La technique Monoblok® - Cahiers de Prothèse n° 124 du 01/12/2003
 

Les cahiers de prothèse n° 124 du 01/12/2003

 

Prothèse fixée

Patrick Pissis *   François Morlot **   Dominique Naboulet ***  


* Docteur en chirurgie dentaire
16, rue de Téhéran - 75008 Paris
** Docteur en chirurgie dentaire
3, rue Gustave-Courbet - 75116 Paris
*** Docteur en chirurgie
dentaire
5, place Tourny - 33000 Bordeaux

Résumé

La technique Monoblok® s'avère être applicable en pratique courante. Le mode d'assemblage par collage potentialise la rétention obtenue par l'insertion d'un gros tenon dans la chambre pulpaire et évite le recours à un ancrage radiculaire scellé. En ce sens, c'est une démarche conservatrice des tissus dentaires. Cette technique est économique en temps et moyens et permet de réaliser une prothèse plus accessible pour les patients.

Summary

The Monoblok® technique

The Monoblok® technique can be applied on a day-to-day basis. The assembling mode by bonding increases the retention gained with the use of the pulp cavity extension and prevents to use a sealed radicular retainer. This allows henceforth to preserve the dental tissues. This technique is times saving and demands limited means. It enables the making of a prothesis which is within the reach of the patients.

Key words

all ceramic crown, IPS Empress®, monobloc technique, post and core, staining technique

C'est grâce aux composites de laboratoire de première génération, commercialisés au milieu des années 80 (Dentacolor, Heraeus Kulzer), que l'on a pu envisager des nouvelles restaurations permettant de répondre à un cahier des charges privilégiant l'économie tissulaire et l'absence de métal. Pour les dents dépulpées, il est apparu dans certains cas que l'absence d'ancrage radiculaire par l'exploitation de la chambre pulpaire permettait de satisfaire l'exigence de la rétention, alliée à l'adhésion offerte par le collage. Cela a permis d'appliquer pour la première fois le principe de la technique Monoblok®. En pratique, un tenon de 5 mm de large et de 5 mm de long s'est avéré suffisant. Cette technique s'est également montrée séduisante, car il n'est pas nécessaire d'enfouir les limites cervicales, ce qui participe également à l'économie tissulaire.

L'économie de moyens est le corollaire de la simplification des gestes habituels liés à la préparation, l'empreinte et la réalisation de la couronne provisoire.

En 1989, les vitrocéramiques cuites sur revêtement réfractaire (Duceram®, Ducera) ont permis d'utiliser la technique dans son concept actuel, mais avec un protocole de fabrication au laboratoire qui rendait difficile le montage de la céramique dans la partie cavitaire. À ce stade, seuls quelques cas ont été réalisés.

C'est en 1991, avec l'arrivée des vitrocéramiques pressées (IPSEmpress®, Ivoclar-Vivadent), que la technique Monoblok® a amorcé son développement actuel, axé sur l'efficacité et la simplicité : une maquette traditionnelle en cire est réalisée, puis mise en revêtement réfractaire et pressée en vitrocéramique. La technique a été décrite et publiée en 1994, après que sa fiabilité a été prouvée sur plusieurs années (Pissis, 1994) (fig. 1). Cette technique a été reprise et présentée par de nombreux auteurs (Perelmuter, Gonthier...) qui en apprécient l'efficacité lorsque l'indication est favorable. Actuellement, plus de 10 années se sont écoulées depuis que les premiers cas cliniques ont été réalisés sans qu'à aucun moment, des incidents ou accidents n'aient incité à remettre en cause la validité de ce concept (Pissis, Morlot, Lecardonnel, 1999). Actuellement, plusieurs centaines de cas réalisés sont en suivi systématique.

Les travaux de nombreux auteurs sur les techniques tout-céramique, les inlay-cores en céramique, l'alumine zircone ou la céramique usinée/fritée sont issus de la même démarche d'abandon du métal et d'évolution vers des prothèses scellées ou parfois collées, mais simples et esthétiques à la fois. De même, certaines écoles plaident en faveur du changement de nos habitudes : les tenons métalliques longs sont désormais reconnus comme fragilisants pour les racines (P. Magne, 2000).

La technique Monoblok® est utilisée régulièrement dans le strict respect des indications depuis plus de 10 ans. Elle a toutefois évolué, en particulier pour traiter certaines situations cliniques pour lesquelles la perte tissulaire initiale est faible et atypique. Grâce au renouveau des matériaux polymères céramiques, notamment ceux dépourvus de silice (Colombus®, Cendres et Métaux), il est devenu facile de développer une nouvelle forme de restauration issue du même concept : les Monoblok® partielles, extrêmement conservatrices des tissus dentaires résiduels. Par opposition, la technique Monoblok® traditionnelle a été qualifiée de Monoblok® intégrale. D'autres auteurs arrivent par des raisonnements conservateurs à des démarches similaires [1].

Actuellement, différents matériaux permettent de réaliser des couronnes Monoblok®, en fonction de leurs propriétés et leur adaptation aux différentes situations cliniques :

• vitrocéramique pressée :

- Empress® I (Ivoclar-Vivadent) ;

- Empress® II (Ivoclar-Vivadent) ;

- Optec Pressable Ceramic® (Symphyse) ;

• polymères céramiques :

- Artglas® (Heraeus-Kulzer) ;

- Targis® (Ivoclar-Vivadent) ;

- Colombus® 1(Cendres et Métaux);

- Conquest® ou Sculpture Fibrecor (Symphyse).

Réalisation clinique : la Monoblok® intégrale

Préparation

Par l'existence d'un tenon court et large (environ 5 × 5 mm) faisant partie intégrante de la couronne destinée à être collée, on évite l'inlay-core et la présence de métal (fig. 2). Le mode d'assemblage par collage permet de modifier le concept traditionnel de rétention endo-canalaire par des tenons métalliques longs, scellés avec des ciments traditionnels. Lorsqu'une dent à restaurer comporte encore des parois autour de la chambre pulpaire, un tenon court et large suffit à assurer la rétention. Le mode d'assemblage par collage constitue la clé de voûte de l'édifice. On utilise, pour le collage, une colle résine 4-Meta (Super-Bond®, Générique International) ou un composite de collage, associé à un adhésif amélo-dentinaire : ceux-ci doivent être radio-opaques et conférer ainsi à l'édifice une apparence radiologique typique (fig. 3).

La préparation pour la technique Monoblok® répond aux règles habituelles de la prothèse fixée en termes de sustentation et de stabilisation. C'est également le cas pour la rétention dont une partie importante est assurée par le collage amélo-dentinaire. Concernant la préparation, ces 3 fonctions sont assurées par 3 zones distinctes :

- la sustentation est assurée essentiellement par la marge périphérique, dressée en forme d'épaulement à angle interne arrondi ;

- la rétention est obtenue par l'ancrage dans la chambre centrale : elle doit être profonde de 4 à 5 mm et présenter au moins 3 parois. Une seule paroi de hauteur plus faible, généralement la zone de la carie initiale, est acceptable. Cette zone ne doit cependant pas être sous-gingivale (ou très discrètement) pour permettre une bonne gestion du collage qui vient compléter la rétention primaire obtenue par l'encastrement mécanique ;

- la stabilisation est assurée par le « trottoir circulaire », situé entre l'épaulement périphérique et le logement central (fig. 4).

Il est rarement souhaitable de pénétrer dans les canaux, en tous cas jamais au-delà du premier millimètre sur les multiradiculées (fig. 5). La capacité de réintervention ultérieure vers les racines peut ainsi être préservée, même si ce n'est pas une finalité. Si la rétention par la chambre centrale est estimée insuffisante, il faut renoncer à la préparation pour une couronne Monoblok® et envisager une technique traditionnelle, fondée sur un inlay-core et une couronne.

Le résultat clinique après collage montre le caractère hautement esthétique de la restauration, point fort de la technique. Il est dû, dans ce cas, au mimétisme et à la transparence du matériau céramique, mis en œuvre sans armature métallique (fig. 6).

Lorsque la hauteur de la couronne clinique est normale ou faible, conjuguée à la présence de parois résiduelles de la chambre pulpaire de 4 à 5 mm de hauteur, l'indication de couronne Monoblok® est excellente. Une seule limite cervicale, mésiale ou distale par exemple, peut être discrètement sous-gingivale et être facilement gérée au moyen d'un gros fil tressé légèrement imprégné (Ultrapak®, Bisico), mis en place lors du collage.

Dans les situations cliniques où une paroi a été préservée par souci d'économie tissulaire, la couronne peut alors être comprise comme un onlay de céramique pourvu d'un ancrage radiculaire court et large. Dans tous les cas, le fruit de notre expérience prouve qu'il est nécessaire de recouvrir l'intégralité de la face occlusale en englobant le sommet des cuspides dans la préparation. Cela afin d'offrir une excellente résistance à la fracture.

Instrumentation rotative

Afin de simplifier et de rationaliser la préparation selon un protocole instrumental, un coffret d'instruments diamantés a été conçu en collaboration avec la société Komet France. Il se compose de 3 types d'instruments qui suffisent pour réaliser l'ensemble de la préparation pour une couronne Monoblok®. L'instrument à bague jaune ayant une durée d'efficacité inférieure aux 2 autres instruments, il est en double dans le coffret qui comporte donc 4 pièces (fig. 7).

L'instrument à bague rouge (8845 KR 025) de large diamètre sert à calibrer le logement central d'ancrage, court et large. L'instrument long (847 KR 023) sert à la réduction générale et à dresser l'épaulement à angle interne arrondi périphérique. L'instrument à bague jaune (857 KREF 023) de mêmes forme et diamètre que le précédent, sert à peaufiner l'état de surface de cet épaulement. On obtient une précision extrême d'enregistrement par l'empreinte, ce qui autorise une excellente adaptation de la couronne sur la marge périphérique.

L'empreinte est de réalisation extrêmement facile en double mélange (Putty soft et light ou superlight) puisque les limites sont supra-gingivales. Le matériau est injecté avec une seringue (Stabyl) dans le sillon gingival ouvert au moment du retrait du fil, de même que dans la chambre pulpaire. Aucune empreinte de logement canalaire n'étant nécessaire, cette étape est considérablement simplifiée (fig. 8 et 9).

L'élément provisoire est réalisé à l'aide d'un iso-moulage pris lors d'une séance préalable sur la dent intègre ou lors de la séance à partir d'un moule ion (3M Espe), positionné sur la dent préparée. Une boulette de résine est placée dans la chambre pulpaire lubrifiée avec de la vaseline (fig. 10).

L'enregistrement de la couleur s'effectue avec les teintiers classiques selon les précautions habituelles.

Élaboration au laboratoire avec le matériau Empress®

Le matériau Empress® est une vitro-céramique renforcée par des cristaux de leucite. La résistance à la flexion est comprise entre 120 et 150 Mpa. Il est mis en œuvre dans un four permettant d'élever jusqu'à température plastique un lingotin de vitrocéramique manufacturée. Il est pressurisé au moyen d'un piston en alox pour le forcer à envahir le volume libéré par une maquette en cire. C'est en fait une technique de cire perdue. L'étape de laboratoire débute par la fabrication d'une maquette en cire. Pour ces différents types de restaurations, la plupart des études à 7 ans montrent des résultats cliniques satisfaisants [2]. Le matériau présente la capacité d'être sablé ou mordancé à l'acide fluorhydrique, puis « silané » à froid. L'utilisation d'un adhésif amélo-dentinaire et d'un polymère de collage permet de développer des forces d'adhésion importantes, déterminantes pour la technique Monoblok®.

Séquence de fabrication au laboratoire 2

Le moulage en plâtre extradur, issu de l'empreinte, est préparé de façon conventionnelle pour être fractionné (Pindex, Ez-Tray Coltène-Whaledent, etc.). La partie canalaire, seul élément rétentif de la coiffe, doit être prise en considération. Un vernis compensateur espaceur est déposé à l'intérieur de la cavité. Le revêtement choisi est celui du système Empress® soit pour stratification soit pour maquillage. Un tuteur peut parfois être utilisé pour rigidifier la masse de cire à condition que ce tuteur calcine sans résidu. La coiffe est réalisée en cire par addition répondant aux impératifs de morphologie et d'occlusion (fig. 11). Des tiges d'alimentation de 3 mm de diamètre sont collées sur les sommets des cuspides. L'ensemble est placé sur la préforme du canal de pressée. L'enrobage en revêtement s'effectue sans difficulté. Le temps de prise est de 1 heure. La mise en chauffe est réalisée au four à raison de 3 °C par minute jusqu'à 850 °C. Les lingotins et le piston en alox (qui assure la pressée) sont préchauffés en même temps dans le même four. Après 15 minutes à 850 °C, le cylindre reçoit son lingotin surmonté du piston en alox. L'ensemble est disposé sur la plaque du four EP 500 (Ivoclar-Vivadent). Après refroidissement, le cylindre est coupé en deux, puis sablé à 50 μ avec des billes de verre sous 2 kilos de pression.

Après la pressée, les éléments prothétiques sont débarrassés du revêtement, puis les tiges de coulée sont sectionnées. La « descente » sur les moulages positifs unitaires permet de vérifier la bonne adaptation marginale (fig. 12).

Les contacts proximaux et l'occlusion sont vérifiés et affinés. La surface est grattée et remodelée en éliminant la couche de céramique qui était au contact du revêtement réfractaire. Ensuite, on peut commencer la stratification ou le dépôt de céramique de surface dans le cas de la technique de maquillage. Cette dernière est le plus souvent retenue pour la technique Monoblok® en raison de sa simplicité et de son moindre coût. Huit passages au four sont nécessaires. Chaque couche sera peu couvrante, laissant les colorations diffuser dans la vitro-céramique. Un dépôt épais donnerait des marbrures inesthétiques et un mauvais effet de surface. Pour finir, deux passages de glazure sont indispensables pour fixer définitivement les colorants qui ont migré en sub-surfaces. Ces masses de glazures sont en fait des céramiques à basse fusion qui présentent une grande résistance à l'érosion.

Lorsque les couronnes sont terminées et repositionnées sur le moulage, le rendu esthétique est très étonnant en regard de l'apparente simplicité de la technique de maquillage (fig. 13 et 14).

Essai clinique, collage et finition

L'intrados prothétique destiné à être collé est mordancé au laboratoire. Après l'essai clinique, il est nettoyé à l'eau, puis avec un solvant organique. Le gel d'acide phosphorique, rincé ensuite à l'eau, peut être utilisé. Un silane mono-composant (Silanite d'Ivoclar-Vivadent, Céramique Primer de 3M Espe) peut ensuite être appliqué.

Étape de collage

Un fil imprégné est placé uniquement en distal dans la zone juxtagingivale (fig. 15). Le parodonte est extrêmement sain et résistant face aux manœuvres de collage. La préparation est mordancée en prenant la précaution d'éviter l'application de l'acide sur les dents collatérales. Cela provoquerait, après polymérisation de la colle, une rétention d'excédents dans les embrasures. Un adhésif amélo-dentinaire est appliqué, puis soufflé pour obtenir une couche fine, puis polymérisé seul. L'intrados prothétique est enduit, soufflé et polymérisé de la même manière (ScotchbondTM 1 de 3M Espe, One Step® de Bisico, Syntac® SC d'Ivoclar-Vivadent).

Le polymère de remplissage est du type dual (RelyXTM de 3M Espe, Variolink® d'Ivoclar-Vivadent, Choice de Bisico). Avant polymérisation complète, les excédents sont délicatement éliminés avec un pinceau, puis avec une sonde au niveau des embrasures. Le composite de collage adhère assez peu à l'extrados prothétique parfaitement lisse. Pour préserver cet avantage, lors du mordançage au laboratoire avec l'acide fluorhydrique, il faut veiller à ne pas déborder sur l'extrados (fig. 16).

Finitions

Au niveau des embrasures, une mini-scie interdentaire (Serisaw de Denmat) sert à fractionner et à chasser latéralement les excédents (fig. 17). Une radiographie postopératoire est recommandée pour vérifier qu'aucun excédent de composite ne demeure entre les dents (fig. 3).

L'intégration parodontale est également un des avantages de la technique. Elle est liée aux limites qui restent supragingivales2.

Rôle du céramiste - Alain Lecardonnel (Laboratoire Naturel IDM, Paris)

La réalisation des coiffes Monoblok® tout céramique au laboratoire s'effectue avec des lingotins Empress® (Ivoclar-Vivadent). Le procédé de fabrication utilise les tensions dues à la croissance des cristaux de leucite dans la matrice de verre silicate dont l'effet est d'augmenter la résistance mécanique des restaurations.

Ces couronnes sont :

- soit stratifiées sur une base en vitrocéramique composée de disilicate de lithium et recouverte d'une nouvelle céramique Eris qui a un point de cuisson inférieur et un coefficient de dilatation thermique plus adapté. Ces couronnes peuvent bénéficier ainsi de toute la ressource Impulse (Ivoclar-Vivadent) en termes de montage ;

- soit réalisées à partir d'une sculpture complète en cire de la future coiffe qui est pressée en céramique. Celle-ci est secondairement colorée en surface, en plusieurs couches fines successives. Le choix de la teinte de base de la masse pressée est crucial pour le résultat final et l'esthétique. Il s'effectue dans la gamme étendue des lingotins. Ils sont soit non colorés, mais de 4 degrés d'opacité (T1, T2, O1, O2), du plus transparent au plus lumineux. Les plots O1 ou O2 seront par exemple utilisés respectivement pour les teintes A2 et A3 ; les T1 ou T2 le seront pour la teinte A4. D'autres lingotins sont soit colorés soit transparents et correspondent aux 5 groupes de teintes du teintier Chromascop (Ivoclar-Vivadent). Ensuite, 5 à 7 passages au four à céramique des différents colorants « shades » et « stains » sont nécessaires pour obtenir le rendu escompté. Cela sans avoir à se soucier de la morphologie, celle-ci restant inchangée depuis la pressée initiale.

Grâce à l'évolution des matériaux, cette technique présente peu de problèmes malgré le nombre répété de cuissons.

Remarque : Le collage de ces éléments prothétiques au moyen des résines 4-Meta (Super-Bond®, Générique International) est une alternative intéressante. La visco-élasticité du matériau après polymérisation et sa grande capacité d'adhésion sur la dentine sont des atouts particulièrement sécurisants pour la pérennité de l'édifice. Cependant, sa polymérisation très lente et son adhésion sur les tissus mous ne facilitent pas l'élimination des excédents même lorsqu'ils sont encore malléables.

Indications

La technique Monoblok® est indiquée pour les molaires maxillaires ou mandibulaires et parfois pour les prémolaires. Dans certaines situations cliniques favorables, des canines et des incisives maxillaires peuvent être traitées avec succès (bons rapports hauteur/section du tenon d'ancrage et hauteur/section de la couronne prothétique). Les caractéristiques des pièces prothétiques sont les suivantes :

- section du tenon supérieure ou égale à 4 × 4 mm (ou 3 × 5 mm) pour les molaires et à 3,5 × 3,5 mm (ou 2,5 × 4 mm) pour les prémolaires ;

- hauteur du tenon comprise entre 4 et 5 mm (au-delà, cela devient inutile en termes de rétention et peu souhaitable pour conserver une possibilité de ré-intervention) ;

- parois du tenon (et du logement caméral) très proches du parallélisme (environ 4°) ;

- logement caméral ceinturé par au moins 3 « murs » résiduels contribuant à maintenir la hauteur d'encastrement sur au moins 3 faces. Les murs doivent avoir une hauteur de 0,7 à 1 mm par rapport à l'épaulement périphérique. L'épaisseur de ces murs ne doit pas être inférieure à 0,7 mm pour des raisons de résistance mécanique propres et de fragilité du revêtement réfractaire lors de la pressée ;

- épaulement périphérique de 1 mm de large à angle interne arrondi. Sa situation doit être supra- ou au maximum juxtagingivale pour des raisons liées au collage et à l'élimination des excès. L'épaulement peut être discrètement sous-gingival sur une seule face (la face cariée). Par expérience, 2 faces sous-gingivales représentent une situation difficile à gérer lors du collage même avec des fils rétracteurs ;

- espace dévolu à la céramique, notamment entre le haut du muret périphérique et la dent antagoniste, supérieur à 2 mm pour des raisons de résistance mécanique ;

- parodonte sain et capable de résister aux manœuvres de collage : condition indispensable. Il est le fruit d'une bonne technique de brossage présentant une action sous-gingivale qui ne peut être obtenu qu'au moyen d'une brosse douce (Gum Buttler micro tip 475, Inava 15/100e de Buttler) (fig. 18, 19 et 20 et tabl. I).

Contre-indications

Un mauvais contrôle de plaque dentaire de la part du patient est une condition défavorable pour la longévité des joints collés et de la prothèse. On doit contre-indiquer la technique Monoblok® en présence d'un parodonte hémorragique au sondage, car l'essai clinique, le mordançage ou toute autre manœuvre d'élimination de colle déclenchent inévitablement un saignement incompatible avec la rigueur du collage ou des manœuvres qui le précèdent ou le suivent.

Nouveaux matériaux et élargissement des indications : la Monoblok® partielle

Les polymères céramiques et les polymères renforcés par des fibres représentent une alternative à la céramique et surtout permettent d'étendre les indications de la technique Monoblok® intégrale : la Monoblok® partielle qui s'intègre à la dent-support et conserve la majorité de la structure de la dent, avec une préparation minorée. Comme pour les onlays sur dents pulpées, la face occlusale, extrêmement sollicitée mécaniquement, doit être entièrement recouverte. Pour cela, il apparaît indispensable d'englober l'ensemble des cuspides dans la préparation (fig. 22).

Le renforcement du tenon caméral par des fibres est utile lorsque la largeur du logement canalaire est inférieure à 2 mm, par exemple sur certaines prémolaires (fig. 21, 22, 23 et 24). Au niveau des molaires, une grande majorité de cas ont pu être réalisés sans renforcement du matériau polymère.

Analyse critique de la technique

Notre expérience de cette technique s'étend sur 14 ans, de 1989 à ce jour. Malgré le grand avantage de la céramique pressée, en particulier dans sa mise en œuvre en technique de maquillage, il faut conserver à l'esprit que la résistance mécanique en flexion est assez faible, ce qui procure une grande importance à la qualité architecturale de la préparation. C'est pourquoi nous avons aussi utilisé la céramique de deuxième génération (Empress® II). Cependant, certains problèmes de cohésion entre la céramique du noyau Empress® II et la céramique cosmétique de surface ont incité à ne plus l'utiliser. D'ailleurs, le fabricant a depuis présenté une nouvelle version de ce matériau très satisfaisante.

Les polymères céramiques, fibrés ou non, ont été une voie de développement qui a élargi notre champ d'indications et procuré de grandes satisfactions à moyen terme, en l'état actuel de notre recul clinique.

Les rares échecs rencontrés avec le matériau IPSEmpress® peuvent résulter d'une déficience de la préparation dentaire : si la céramique présente un point de moindre épaisseur, c'est un risque de fracture.

Un éclat superficiel ou partiel peut être réparé avec des composites postérieurs : dans ce cas, la dent doit être suivie régulièrement (fig. 25).

Signalons que d'importantes précautions doivent être prises lors d'un fraisage occlusal pour éviter des élévations de température localisées. Ces dernières peuvent provoquer des fêlures qui passent inaperçues, mais risquent de conduire à des fractures tardives.

Dans le cas d'une fracture importante d'une cuspide, il est nécessaire de préparer la dent sur la face occlusale ainsi qu'en périphérie, en laissant au centre un moignon en céramique. On réalise alors une couronne périphérique qui peut d'ailleurs être à nouveau en céramique et être collée (fig. 26).

Un encastrement vertical important des cuspides maxillaires et mandibulaires représente un risque non négligeable puisqu'il réalise un « effet de coin » mettant à contribution la cohésion interne du matériau Empress®.

Un épaulement périphérique trop incliné ou insuffisamment large constitue aussi un élément défavorable : 1 mm est nécessaire en périphérie sous forme d'un épaulement droit afin de stabiliser la céramique et d'assurer une bonne sustentation. La mise en compression de la céramique dans cette zone est essentielle pour faire face aux contraintes occlusales. Une insuffisance au niveau de la forme ou de la largeur de l'épaulement peut se traduire après quelques années par une fracture partielle d'un bord vestibulaire ou lingual. Cet incident est réparable avec des composites de cabinet et selon le protocole de réparation de la céramique (mordançage, silanage, adhésifs amélo-dentinaires).

Conclusion

La technique Monoblok® s'avère être applicable en pratique courante. Le mode d'assemblage par collage potentialise la rétention obtenue par l'insertion d'un tenon large dans la chambre pulpaire et évite le recours à un ancrage radiculaire scellé. En ce sens, c'est une démarche conservatrice des tissus dentaires.

C'est une technique économique en temps et en moyens qui représente une prothèse plus accessible pour les patients. Son caractère esthétique est évident. Il est lié à l'absence de métal et à l'utilisation de matériaux céramiques ou plus récemment polymères céramiques, pourvus de qualités de translucidité et de transparence.

La technique Monoblok® présente un bilan positif depuis plus de 14 ans, étayé par de nombreuses publications. Elle s'inscrit parfaitement dans l'évolution de la prothèse du 21e siècle qui conjugue plusieurs critères :

- économie tissulaire ;

- économie de moyens en clinique et au laboratoire ;

- réduction de l'utilisation des métaux ;

- esthétique exceptionnelle ;

- respect des tissus parodontaux grâce à son joint collé et ses limites supragingivales ;

- moindre coût pour le patient.

Cependant, c'est une technique dont les indications doivent être soigneusement sélectionnées.

Actuellement, le recul clinique acquis avec les vitrocéramiques pressées (IPSEmpress®) sous forme de Monoblok® intégrale ou les polymères céramiques permet de la recommander en pratique quotidienne, mais dans le strict respect des indications cliniques. Elle ne peut pas remplacer totalement la technique traditionnelle des couronnes céramo-métalliques, mais peut s'y substituer dans certaines situations cliniques sélectionnées.

Elle impose un changement de nos mentalités trop influencées par le concept du scellement et la dissimulation des marges prothétiques. Elle demande un certain temps d'apprentissage, mais s'inscrit résolument dans la voie du progrès profitable aux différents acteurs de l'acte prothétique, praticiens, prothésistes et patients.

Nous tempérerons cependant notre optimisme en concluant comme Henry Ford : « (...) true progress is not realized until technology is made available to mass (...) ».

(1) Colombus® est distribué aux États-Unis sous la marque Cristobal pour des raisons de licence.

(2) Réalisation au laboratoire par Alain Lecardonnel.

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