujets présentant une gingivite peuvent-ils apprendre les règles d'hygiène buccale adéquates et avoir une meilleure santé gingivale (définie en fonction de l'absence de saignement au sondage) :

- après avoir vu une vidéo éducative sur l'hygiène buccale et reçu un enseignement particulier sur l'hygiène buccale ;

- ou seulement après avoir reçu un enseignement particulier sur l'hygiène buccale ?

Projet d'étude : tous les sujets se présentant à la clinique d'une école dentaire avec au moins 10 dents par arcade et dont au moins 1 dent par quadrant saigne au sondage ont été classés en fonction du nombre de surfaces dentaires qui présentaient des saignements au sondage. Les sujets qui ont accepté de participer à l'étude sur l'enseignement de l'hygiène orale ont été répartis de façon aléatoire pour :

- visionner une vidéo sur l'hygiène orale et recevoir un enseignement sur l'hygiène orale personnelle ;

- ou bien recevoir seulement un enseignement sur l'hygiène orale personnelle.

L'enseignement a été répété à chaque visite. Les sujets ont été suivis tous les 2 mois, pendant 6 mois, pour comparer la présence ou l'absence de saignement après sondage.

Essai comparatif randomisé

Dans un essai comparatif randomisé, la répartition des patients dans les groupes d'étude est aléatoire (randomisation). Deux groupes d'individus sont exposés ou non à la manipulation expérimentale puis sont suivis pendant un certain temps afin d'estimer l'effet considéré. L'existence simultanée d'un groupe contrôle permet de traiter et de mesurer de façon standard et en aveugle les deux groupes, diminuant ainsi le biais et augmentant la validité intrinsèque de l'étude. En fonction de la question posée, il y a souvent des variables connues ou supposées qui peuvent avoir une influence importante sur les résultats et peuvent masquer ou interagir avec la manipulation expérimentale (tabagisme ou diabète dans une étude sur le traitement parodontal). Avant la randomisation, les sujets pour qui ces variables sont connues sont répertoriés et un procédé de randomisation compliqué (nécessitant souvent une aide informatisée) les répartira de façon équivalente dans chaque groupe test. Des variables inconnues qui pourraient influencer le résultat seront intégrées de la même manière dans chaque groupe test par le procédé de randomisation. La clé de répartition étant inconnue des soignants et des patients (double aveugle), le biais lors de la réalisation de la manipulation expérimentale et lors de la collecte des données est réduit et la validité intrinsèque est ainsi accrue. Les expositions et thérapies diverses, appelées cointerventions, qui pourraient concerner les patients pendant la période test, peuvent également être contrôlées ou enregistrées (tabl. I).

Essai comparatif quasi randomisé

L'essai comparatif quasi randomisé est proche de l'essai comparatif randomisé ; il en diffère par le fait que les sujets ne sont pas classés en fonction des facteurs d'influence connus mais sont répartis au hasard, dans les groupes tests, selon différentes méthodes quasi aléatoires telles que l'attribution à un groupe d'un sujet sur deux, ou un jour sur deux, ou en fonction des dates de naissance paires et impaires, ou par numéro de dossier, et ainsi de suite. Des problèmes se posent avec cette méthode car le recrutement peut être biaisé. Si un chercheur pense qu'un sujet peut bénéficier d'un des traitements, il peut l'inclure le jour même dans l'étude. S'il pense au contraire qu'un sujet ne profiterait pas d'un traitement particulier, alors que sa date de naissance ou son numéro de dossier le lui attribue, il peut ne pas l'inclure dans l'étude. Ce « guide » d'attribution peut paraître altruiste, mais peut se révéler être un biais considérable dans l'essai. Il est également difficile de cacher ce type de répartition aux soignants et aux sujets. La standardisation du suivi et la collecte des données peuvent en être compromises (tabl. II).

Essai croisé randomisé

Une étude croisée randomisée permet d'appliquer 2 traitements à la même population de patients. La distribution des variables connues et inconnues est propre au patient, qu'il reçoive un traitement ou un autre. De cette manière, les patients fonctionnent comme leur propre groupe de contrôle. L'étude se caractérise par le fait que les effets du premier traitement - choisi de façon aléatoire - doivent être complètement réversibles (retour à l'état initial) avant de passer au second traitement. Les 2 traitements sont prodigués simultanément dans l'étude. L'attribution aléatoire de traitement crée 50 % de chances de recevoir le traitement A suivi de B ou le traitement B suivi de A. Cette randomisation de l'attribution du premier traitement :

- crée un groupe contrôle simultané, permettant la standardisation du suivi et de l'évaluation des résultats ;

- permet de cacher aux patients et aux investigateurs quel traitement est appliqué ;

- permet de contrôler la courbe d'apprentissage des patients qui subissent deux fois la même évaluation des résultats.

La difficulté d'utilisation de ce type d'étude pour répondre à une question clinique réside dans le fait que beaucoup d'interventions dentaires ne sont pas réversibles. Des essais médicamenteux sont possibles en utilisant une étude croisée randomisée qui permet aux effets médicamenteux et aux niveaux sanguins de retourner à leur point de départ entre les thérapies. L'étude croisée randomisée pour l'hygiène, par exemple, est délicate à réaliser étant donné que le retour à l'hygiène buccale de départ des patients est difficile à atteindre. Faire en sorte que les effets du premier traitement disparaissent est problématique. On demande parfois aux sujets de suspendre toute méthode d'hygiène pendant plusieurs semaines avant de commencer l'étude et entre les traitements pour avoir le même état initial. L'apprentissage de la première méthode d'hygiène pourrait sensibiliser le patient à une pratique améliorée ou l'apprentissage de la seconde méthode d'hygiène est un biais possible. La validité intrinsèque de l'étude est accrue par le fait que l'influence possible de l'ordre des traitements est répartie dans chaque groupe par la randomisation de l'ordre de traitement. Ce type d'essai est idéal pour des effets qui apparaissent rapidement. De cette façon, les interventions associées et les différences qui peuvent se produire chez un patient en fonction du temps, à savoir des conditions pathologiques associées, un manque de suivi, etc., peuvent être réduites (tabl. III).

Groupe B

Les éléments clés sont les suivants :

- l'exposition à l'intervention ou au facteur causal supposé ne dépend pas du chercheur ;

- le groupe de contrôle (peut être ou ne pas être simultané) ;

- l'étude prospective.

Deux protocoles d'étude sont utilisés :

• l'étude simultanée de cohortes (groupes non équivalents) :

- le groupe de comparaison vient du même réservoir « patient »,

- le groupe de comparaison qui vient d'un réservoir « patient » différent ;

• l'étude croisée :

- les mêmes patients sont utilisés dans les phases « avant » et « après »,

- des patients différents sont utilisés au cours de chacune de ces 2 phases.

Étude de cohortes (groupes non équivalents)

Question : est-ce que les sujets qui décident de recevoir des instructions personnelles sur l'hygiène de la part du personnel soignant ont de meilleurs résultats en termes de santé gingivale (définie comme une absence de saignement lors du sondage) que les sujets qui ont choisi de recevoir des instructions sur l'hygiène buccale par le biais d'une vidéo et d'un complément d'enseignement par le personnel soignant ?

Projet d'étude : on a demandé aux sujets qui s'étaient au préalable présentés à la clinique de l'école dentaire (même réservoir « patient ») avec au moins 10 dents par arcade et au moins 3 surfaces dentaires par arcade saignant au sondage, s'ils souhaitaient participer à une étude portant sur l'éducation à l'hygiène buccale :

- soit en visionnant une vidéo d'instruction sur l'hygiène buccale complétée par une instruction personnelle sur le même thème ;

- soit en recevant seulement une instruction personnelle sur l'hygiène buccale.

Les sujets ont eu la possibilité de choisir leur méthode d'éducation. Les sujets qui sont entrés dans chaque groupe ont été appariés avec ceux de l'autre groupe selon 2 niveaux d'instruction et 2 niveaux de santé buccale (nombre de surfaces dentaires par arcade qui saignaient au sondage). Les sujets ont reçu l'enseignement de leur choix, qui a été repris à chaque visite de contrôle. Ils ont été suivis tous les 2 mois, pendant 6 mois, pour comparer le niveau de saignement au sondage.

Dans les études simultanées de cohortes (groupes non équivalents), les sujets sont placés dans un groupe en fonction de leur décision et de celle du praticien. Ils sont souvent désireux de participer à ce type d'essai parce qu'ils reçoivent le traitement qu'ils souhaitent. Cependant, si un traitement en particulier est considéré comme plus perfectionné ou plus en vogue, il peut être plus difficile d'obtenir des patients pour l'autre traitement (groupe contrôle). L'attribution du traitement ne se fait pas sous le contrôle du chercheur par randomisation. Cependant, le résultat reste encore à venir et, donc, les sujets peuvent être suivis de façon prospective selon un protocole standard d'évaluation de résultat. Si les 2 groupes sont traités simultanément, le protocole de traitement peut aussi être standardisé. Cependant, si les 2 traitements ont déjà été réalisés avant le recrutement des patients, le projet est affaibli parce que les traitements ont été réalisés avec une standardisation minimale à l'intérieur des groupes ou entre eux. En plus de la séparation en fonction du traitement, des sous-groupes peuvent être déterminés sur la base de facteurs d'influence connus (variables connues) qui peuvent modifier les effets étudiés dans l'étude. Il est vraisemblable que des variables inconnues qui pourraient affecter le résultat ne soient pas isolées et ne soient pas distribuées de façon égale entre les groupes. L'évaluation prospective du résultat permet la standardisation. Cependant, s'il n'y a aucune tentative pour cacher les données, il peut y avoir un biais de mesure des résultats entre les 2 groupes. Dans les études qui ont un seul réservoir « patient », les patients appartiennent souvent à la même institution ou profession. Quand les groupes viennent de réservoirs différents, un traitement est appliqué à une institution et le deuxième à une autre institution. Quand les 2 groupes viennent de deux réservoirs différents, il y a un risque supplémentaire que les cointerventions ou l'automédication qui influencent le résultat puissent se produire dans un groupe et pas dans l'autre (tabl. IV).

Étude croisée

Question : est-ce que la santé gingivale des sujets qui ont été précédemment éduqués par le personnel en matière d'hygiène buccale s'est améliorée (peu ou pas de saignement au sondage) après qu'ils ont reçu un enseignement complémentaire sur l'hygiène au moyen d'une vidéo éducative et d'une instruction personnelle sur l'hygiène ?

Projet d'étude : tous les patients avec au moins 10 dents par arcade, qui avaient déjà reçu un enseignement personnalisé sur l'hygiène buccale par leur hygiéniste, ont été examinés pour saignement au sondage. Ceux qui saignaient encore sur au moins 3 surfaces dentaires par quadrant ont vu une vidéo éducative sur l'hygiène buccale et ont reçu une instruction personnelle supplémentaire sur l'hygiène buccale. Les mêmes méthodes d'enseignement ont été utilisées à chaque visite de contrôle, tous les 2 mois pendant 6 mois, et la présence ou l'absence de saignement a été enregistrée. Le taux de patients (sans saignement ou avec moins de 3 surfaces dentaires par quadrant qui saignaient au sondage) dans le groupe « avant » a été comparé à celui du groupe « après ».

L'étude croisée permet l'évaluation des résultats avant que l'exposition ou l'intervention se produise et après celle-ci. Quand les mêmes patients sont utilisés pour les périodes « avant et après » de l'étude, le résultat est évalué après l'administration du traitement de contrôle (qui est habituellement un placebo ou un soin de référence antérieur). C'est la période « avant » parce qu'elle se situe avant le traitement expérimental. Souvent, l'étude est commencée quand le traitement initial a déjà été réalisé et que les résultats se sont produits, parce que c'est l'expérience de résultats négatifs avec le premier traitement (« avant ») qui incite le praticien à entamer la deuxième thérapie (« après »). Si le résultat « avant » n'est pas réversible, le même patient ne peut participer à l'étude « après ».

Dans le scénario sur l'hygiène, les sujets qui ne présentaient pas de saignement dans le groupe « avant » ne pouvaient pas entrer dans le groupe « après » si bien que les 2 groupes ne sont pas des groupes équivalents.

Un exemple de situation dans laquelle une manipulation pourrait être réversible serait celle où le clinicien demande aux patients s'ils ont éprouvé des difficultés pour remuer la mâchoire après une technique d'anesthésie dentaire particulière. La présence ou l'absence de cette gêne au niveau de la mâchoire est un résultat qui sert dans les données de la période « avant ». Une fois que le résultat s'est inversé (le mouvement normal de la mâchoire a repris), ces mêmes patients peuvent recevoir une technique d'injection différente qui va venir alimenter les données de la période « après ». Un problème majeur avec la période « avant » est que le rassemblement des données « avant » est rétrospectif ; la manipulation « avant » n'étant pas standardisée, il y a pu y avoir des interventions associées appliquées par le patient, et les dossiers cliniques ou la mémoire du patient sur le résultat « avant » sont souvent incomplets ou inexacts. Cette étude croisée diffère de l'étude croisée randomisée car, ici, les manipulations « avant » et les interventions associées ne sont pas sous le contrôle du chercheur. Le biais dans l'ordre des traitements n'est pas contrôlé, et les résultats ne sont pas enregistrés de façon prospective.

Quand l'étude croisée implique différents patients subissant l'intervention « avant » et l'intervention « après », les traitements sont fréquemment prodigués dans le même centre, mais parfois par des praticiens différents. De manière pratique, les patients avec une maladie particulière reçoivent un traitement particulier (soin de référence antérieur). Mais les nouveaux patients venant dans ce centre avec la même maladie sont susceptibles de recevoir un traitement différent (le traitement expérimental ou « nouveau soin standard »). Certains chercheurs ont appelé le groupe traité dans la période « avant » le « groupe historique de contrôle ». En dehors du fait que tous les sujets dans chaque groupe ont reçu une thérapie semblable, il est peu vraisemblable que les groupes soient équivalents dans les variables connues ou inconnues qui affectent le résultat. Le secret vis-à-vis des patients ou des chercheurs est improbable et bien que la standardisation du traitement et de l'évaluation du résultat soit possible dans la période « après », elle n'est pas vraisemblable dans la période « avant ». Les patients ont peu d'inquiétude envers ce type d'étude car ils la perçoivent comme moins « expérimentale » qu'une autre. Ils ont tendance à voir la thérapie de la période « après » comme le nouveau soin standard (tabl. V).

Groupe C

Les éléments clés sont les suivants :

- exposition à l'intervention ou facteur causal imputé qui n'est pas sous le contrôle du chercheur ;

- groupe de contrôle (peut être simultané ou non) ;

- étude rétrospective ;

Projets d'étude :

- sondage sur échantillon ;

- étude ex-post-facto ;

- étude cas-témoin.

Enquête par sondage

Question : est-ce que les sujets qui ont une mauvaise hygiène buccale saignent plus au sondage que ceux qui ont une bonne hygiène buccale ?

Projet d'étude : on a demandé à tous les sujets d'un bourg de se porter volontaires pour un dépistage dentaire. Pour ceux qui avaient au moins 10 dents par arcade, les habitudes quotidiennes et le niveau d'hygiène buccale ainsi que les saignements au sondage ont été enregistrés. Les sujets ont été répartis en 4 groupes en fonction du niveau d'hygiène buccale (bon-mauvais) et de la présence ou non de saignement au sondage. Une relation entre l'hygiène buccale et le saignement au sondage a été recherchée.

Le projet d'étude précédent représente un sondage sur échantillon. Il est principalement utilisé pour des relations ou associations causales épidémiologiques entre les expositions et les résultats. L'étude nécessite l'examen d'une population fixe. Souvent, la population entière ne pouvant pas être examinée, un sous-ensemble ou un échantillon de la population est constitué. La sélection de ce sous-ensemble doit être assez rigoureuse et systématique pour s'assurer que toutes les données démographiques de la population entière sont représentées. Une étude peut éventuellement évaluer tous les sujets d'un gros bourg mais, pour une ville de 4 millions de personnes, la constitution d'un sous-ensemble de la population semble s'imposer.

Dans l'exemple précédent, on examine si l'hygiène buccale est associée au saignement au sondage. La population désignée est examinée à un moment donné. L'exposition ou manipulation (dans ce cas, niveau d'hygiène buccale) et le résultat (saignement au sondage) sont tous déjà connus. Nous savons maintenant, après des années de recherche, qu'il y a un lien causal entre l'hygiène buccale et les saignements. Le saignement au sondage se modifiera très rapidement si le niveau d'hygiène change. Comme le niveau d'hygiène a tendance à rester identique d'un jour à l'autre, une recherche à un moment donné établira vraisemblablement le vrai niveau de cette population. Cependant, ce n'est pas le cas pour toutes les recherches sur échantillon. Si l'apparition d'un effet est très retardée par rapport à une exposition, la recherche à un moment donné peut ne pas l'observer chez un certain nombre de sujets exposés. De même, si l'effet est de courte durée et disparaît au moment où la recherche est réalisée, le résultat peut être faussé.

Dans les études portant sur l'exposition à des agents causals tels que de l'eau potable contaminée ou des déchets chimiques, l'identification des sujets peut provenir de fichiers d'impôt foncier ou d'autres moyens pour identifier les occupants d'une région. Ces fichiers de base proviennent d'une population fixe, mais si l'étude traite d'un incident qui a eu lieu plusieurs années auparavant, les personnes touchées ont pu avoir quitté la région et ne pas être disponibles pour l'enquête. Ces sujets indisponibles sont perdus de vue et ne sont pas entrés dans l'essai pour l'évaluation des résultats. Il est pratiquement impossible d'estimer à quel point l'évaluation des résultats de ces sujets perdus de vue influencerait les résultats finaux de l'étude.

Les critères pour la participation à l'étude, le recueil de données et le résultat sont sujets à critiques. Dans les cas d'exposition à des agents causals, l'interrogatoire peut être le seul moyen de vérifier que le sujet a été contaminé. Faire en sorte que l'intervention ou l'exposition soit inconnue du chercheur ou du sujet est très difficile. Quand le chercheur ou les sujets ont une idée préconçue des conclusions de l'étude, il y a un risque de biais par une attention accrue ou une intensification du zèle pour rassembler les données dans le groupe expérimental.

Sans randomisation ni critères de participation standardisés, il est impossible d'assurer que des variables connues sont distribuées de façon égale dans chaque groupe. Des analyses statistiques très sophistiquées sont souvent utilisées pour examiner les associations de variables connues et leur lien avec le résultat particulier. Les plus communes sont l'âge, le sexe et les conditions pathologiques associées comme le diabète, l'obésité ou l'ostéoporose. Cependant, plus préoccupantes sont les variables inconnues qui peuvent influencer le résultat car elles ne seront pas prises en compte dans l'analyse. Il y a toujours le risque qu'un facteur non identifié associé à la manipulation ait un vrai lien causal avec le résultat. Dans ce type d'enquête par sondage, il a été prouvé que les sujets qui se sont portés volontaires pour les études ont souvent de meilleurs résultats que les autres. Il peut y avoir quelques facteurs non identifiés associés aux caractéristiques qui favorisent le volontariat, lui-même responsable de meilleurs résultats (tabl. VI).

Étude ex-post-facto

Question : les personnes qui ont reçu un enseignement sur l'hygiène buccale en utilisant la vidéo et une instruction personnelle changent-elles de style de vie et vont-elles vers de meilleurs résultats de santé gingivale (définie comme un index de saignement moindre) que les sujets qui ont reçu seulement une instruction personnelle sur l'hygiène buccale ?

Projet d'étude : un premier groupe est formé de patientes qui sont allées dans une clinique de santé subventionnée pendant leur grossesse où elles ont reçu un enseignement sur l'hygiène buccale par vidéo et par instruction personnelle. Elles ont subi un examen buccal lorsqu'elles y sont retournées avec leur bébé pour le suivi à 1 an. Un second groupe de patientes qui sont allées dans une autre clinique subventionnée pendant leur grossesse et qui ont reçu des instructions sur l'hygiène buccale par le personnel seulement a également subi un examen lors du suivi à 1 an de leur bébé. Un indice de saignement a été déterminé pour tous les sujets et a été comparé entre les deux groupes.

L'étude ex-post-facto est semblable au sondage sur échantillon en ce sens que les résultats se sont également déjà produits au moment de la recherche. La différence majeure entre les 2 projets d'étude est que dans le projet ex-post-facto, les sujets recevant ou non l'intervention ou l'exposition sont identifiés indépendamment à partir de populations différentes. Dans le sondage sur échantillon, les 2 groupes viennent d'une seule population choisie.

L'intervention/exposition et les résultats se sont déjà produits. Les critères de participation n'étant pas sous le contrôle du chercheur, les manipulations ont été menées de façon égale par un nombre de patients différents et non calibrés. Il y a peu de chances que les interventions soient standardisées, y compris dans la même clinique. Chaque groupe est évalué pour le résultat considéré à un moment donné. Il n'y a pas de suivi des traitements ou des examens. Le résultat attribué à l'intervention ou à l'exposition peut n'apparaître qu'après un temps considérable, ou être variable dans le temps. Dans les deux cas, cela peut conduire à une sous-estimation du résultat. Dans le cas du scénario sur l'hygiène, des circonstances diverses peuvent avoir conduit le clinicien traitant à proposer au patient de recevoir des instructions sur l'hygiène. Ces indications étaient probablement différentes entre les cliniciens et entre les 2 cliniques, rendant difficiles la standardisation des critères de participation et le fait d'avoir des groupes équilibrés pour des variables connues ou inconnues.

Il se peut que le fait de cacher l'intervention/exposition au chercheur ou aux sujets ne soit pas possible. Dans ces essais, il est important que le chercheur traite les évaluations de résultat de façon similaire pour chaque groupe. Une mauvaise prise en compte de l'entretien et de l'évaluation peut modifier les résultats. Une partie de l'entretien doit déterminer comment l'intervention a été réalisée ou quelle a été l'intensité de l'exposition à un agent causal. Si on ne cache pas l'intervention/exposition aux sujets, ils peuvent rapporter une histoire erronée fondée sur leur idée préconçue des résultats.

Dans le scénario sur l'hygiène, il peut y avoir un facteur inconnu qui a fait que les sujets ont participé ou non à l'étude. Les patients ont dû respecter leur rendez-vous à la clinique quand ils étaient sollicités. Ceux qui ne l'ont pas fait n'ont pas participé à cette étude ex-post-facto. Ceux qui l'ont fait étaient certainement plus motivés que les autres; cette motivation est vraisemblablement liée à la variable inconnue qui affecte souvent les résultats, c'est pourquoi les volontaires ont de meilleurs résultats que les non-volontaires (tabl. VII).

Étude cas-témoin

Question :les étudiants qui ont une mauvaise santé gingivale sont-ils moins susceptibles d'avoir reçu des instructions personnelles sur l'hygiène buccale (définies comme un enseignement dispensé par le personnel soignant qui utilise des modèles, des vidéos) pendant leur enfance ou leur adolescence que les étudiants qui ont une meilleure santé gingivale ?

Projet d'étude : des étudiants de première année de l'École militaire subissent des examens de la cavité buccale en vue d'un traitement dentaire complet. Tous les étudiants qui ont une mauvaise santé gingivale (définie comme un saignement au sondage de plus de 3 surfaces par quadrant) sont sélectionnés sur l'analyse de leur dossier puis sont personnellement interrogés sur leur précédente éducation à l'hygiène buccale. Ils sont intégrés dans un groupe « test ». Si le dossier de l'étudiant suivant celui retenu pour le groupe test indique qu'il a moins de 3 surfaces par quadrant qui saignent au sondage, cet étudiant peut faire partie du groupe contrôle. Les étudiants faisant partie de ce groupe sont personnellement interrogés sur leur précédente éducation à l'hygiène.

Dans cette étude de cas-témoins, l'intervention/exposition et les résultats se sont déjà produits. Les sujets sont choisis et répartis dans des groupes d'étude fondés sur la présence ou l'absence de résultat. Il s'agit habituellement d'une population fixe, et tous les sujets sont examinés pour une inclusion possible dans le groupe test. La sélection du groupe contrôle est réalisée de façon systématique, mais cette méthode d'engagement du sujet est susceptible de créer une répartition inégale des variables connues et inconnues entre les 2 groupes. Les sujets sont interrogés sur leur histoire liée à l'intervention/exposition. Bien que l'on puisse examiner les sujets pour confirmer les résultats, comme dans le sondage sur échantillon ou l'étude ex-post-facto, les premiers moyens pour identifier les sujets afin de les inclure dans l'étude viennent de leurs antécédents médicaux. De nombreuses études ont montré que le désaccord clinique se produit pendant les examens dentaires ou médicaux de routine et que des omissions dans les dossiers cliniques sont fréquentes. Les données cliniques enregistrées pendant les examens dentaires de routine qui ont été utilisées pour identifier la population susceptible d'être intégrée dans l'étude peuvent être incomplètes dans le domaine d'intérêt concerné (indices de saignement), donc les étudiants dont les renseignements sont incomplets ne peuvent pas être pris en considération pour l'étude. Dans le scénario sur l'hygiène, on pourrait réexaminer les étudiants pour confirmer les résultats sur le saignement et savoir dans quel groupe le sujet devrait être placé, mais le résultat peut avoir changé en raison des interventions dentaires supplémentaires ayant pu survenir depuis l'examen initial.

Après l'inclusion dans l'étude, l'évaluation du résultat repose sur la qualité de l'histoire donnée par le sujet et sur la méthode de recueil de cette histoire par l'enquêteur. Le fait de ne pas pouvoir cacher au chercheur et au sujet le but de l'étude, la difficulté d'assurer des techniques d'interrogatoire identiques et l'incapacité à s'assurer que le sujet se souvient précisément de l'intervention/exposition sont aussi des faiblesses dans cette étude rétrospective (tabl.VIII).

Groupe D

Les éléments clés sont les suivants :

- l'exposition à l'intervention ou au facteur causal supposé ne dépend pas du chercheur ;

- il n'y a pas de groupe de contrôle ;

- les résultats peuvent être présents au moment de l'engagement dans l'étude. Il y a 2 projets d'étude :

- une étude descriptive comprenant

une évaluation de l'exposition chez des patients qui ont l'effet considéré et une évaluation du résultat chez des patients qui ont subi l'exposition considérée ;

- une opinion d'expert.

Étude descriptive (sujets qui présentent l'effet considéré)

Question : dans un cabinet privé, quelle proportion de patients qui ont une bonne santé gingivale (définie comme un indice faible de saignement) a reçu des instructions professionnelles sur l'hygiène buccale par du personnel formé en dentisterie ?

Projet d'étude : tous les nouveaux patients qui sont allés dans un cabinet privé l'année dernière et qui avaient un indice de saignement faible pendant l'examen initial (moins de 3 surfaces qui saignent par quadrant au sondage) ont été identifiés. Une étude a été réalisée pour déterminer quelle proportion de patients avait reçu une instruction sur l'hygiène buccale et quelles techniques avaient été utilisées.

Dans une étude descriptive de ce type, le but est d'examiner une population fixe de patients dans laquelle les résultats et les interventions/expositions se sont déjà produites. Le rassemblement des données est rétrospectif et est fait sous forme de sondage. Dans le cas du scénario sur l'hygiène, les patients sont identifiés à partir des dossiers remplis pendant les examens dentaires initiaux. Les sujets qui présentent le critère considéré (faible indice de saignement) sont interrogés pour déterminer s'ils ont reçu des instructions sur l'hygiène buccale antérieurement. Ces instructions peuvent venir d'émissions télévisées, d'enseignants, de membres du personnel formé en dentisterie et des parents. Dans cette étude, tous les sujets présentent le critère retenu et la proportion de ceux qui ont reçu une instruction dentaire personnelle par rapport à ceux qui n'en ont pas reçu peut être déterminée. Parce qu'il existe de nombreuses méthodes d'instruction, on peut déterminer quelles sont les plus fréquentes. La meilleure méthode ne peut pas être déterminée car tous les sujets ont rempli le critère retenu (faible indice de saignement). Les personnes qui ont eu un indice de saignement plus élevé n'ont pas été incluses dans la population étudiée.

Étude descriptive (sujets qui ont subi l'exposition considérée)

Question : parmi les lycéens de terminale qui ont reçu des instructions directes sur l'hygiène buccale en seconde, quelle proportion a une bonne hygiène gingivale lors de la visite dentaire de contrôle annuelle ?

Projet d'étude : un groupe de lycéens de terminale a été identifié. Ils étaient connus pour avoir reçu des instructions sur l'hygiène buccale lors de cours sur la santé pendant leur année de seconde (ce qui leur permettait de s'exercer physiquement à des techniques de brossage et de nettoyage au fil dentaire). Ils ont été interrogés pour déterminer quelles étaient leurs pratiques d'hygiène courante, et un examen buccal a été réalisé pour déterminer dans quelle proportion ils avaient moins de 3 surfaces qui saignaient par quadrant au sondage.

Dans cette étude descriptive, l'exposition considérée s'est produite dans une population fixe. Le groupe est identifié par le fait que l'exposition est connue pour s'être produite. Les sujets disponibles sont ensuite examinés pour déterminer la proportion de sujets qui a eu le résultat considéré. Dans le cas du scénario sur l'hygiène, les sujets ont été examinés pour le résultat considéré, mais comme il s'agit d'une question clinique, le résultat et l'exposition considérés peuvent être déterminés par un examen.

Aucun groupe contrôle n'est utilisé dans aucun des types d'études descriptives, mais quand ces essais sont publiés, ils sont souvent comparés à d'autres études descriptives qui servent de « groupes témoins historiques » Ces groupes témoins historiques peuvent venir de la même institution à une date antérieure ou de précédents rapports de recherche. Pour ces études descriptives, la comparaison avec des faits connus ou des groupes témoins historiques permet de savoir si les résultats sont meilleurs ou pires qu'avec une autre intervention. Une population fixe est identifiée pour l'inclusion dans l'étude ; cependant, l'exposition ou le résultat ont pu se produire longtemps auparavant. La population entière peut ne pas être disponible pour l'examen à un moment donné ou pour un deuxième examen. Cela pose un problème de sujets « perdus de vue » lorsqu'il s'agit de déterminer la proportion des sujets effectifs. S'il y a un nombre important de sujets « perdus de vue » qui sont morts, ont déménagé ou ont refusé de participer, alors la proportion finale de l'étude n'est pas une représentation vraie du résultat sur la population. Ces derniers résultats faussés peuvent suggérer qu'une thérapie est meilleure ou pire qu'elle n'est réellement.

Parce que l'inclusion des sujets dans l'étude se fait en fonction de l'identification de ceux qui ont eu soit l'exposition soit le résultat considérés, il est nécessaire d'utiliser des dossiers existants pour l'identification. Ces informations peuvent ne pas figurer dans les dossiers, par conséquent un pourcentage de la population peut être éliminé de l'étude par manque d'informations. S'il s'agit d'un nombre important de sujets éliminés de l'étude en raison d'informations inadéquates, alors la proportion finale des sujets affectés rapportés dans l'étude n'est pas une vraie représentation de la population. Ce nombre de sujets omis peut ne pas être précisé, par conséquent il peut être difficile d'évaluer la nature douteuse de ces proportions finales. Le sérieux avec lequel le chercheur recrute des sujets disponibles et examine les sujets qui sont trouvés est un biais qui affecte ce type de recherche.

Toutes les études descriptives ne sont pas rétrospectives. Des études descriptives pourraient inclure une série définie de sujets traités et suivis de façon prospective. Dans ce projet, un protocole standard peut être établi, les sujets « perdus de vue » et les informations incomplètes peuvent être contrôlés. Le lecteur doit avoir une approche critique de ces protocoles, car le biais peut contaminer les données, en dépit du caractère prospectif de l'étude. Un biais possible peut survenir si les évaluations de résultat sont réalisées par les cliniciens qui ont fait le traitement, si on ne cache pas aux évaluateurs le traitement appliqué ou si ces derniers ne sont pas formés aux techniques de mesure. Plus le biais est contrôlé, plus les résultats sont significatifs. Ces données peuvent servir à informer un patient intéressé sur la possibilité qu'un résultat particulier survienne, s'il choisit de recevoir une thérapie particulière.

Dans les études descriptives rétrospectives, l'absence de standardisation est une faiblesse sérieuse ; cela comprend les critères d'inclusion, le procédé de manipulation, l'évaluation des résultats et des interventions associées. L'absence de toute standardisation entre le groupe d'étude et le groupe historique de contrôle est une faiblesse encore plus grande. Il semble que l'on soit incapable de tirer des conclusions correctes concernant l'efficacité entre traitements avec une étude descriptive. La seule exception est l'exemple, rare, où le résultat est universellement mauvais et où la manipulation offre une amélioration considérable par rapport à n'importe quel autre traitement connu (tabl. IX).

Opinion d'expert

Devenir performant dans l'évaluation des publications est nécessaire pour permettre au praticien d'aujourd'hui de fournir le meilleur traitement à son patient. Il existe une autre forme d'évaluation des informations sur les résultats qui peuvent se produire lors de la carrière du praticien. Cela est communément décrit comme de l'expérience clinique ou de l'intuition. L'expérience clinique implique une évaluation personnelle des conditions et des réponses aux traitements journaliers du patient. Une grande partie des publications en médecine et dentisterie est réservée à une telle étude de cas. Ces observations qui viennent de ces traitements journaliers, de leurs choix et de leurs résultats (sans traitement de contrôle) doivent être analysées en fonction des forces et faiblesses liées à la prise de décisions.

Les cliniciens sont plus confiants et affinent leurs traitements à travers la répétition et l'observation des effets cliniques. Cela est particulièrement vrai avec les procédures thérapeutiques. Le fait de mal réaliser une procédure plus efficace peut ne pas offrir de meilleurs résultats cliniques que le fait de réaliser excellemment une thérapie moins efficace. La catégorie « opinion d'expert » inclut des données qui viennent de cas cliniques, de séries de cas non répertoriés et de regroupements de résultats de traitements. Les vecteurs utilisés pour rapporter ces trouvailles sont souvent des conférences, des notes dans des prospectus dentaires et des rapports de cas dans des journaux. Parce que ces rapports ne viennent pas de traitements contrôlés, les cliniciens ne devraient pas considérer ces informations comme suffisantes pour évaluer l'efficacité des thérapies. Une stratégie commune de l'opinion d'expert est : « Je réalise la procédure qui me réussit le mieux. » Ce genre de philosophie de traitement peut offrir d'excellents résultats individuels, mais il est possible que les patients ayant des problèmes semblables soient traités différemment selon qu'ils sont entre telles ou telles mains. L'ajout de l'analyse critique des publications et de la dentisterie fondée sur des preuves à cette stratégie ferait : « Je cherche les publications qui fournissent la meilleure preuve pour valider une thérapie, et ensuite je deviens très compétent dans cette modalité thérapeutique. »

Essais contrôlés randomisés et autres protocoles de recherche

Si les essais prospectifs, contrôlés et randomisés offrent la meilleure preuve possible pour déterminer la vérité sur la manipulation ou l'exposition, pourquoi d'autres projets d'étude s'infiltrent-ils dans les publications dentaires ? Les essais contrôlés randomisés peuvent être les plus chers à mettre en place. Les coûts augmentent avec la complexité de la manipulation et avec le temps passé à suivre le patient pour observer un résultat. Le fait d'assurer une standardisation dans tous les aspects de l'essai est important pour contrôler les biais, et cela s'ajoute au coût de l'essai. Cependant, on devrait également considérer ce que cela coûte à la profession et au patient (financièrement et personnellement) pour les années de soin qui pourraient être moins efficaces. Les essais contrôlés randomisés peuvent terriblement changer la pratique clinique.

Dans le cas d'expositions nocives qui se produisent en raison d'un style de vie ou d'accidents liés à l'industrie ou à la nature, l'éthique des services de santé écarte volontairement la possibilité d'infliger à une personne une exposition nocive pour en étudier le résultat possiblement nuisible. (Des événements nocifs peuvent se produire comme effets secondaires de thérapies. Quand une comparaison de traitements est envisagée dans un essai contrôlé randomisé, le patient est informé des effets secondaires possibles liés au traitement et les effets indésirables sont suivis de près. Quand une comparaison des effets indésirables et de l'efficacité des traitements est réalisée dans le même essai, l'information issue de cet essai est très puissante dans la prise de décision finale du traitement pour déterminer le risque thérapeutique face au bénéfice pour les patients suivants [3].) Les études prospectives de cohortes (groupe B), pour les expositions nocives, offrent la possibilité de standardiser le régime de suivi et l'évaluation du résultat et, par conséquent, augmentent la confiance à accorder aux résultats de l'étude. On peut comprendre la raison attrayante qui fait que l'on étudie des sujets pour lesquels il est probable que les résultats et l'exposition nocive soient déjà présents (groupe C). Après tout, on n'a comme autre possibilité que d'attendre que l'événement nocif se produise à nouveau dans une autre population de patients et de suivre les sujets dans l'avenir. Il est évident, cependant, que les risques de conclusions erronées sont plus importants dans les études du groupe rétrospectif C. Les projets d'étude du groupe C sont plus faciles à réaliser et sont souvent les seuls disponibles et utilisables pour les décideurs qui doivent établir les lignes directrices pour la sécurité de l'industrie et la prévention de toute blessure individuelle. (La plupart des données sur les implants mammaires en silicone et les anomalies auto-immunes associées et/ou les anomalies des tissus conjonctifs sont venues des études de groupe C. Cela explique probablement les résultats contradictoires d'études et le doute des patients et des médecins.) Quand les études des groupes B et C sont bien menées, sont concordantes et qu'elles sont disponibles, les cliniciens peuvent avoir plus confiance dans leurs résultats. Il faudrait remarquer qu'il a fallu des décennies d'études de cas-témoins, d'études sur échantillon et d'études de groupes, dans de nombreux pays, pour que les effets nocifs du tabagisme soient répertoriés et classés pour la plus grande satisfaction de la science.

Malheureusement, une bonne partie des publications de dentisterie utilise les projets des groupes B, C et D qui épousent des régimes thérapeutiques spécifiques. On peut dire qu'il y a des milliers de patients déjà traités qui sont disponibles pour l'évaluation du résultat, et « il semble que ce soit un gâchis que de ne pas utiliser toutes ces données ». Quand ces projets de recherche sont examinés à la lumière des avantages et des inconvénients décrits dans cet article, on comprend clairement pourquoi il y a toujours des rapports contradictoires liés à la longévité des prothèses partielles fixées, au traitement prothétique des dents dépulpées et à la justification de remplacer les dents distales aux prémolaires. Le plus grand intérêt des rapports des groupes de recherche B, C et D est qu'ils offrent l'expérience et la connaissance sur la manipulation et le résultat pour aider au projet de l'essai contrôlé randomisé définitif. En examinant ces rapports, il sera possible pour les chercheurs cliniques d'accroître la validité interne et externe dans un essai contrôlé randomisé ultérieur. Les études précédentes :

- donneront une idée des critères d'inclusion pour l'engagement ;

- délimiteront les problèmes éventuels qui pourraient contrarier la standardisation des manipulations et des évaluations du résultat ;

- délimiteront le temps à respecter pour voir les effets du traitement ;

- suggéreront des interventions associées et des variables susceptibles d'être présentes dans les populations étudiées.

Titre original : Hierarchy of research design used to categorize the « stregth of evidence » in answering clinical dental questions. J Prosthet Dent 2000;83(3):137-152. Traduit et reproduit avec l'aimabl e autorisation de Mosby. Merci de ne pas reproduire, quel qu'en soit le motif, sans l'autorisation de l'éditeur.

bibliographie

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  • 4 Tugwell P, Bennet K. Classification of design architecture. Evidence-based workshop handout. Hamilton (Ontario) : McMaster University Department of Clinical Epidemiology, 1984.
  • Feinstein AR. Clinical epidemiology: the architecture of clinical research. Philadelphia : WB Saunders, 1985.
  • Fletcher RH, Fletcher SW, Wagner EH. Clini cal epidemiology: the essentials. 3rd ed. Balti-more : Williams Wilkins, 1996.