Débuter en implantologie : la phase chirurgicale - Cahiers de Prothèse n° 140 du 01/12/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 140 du 01/12/2007

 

IMPLANTOLOGIE

Philippe Russe -*   Patrick Missika -**  


* Docteur en chirurgie dentaire - Diplôme universitaire d'implantologie, Paris-VII - Diplôme universitaire de tissus calcifiés, Angers
9, rue Saint-Symphorien - 51100 Reims
** MCU-PH Université de Paris-VII (Denis-Diderot), unité de chirurgie, service d'odontologie de l'Hôtel-Dieu (Garancière) -
Directeur du diplôme universitaire d'implantologie chirurgicale et prothétique
12, rue des Pyramides - 75001 Paris

Résumé

Débuter en implantologie chirurgicale effraie de nombreux praticiens. Avec une bonne expérience en chirurgie buccale, une formation spécifique comprenant si possible un accompagnement clinique devrait leur permettre de passer à l'acte.

Summary

Beginning in implantology: surgical stage

Many dental surgeons are afraid to start implant surgery. With a good experience in buccal surgery and specific education including some clinical teaching, they should be able to start practising.

Key words

implants, surgery, beginner.

Incontournable en 2007, l'implantologie devrait faire partie de l'arsenal thérapeutique de tous les omnipraticiens mais nombreux sont ceux qui hésitent encore à aborder la phase chirurgicale implantaire.

Un certain nombre de cas simples sont cependant à la portée de praticiens ayant un minimum d'expérience en chirurgie buccale, à condition toutefois de respecter quelques règles en matière de formation et de plateau technique.

En effet, avant tout geste chirurgical, l'implantologiste débutant doit se conformer aux bonnes pratiques de cette discipline :

- respect du devoir d'information du patient formalisé par l'acceptation d'un consentement éclairé signé par celui-ci ;

- devis signé intégré au dossier médical ;

- moulages d'étude simulant le projet prothétique et permettant de mettre en évidence les incontournables préparations occlusales préprothétiques. La confection éventuelle de guides d'imagerie et de guides chirurgicaux en est le prolongement.

Formation chirurgicale

Elle comprend une formation médicale, implantaire et en anatomie.

Formation médicale

Les contre-indications habituelles, propres à toute chirurgie buccale, doivent être respectées avec d'autant plus de rigueur en implantologie que cette discipline n'a en général pour but que d'apporter une meilleure qualité de vie au patient, objectif disproportionné avec une prise de risque vital. Aucun geste implantaire ne doit être entrepris chez un patient présentant, par exemple, une cardiopathie, un rhumatisme articulaire aigu ou un cancer des voies aéro-digestives supérieures récent. Un traitement par biphosphonates, surtout administrés par voie veineuse, est venu depuis peu s'ajouter à ces contre-indications formelles. En cas de contre-indication relative, un contact écrit avec le médecin traitant permettant d'obtenir des renseignements et un avis médical également écrit est la règle.

De plus, il existe des contre-indications médicales spécifiques qu'il faut connaître, notamment des situations, des pathologies ou des comportements pouvant compromettre la cicatrisation osseuse ou le maintien de l'ostéo-intégration dans le temps comme :

- le trop jeune âge du patient, avant la fin de la croissance osseuse, soit environ 16 ans chez la jeune fille et 17 ans chez le jeune homme. Une radiographie du poignet permet d'évaluer un décalage entre âge osseux et âge civil ;

- le diabète non équilibré ;

- les troubles du métabolisme osseux telles l'ostéogenèse imparfaite, l'ostéomalacie et une maladie de Paget maxillaire ;

- le tabagisme. Dans ce domaine [1], une augmentation du taux d'échecs chez les fumeurs, surtout marquée au maxillaire, est rapportée dans la littérature médicale [2]. En 2007, Sanchez-Perez et al. [3] ont décrit une augmentation du taux d'échecs de près de 98 % avec la perte de 30 % des implants chez les patients fumant plus de 1 paquet de cigarettes par jour ;

- le bruxisme, qui constitue un facteur de risque important [4] en raison des contraintes horizontales considérables transmises aux tables osseuses entourant les implants ;

- une hygiène bucco-dentaire insuffisante, considérée comme une cause potentielle de complications [5, 6et 7].

Il existe par ailleurs des contre-indications locales comme les pathologies de la muqueuse, telles que l'hyperkératose, le lichen plan actif, la leucoplasie inhomogène, pouvant nécessiter des traitements agressifs pour l'ostéo-intégration des implants.

L'ADF a publié en 2003 un dossier sur l'implantologie [8]. La lecture du chapitre sur les contre-indications peut servir de référence pour le débutant.

Si aucune contre-indication médicale, générale ou locale, n'est révélée lors de l'étude du cas, la pose du ou des implants peut être envisagée.

Formation en anatomie

La chirurgie implantaire fait appel à des notions d'anatomie qu'il importe de connaître ou de revoir avant d'envisager l'acte chirurgical.

L'imagerie diagnostique (radiographie rétroalvéolaire, panoramique, scanora, scanner ou tomographie volumique) doit préciser quelles sont les limites de la zone implantable, notamment en raison de la présence d'obstacles anatomiques à éviter.

Obstacles maxillaires

Le canal incisif est situé dans la partie antérieure de la suture intermaxillaire, en arrière des incisives centrales ; son diamètre à l'émergence peut atteindre plusieurs millimètres (fig. 1).

En cas de résorption osseuse vestibulaire, la présence d'un foramen incisif volumineux complique la pose d'un implant en remplacement d'une incisive centrale.

Les fosses nasales limitent en hauteur l'implantation en secteur incisif. Le franchissement de la corticale sous-nasale, dense, peut entraîner une lésion de la muqueuse, richement vascularisée et donc hémorragique.

La fosse canine n'est pas à proprement parler un obstacle, mais cette concavité oblige souvent l'implantologiste à orienter l'implant en direction palatine pour éviter une effraction de la table osseuse maxillaire, écartant ainsi l'axe implantaire de l'axe des dents à remplacer.

Le sinus maxillaire voit son volume augmenter avec l'âge et avec la perte des dents sous-jacentes. En cas d'édentement maxillaire postérieur, sa procidence peut rendre nécessaire une technique de déplacement du plancher du sinus (fig. 2). Cette intervention, réalisée par voie vestibulaire [9] ou crestale [10], n'est pas recommandée pour un débutant.

Le foramen grand palatin, situé en palatin des deuxièmes molaires, est rarement mis en jeu lors d'une pose d'implant simple. Il importe seulement d'éviter un décollement excessif de la muqueuse palatine pouvant léser le paquet vasculo-nerveux.

Obstacles mandibulaires

Le canal alvéolaire inférieur est l'obstacle le plus redouté par les implantologistes en raison du caractère invalidant des complications liées à une lésion du nerf alvéolaire inférieur. L'apparition d'un signe de Vincent (paresthésie labio-mentonnière) peut signer un forage ou la mise en place d'un implant empiétant sur le canal alvéolaire inférieur. Celui-ci n'est malheureusement que faiblement matérialisé et il n'existe pas toujours de corticale péri-canalaire (fig. 3). Le seul signe avant-coureur d'une lésion du pédicule peut être constitué par l'apparition d'un saignement important au forage, l'artère cheminant habituellement au-dessus du nerf dans la zone molaires-prémolaires.

Le foramen mentonnier est l'orifice par lequel la branche terminale mentonnière du nerf alvéolaire inférieur vient émerger sur la face latérale du corps mandibulaire. Il est habituellement orienté en haut, en dehors et en arrière. Il peut constituer un piège car le trajet canalaire peut être rétrograde, s'étendant sur plusieurs millimètres en avant du foramen mentonnier (fig. 4). En cas d'implantation en avant du foramen mandibulaire, cette éventuelle particularité anatomique doit être prise en compte.

Le nerf incisif, autre branche terminale du nerf alvéolaire inférieur, chemine en avant du foramen mentonnier dans le canal incisif (fig. 5). En présence d'incisives et de canine naturelles, il est préférable de ne pas le sectionner car la perte de la proprioception des dents antérieures est quelquefois désagréablement ressentie par les patients.

L'artère submentale, située à la face interne, voit souvent ses branches terminales pénétrer dans la symphyse mandibulaire.

De nombreuses variations anatomiques, par exemple des foramina mentonniers multiples ou un nerf alvéolaire plexiforme, doivent faire prendre conscience au praticien que les descriptions classiques ne représentent qu'une petite proportion des situations cliniques possibles (fig. 6).

La lecture d'ouvrages sur l'anatomie adaptée à la chirurgie implantaire, comme celui de Gaudy [11], est un prérequis judicieux avant tout passage à l'acte chirurgical.

La maîtrise des techniques d'incision et de suture, acquise par la pratique de la chirurgie buccale et de la parodontie, est aussi une nécessité évidente pour franchir le pas de la chirurgie implantaire.

Formation implantaire

La connaissance d'un système implantaire, par l'intermédiaire de la littérature médicale et de conférences, est indispensable à l'apprentissage.

La participation à des travaux pratiques sur des modèles pédagogiques permet de mémoriser la séquence d'utilisation des instruments spécifiques pour éviter toute hésitation dès la première intervention clinique.

Le rôle d'assistant(e) opératoire lors d'interventions réalisées par des praticiens expérimentés permet aussi d'observer la technique chirurgicale, les positions de travail du chirurgien et de son équipe opératoire et d'apprendre quelques « trucs et astuces » fort utiles lors de ses premiers pas.

Enfin ce compagnonnage, repris par les fabricants, majoritairement anglo-saxons, sous le terme coaching, est un moyen de passer à l'acte très sécurisant, un praticien venant mettre son expérience et quelquefois son plateau technique au service du praticien débutant.

Plateau technique

Préparation d'un cabinet d'omnipratique pour la chirurgie implantaire

Un débutant en chirurgie implantaire ne disposant pas d'une salle qui lui soit consacrée doit opter soit pour le déplacement de son patient vers une salle mise à sa disposition (confrère, clinique...), soit préparer son cabinet pour l'adapter au mieux à une chirurgie implantaire. Cette préparation comprend essentiellement les étapes suivantes :

- la suppression, le soir, de tous les objets inutiles à l'acte implantaire dans les environs du fauteuil dentaire ;

- le nettoyage puis la désinfection des surfaces avec des agents bactéricides ;

- la mise en route d'un procédé de désinfection aérienne, soit par spray soit par nébulisation, avant de fermer le cabinet pour la nuit.

Le lendemain matin, la chirurgie implantaire est à programmer en premier rendez-vous.

Des champs stériles isolent la zone opératoire des structures environnantes comme l'unit dentaire ou les meubles à tiroirs.

Matériel chirurgical

La table de chirurgie, recouverte d'un champ stérile, reçoit les instruments de chirurgie (fig. 7).

La trousse chirurgicale comprend les habituels instruments de chirurgie buccale :

- seringue anesthésique ;

- miroir ;

- manche(s) de bistouri ;

- décolleurs ;

- écarteurs (lames malléables) ;

- précelles et précelles à oeillet ;

- porte-aiguille ;

- ciseaux ;

- canule d'aspiration (Yankauer) et tuyau stérile.

La trousse implantaire, spécifique au système choisi, doit être disposée au centre de la table de chirurgie, à distance des bords (sa chute serait une catastrophe pour un praticien n'ayant pas plusieurs trousses à sa disposition et l'utilisation de la tablette de l'unit est, de ce point de vue, formellement déconseillée).

Une fois préparée, la table chirurgicale est recouverte par le champ stérile qui viendra secondairement couvrir le patient.

Tous les éléments non stérilisables devant être manipulés par le chirurgien ou l'aide opératoire, comme la poignée du scialytique ou le tuyau d'aspiration, sont recouverts de films adhésifs stériles ou de gaines stériles.

Moteur d'implantologie

Une deuxième table ou une zone des meubles dentaires sert de support au moteur d'implantologie. Celui-ci est un investissement absolument indispensable. Un cordon et un micromoteur autoclavables ainsi qu'une ligne d'irrigation stérile permettant l'utilisation abondante de sérum physiologique sont des conditions que ne remplissent pas les micromoteurs de l'unit du cabinet. Le boîtier du moteur n'est pas stérilisable. S'il comporte des boutons de commande, un film transparent stérile les recouvre (fig. 8).

La zone attenante au moteur est recouverte d'un champ stérile sur lequel sont posés le cordon et le micromoteur.

Un contre-angle réducteur 1/20 ou 1/32 permet d'obtenir les vitesses de rotation de l'ordre de 750 à 1 500 tr/min recommandées pour la pose d'implants avec un couple suffisant.

Stock d'implants

Une erreur à éviter pour le débutant est de faire une confiance aveugle à l'imagerie diagnostique et de n'avoir de disponibles que les implants correspondant à l'étude pré-implantaire. Il doit absolument avoir un stock d'implants comprenant les diamètres supérieur et inférieur et au moins la longueur inférieure à celle envisagée. Avoir au moins 2 exemplaires de chaque implant est aussi une sage précaution, un implant tombant au sol par exemple ne doit pas faire abandonner la chirurgie en cours...

Préparation du patient

Médicamenteuse

Une prémédication sédative n'est pas indispensable pour des chirurgies implantaires simples. Au besoin, de l'hydroxyzine (Atarax®) peut être prescrite pour ses qualités anxiolytique, antiallergique, anticholinergique et antihistaminique. L'absence de contre-indication médicale (asthme, glaucome, rétention urinaire) est à vérifier et l'attention du patient est attirée sur les risques de somnolence associés au médicament, imposant la présence d'un accompagnateur.

Le traitement antibiotique, systématique en postopératoire, peut être prescrit à partir du matin de l'intervention.

Un antalgique donné avant le début de la chirurgie, comme du dextropropoxyphène (Di-Antalvic®), rend moins désagréable la période postopératoire immédiate en prenant le relais de l'anesthésie locale dès la fin de son action.

La réalisation, avant l'intervention, d'un bain de bouche à la chlorhexidine permet d'abaisser le taux de bactéries intrabuccales et diminue les risques d'infection postopératoire [12].

Vestimentaire

De nombreux fabricants proposent des ensembles d'habillage pour les patients qui comprennent une casaque, une charlotte et des surchaussures à usage unique qui vont isoler les vêtements et les chaussures du patient de la zone opératoire (fig. 9).

Préparation de l'équipe soignante

Le chirurgien et son aide portent une tenue complète de protection destinée à prévenir une transmission contaminante (fig. 10). Leur préparation comporte 4 étapes :

- le port d'une coiffe pour contenir les cheveux, d'un masque filtrant, de surchaussures et, pour finir, de lunettes de protection ;

- le lavage chirurgical des mains et leur séchage ;

- l'enfilage d'une blouse stérile à usage unique ;

- le port de gants stériles.

L'habillage répond à des règles strictes et même le lavage chirurgical ou l'enfilage de gants peuvent être entachés par plusieurs fautes d'asepsie. L'observation d'une équipe entraînée ou un passage en bloc opératoire permet l'acquisition de ces règles essentielles.

Suite de la préparation du patient

Installation

Habillé de sa tenue de protection, le patient pénètre dans le cabinet. Une fois allongé sur le fauteuil, son visage est couvert d'un champ troué au niveau de la bouche et le reste de son corps du champ qui protégeait la table de chirurgie. Les kits contiennent généralement des bandes adhésives stériles pour stabiliser les champs.

Anesthésie locale

Une anesthésie locale assure une absence de douleur au patient pendant toute la durée de l'intervention. Le chlorhydrate d'articaïne utilisé avec un dosage d'adrénaline à 1/100 000 dans la muqueuse et à 1/200 000 dans la fibro-muqueuse permet d'obtenir ce résultat. Attention, l'efficacité de cette molécule permet une diminution des doses injectées par rapport aux molécules plus anciennes (xylocaïne) !

Mise en place chirurgicale des implants

Incision

Les incisions sont généralement crestales pour débuter, complétées par des incisions sulculaires et des contre-incisions vestibulaires pour donner de la souplesse aux lambeaux. Les incisions décalées ou en épaisseur partielle ne font pas partie des techniques recommandées pour un débutant.

Comme en chirurgie buccale, une incision nette, obtenue par un passage unique du bistouri, est à rechercher.

L'inexpérience doit faire privilégier des lambeaux suffisamment décollés pour permettre d'observer les tables osseuses, la chirurgie sans lambeau (flapless) n'étant pas dépourvue de risques, même pour les opérateurs expérimentés, technique qui est donc à proscrire pour le débutant.

Ostéotomie

En présence d'une crête fine ou plus coronaire que la limite osseuse des dents adjacentes, une plastie osseuse peut être réalisée à l'aide d'une fraise boule en carbure de tungstène (023 ou 030) montée sur pièce à main pour un meilleur contrôle. Cette même fraise peut également servir à entailler ou à franchir la corticale osseuse pour éviter le dérapage des forets implantaires (fig. 11).

Le forage suit la séquence préconisée par le fabricant. Un débutant a intérêt à choisir des forets présentant une butée de profondeur, qui lui garantissent de ne pas dépasser la longueur de forage souhaitée et lui évitent de léser un obstacle anatomique en profondeur. L'utilisation de jauges de parallélisme après le passage des premiers forets permet de contrôler l'axe du forage avant de poursuivre l'ostéotomie (fig. 12).

En cas d'utilisation d'un implant autotaraudant, le taraudage est une étape optionnelle, mais il reste recommandé dans l'os de type 1 (fig. 13). À l'inverse, il peut faire perdre la stabilité primaire d'un implant s'il est utilisé dans un os peu corticalisé (type 3 ou 4).

Mise en place de l'implant

Le déballage de l'implant ne s'effectue qu'à la fin de l'alésage. Il doit se faire de manière aseptique et si un deuxième aide opératoire ne peut être présent, le chirurgien ou l'aide se charge de cette phase mais doit ensuite changer ses gants stériles.

La mise en place de l'implant peut se faire à l'aide soit d'un tournevis (au maxillaire), soit d'une clef à cliquet, soit d'un contre-angle. Dans les deux derniers cas, il est souhaitable de disposer d'un moyen de mesure du couple appliqué à l'implant. La stabilité primaire de l'implant doit être obtenue dans tous les cas, toute mobilité de celui-ci se traduisant par un défaut de cicatrisation osseuse.

Chirurgie en deux temps

Proposée à l'origine par l'école suédoise, la chirurgie en deux temps consiste à refermer la voie d'abord après la pose d'implant. Une seconde chirurgie, différée de 2 à 3 mois à la mandibule et de 3 à 4 mois au maxillaire, permet d'accéder à l'interface prothétique de l'implant.

Après la pose de l'implant, son intrados est isolé des tissus et des fluides environnants par une vis de fermeture.

Chirurgie en un temps

L'école suisse a montré que l'exposition initiale de l'implant n'avait pas d'effet négatif pour son pronostic. Avantageuse pour le confort du patient, la chirurgie en un temps impose toutefois au chirurgien de gérer l'aménagement des tissus mous en même temps que la pose de l'implant.

Fermeture de l'implant

L'inexpérience contre-indiquant les techniques de mise en charge immédiate, le corps de l'implant est refermé par une vis qui peut être soit une vis de fermeture (technique en deux temps), soit une vis de cicatrisation, émergeant dans la cavité buccale (technique en un temps) (fig. 14).

Pour le débutant, des vis avec un profil d'émergence évasé doivent faire l'objet d'une vérification radiologique de leur positionnement.

Aménagements gingivaux et suture

La suture commence par les éventuelles contre-incisions, suivant les principes habituels de la chirurgie buccale, pour ne pas décaler les berges du lambeau. La réalisation de points simples, en O, est recommandée, surtout en cas d'utilisation de fils résorbables. Préalablement, des aménagements gingivaux peuvent viser à recréer un environnement favorable de gencive attachée, suivant les techniques décrites ci-dessous (« Exposition chirurgicale des implants »).

Radiographie de contrôle

Une radiographie de contrôle postopératoire permet de vérifier le bon positionnement spatial de l'implant par rapport aux structures anatomiques environnantes. L'ajustage de la vis de fermeture ou de cicatrisation est vérifié et le niveau initial de l'os est objectivé ; il servira de référence pour le suivi radiologique (fig. 15).

Période postopératoire

Prescription

Le patient quitte le cabinet avec une ordonnance postopératoire qui comprend un antibiotique, éventuellement un anti-inflammatoire, un antalgique et un bain de bouche.

Cette ordonnance doit impérativement comporter la mention NR (non remboursable), selon les directives des caisses d'assurance maladie.

Antibiotique

La prescription d'un antibiotique permet, selon les données publiées, de diminuer la survenue de complications postopératoires [13, 14et 15]. L'amoxicilline (Clamoxyl®) ou une association spiramycine/métronidazole (Birodogyl®) sont les prescriptions les plus fréquentes et l'absence d'allergie connue doit être vérifiée.

Anti-inflammatoires

Les anti-inflammatoires ne sont pas indispensables après une pose d'implants simple, sans complications, dont les suites opératoires sont identiques à celles d'une extraction simple.

En cas de chirurgie longue, un anti-inflammatoire non stéroïdien - acide tiaprofénique (Surgam®) ou nifluminique (Nifluril®) - peut être indiqué. L'efficacité du traitement anti-inflammatoire est accentuée si le traitement débute 48 heures avant la chirurgie.

Antalgiques

Le paracétamol (Doliprane®, Efferalgan®), éventuellement associé à la codéine (Codoliprane®, Efferalgan® codéiné), est prescrit en première intention après les chirurgies simples.

Le dextropropoxyphène (Di-Antalvic®) peut être prescrit en cas de douleurs plus importantes.

Bains de bouche

Les bains de bouche à base de chlorhexidine sont recommandés, comme pour toute chirurgie buccale, à partir du lendemain de l'intervention. Un document écrit, reprenant les conseils postopératoires et expliquant la conduite à tenir en cas de complication, est remis au patient. Les numéros de téléphone à appeler en cas d'urgence doivent également figurer sur ce document.

Suivi postopératoire

Un appel téléphonique, 24 heures après l'intervention, par le chirurgien ou l'assistante est toujours favorablement accueilli par l'opéré ; cela permet de connaître la qualité de ses suites opératoires initiales, de calmer d'éventuelles inquiétudes ou de répondre à des interrogations.

Des contrôles de cicatrisation sont programmés, pour déposer les points de suture s'ils ne sont pas résorbables au bout de 10 jours environ, puis de façon intermédiaire avant le deuxième temps chirurgical.

Exposition chirurgicale des implants

En secteur non esthétique

En implantologie, ne sont pas concernés par l'esthétique les secteurs postérieurs, hors du cadre du sourire, et la symphyse mandibulaire en cas de prothèse amovible supra-implantaire. Dans ces secteurs, outre l'exposition de l'implant, le but de l'intervention est de créer une zone de gencive attachée péri-implantaire, facilitant l'hygiène du patient et peu sensible aux traumatismes [16]. Pour ce faire, une incision crestale partageant la gencive attachée existante en deux bandes égales est réalisée (fig. 16a à 16c).

Après décollement modéré des deux lambeaux, l'implant est exposé. La cicatrisation osseuse peut avoir recouvert le pôle prothétique de l'implant. Dans ce cas, l'os recouvrant l'implant est à éliminer avec un instrument rotatif ou à l'aide d'un trépan spécifique, homothétique de la vis de cicatrisation, disponible dans certains systèmes.

La vis de fermeture de l'implant est déposée avant d'être remplacée par la vis de cicatrisation. Celle-ci doit se bloquer brutalement, en une fraction de tour, sans possibilité de tourner sous plus fort serrage. Cela signe le contact direct métal/métal de la vis de cicatrisation sur l'implant. Un serrage progressif possible est la preuve de l'interposition de tissus environnants entre vis et implant. Cette interférence entraînera secondairement le dévissage de la vis lorsque l'os gênant se sera résorbé.

Pour le débutant, lors des premières interventions ou en cas de doute, un contrôle radiographique est recommandé (fig. 17a et 17b).

Les tissus mous sont ensuite repositionnés autour de la vis de cicatrisation. Du côté palatin au maxillaire, une incision semi-circulaire améliore l'adaptation de la gencive attachée, présente en quantité sur le versant interne de la crête.

En secteur concerné par l'esthétique

Dans les secteurs visibles lors du sourire, une exigence supplémentaire doit être prise en compte : le maintien ou la création d'un volume de gencive attachée en vestibulaire de l'implant, pour limiter le risque de récession inesthétique, ainsi que la conservation ou l'augmentation du volume des papilles juxta-implantaires.

Les techniques de gestion des tissus mous péri-implantaires en secteur esthétique sont plus délicates à mettre en oeuvre et demandent un solide bagage technique que peuvent avoir apporté, par exemple, la pratique de la chirurgie parodontale et la maîtrise des lambeaux d'épaisseur partielle. C'est le prérequis pour l'utilisation des deux techniques suivantes.

Implant unitaire

L'enfouissement vestibulaire de greffons conjonctifs, initialement proposé par Raetzke [17] pour le recouvrement radiculaire, permet d'augmenter l'épaisseur de conjonctif vestibulaire, limitant la visibilité du titane par transparence et recréant un relief pour imiter la présence d'une racine naturelle [18] (fig. 18a, 18b et 19).

Avec l'expérience, cette technique pourra être complétée par un tracé d'incision visant à recréer un volume papillaire, la split finger technique [19].

Implants multiples

La même technique peut être répétée pour des implants multiples. Une autre possibilité est la technique de Palacci qui, à partir d'un lambeau de pleine épaisseur vestibulaire ou lingual, permet de créer des néopapilles à partir de minilambeaux déplacés par rotation (fig. 20a et 20b).

Il faut cependant répéter que les techniques en secteur esthétique sont délicates à mettre en oeuvre et déconseillées aux praticiens inexpérimentés en chirurgie muco-gingivale.

Discussion

Le pire, pour le débutant en implantologie chirurgicale, est de ne pouvoir mener à terme une intervention ou d'essuyer des échecs précoces, l'amenant, comme ses patients, à une perte de confiance dans cette nouvelle activité.

Pour éviter ces écueils, un travail de formation continue doit être réalisé en amont par le futur implantologiste. Le compagnonnage est à privilégier, il fait d'ailleurs partie intégrante de nombreuses formations en implantologie.

L'investissement minimal pour commencer l'implantologie n'est pas anodin. Il est cependant indispensable. Vouloir commencer une intervention sans l'instrumentation requise (moteur spécifique, contre-angle réducteur et stock d'implants) ne peut que conduire à un résultat médiocre, voire catastrophique.

Enfin, l'humilité doit être la règle : le candidat implantologiste débutera par des cas simples, des patients non fumeurs et non stressés, en bonne santé. Les sites chirurgicaux les plus simples seront privilégiés :

- zone symphysaire permettant la mise en place de 2 à 4 implants pour stabiliser une prothèse totale ;

- secteurs postérieurs lorsque la hauteur osseuse importante laisse à distance les obstacles anatomiques ;

- secteur maxillaire antérieur si le volume osseux est important et si la ligne du sourire est basse.

Conclusion

Débuter en chirurgie implantaire est à la portée de nombreux praticiens souhaitant gérer la phase chirurgicale de leurs cas cliniques simples. Le principal danger serait de ne pas faire les investissements personnels en formation et financiers en équipements spécifiques nécessaires à la réalisation d'interventions dans un climat de confiance réciproque pour le patient et le praticien.

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