Quelle place réserver à l'implantologie dans la thérapeutique prothétique ? - Cahiers de Prothèse n° 140 du 01/12/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 140 du 01/12/2007

 

IMPLANTOLOGIE

Jean-Claude Gimonet  

DCD, Compétences en implantologie AFI-DGOI
3, rue Jacques-Monod
76130 Mont-Saint-Aignan

Le taux de succès des implants dentaires est clairement identifié et documenté dans la littérature scientifique [1, 2, 3et 4]. Il permet désormais d'introduire la prothèse implantaire au quotidien dans l'élaboration des plans de traitement et de la comparer aux thérapeutiques traditionnelles pour...


Résumé

L'implantologie est une solution thérapeutique qui trouve sa place dans une réflexion globale sur la santé buccodentaire de nos patients. Elle doit faire partie intégrante des propositions de traitement. C'est un devoir d'information associé à une obligation de moyens.

Cet article est destiné à décrire les démarches techniques et conceptuelles que doit entreprendre le débutant en implantologie :

- établir un projet thérapeutique documenté et une planification chirurgicale rigoureuse ;

- évaluer la difficulté technique en fonction de sa propre expertise en toute humilité ;

- s'appuyer sur le « compagnonnage » qui conduit progressivement à gérer l'ensemble de ces cas cliniques en toute sérénité.

Implantology is a therapeutic solution that must not be overlooked when analyzing the overall bucco-dental health of our patients, and it must be an integral part of treatment proposals.

This obligation to provide patients with information is associated with an obligation to dispose of adequate means to achieve the intended result.

This article describes the various technical and conceptual steps to be followed when starting the practice of implant dentistry:

- preparation of a documented therapeutic analysis and a rigourous surgical plan;

- honest evaluation of all technical difficulties as a function of one's expertise;

- reliance on a «master/apprentice» approach to training in order to progressively master management of the many types of clinical situations.

Le taux de succès des implants dentaires est clairement identifié et documenté dans la littérature scientifique [1, 2, 3et 4]. Il permet désormais d'introduire la prothèse implantaire au quotidien dans l'élaboration des plans de traitement et de la comparer aux thérapeutiques traditionnelles pour le remplacement des dents dont la valeur résiduelle est discutable comme pour le traitement des édentements.

Le plan de traitement associe souvent différentes disciplines qui contribuent, au même titre que l'implantologie, à une approche globale du projet thérapeutique. La prédictibilité des résultats à long terme des implants ostéo-intégrés est telle que le traitement implantaire des zones édentées est un standard dans de nombreuses situations [5,6].

Néanmoins, il faut être prudent et mesuré dans l'orientation des décisions, notamment quand on est face à l'alternative suivante : conserver ou implanter ? La valeur résiduelle des dents doit être parfaitement évaluée et les thérapeutiques comme la parodontie, l'endodontie et l'orthodontie s'associent très souvent au traitement implantaire pour contribuer à sa pérennité [7, 8et 9]. L'implantologie trouve sa place dans une réflexion globale sur la santé bucco-dentaire des patients. Les implants ne sont pas utilisés uniquement pour remplacer une prothèse amovible au profit d'une restauration fixée, mais aussi pour améliorer les résultats fonctionnels et esthétiques.

L'approche globale conduit le praticien à changer de comportement devant un édentement de petite ou moyenne étendue : le réflexe pris depuis des décennies de penser d'abord au bridge doit être reconsidéré au profit de la sauvegarde des éléments dentaires sains. Pourquoi délabrer deux dents pour en remplacer une ? Pourquoi augmenter la charge des dents devenant piliers de bridge ? Pourquoi se placer pratiquement en situation d'erreur médicale ?

L'argument financier est discutable, puisque les organismes sociaux ne prennent pas en charge une couronne sur une dent saine. De surcroît, le remplacement d'une dent unitaire par un implant est financièrement comparable à la réalisation d'un bridge (fig. 1a et 1b).

Tous ces éléments militent en faveur d'une implantologie au quotidien dans les cabinets d'omnipraticiens.

Le but de cet article est, dans un premier temps, de mettre en évidence l'intérêt d'une prise en charge globale du patient. La démarche pour aborder le traitement des édentements est ensuite présentée, de la perte d'une ou de plusieurs dents jusqu'au traitement de l'édentement total. L'objectif est de fournir au praticien qui souhaite débuter en implantologie les différentes options prothétiques pour élargir son champ d'activité professionnelle et de le guider dans ses choix et dans l'organisation de sa pratique.

Approche globale

L'esthétique, la fonction, l'inconfort, la recherche du bien-être et les relations sociales conduisent le patient à s'interroger et à interroger le praticien. Il formule généralement une demande ponctuelle, indépendamment de son environnement bucco-dentaire général : remplacement d'une première prémolaire maxillaire pour des raisons esthétiques, remplacement d'une première molaire mandibulaire pour des raisons fonctionnelles, prothèse complète mandibulaire instable...

Dans d'autres cas, le patient a une demande plus générale, imprécise, avec le désir d'obtenir des réponses à ses interrogations : prothèse amovible partielle mal supportée, contacts molaires inexistants, restauration du sourire...

Ces deux attitudes sont complémentaires, elles doivent être superposées pour accéder à une approche globale du patient et de ses pathologies, pour l'orienter vers une réhabilitation personnalisée assurant la restauration des fonctions et la pérennité du traitement dans le respect des connaissances médicales avérées.

Pour atteindre ces objectifs, le traitement implantaire ne doit pas être entrepris isolément, sans tenir compte du contexte bucco-dentaire.

Lorsque la thérapeutique implantaire fait partie intégrante des propositions de traitement, le praticien répond à son devoir d'information et à ses obligations de moyens : la prise en charge des patients dans les cas simples s'en trouve facilitée [10].

Le vieillissement de la population, l'augmentation du niveau de vie ainsi que la demande croissante de solutions esthétiques et durables sont les moteurs de la croissance. Néanmoins, le nombre de praticiens incluant dans leurs plans de traitements une solution implantaire est encore faible. La formation des chirurgiens-dentistes à l'implantologie constituerait un facteur essentiel à l'essor de cette discipline.

Traitement des édentements

Édentement unitaire

Les prothèses sur implants, prescrites dans des conditions cliniques d'omnipratique en respectant les indications et contre-indications d'usage en implantologie, sont le traitement de choix pour un édentement unitaire bordé par des dents naturelles saines [11] (fig. 2a et 2b). Elles permettent à long terme la préservation des organes dentaires adjacents sans mettre en péril leur intégrité tout en assurant l'équilibre occlusal [6] (fig. 3a à 3c).

Elles permettent également d'aborder les problèmes posés par la présence de diastèmes, difficiles à résoudre par la prothèse fixée conventionnelle pour respecter la forme des dents et maintenir ou recréer les papilles (fig. 4a et 4b).

C'est également une solution de remplacement au bridge collé, dont la longévité tient compte non seulement des rapports occlusaux et des matériaux de collage mais aussi d'une mise en oeuvre très contraignante ; ce bridge est souvent considéré comme une solution prothétique à moyen terme ou encore comme une solution transitoire durant la phase d'ostéointégration (fig. 5a et 5b).

Le bridge garde ses indications lorsque les dents voisines d'un édentement de faible étendue nécessitent une reconstruction coronaire.

Cependant, on peut considérer que la mise en place d'un implant peut éviter aux dents adjacentes, déjà affaiblies, de supporter les contraintes mécaniques de l'élément intermédiaire du bridge. L'implant permet, par son autonomie, de supprimer la transmission des efforts aux dents collatérales, leur assurant ainsi une plus grande pérennité.

Planification du traitement = anticipation

Si l'extraction d'une dent est programmée et l'option implantaire envisagée, une chirurgie non délabrante permet de préserver le volume osseux et contribue à faciliter la mise en place de l'implant.

L'étude préopératoire doit inclure une évaluation, par des radiographies rétroalvéolaires, de la perte osseuse consécutive aux extractions dentaires. Les organes dentaires tendent à être positionnés plutôt vestibulairement par rapport au centre de la crête alvéolaire, ce qui entraîne, tout particulièrement au maxillaire, une faible épaisseur de la table osseuse externe. Des études récentes sur l'évolution de la résorption osseuse faisant suite à une extraction ont été réalisées. En utilisant des clichés radiographiques successifs, Schropp et al. [12] ont mesuré, dans une étude prospective de 12 mois, la formation osseuse et les modifications de contour du procès alvéolaire à la suite d'une extraction. La largeur de la crête alvéolaire se réduit de 50 % (de 12 à 5,9 mm en moyenne) et les deux tiers de la réduction interviennent durant les 3 premiers mois.

C'est précisément entre 8 et 12 semaines que la mise en place d'un implant est la plus judicieuse.

Volume osseux

Lors de la planification de la chirurgie implantaire, une maquette de diagnostic permet de déterminer la position optimale de la reconstruction prothétique et ses rapports avec la crête osseuse et les tissus mous.

Pour répondre aux critères biomécaniques éprouvés, les implants doivent être placés dans un volume osseux au moins égal au diamètre de l'implant + 2 mm, ce qui favorise le phénomène d'ostéointégration et autorise la réalisation de prothèses s'appuyant sur des piliers de diamètre suffisamment large [13,14].

Si la cicatrisation osseuse et tissulaire n'est pas maîtrisée, notamment dans le secteur antérieur, cela peut poser deux types de problèmes : compromettre le résultat esthétique par une situation inadaptée des limites gingivales de la couronne sur implant ou bien rendre la mise en place d'un implant délicate, voire impossible. Préserver le volume osseux par l'aménagement de l'alvéole déshabitée est une option qu'il ne faut pas négliger. Les matériaux de comblement, associés ou non à des membranes, sont une possibilité [15] (fig. 6a à 6c) Dans certains cas, il peut s'avérer nécessaire de recourir à une augmentation du volume osseux par greffe d'apposition avant la mise en place des implants.

Il est important de souligner qu'il est quasiment impossible de rattraper, lors de l'élaboration prothétique, une erreur commise durant la phase chirurgicale sur la position ou l'axe des implants.

Édentements pluraux

La perte des dents, conséquence du vieillissement, a une répercussion au quotidien sur la vie des patients. Le port d'une prothèse amovible est vécu comme un « handicap » et contribue dans bien des cas à des modifications du comportement : perte du sourire, manque de confiance en soi, altération des relations sociales.

Le traitement implantaire est le traitement de choix pour les édentements pluraux. Dans les secteurs postérieurs, il restaure durablement le calage molaire assurant ainsi un bon équilibre des forces masticatrices : le calage postérieur soulage la fonction des articulations temporo-mandibulaires. L'efficacité fonctionnelle est alors largement améliorée et le confort retrouvé [16] (fig. 7a et 7b).

Planification du traitement implantaire

C'est le projet prothétique qui dicte la position des implants.

Difficultés d'accès

Au préalable, une simulation doit être effectuée avec le matériel ancillaire avant de programmer l'acte chirurgical lorsque la mise en place d'implants est envisagée dans les secteurs postérieurs maxillaire ou mandibulaire.

En effet, le patient doit avoir une ouverture buccale suffisante pour permettre l'accès des forets dans l'axe prévu lors de la planification chirurgicale. Le risque de déviation du forage est réel, il peut conduire à la mise en place d'un implant selon une angulation inadéquate qui complique à terme la réalisation prothétique.

Combien d'implants sont nécessaires ?

C'est durant la phase diagnostique que l'on détermine le nombre d'implants à poser. Lorsque plusieurs dents adjacentes sont absentes à la mandibule, il est habituel d'en remplacer 3 par un bridge reposant sur 2 implants lorsque les conditions anatomiques et biomécaniques sont favorables. Cette approche est également intéressante dans le secteur antérieur maxillaire lorsque l'espace est limité, l'intermédiaire de bridge permettant de gérer plus facilement la mise en place des implants. Les embrasures ainsi créées entre les différents éléments du bridge permettent d'assurer l'hygiène et le maintien des papilles.

La valeur parodontale des dents restantes, l'efficacité du guidage antérieur par les dents naturelles, le type de schéma occlusal en diduction et la tendance ou non au bruxisme sont des éléments incontournables à prendre en compte pour la conception de la prothèse sur implants.

Position et orientation des implants

L'étude préprothétique est indispensable : le transfert sur articulateur des moulages d'étude permet la réalisation de cires de diagnostic visualisant la position, le nombre des implants et les relations optimales des futures couronnes avec les tissus mous. Les cires de diagnostic permettent de simuler l'occlusion et de déterminer l'axe optimal des implants (fig. 8a).

En occlusion d'intercuspidie maximale (OIM), les charges occlusales s'orientent dans cet axe. Les angulations importantes par rapport à cette situation conduisent à des difficultés dans la réalisation prothétique, à des surcharges au niveau des composants prothétiques, voire à des échecs.

Un guide radiologique est construit à partir du moulage de la maquette pour évaluer, grâce au scanner, le volume osseux disponible au niveau des sites à implanter. Transformé en guide chirurgical, il pourra dans de nombreux cas faciliter la mise en place des implants (fig. 8b).

Le bilan d'imagerie permet de déterminer si les structures anatomiques autorisent une mise en place d'implants répondant aux critères biologiques, biomécaniques et esthétiques définis lors de l'étude préprothétique. Le praticien possède ainsi toutes les données pour décider de la situation, de la longueur, du diamètre et du nombre d'implants répondant aux exigences prothétiques.

Pour chaque système implantaire, des gabarits sur feuille transparente des différents types d'implants (largeur, longueur, profils) sont utilisés, superposés aux images du scanner. En fonction du volume osseux disponible, le praticien choisit puis note les caractéristiques des implants convenant le mieux pour passer commande auprès du fournisseur (fig. 9a à 9c).

Il peut également constater que la pose d'un implant sur le site stratégique envisagé est impossible sans apport osseux (fig. 10a et 10b).

Cette démarche est désormais facilitée par l'utilisation de procédés électroniques de plus en plus sophistiqués mais dont l'acquisition sort du cadre de l'omnipratique.

Implants courts

Il faut tenir compte des limitations anatomiques des secteurs postérieurs : le canal mandibulaire et les cavités sinusiennes au maxillaire. Les secteurs postérieurs ont souvent un volume osseux disponible moins important que les secteurs antérieurs. Il en est de même avec la densité osseuse. La mise en place d'implants courts (inférieurs à 10 mm) dans ces secteurs a longtemps montré un taux d'échecs important. Selon Misch et al. [17], les complications s'expliquent par la plus grande hauteur des couronnes prothétiques, par des forces occlusales plus importantes dans les secteurs postérieurs et par une plus faible densité osseuse, notamment au maxillaire.

Une approche biomécanique ayant pour but de diminuer les contraintes à l'interface os/implant permettrait désormais d'obtenir un taux de succès identique à celui obtenu avec des implants de longueur supérieure à 10 mm [18, 19et 20] (fig. 11a et 11b).

Les charges appliquées sur les implants peuvent être réduites :

- en éliminant les contacts dans les mouvements de diduction et en privilégiant la protection canine ou la fonction de groupe ;

- en évitant les porte-à-faux au niveau des reconstructions prothétiques (pas d'éléments en extension) ;

- en augmentant le nombre des implants ;

- en augmentant leur diamètre ;

- en utilisant des implants à surface rugueuse [21,22] ;

- en reliant les implants entre eux par une structure prothétique rigide.

Une telle approche permet de résoudre de nombreuses difficultés ; néanmoins, le recours à des techniques d'augmentation du volume osseux peut s'avérer indispensable notamment dans les secteurs sous-sinusiens.

Les greffes osseuses pour les résorptions mandibulaires très avancées ne semblent pas justifiées [23] car elles entraînent plus de complications chirurgicales que la mise en place d'implants courts [17]. La question se pose dans le secteur sous-sinusien où la densité osseuse est généralement faible (os de type III ou IV). Les procédures chirurgicales qui président à l'augmentation du volume osseux intrasinusien sont bien codifiées et permettent de mettre en place des implants de longueur standard avec un taux de succès de 96 %, à condition d'avoir recours à des praticiens aguerris pour ce type d'intervention [24] (fig. 12).

Édentement complet mandibulaire

Le vieillissement de la population est un fait en Europe : en 20 ans, la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans est passée de 17 à 22 % avec pour corollaire un nombre de patients qui souffrent ou souffriront d'édentement complet au maxillaire et à la mandibule.

Le traitement de l'édentement complet mandibulaire, par des prothèses amovibles totales, est une source majeure de difficultés pour le praticien et d'insatisfaction pour le patient car la stabilité de ce type de prothèse est souvent jugée insuffisante, ce qui constitue la principale doléance [25].

L'équilibre d'une prothèse amovible provient de la répartition harmonieuse de la stabilisation, de la sustentation et de la rétention. Pour la prothèse amovible complète mandibulaire, la sustentation peut se révéler suffisante. En revanche, la rétention souvent faible entraîne son manque de stabilité. Ces phénomènes sont souvent générateurs de blessures, d'inconfort et accélèrent la résorption de l'os résiduel sans pour autant restaurer efficacement la fonction masticatrice.

La conclusion du rapport de consensus du symposium McGill 2002 sur le thème de la restauration de l'édentement complet est la suivante [26] : « La preuve scientifique généralement disponible suggère que la restauration de l'édentement complet mandibulaire par une prothèse amovible conventionnelle n'est plus le choix de traitement prothétique le plus approprié. Il existe maintenant des preuves incontestables que la prothèse supra-implantaire stabilisée par 2 implants doit devenir la solution privilégiée de traitement de l'édentement complet mandibulaire. »

Les connaissances médicales avérées montrent que, même si une prothèse amovible complète mandibulaire à appui muqueux est satisfaisante pour le praticien, une prothèse amovible stabilisée par 2 implants est plus efficace, plus confortable et améliore la qualité de vie du patient [27].

La mise en place de 2 implants symphysaires pour stabiliser une prothèse mandibulaire grâce à des systèmes de barre ou d'attachement axiaux comme les boutons-pression [28] contribue à améliorer de façon significative l'équilibre de la prothèse par une augmentation de la rétention mais également par la stabilisation antéro-postérieure et latérale [29] (fig. 13a et 13b).

Planification du traitement implantaire

La mise en place de 2 implants symphysaires est facilitée par un accès aisé, un os dense de type I ou II permettant une excellente fixation primaire des implants et un excellent pronostic. La zone d'implantation est située entre les deux foramina mentonniers, limitant ainsi les risques anatomiques puisque aucune structure nerveuse ou vasculaire majeure ne circule à cet endroit (à condition bien sûr de rester à 5 mm en avant des foramina mentonniers et de bien s'assurer de la forme de la crête dans ce secteur antérieur).

Examen clinique et radiologique

La radiographie panoramique associée à la palpation permet de situer avec précision l'émergence des orifices mentonniers qui peuvent, dans les cas de forte résorption, se situer sur la crête (fig. 14a).

La téléradiographie de profil permet, d'une part, de préciser la forme, le volume, l'orientation et la hauteur d'os disponible au niveau symphysaire et, d'autre part, d'identifier conjointement à l'examen clinique une crête en « lame de couteau » qui devra être régularisée au moment de la mise en place des implants (fig. 14b).

Ces examens sont généralement suffisants pour déterminer la longueur et le diamètre des implants qui seront choisis pour l'intervention. En cas de doute, un examen tomodensitométrique ou un examen par cone beam sont utiles.

Stratégie chirurgicale

Selon les auteurs, la position idéale des implants se situe au niveau des incisives latérales, à une distance de 7,5 mm symétriquement par rapport à la suture médiane mandibulaire [30]. Cette situation présente également un avantage en matière de parallélisme entre les implants, plus facile à obtenir lorsqu'ils sont proches.

La réalisation d'un guide chirurgical est recommandée. En effet, une fois les incisions réalisées et le lambeau récliné, les points de repère tendent à disparaître (particulièrement lorsque la crête est très résorbée et donc plate), rendant hasardeuse la mise en place des implants. L'utilisation d'une réplique en résine transparente de la prothèse existante aménagée ou d'un montage directeur comme guide chirurgical est une solution simple qui situera une émergence implantaire aux endroits prévus lors du projet thérapeutique et prothétique (fig. 15a et 15b).

Restauration prothétique

Lorsque les recommandations décrites ci-dessus sont appliquées, la réalisation prothétique se trouve facilitée. Une étude réalisée à l'université McGill [31] montre que les patients traités par une prothèse stabilisée par 2 implants sont largement plus satisfaits que ceux traités par une prothèse conventionnelle et qu'il n'y a pas de différence d'appréciation lorsque le praticien responsable de la réalisation prothétique sur implants est expérimenté ou non pour ce type de traitement. Six praticiens inexpérimentés parmi les sept qui ont participé à l'étude ont trouvé plus facile de réaliser une prothèse stabilisée par 2 implants qu'une prothèse conventionnelle.

Autre proposition de traitement

Une barre de conjonction réunissant 2, 3 ou 4 implants symphysaires permet la réalisation d'une prothèse amovible complète supra-implantaire (fig. 16a à 16c).

Une barre sur 3 implants est particulièrement indiquée lorsque cette prothèse est opposée à une arcade dentée maxillaire ou lorsque les conditions cliniques imposent la solidarisation d'implants courts ou insérés dans un os de faible densité.

Ce type de connexion permet un meilleur équilibre prothétique en limitant, si la barre est en V, les mouvements de rotation. Elle prend alors en charge une grande partie de la sustentation mais induit une sollicitation plus grande des implants [30].

Le positionnement chirurgical des implants doit être très précis, l'espacement entre chacun d'eux doit être suffisant pour permettre la mise en place des cavaliers. La barre de conjonction est conçue en fonction de la prothèse et des dents prothétiques. Un guide chirurgical réalisé à partir de l'étude préprothétique est indispensable pour optimiser l'acte chirurgical et faciliter la réalisation prothétique.

Le volume de la barre dans la région antérieure de la mandibule nécessite un évidement important de l'intrados de la prothèse qui peut créer une zone de fragilité. Il est recommandé de réaliser un châssis métallique pour assurer la résistance mécanique. Les cavaliers sont de préférence métalliques, car plus rétenteurs et activables dans le temps, contrairement aux cavaliers en matière plastique qui perdent rapidement leur efficacité.

Cette solution thérapeutique par barre est toutefois plus complexe à mettre en oeuvre et plus onéreuse que la précédente.

Du plus simple au plus compliqué : expertise de l'opérateur

Les connaissances fondamentales des principes qui régissent l'implantologie sont indispensables. L'expertise de l'opérateur suit une courbe d'apprentissage qui le conduit, au fil du temps, à gérer les cas les plus complexes.

L'implantologie permet d'élargir le champ des compétences du praticien qui, en proposant des plans de traitement plus élaborés et plus performants, transforme une situation prothétique complexe, ne répondant pas aux critères actuels des données acquises de la science, en situation simple parfaitement accessible.

Un examen clinique et radiologique attentif permet d'évaluer la difficulté du cas à traiter. En toute humilité, l'opérateur doit appréhender les caractéristiques techniques de l'acte chirurgical qu'il projette de réaliser.

La mise en place d'un implant au niveau d'une première molaire mandibulaire est un acte chirurgical très simple si le volume osseux est suffisant. Le remplacement par un implant d'une première prémolaire maxillaire fait souvent suite à la perte récente de l'organe dentaire. Lorsque l'extraction a été conduite en préservant au mieux le volume osseux, la mise en place d'un implant, 8 à 12 semaines plus tard, est facilitée.

Le matériel ancillaire de certaines trousses implantaires permet de sécuriser l'acte chirurgical grâce à des butées d'enfoncement, à des jauges de mesure, à des paralléliseurs... La mise en place de plusieurs implants est, dans ces conditions, plus fiable et plus aisée (fig. 17).

Le bon sens doit présider à la prise de décision du débutant en implantologie : le remplacement d'une incisive centrale maxillaire chez une jeune femme au sourire gingival n'est pas la meilleure entrée en matière pour une première intervention.

La mise en charge immédiate, largement documentée et banalisée, répond à des indications extrêmement précises. Si un consensus entre experts permet de penser que, à la mandibule, sur 6 à 10 implants c'est une thérapeutique entrant dans le cadre des données avérées [32,33], il n'en est pas de même au maxillaire et encore moins pour un implant unitaire. Il faut donc être très prudent et évaluer en permanence le rapport bénéfice/risque pour le patient.

Conclusion

La pratique implantaire parfaitement codifiée est aujourd'hui fiable et pérenne. Elle apporte des solutions confortables dans diverses situations cliniques quotidiennes. Elle implique un regard différent sur les plans de traitement et s'inscrit, pour certaines indications, dans une activité d'omnipratique. Elle constitue un apport considérable pour les patients qui, de mieux en mieux informés, sont à la recherche de telles thérapeutiques.

Bibliographie

  • 1 Albrektson T, Zarb G, Worthington P, Eriksson A.The long term efficacity of curently used dental implant: a review and proposed criteria of success. Int J Oral Maxillofac Implant 1986;1:11-25.
  • 2 Herrmann I.How to interpret success rates in implantology. Cah Prothèse 1990;71:31-37.
  • 3 Lambrecht JT, Filippi A, Kunzel AR, Schiel HJ.Long term evaluation of submerged and non submerged ITI solid-scew titanium implants: a 10 years life table analysis of 468 implants. Int J Oral Maxillofac Implant 2003;18:826-834.
  • 4 Lemmermann KJ, Lemmermann NE.Osseointegrated dental implants in private practice: a long term case series study. J Periodontol 2005;76:310-319.
  • 5 Henry PJ.Tooth loss and implant replacement. Aust Dent J 2000;45:291-292.
  • 6 Misch CE.Endosteal implants for posterior single tooth replacement: alternative indications, contrindications and limitations. J Oral Implantol 1999;25:80-94.
  • 7 Seunaneche P.Conserver ou implanter : prudence ! Inf Dent 2006;88:28-37.
  • 8 Ramirez OI, Schuler RF, Heindl H.Treating complex cases using an interdisciplinary approch for predictible aesthetic and fonctional outcome. Pract Proced Aesthet Dent 2005;17:275-281.
  • 9 Davarpanah M, Martinez H, Tecucianu JF, Fromentin O, Celletti R.To conserve or implant: which choice of therapy? Int J Periodontics Restorative Dent 2000;20:412-422.
  • 10 Stanford CM.Application of oral implants to the general dental practice. J Am Dent Assoc 2005;136:1092-1100.
  • 11 Duminil G, Muller-Bolla M, Brun JP, Leclercq P.Implants EVL Evolution® : taux de succès sur une durée de 5 ans. Implant 2005;11(4):125-133.
  • 12 Schropp L, Wenzel A, Kostopoulos L, Karring T.Bone healing and soft tissue contour changes following single tooth extraction: a clinical and radiographic 12 months prospective study. Int J Periodontics Restorative Dent 2003;23:313-323.
  • 13 Stanford CM, Brand RA.Toward an understanding of implant occlusion and strain adaptative bone modeling and remodeling. J Prosthet Dent 1999;81:553-561.
  • 14 Brunski JB.In vivo bone response to biomecanical loading at the bone/dental implant interface. Adv Dent Res 1999;13:99-119.
  • 15 Irinakis T.Rationale for socket preservation after extraction of a single rooted tooth when planning for future implant placement. J Can Dent Assoc 2006;72:915-922.
  • 17 Misch CE, Steignga J, Barboza E, Misch-Dietsh F, Ciancola LJ, Cazor C.Short dental implants in posterior partial edentulism: a multi center retrospective 6 years case series study. J Periodontol 2006;77:1340-1347.
  • 18 Renouard F, Nisand D.Impact of implant lenght and diameter on survival rates. Clin Oral Implants Res 2006;17(suppl. 2):35-51.
  • 19 Misch CE.Short dental implants: a literature review and rationale for use. Dent Today 2005;24:64-8.
  • 20 Arlin ML.Short dental implants as a treatment option: results from an observational study in a single private practice. Int J Oral Maxillofac Implants 2006;21:769-776.
  • 21 Wennerberg A et al.Titanium release from implants prepared with different surface roughness. Clin Oral Implant Res 2004;15:505-512.
  • 22 Wennerberg A, Albrektsson T.Surfaces implantaires rugueuses au-delà du micron. Implant 2006; 12(3):193-201.
  • 23 Esposito M, Grusovin MG, Coulthard P, Worthington HV.The efficacity of various bone augmentation procedures for dental implants: a Cochrane systematic review of randomized controlled clinical trials. Int J Oral Maxillofac Implants 2006;21:696-710.
  • 24 Del Fabbro M, Testori T, Francetti L, Weinstein RL.Systematic review of survival rates for implants placed in the grafted maxillary sinus. Int J Periodontics Restorative Dent 2004;24:565-577.
  • 25 Wright PS.Two implants for all edentulous mandibles. Br Dent J 2006;22:200-469.
  • 26 Thomason JM.The McGill consensus statement on overdentures. Mandibular 2-implant overdentures as first choice standard of care for edentulous patients. Eur J Prosthodont Restor Dent 2002;10:95-96.
  • 27 Thomason JM, Lund JP, Chehade A, Feine JS.Patient satisfaction with mandibular implant overdentures and conventional denture 6 months after delivery. Int J Prosthodont 2003;16:467-473.
  • 28 Assémat Tessandier X.La prothèse supra-implantaire mandibulaire : les boutons-pression. Implant 2000;6(3):114-122.
  • 29 Mac Entee MI, Walton JN, Glick N.A clinical trial of patient satisfaction and prosthodontic needs with bal land bar attachments for implant-retained complete overdenture : three years results. J Prosthet Dent 2005;93:28-37.
  • 30 Amzalag G.La prothèse supra-implantaire mandibulaire : les barres d'ancrage. Implant 2000;6(2):107-114.
  • 31 Esfandiari S, Lund JP, Thomason JM, Dufresne E, Kobayashi T, Dubois M, Freine JS.Can general dentists produce successful implant overdentures with minimal training. J Dent 2006;34:796-801.
  • 32 Drago CJ, Lazzara RJ.Immediate occlusal loading of osseotite implants in mandibular edentulous patients. J Prosthodont 2006;15:187-194.
  • 33 Testori T et al.Immediate occlusal loading of osseotite implants in the lower edentulous jaw. A multicenter prospective study. Clin Oral Implants Res 2004;15:278-284.