Évolution des bridges collés pour le remplacement d'une dent antérieure - Cahiers de Prothèse n° 124 du 01/12/2003
 

Les cahiers de prothèse n° 124 du 01/12/2003

 

Prothèse fixée

Gérard Aboudharam *   Tran Hung Lam **   La Vu Dang ***   Karen Illouz ****  


* MCU-PH
** Attaché hospitalier associé
*** Attaché hospitalier associé
**** Attaché hospitalier
Unité d'odontologie conservatrice
Service d'odontologie Marseille-Centre
UFR d'odontologie Marseille
Université de la Méditerranée
17-19, boulevard Mireille-Lauze
13010 Marseille

Résumé

Le remplacement d'une dent antérieure impose quelquefois des préparations corono-périphériques ou la réalisation d'une prothèse sur implant. Dans la perspective d'une dentisterie a minima et de l'économie tissulaire, le concept des bridges collés est né dans les années 1970. Conventionnellement, le métal était le plus apte à être utilisé pour réaliser l'armature. De nouveaux matériaux ont permis la réalisation de bridges collés en composite renforcé par des fibres de verre (FRC). Ces matériaux, aussi bien par leur comportement mécanique que leur aspect esthétique, viennent se substituer avantageusement aux bridges collés en métal. Les avantages que l'on tire de la continuité dans le collage entre émail, dentine, composite d'assemblage, matrice polymère de la restauration prothétique et enfin les fibres de verre qui constituent l'armature permettent de penser qu'une excellente cohésion est restituée à l'ensemble. On observe une réduction et une simplification des préparations pour ce type de restaurations qui contribuent à l'économie tissulaire. Une diminution du nombre de dents piliers permet de mieux respecter la fonction des dents. Même si des inconnus subsistent encore sur le vieillissement à terme de ces restaurations, que ce soit au niveau esthétique, du joint de colle ou du composite qui enrobe les fibres de verre, les premières évaluations cliniques paraissent aujourd'hui valider cette technique. Enfin, si ce type de restauration permet aisément de remplacer une seule dent, quelques cas de remplacement de plusieurs dents sont rapportés, mais doivent être interprétés avec prudence dans la pratique. Ces matériaux « technique-dépendants » doivent être manipulés avec une grande rigueur, aussi bien au laboratoire que dans leur mise en œuvre clinique, pour réduire encore le peu d'indications qui subsistent aujourd'hui pour le métal dans ces situations cliniques. Ces matériaux sont certainement destinés à un avenir prometteur.

Summary

Evolution of bonded bridges for the replacement of an anterior tooth

The replacement of an anterior tooth sometimes imposes corono-peripheric preparations or the realisation of a implant-supported prosthesis on implant. In the perspective of a minimum dentistry or of the tissue economy, the concept of bonded bridges appeared in the 1970s. Conventionally, metal was used for the realization of the frame. New materials allowed the realisation of bonded bridges in composite reinforced by fiberglass (FRC). Those materials - as much by their mechanical reaction as by their aesthetic aspect - are favourably substituting for the bonded metal bridges. The advantages that are with-drawn in the continuity in the bonding between enamel, dentine, assembling composite, polymeric matrix of the prosthetic restoration and finally the fiber glass which constitutes the frame imply that an excellent cohesion is restored to the whole set. A reduction and a simplification of the preparations for this type of restorations which contribute to the tissue economy can be observed. A decrease of the number of the abutment teeth allows to respect the function of the teeth better. Even if there are still unknown factors on the durability of these restorations on the long term, whether this concerns the aesthetics or the joint or the composite which covers the fiber glass, the first clinical assessments seem to validate this technique today. Finally, if this type of restoration easily allows to replace one tooth, only some cases of replacements of several teeth are mentioned, but they have to be interpreted with much care in the practice. These « technique-dependent » materials must be manipulated with great precision, in the laboratory as well as during the clinical implementation stage to reduce furthermore the few indications which subsist today for the metal in these clinical situations. These materials are certainly meant for a promising future.

Key words

bonding, bridge, composite, fiber glass

La formation d'un odontologiste prévoit l'acquisition de connaissances théoriques et l'apprentissage de techniques sophistiquées. En fonction de l'analyse des cas cliniques, ces connaissances et techniques sont mises en œuvre. Parmi les éléments qui guident les choix thérapeutiques, d'autres paramètres peuvent influer : l'expérience du praticien et le recul clinique acquis. Il convient cependant de ne pas adapter le plan de traitement aux techniques maîtrisées, mais plutôt d'adapter les techniques aux situations cliniques rencontrées en s'appuyant sur les connaissances et l'expérience. En matière d'économie tissulaire, nous avons évolué en acquérant de nouvelles procédures et en apprenant la manipulation de nouveaux outils. L'exemple de l'odontologie restauratrice est significatif : pour préserver le potentiel futur de la dent, une dentisterie la moins invasive possible s'est développée avec les collages et le concept des cavités a minima [1, 2]. À l'inverse, l'implantologie a, ces dernières années, considérablement modifié les plans de traitement. Il arrive parfois de sacrifier certaines dents dont le potentiel, pris isolément, n'est pas véritablement remis en cause, mais dont la conservation peut compromettre un plan de traitement global implantaire. Ceci semble a priori contraire à une économie tissulaire, mais cette attitude évite quelquefois des prothèses amovibles et a pour conséquence une moindre sollicitation des dents restantes : il s'agit bien, en fait, d'une économie tissulaire maximale à terme.

Pour le remplacement d'une seule dent antérieure, le bénéfice des collages et une adaptation de la technique initiée par Rochette [3], complétée plus tard par Livaditis et Thompson [4], convergent dans le sens de cette économie tissulaire. Le concept des « bridges collés » évite des préparations corono-périphériques ou la réalisation d'une prothèse sur implant dont l'indication n'est pas toujours possible.

Conventionnellement, le métal est le plus apte à être utilisé pour l'armature des bridges collés, mais les fibres synthétiques employées depuis plus de 30 ans en odontologie [5-7] ont pris une place importante et peuvent remplacer avantageusement le métal. L'utilisation des fibres de verre, noyées dans une matrice résineuse, a permis la réalisation de petits bridges postérieurs [8, 9], d'éléments unitaires et plus récemment d'attelles de contention [10]. Ces fibres ont prouvé, par le recul clinique dont on dispose maintenant, leur intérêt et leur fiabilité. Ces réalisations ont offert aux praticiens de nouvelles solutions thérapeutiques moins invasives, plus efficaces et esthétiques auxquelles le métal ne répondait que partiellement.

L'opportunité d'utiliser ce matériau pour le remplacement d'une dent antérieure en raison de ses propriétés mécaniques, son aspect esthétique et sa facilité de mise en œuvre s'avère intéressante depuis plus de 5 ans. Le développement de cette application, économique sur le plan tissulaire et qui montre un recul clinique satisfaisant, a conduit vers la rationalisation de cette technique.

Cet article décrit, à partir de plusieurs cas cliniques, les indications et les limites de ces réalisations, tout en répondant aux questions suivantes : quelles formes de préparations choisir ? Quel protocole de collage adopter ? Quelles sont les limites de l'utilisation de ces fibres synthétiques ?

Remplacement d'une incisive centrale mandibulaire

Cas n° 1

Madame A s'est présentée à la consultation pour le remplacement de ses incisives mandibulaires lactéales. Leur anatomie et leur aspect disgracieux incitent cette patiente à leur remplacement (fig. 1). L'évaluation radiologique des dents montre une agénésie des incisives permanentes et impose l'extraction des incisives lactéales compte tenu de la faible valeur prothétique des racines. L'espace disponible, réduit pour le remplacement de ces 2 incisives, révèle la difficulté à concevoir une prothèse de remplacement de ces 2 dents.

Choix du type de prothèse de remplacement

Avant d'envisager la solution thérapeutique, l'examen soigneux des moulages et la réalisation d'un « wax-up » permettent de visualiser l'espace disponible et l'aspect esthétique le plus favorable. Après examen des maquettes en cire, il s'avère que le comblement de l'espace édenté par 1 ou 2 dents (fig. 2a et 2b) est possible. La solution de remplacement plurale impose néanmoins un déplacement orthodontique des incisives latérales.

• La solution implantaire n'est pas retenue : l'intervalle disponible est insuffisant pour remplacer 2 incisives, tout en leur restituant un espace biologique nécessaire à la pérennité des restaurations. Une prothèse unitaire sur implant est écartée pour un profil d'émergence souvent disgracieux au niveau des incisives inférieures. Les racines artificielles, même de diamètre réduit, sont souvent trop larges au niveau de leur base.

• La possibilité d'un bridge conventionnel est étudiée : les incisives latérales peuvent constituer des piliers d'ancrage suffisamment solides, mais ce type de construction prothétique impose une mutilation importante des dents. La réalisation d'embrasures accessibles au nettoyage au niveau des espaces 33/32 et 43/42 paraît difficile compte tenu de la proximité radiculaire. Les préparations corono-périphériques de 33 et 43 pourraient impliquer une pulpectomie de ces dents. Cette solution est également écartée.

• Le bridge collé est retenu pour la faible mutilation qu'imposent les préparations. Le choix de 2 dents intermédiaires est écarté pour l'économie du traitement orthodontique, pour l'aménagement d'embrasures accessibles au nettoyage et pour l'esthétique satisfaisante obtenue avec une seule dent (fig. 3).

Formes de préparation et aspect mécanique

Les préparations requises pour les attelles permanentes en métal ont fait l'objet de consensus [11, 12] et permettent de pallier les problèmes de décollement [13]. C'est un véritable clavetage de l'attelle sur les préparations qui est obtenu avec les macro-rétentions. Le schéma d'une attelle permanente métallique montre la géométrie des préparations de 3 types : cannelures latérales, gorge périphérique et puits stabilisateur. Ces préparations peuvent être conjuguées en fonction des rétentions recherchées, de la place dont on dispose et de la proximité pulpaire (fig. 4a).

Le recul clinique acquis par les matériaux en composite renforcé par des fibres de verre (FRC) du type Targis® Vectris®(Ivoclar-Vivadent) a plus de 5 ans [10] dans l'indication d'attelle de contention. Il a donc encouragé leur utilisation pour la confection de petits bridges collés antérieurs. Outre ses qualités esthétiques, une autre particularité de ce matériau est la dépendance vis-à-vis de la géométrie des fibres, en particulier de leur orientation [14]. Cette propriété, appelée anisotropie, leur permet de se comporter différemment selon la direction des forces appliquées et donc de permettre une meilleure absorption des contraintes considérées. Au-delà de cette élasticité relative, la continuité du collage entre l'émail, la dentine, le composite d'assemblage, la matrice polymère de la restauration prothétique et enfin les fibres de verre qui constituent l'armature induit une excellente cohésion à l'ensemble.

Les formes de préparation sont donc considérablement simplifiées, comparées aux préparations nécessaires pour les attelles bridges métalliques (fig. 4b). Elles consistent à réduire la face palatine ou linguale. Cette réduction atténue le relief de ces faces et ménage la place nécessaire pour éviter un surcontour important. Puis, au niveau de la zone de contact, une gorge est réalisée. Cette gorge ne constitue pas véritablement un facteur de rétention, mais permet d'insérer, lors de la réalisation de l'armature, des fibres horizontales qui vont donner la rigidité nécessaire au bridge. Il faut noter que cette gorge est légèrement élargie au niveau de la zone intermédiaire pour renforcer la prothèse à ce niveau.

Nombre de piliers

Aucune étude à ce jour ne préconise de règles précises sur le nombre de piliers à inclure dans un bridge collé. Seules des études sur les taux de survie pour ce type de prothèse [15] sont rapportées. Le taux de survie de ces attelles métalliques, de 74 % à 4 ans [16], opposé à celui de prothèses conventionnelles (bridges et couronnes), de 74 ±2,1 % après 15 ans [17], montre toute la difficulté à concevoir ces restaurations. Les interfaces collées sont soumises à des sollicitations fonctionnelles plus ou moins intenses en fonction des mouvements s'effectuant dans les trois directions spatiales (cisaillement, flexion, torsion) [18]. Les contraintes peuvent avoir raison du collage malgré les artifices de rétention. Le caractère isotrope, homogène du métal, représente, dans ce cas, un désavantage. C'est par son élasticité relative que ce type de matériau représente une avancée, comparé aux bridges collés métalliques.

Néanmoins, quelle que soit la nature du matériau utilisé, on évolue vers une réduction du nombre de piliers pour les bridges collés afin de mieux respecter la fonction. L'augmentation du nombre de piliers ne compense pas la sollicitation mécanique à laquelle sont soumises les dents piliers [19]. Notons cependant que les risques de décollement augmentent lorsque le parodonte est affaibli, car l'amplitude de mouvement des dents est plus importante. Pour le cas de notre patiente, le choix d'un seul pilier de part et d'autre de la zone édentée a été fait. L'absence de problèmes parodontaux, de mobilité n'a pas justifié d'inclure d'autres piliers dans ce bridge collé.

Protocole de collage

Le collage est une étape délicate de la réalisation. Le protocole est le même que celui des restaurations indirectes en composite ou en céramique. Il prévoit la préparation de la surface dentaire en fonction du système adhésif choisi et celle de l'intrados de la prothèse. Le choix du système est guidé par la performance du système, le faible risque d'erreur de positionnement et la facilité de mise en œuvre.

Il est difficile de choisir un système adhésif tant le nombre d'études in vitro est abondant et le nombre de paramètres étudiés important. Néanmoins, les résultats obtenus en laboratoire corrélés à ceux enregistrés en clinique permettent de prévoir l'efficacité clinique [20]. Une étude récente réalisée in vitro n'a pas montré de différences significatives :

- de performance entre 11 systèmes adhésifs sur l'adhésion à la dentine, excepté les « self etching » en 1 ou 2 étapes [21] ;

- de dégradation à 15 mois de différents systèmes [22].

Une autre étude sur les performances des différents types de système adhésif corrobore ces résultats et classe en dernière position les « self etching » [23].

Les systèmes adhésifs à 3 composants (conditionneur acide, primaire, et résine adhésive) dans leur version chémopolymérisable (Allbond 2® de Bisico, Scotchbond Multipurpose Plus® de 3M Espe) conviennent : la polymérisation de l'adhésif intervenant uniquement après l'insertion de la pièce prothétique, le risque d'erreur de positionnement est théoriquement nul.

Les systèmes adhésifs prévoyant un mordançage total de la dentine et de l'émail, à 2 composants (One-Step-Plus® de Bisico, Scotchbond 1® de 3M Espe, Optibond Solo Plus® deKerrhawe), conviennent également pour la faible épaisseur du film adhésif et la réduction du nombre d'étapes.

Les systèmes adhésifs en deux temps qui polymérisent en mode « dual » (Excite DSC® d'Ivoclar-Vivadent) réduisent le nombre d'étapes et évitent les erreurs de positionnement. Ces systèmes ont montré in vivo des mécanismes d'adhérence et une formation de couche hybride comparables aux autres systèmes [24]. Ils paraissent être une bonne orientation. Mais, plus que le choix du système adhésif, il faut noter la grande sensibilité à l'utilisation de ces matériaux. Une bonne connaissance des procédures et une rigueur dans leur utilisation sont donc essentielles.

Pour les cas présentés, c'est un système avec un mordançage amélo-dentinaire photopolymérisant, à 2 étapes, qui a été choisi.

Les différentes étapes

Mise en forme et enregistrement de l'empreinte

Les préparations sont réalisées à l'aide d'une fraise biconvexe qui aplanit la face linguale, en atténuant le relief. L'attelle aux endroits les plus fins aura 2 à 3/10 mm d'épaisseur. On accepte son léger surcontour pour être le moins invasif possible. L'amorce de la gorge centrale est réalisée avec une fraise boule de 14/10 mm, puis la structure de cette gorge est précisée avec une fraise tronconique à bout arrondi. La zone de jonction avec l'élément intermédiaire est élargie pour augmenter la quantité de fibres horizontales au niveau de l'élément intermédiaire. Une prise d'empreinte avec un matériau silicone par addition est réalisée en double mélange.

Principales étapes de laboratoire

Un moulage de travail provenant de cette empreinte, coulé en plâtre de type IV, permet d'apprécier l'enregistrement intégral des faces linguales des incisives mandibulaires. Une réplique issue du maître moulage a été réalisée de la même façon. Le formage de l'armature de l'attelle devant se faire sous pression dans le four Vectris VS1® (Ivoclar-Vivadent), le moulage de travail est séparé des incisives en distal (zone de limite de l'attelle) pour que la concavité de la zone ne soit pas un inconvénient pour le formage. Une maquette en cire de l'armature est réalisée pour guider le formage, en particulier au niveau de la zone intermédiaire (fig.5). La partie du moulage sur laquelle le technicien travaille est incluse dans un matériau silicone de façon à guider la pressée au moment du formage. La maquette en cire est ensuite éliminée. Un treillis de fibres horizontales est constitué (fig. 6 et 7), puis l'ensemble est recouvert d'un maillage de fibres de façon à répartir uniformément les contraintes.

L'armature finale obtenue constitue une infrastructure rigide et solide qui garde néanmoins cette élasticité relative qui fait l'originalité de ce type de matériau (fig. 8). La partie relevant de l'esthétique est alors élaborée. Les différentes teintes qui composent le système permettent de restituer une anatomie naturelle (fig. 9). La dernière étape consiste en un nettoyage à la vapeur et un sablage de l'intrados à 3 bars de pression avec de l'alumine à 50 μm.

Principales étapes cliniques

• Préparation du bridge

Après vérification de l'adaptation et du rendu esthétique du bridge collé, le champ opératoire est mis en place. Le bridge est à nouveau essayé avec le champ opératoire pour un dernier contrôle de son insertion (fig. 10). Celui-ci étant jugé satisfaisant, on passe à l'étape de collage suivant le protocole des restaurations indirectes en matériau composite. La préparation de l'attelle consiste en une décontamination à l'acide orthophosphorique à 37 %. Il ne paraît plus nécessaire de préparer l'intrados du bridge avec de l'acide fluorhydrique. En effet, le gain de rétention est très théorique puisqu'il s'agit d'un matériau en résine composite contenant des particules de céramique. En outre, le microsablage crée des rétentions suffisantes. Après un rinçage soigneux, un silane Monobond S® (Ivoclar-Vivadent) est déposé. Puis, l'adhésif One Step® (Bisco) est appliqué, soufflé délicatement pour une meilleure répartition et polymérisé durant 10 secondes.

• Préparation des dents

Au niveau des dents, le protocole suivant est effectué : nettoyage des surfaces dentaires à l'aide de pierre ponce pulvérulente en solution aqueuse, puis mordançage des surfaces amélo-dentinaires à l'aide d'acide orthophosphorique à 37 %, rinçage, application de l'adhésif One Step® (Bisco) et photopolymérisation de 10 s.

L'assemblage est effectué avec un composite de collage qui polymérise en mode « dual » : le Variolink® II (Ivoclar-Vivadent). Il aurait pu se faire avec un système adhésif de la même classe tel que Calibra® (Dentsply De Trey) ou bien Choise® (Bisco). Le bridge est mis en place et maintenu fortement sur les dents. Les excès importants du matériau sont éliminés à l'aide du fil dentaire de Superfloss® (Oral-B) et de pellettes de coton avant polymérisation (fig. 11). La polymérisation est ensuite effectuée sur toutes les faces accessibles.

• Finitions

Elles constituent une partie importante du travail, même si pour ce cas, les étapes de finition ont été réduites. Notons que des excès de composite de collage non éliminés peuvent constituer soit des points d'accrochage pour la plaque bactérienne, ce qui entraîne un vieillissement prématuré du joint, soit un point de départ de caries. On veille à une bonne finition des embrasures. Ces étapes sont effectuées à l'aide de disques à polir Pop-On Soft-Lex® (3M Espe), de coffrets de polissage Polityp Fet P® (Ivoclar-Vivadent), Enhance® (De Trey Dentsply).

Quand le polissage des bords est terminé, on applique une résine de liaison de faible viscosité Fortify® (Bisico) sur tout le joint de colle après un mordançage à l'acide orthophosphorique. L'application de cette résine non chargée a pour but de combler d'éventuelles microporosités de surface, dues au polissage et de sceller les marges de l'attelle. L'aspect final de la restauration montre une intégration esthétique satisfaisante (fig. 12 et 13).

Remplacement d'une incisive centrale maxillaire

Cas n° 2

Madame B s'est présentée à la consultation avec une attelle de « fortune », réalisée en urgence au niveau de 11 et 21, suite à un traumatisme au niveau de 21 (fig. 14). L'analyse radiographique, le niveau de la fracture de 21, la mobilité du fragment coronaire imposent l'extraction de cette dent. La solution collée est rapidement évoquée. Cependant, compte tenu des obturations inadaptées, de la mobilité de la dent 12, une solution provisoire est adoptée. La couronne de la dent aménagée en facette est collée sur une attelle en fibres de polyéthylène : Ribbond® (Bisico) (fig. 15 et 16). Cette solution d'attente permet de réhabiliter les dents concernées par les obturations débordantes (fig. 17) et de mettre en œuvre des techniques d'éclaircissement (fig. 18). La réévaluation de l'ensemble des dents antérieures permet quelques semaines plus tard de poser l'indication d'un bridge collé pour remplacer la 21.

Esthétique et vieillissement des reconstitutions

Remplacer une incisive centrale maxillaire est un challenge esthétique. L'utilisation d'armature en métal pour les bridges collés permet de concevoir les dents intermédiaires en céramique, matériau dont on connaît la valeur esthétique. Mais si les résultats sont parfaits sur le plan de la réalisation technique, ils sont parfois décevants en termes esthétiques. Malgré les nombreuses teintes proposées dans les coffrets de résine de collage, on observe souvent une modification de la teinte des dents piliers d'ancrage. Pour éviter ces modifications d'aspect, des résines de collage ayant un fort pouvoir opacifiant sont utilisées, mais elles présentent l'inconvénient de modifier la translucidité des dents. Les reconstitutions en FRC permettent de restituer couleur et translucidité. Une solide connaissance du matériau et de sa manipulation pour nos techniciens de laboratoire permet de redonner les nuances des dents naturelles. Même si des modifications de couleur du composite qui enrobe les fibres peuvent être observées [25], une longévité raisonnable pour ces prothèses peut être escomptée grâce à une bonne maintenance. Le recul acquis par d'autres auteurs [26] et l'observation du vieillissement des marges des restaurations statistiquement acceptable [27] confirment les reconstitutions en FRC comme étant une alternative satisfaisante au métal. Il appartient au praticien de poser l'indication de ces réalisations avec discernement : des habitudes tabagiques peuvent entraîner des colorations non souhaitables, particulièrement du joint de colle. Cela ne constitue pas une contre-indication formelle, mais relative. Les parafonctions contre-indiquent également ces restaurations.

Pour la réalisation présentée, le même protocole de collage que celui du cas précédent est adopté. Les dents 11, 22 et 23 sont incluses comme piliers de bridge (22 présentant une mobilité résiduelle). Notons que pour ce cas, les préparations sont plus sévères (fig. 19). La méconnaissance du matériau pour cette indication a justifié ces préparations. Avec le recul acquis aujourd'hui par ce cas (ce bridge se comporte d'une manière satisfaisante depuis plus de 4 ans) et d'autres, il ne paraît plus nécessaire d'effectuer des préparations aussi profondes. La profondeur de la gorge centrale est donnée par la moitié de la partie travaillante d'une fraise boule de 14/10. Le mandrin de la fraise sert de repère pour la préparation : il est appuyé sur les bords de la gorge pour limiter la pénétration de la partie travaillante de la fraise.

La réalisation finale et une vue à 4 ans montrent des résultats esthétiques satisfaisants (fig. 20 et 21).

Même si la valeur esthétique du Targis® Vectris® n'égale pas véritablement la céramique, l'utilisation de ce type de matériau est largement compensée par les autres avantages décrits dans le cas précédent.

Remplacement de deux incisives centrales mandibulaires

Cas n° 3

Le patient C, 12 ans, consulte pour le remplacement de 2 incisives centrales mandibulaires. L'agénésie de ces dents impose d'organiser la répartition des espaces. La stratégie choisie par l'équipe soignante est de ménager la place de 2 incisives permanentes (fig. 22). Le remplacement de ces 2 dents au moyen de prothèses sur implants est évoqué, mais compte tenu du jeune âge du patient, l'indication d'un bridge collé est préférée. Cette prothèse adoptée pour une période transitoire pourra perdurer. En fonction de l'optique de ce travail, des préparations a minima sont effectuées. Il n'est pas indispensable de préparer les dents à la mandibule puisque les rapports occlusaux ne sont pas un handicap, mais cela implique d'accepter une prothèse en surcontour qui peut constituer un obstacle à une bonne maintenance. La difficulté relative de ce cas réside dans la longueur de la portée du bridge (fig. 23).

Limites des bridges collés en FRC

Les bridges collés de remplacement d'une dent unitaire ont montré leur solidité ; pour ce cas, la longueur de la portée du bridge pouvait être une contre-indication. Le comportement de ce matériau à moyen et long terme étant méconnu, il était difficile de prévoir le résultat. Au regard de la littérature, si aucune étude n'a été menée sur la résistance à la fracture d'intermédiaire de bridge antérieur, des études sur les éléments intermédiaires postérieurs en fibres synthétiques et leur longueur ont été menées in vitro [28]. Il a été établi que les fibres pré-imprégnées comme les fibres de Vectris® avaient une résistance à la fracture supérieure à celle des fibres non imprégnées. En outre, ces fibres dans l'utilisation de bridges sur inlays comme piliers d'ancrage ont montré une bonne résistance à la fracture et une adaptation des marges satisfaisante [29]. Bien que réalisées in vitro, ces études sont encourageantes pour l'utilisation particulière du remplacement des dents antérieures. Il paraît souhaitable pour l'instant de se limiter à des édentements de faible portée. L'indication du remplacement de 2 dents intermédiaires doit rester marginale. La réalisation prothétique pour ce jeune patient s'avère une solution à la fois esthétique et d'un grand confort malgré le surcontour lingual (fig. 24 et 25).

Conclusion

L'utilisation du concept des bridges collés en FRC pour le remplacement des dents antérieures a permis de démontrer la fiabilité du matériau. Le recul acquis par les cas présentés et d'autres permet aujourd'hui de valider cette technique. Les avantages mécaniques tirés de l'élasticité relative du FRC laissent espérer un taux de survie supérieur à celui des bridges collés métalliques. Les résultats préliminaires d'une étude clinique, actuellement en cours, permettent de considérer l'utilisation de ce matériau pour ce type d'indication comme particulièrement intéressante.

L'économie tissulaire réalisée avec les bridges collés de remplacement de dent antérieure est indiscutable et plus encore avec les bridges en FRC. L'une des difficultés demeure toutefois leur intégration esthétique. Les modifications de teinte souvent constatées au niveau des dents piliers avec les armatures métalliques sont évitées avec les matériaux en FRC. Les réalisations des dents intermédiaires ont démontré leur valeur esthétique.

Bien que le vieillissement de ce matériau ne soit pas aujourd'hui comparable à celui de la céramique, et que l'on observe une matité du matériau lorsque celui-ci est déshydraté, les résultats esthétiques sont néanmoins acceptables. À l'instar des résines composites et des systèmes adhésifs, ce matériau évoluera probablement vers une amélioration de ses qualités esthétiques et mécaniques ainsi qu'une plus grande stabilité dans le temps. Le nombre important d'études et de rapports de cas cliniques portant sur ce matériau induit qu'il ne s'agit pas d'un phénomène de mode, mais que ce type de matériau correspond à des indications auxquelles le métal ne répond qu'imparfaitement. Il convient aujourd'hui cependant d'indiquer ce type de réalisation pour des patients soucieux de leur maintenance et ne présentant pas de parafonctions occlusales.

Mécaniquement, le bon comportement de ce matériau par son élasticité relative constitue un élément très avantageux pour les dents et permet un plus grand respect de la fonction. Si la réalisation au laboratoire et le protocole de collage apparaissent comme relativement simples, son utilisation impose une grande rigueur dans la mise en œuvre. Ce type de matériau apparaît comme étant « technique-dépendant ».

Les réalisations tendent vers une dentisterie a minima, sans métal, mais devront être éprouvées par un recul clinique encore plus long.

Remerciements à Hervé Arnaud, prothésiste dentaire, pour son aide dans la réalisation des bridges collés en FRC.

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