Aménagements de la muqueuse péri-implantaire : intégration dans la chronologie du traitement - JPIO n° 1 du 01/02/2000
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2000

 

Articles

Serge ZAGURY *   Hadi ANTOUN **   Patrick MISSIKA ***  


*Unité d'implantologie chirurgicale
Faculté de Chirurgie dentaire
Université Paris-VII
France

Résumé

Les aménagements muqueux péri-implantaires établissent un contour harmonieux de la muqueuse située autour des implants et en préservent la santé en lui conférant une morphologie compatible avec une bonne maintenance. Les objectifs de ces aménagements sont la création d'un bandeau de muqueuse kératinisée, la fermeture primaire des berges des lambeaux et l'obtention d'une esthétique satisfaisante. Selon les objectifs recherchés et le stade du traitement où ces interventions sont réalisées, il est possible de réaliser des greffes gingivales, des déplacements tissulaires ou des aménagements papillaires.

Summary

The peri-implant soft tissue management results in an harmonious contour of the mucosa surrounding implants preserving mucosal health with a good maintened morphology. The objectives of these managements are creating a band of keratinised tissue, obtaining primary closure of the flap edges and a satisfactory esthetic restoration. Depending on our objectives and the stage of the intervention, it is possible to perform gingival grafts, flap displacements or modifications of the papillae.

Key words

Dental implants/endosseous, muco-gingival surgery, peri-implant mucosa

Alors que dans les premières années de l'implantologie moderne, le seul objectif était d'obtenir l'ostéo-intégration de l'implant, les traitements actuels recherchent une intégration implantaire tant physiologique qu'esthétique. Les contours et la santé de la muqueuse péri-implantaire sont essentiels à cette intégration. Les techniques de reconstruction osseuse et gingivale autorisent aujourd'hui un positionnement optimal de l'implant par rapport à la situation des dents prothétiques, ce qui permet une meilleure répartition des contraintes biomécaniques, une meilleure intégration esthétique et facilite les manœuvres de prophylaxie.

Indications des aménagements muqueux péri-implantaires

Création d'un bandeau de muqueuse kératinisée

La question de savoir si le fait de ne pas avoir une zone convenable de muqueuse masticatoire attachée pouvait compromettre la possibilité d'assurer une maintenance et favoriser une dégradation des tissus de soutien parodontaux et péri-implantaires a suscité beaucoup d'intérêt (Wennström et al., 1994 ; Warrer et al., 1995). Bien que chacun s'accorde à dire que la présence d'une muqueuse kératinisée attachée est souhaitable en bordure des implants, il n'y a pas de consensus selon lequel il serait nécessaire de rétablir ce bandeau s'il venait à manquer. En effet, la plupart des études à long terme ne trouvent pas de longévité supérieure pour les implants entourés de tissu kératinisé (Albrektsson et al., 1986 ; Apse et al., 1991 ; Mericske-Stern et al., 1994 ; Wennström et al., 1994). Néanmoins, Newman et Flemming (1988) ont observé que lorsqu'un implant émerge dans une muqueuse kératinisée attachée, la maintenance se fait plus facilement et les tissus mous péri-implantaires résistent mieux aux agressions mécaniques que lorsqu'ils émergent au sein d'une muqueuse alvéolaire non kératinisée et mobile. Block et Kent (1990) ont montré que les implants entourés de tissus kératinisés attachés présentaient des poches moins profondes et un meilleur pronostic à long terme que les autres. Itic et Poirel (1992) considèrent que des conditions idéales associées à une hygiène parfaite permettent de se passer de gencive kératinisée mais que, dans les cas où une limite prothétique infra-gingivale est nécessaire ou en présence de zones de tensions musculaires proches, la création d'un bandeau de tissu kératinisé péri-implantaire est nécessaire.

Besoin d'une fermeture primaire

Lors de la mise en œuvre de techniques de régénération osseuse guidée (ROG), des membranes résorbables ou non résorbables sont utilisées afin d'empêcher l'invasion épithéliale et conjonctive au sein du défaut osseux. L'utilisation de ces matériaux sous-entend la fermeture primaire du site implantaire. Certaines manipulations tissulaires sont nécessaires pour assurer une herméticité des berges en première intention.

Objectifs esthétiques

De plus en plus, la demande esthétique revêt une importance primordiale dans les restaurations implanto-portées. Le succès de ces restaurations dépend de la manière dont elles simulent la nature : taille, forme, nuances, texture, transparence, contours gingivaux et présence des papilles.

Texture et couleur

L'aspect chirurgical doit prendre en compte le parfait mimétisme de la texture et de la couleur des tissus mous péri-implantaires. En présence de gencive très fine, le métal sous-jacent risque de transparaître en donnant un reflet gris à toute la zone. Afin de masquer ce reflet, il est judicieux de chercher à augmenter l'épaisseur de la gencive autour des implants. L'apparition récente des piliers en céramique alumineuse ou la céramisation de piliers métalliques devrait permettre de faciliter les traitements esthétiques en limitant les indications chirurgicales.

Volume

La préservation ou la création d'un volume muqueux péri-implantaire est une préoccupation majeure des reconstructions implanto-portées à visée esthétique. Après une extraction dentaire, une résorption plus ou moins importante de la crête se produit, entraînant souvent l'apparition de concavités vestibulaires et, parfois, l'effondrement de la crête dans le sens vertical. Dans les cas où ces défauts empêchent la stabilité primaire des implants ou quand le défaut péri-implantaire s'avère trop important pour envisager une régénération osseuse guidée, des greffes osseuses en onlay sont indiquées afin de résoudre ce problème (Antoun et al., 1995). Dans les situations où la concavité permet de placer un implant stable autour duquel le défaut n'est pas trop important, une régénération osseuse guidée est mise en œuvre simultanément à l'implantation (Rosenquist, 1997 ; Simion et al., 1997). Ces interventions permettent également de recréer le galbe vestibulaire perdu. Dans le cas où ces concavités ne nécessitent pas de reconstruction osseuse, les implants peuvent être mis en place et des techniques d'augmentation muqueuse sont entreprises (Scharf et Tarnow, 1992 ; Silverstein et al., 1994a et 1994b). La zone papillaire est particulièrement critique quant à l'obtention d'une restauration esthétique. Diverses chirurgies impliquées dans la restauration des zones esthétiques au moyen d'implants ostéo-intégrés cherchent à préserver ou à recréer les papilles.

Profil d'émergence

La forme donnée aux structures supra-implantaires ainsi que leur parfaite adaptation et leur totale intégration aux structures péri-implantaires sont les garants du succès technique. Dans les secteurs esthétiques, cette réalité prophylactique du profil d'émergence devra s'accompagner d'une prise en compte des réalités esthétiques. Il existe un décalage entre le diamètre implantaire au niveau osseux et l'anatomie radiculaire au niveau de la crête marginale de la gencive (Daftary, 1997). La hauteur gingivale devra être mise à profit pour permettre à l'élément transmuqueux de passer du diamètre de l'implant à l'anatomie voulue au niveau juxta-gingival. Il faut néanmoins un compromis entre une hauteur gingivale trop faible ne permettant pas l'établissement d'un profil d'émergence esthétique et une hauteur gingivale trop importante pouvant constituer une poche difficile à entretenir.

En fonction de l'objectif souhaité et selon la situation, ces aménagements peuvent intervenir à différents stades du traitement implantaire.

Stade pré-implantaire

Les interventions réalisées à ce stade vont soit faciliter la chirurgie implantaire, soit la conditionner.

Greffes gingivales

Les greffes épithélio-conjonctives sont réalisées en pré-implantaire lorsque la crête, totalement dénuée de muqueuse kératinisée, risquerait de compliquer les manipulations de tissus mous durant la chirurgie implantaire. La bande de muqueuse kératinisée néo-formée permettra une meilleure tenue des sutures et un repositionnement plus facile des lambeaux du fait de la bonne qualité du tissu sur le site (Silverstein et al., 1994b ; Ouhayoun, 1991). Landsberg et Bichacho (1994) préconisent également une greffe épithélio-conjonctive dans une indication totalement différente : le scellement de l'alvéole post-extractionnel. Cette intervention a lieu concomitamment à l'extraction de la dent et à une greffe osseuse dans le site d'extraction. Elle a pour but de permettre une fermeture primaire de l'alvéole pour protéger un matériau de comblement. Le greffon gingival, plus large que l'orifice alvéolaire, mesure 2 mm d'épaisseur. Il est placé en appui sur les bords muqueux de l'alvéole, puis suturé.

Les greffes conjonctives ont des indications en pré-implantaire qui rejoignent celles des greffes épithélio-conjonctives, à quelques nuances près. Pour renforcer la muqueuse, la greffe conjonctive sera préférée à la greffe épithélio-conjonctive si une nécessité esthétique impose de respecter la colorimétrie de la muqueuse adjacente. Pour obtenir la fermeture primaire d'un alvéole d'extraction, il est possible de prélever un greffon conjonctif dont les bords doivent être recouverts, sur au moins 2 à 3 mm, par la face interne des lambeaux réclinés avant l'extraction (Chen et Dahlin, 1996).

Augmentation gingivale spontanée in situ

Le principe de cette technique, assez intéressante, est de réduire au ras de la gencive une ou des dents dont l'extraction est prévue afin de permettre une prolifération gingivale autour de la racine restante (Langer, 1994). En 3 à 4 semaines, le site est totalement recouvert par la gencive, permettant ainsi d'obtenir une fermeture primaire du site le jour de l'extraction de la racine et de la mise en place éventuelle d'un implant.

Déplacements tissulaires

Le lambeau palatin glissé coronairement, décrit par Tinti et Parma-Benfenati en 1995, puis par Hürzeler et Weng en 1999, consiste en une série d'incisions pratiquées dans l'épaisseur du lambeau palatin, créant ainsi plusieurs couches susceptibles de glisser et de pivoter les unes sur les autres (fig. 1a et 1b). Par ce fait, il est possible d'avoir une fermeture primaire du site tout en préservant ou en recréant le bandeau de gencive adhérente vestibulaire (fig. 1c).

Le lambeau vestibulaire tracté coronairement permet d'obtenir une fermeture primaire des lambeaux lors de reconstructions osseuses importantes ou d'extractions (Rosenquist, 1997). Un lambeau muco-périosté est élevé en regard du site et le périoste est incisé à la base du lambeau pour lui donner une plus grande laxité et permettre de le tracter jusqu'à la muqueuse linguale ou palatine. L'inconvénient de cette technique est le déplacement coronaire de la jonction muco-gingivale (fig. 2a et 2b). Néanmoins, on peut remédier à cet inconvénient lors du stade II (fig. 2c). Au stade de la prothèse, on observe une continuité de la ligne de jonction muco-gingivale (fig. 2d et 2e).

Le lambeau déplacé latéralement permet d'obtenir une fermeture primaire d'alvéole post-extractionnelle sans créer de problème muco-gingival au niveau des dents adjacentes ni déplacer la jonction muco-gingivale du site concerné. De plus, à la différence du lambeau déplacé coronairement, celui qui l'est latéralement est moins soumis à des tensions. Il peut être d'épaisseur partielle (Novaes et Novaes, 1997) ou totale (Becker et Becker, 1990).

Incisions particulières

Lors d'une ROG, le recouvrement d'une membrane en première intention et le maintien de cette fermeture dépendent des incisions qui vont permettre un recouvrement total du site et l'absence de tensions au sein des lambeaux. La technique décrite par Buser et al. (1990 et 1993) permet de satisfaire à ces impératifs en associant, dans un même lambeau, une zone incisée en épaisseur partielle (à point de départ décalé par rapport à la crête) et une zone réclinée en épaisseur totale.

Stade I ou chirurgie implantaire

Greffes gingivales

Les greffes épithélio-conjonctives ont pour but de permettre, en cas d'extraction-implantation immédiate, une fermeture primaire en plaçant comme barrière un greffon épithélio-conjonctif. Lorsqu'il n'est pas nécessaire de récliner un lambeau pour extraire la dent, un greffon de la taille et de la forme de l'alvéole est prélevé sur le palais et est placé de sorte qu'il s'applique sur les bords muqueux de l'alvéole auxquels il est suturé (Rosenquist, 1997). Quand la situation impose d'élever un lambeau, on utilise une technique différente par laquelle le greffon prélevé est glissé sous les bords du lambeau qui le recouvrent partiellement, augmentant ainsi l'apport vasculaire au greffon (Evian et Cutler, 1994). À cet effet, toutes les zones du greffon qui sont recouvertes par la face interne des lambeaux doivent être désépithélialisées afin d'établir un affrontement tissu conjonctif contre tissu conjonctif.

Les greffes conjonctives ont, avec les systèmes enfouis, les mêmes indications et intérêts que les greffes épithélio-conjonctives. La technique est la même que lorsque l'intervention est pratiquée au stade pré-implantaire (Chen et Dahlin, 1996). Dans le cas de systèmes non enfouis, des greffes conjonctives enfouies peuvent être réalisées au cours de la chirurgie implantaire pour recréer un bandeau de gencive kératinisée. La technique chirurgicale utilisée est la même que celle décrite en chirurgie muco-gingivale autour de dents naturelles (Langer et Calagna, 1982).

Déplacements tissulaires

Le lambeau palatin glissé coronairement a été initialement mis au point pour recouvrir des implants posés en situation de compromis et nécessitant une ROG péri-implantaire (Tinti et Parma-Benfenati, 1995).

Le lambeau vestibulaire tracté coronairement est essentiellement utilisé au stade I dans les cas d'extraction-implantation immédiate avec ou sans ROG pour obtenir une coaptation des lambeaux.

Le lambeau apicalisé, classiquement utilisé en thérapeutique parodontale, peut être réalisé à ce stade uniquement avec des implants non enfouis. L'incision est décalée du côté palatin ou lingual et, après avoir mis en place les implants, le lambeau muco-périosté est suturé plus apicalement, tout en restant au contact de la partie transmuqueuse, sur environ 2,5 à 3 mm afin de préserver un « espace biologique » avant la crête osseuse. Cet aménagement permet de recréer un bandeau kératinisé en bordure des implants et de bénéficier du temps d'ostéo-intégration (de 3 à 6 mois) pour laisser la muqueuse arriver à complète maturation.

Le lambeau « Island » utilisé lors d'une extraction-implantation immédiate est élevé horizontalement dans la muqueuse alvéolaire vestibulaire en regard du site d'extraction (Rosenquist, 1996). Il se situe apicalement à la jonction muco-gingivale et sa largeur correspond à celle de l'alvéole post-extractionnel (fig. 3a). Un tunnel reliant l'alvéole à la base du lambeau est réalisé entre le périoste et la table externe. Après avoir été superficiellement désépithélialisé, le lambeau est passé par le tunnel et son extrémité est suturée aux bords muqueux de l'alvéole (fig. 3b). Il n'y a ainsi pas de déplacement coronaire de la ligne de jonction muco-gingivale (fig. 3c).

Le lambeau déplacé latéralement, bien que décrit par Novaes et Novaes (1997) comme une technique à mener lors de l'extraction et avant l'implantation, semble parfaitement indiqué pour obtenir une fermeture primaire en extraction-implantation immédiate avec ou sans membrane.

Incisions particulières

Langer et Langer (1990) décrivent le lambeau de recouvrement par superposition qui consiste à détacher un lambeau d'épaisseur partielle soit en vestibulaire, soit en palatin. Le lambeau opposé recouvrant les deux côtés de la crête édentée est alors soulevé pour exposer l'os. Il est de pleine épaisseur à sa base et présente un prolongement conjonctif. Une fois l'implant mis en place, le repositionnement de ce double manteau permet de l'isoler complètement de la cavité buccale et même des cellules épithéliales.

Buser et al. (1990) décrivent initialement des incisions qui consistent à détacher soit un lambeau vestibulaire au maxillaire, soit un lambeau lingual à la mandibule en commençant par une incision primaire à biseau externe décalée du côté opposé à la crête. Indiqué lors de procédures de ROG, ce type d'incisions décalées permet d'obtenir une coaptation des lambeaux en évitant l'exposition de la membrane. Becker et Becker (1996) conseillent, pour limiter la récession gingivale adjacente, de décoller, d'une part, les papilles adjacentes avec une lame 15 et, d'autre part, le lambeau vestibulaire jusqu'au rebord alvéolaire ou légèrement au-delà. Il est également possible de réaliser des lambeaux plus étendus apicalement mais dont les incisions de décharge préservent les papilles adjacentes (Tarnow et al., 1996).

Hertel et al. (1993) proposent de pratiquer, au moment de la chirurgie implantaire, des incisions qui permettent de désépaissir les lambeaux et d'éviter ainsi la création de fausses poches péri-implantaires difficiles à maintenir.

Stade intermédiaire

Le seul type d'intervention décrit dans les publications à ce stade est la technique de régénération gingivale guidée (Salama et al., 1995). Cette technique consiste à repositionner un lambeau par-dessus les vis de cicatrisation à la manière d'une tente. Elle permet d'obtenir une création de muqueuse par régénération dans les espaces laissés entre les vis. Les vis de cicatrisation peuvent également être enfouies lors du stade I.

Stade II ou deuxième temps chirurgical

Une fois l'ostéo-intégration des implants enfouis établie, leur exposition constitue un stade où des aménagements décisifs vont pouvoir être entrepris. Il s'agit parfois de simples décalages d'incisions rapides à réaliser. Dans d'autres cas, ce sont des manipulations complexes des tissus mous qui permettent de mener à bien des situations délicates.

Techniques classiques

La technique excisionnelle du « punch », initialement décrite dans le protocole classique des implants de Brånemark, consiste à prélever avec un instrument emporte-pièce une rondelle de muqueuse toujours située en regard des implants (Adell et al., 1985). Elle est actuellement quasiment abandonnée car elle entraîne la disparition d'une partie importante de muqueuse kératinisée aboutissant parfois à l'émergence du pilier en muqueuse alvéolaire. Néanmoins, en présence de muqueuse kératinisée abondante, elle évite le décollement d'un lambeau et/ou des papilles.

La technique incisionnelle ou reconstructive (Hertel et al., 1994) présente l'avantage d'assurer une répartition de la gencive attachée autour du pilier sans en retirer par excision. Une incision est réalisée au milieu de la gencive attachée recouvrant l'implant et le périoste est récliné. La vis de couverture est retirée et le pilier de cicatrisation ou définitif est mis en place. Si l'implant n'est pas centré par rapport à la bande de muqueuse attachée, une des deux berges est tirée de l'autre côté du pilier et est libérée par deux petites incisions verticales.

Greffes gingivales

Les greffes épithélio-conjonctives permettent de recréer un bandeau de gencive kératinisée adhérente en cas d'insuffisance. Elles sont réalisées uniquement dans les zones où l'esthétique n'est pas primordiale. Le greffon est immobilisé par des sutures périostées suspendues aux piliers de cicatrisation (Silverstein et al., 1994b).

Les greffes conjonctives enfouies sont indiquées pour recréer un bandeau de gencive attachée kératinisée et/ou pour redonner un galbe vestibulaire (fig. 4, 4b, 4c et 4d) (Langer et Calagna, 1982). Elle permettent également de résoudre le problème de visibilité du métal par transparence dans le cas de gencives fines laissant paraître une coloration grise au collet.

Déplacements tissulaires

La technique du rouleau a été décrite en premier par Abrams (1980) pour augmenter le volume de la crête édentée en vue de la réalisation de prothèses fixées conventionnelles. Elle consiste à rouler un pédicule de tissu conjonctif palatin délimité, en regard de la zone édentée à augmenter, entre la face interne de la muqueuse vestibulaire et l'os vestibulaire du site. Dans sa description initiale, le prolongement conjonctif était obtenu par désépithélialisation réalisée avec un instrument rotatif à haute vitesse sous irrigation abondante. Scharf et Tarnow (1992) ont apporté une modification au protocole en préservant un volet épithélio-conjonctif palatin qui est rabattu sur l'os dénudé après roulement du tissu conjonctif (fig. 5, 5b, 5c, 5d et 5e).

Le lambeau déplacé apicalement, opération simple à réaliser, permet, comme la technique du rouleau, de gagner un bandeau de gencive adhérente et de galber légèrement le profil vestibulaire dans des situations où le manque n'est pas trop important.

L'incision primaire est décalée en palatin ou en lingual et le lambeau est replacé contre le rebord vestibulaire du pilier de cicatrisation ou de la restauration provisoire. Afin de pouvoir obtenir une fermeture de première intention des bords du lambeau, les incisions de décharge vestibulaires doivent préférentiellement être parallèles entre elles. Le lambeau apicalisé au stade II est fréquemment utilisé lorsqu'un lambeau tracté coronairement a été réalisé au premier temps chirurgical (Rosenquist, 1997). Il permet d'harmoniser la continuité de la ligne de jonction muco-gingivale du site implantaire avec celle des sites adjacents. Au maxillaire, dans le cas où une quantité importante de tissu doit être déplacée, l'incision primaire, très décalée en palatin, laisse une zone cruentée importante au palais. Le lambeau apicalisé peut alors être associé à un lambeau palatin de glissement coronaire (Tinti et Parma-Benfenati, 1995). Hürzeler et Weng (1996) proposent une technique particulière associée au retrait d'une membrane. L'incision primaire est la même que précédemment et la distance la séparant de la jonction muco-gingivale déterminera la largeur de gencive kératinisée que l'on veut obtenir. Le principe est de récliner le lambeau vestibulaire en épaisseur partielle puis, secondairement, de récliner dans la même direction un lambeau comportant le tissu conjonctif et le périoste. La membrane est alors retirée, le lambeau profond contenant le périoste est rabattu, suturé et incisé (avec une tréphine par exemple) pour permettre la mise en place des vis de cicatrisation. Ensuite, le lambeau superficiel est suturé classiquement en position plus apicale. Ainsi, à aucun endroit l'os n'est laissé à nu.

Aménagements papillaires

Pour éviter l'affaissement de papilles existantes, Becker et Becker (1996) préconisent, comme lors du premier temps chirurgical, de ne pas décoller de lambeau au-delà du rebord de la crête alvéolaire : il est alors suturé sur le pilier de cicatrisation ou sur une restauration provisoire plus coronairement par rapport aux dents adjacentes. Tarnow et al. (1996) recommandent d'exclure les papilles des trajets d'incision.

Parfois, la papille est complètement inexistante et il faut la recréer par des interventions assez complexes. Ainsi, l'aménagement muqueux réalisé au stade implantaire ou au stade intermédiaire par la technique de régénération gingivale guidée verra se concrétiser la mise en forme papillaire au cours de l'exposition finale des piliers de cicatrisation (Salama et al., 1995). La technique de régénération papillaire (Palacci, 1995) consiste à déplacer un lambeau en direction vestibulaire après connexion des piliers de cicatrisation et à détacher de la masse du tissu déplacé de petits pédicules en rotation du côté palatin. Ces pédicules sont alors suturés dans la position des futures papilles (fig. 6a, 6b, 6c et 6d).

Le lambeau échancré permet d'adapter au mieux la muqueuse aux piliers et favorise un recouvrement optimal au niveau interproximal. Des incisions échancrées sont réalisées sur les bords des lambeaux, leur donnant ainsi un aspect festonné (Moy et al., 1989). Une variante de cette technique, décrite par Rosenquist (1997), consiste à associer un repositionnement coronaire avec de multiples incisions en « C » en face de chaque dent ou implant sur tout un secteur incisivo-canin même pour un implant unitaire.

La compression latérale associe un type d'incision spécifique avec la mise en place d'une vis de cicatrisation. L'incision laisse volontairement un excès de gencive proximale qui est comprimé par la vis de cicatrisation, redonnant aux papilles leur volume et leur forme d'origine (Rosenquist, 1996).

Amélioration du profil d'émergence

L'établissement d'un profil d'émergence idéal se fait essentiellement au moyen de procédures non chirurgicales. Néanmoins, pour qu'il soit optimal, il faut un implant placé idéalement et une épaisseur de muqueuse comprise entre 2 et 4 mm, ce qui peut nécessiter au préalable quelques aménagements chirurgicaux.

Cela peut se faire grâce à l'utilisation de vis de cicatrisation évasées ou de vis anatomiques (Lazzara, 1993 ; Daftary, 1997). La technique de la compression latérale permet, tout en restaurant la papille, d'aménager l'émergence de la restauration.

L'utilisation de prothèses transitoires pour guider la muqueuse péri-implantaire permet de définir le profil d'émergence en rapport avec une restauration esthétique et personnalisée plutôt qu'avec une vis circulaire (Zamzok, 1996). Cela est réalisable grâce à l'utilisation d'un index au premier temps chirurgical (Reiser et al., 1992). L'index permet d'enregistrer la position de l'implant par rapport aux dents voisines et, ainsi, de préparer une prothèse provisoire qui est mise en place lors du deuxième temps chirurgical. Touati (1995) préconise la détermination de la position de l'implant au premier ou au deuxième temps. Dans ce dernier cas, la prothèse provisoire est alors placée 24 ou 48 heures après le stade II.

Dans certains cas, la prothèse définitive sera placée directement, soit parce que l'esthétique n'est pas primordiale, soit parce que la prothèse provisoire n'apporterait rien de plus que la prothèse définitive à la maturation gingivale. Dans le cas d'une prothèse unitaire, il se peut que le prothésiste ait suffisamment d'informations grâce aux dents voisines pour réaliser une prothèse aux contours idéaux. La mise en place de la restauration définitive rapidement ou le jour de la mise en fonction va conditionner les tissus mous pour qu'ils se façonnent autour de cette morphologie idéale (Tarnow et Eskow, 1995 ; Zamzok, 1996). Il est parfois possible de réaliser la mise en forme des contours gingivaux par des inlays-cores définitifs personnalisés sur lesquels reposeront des restaurations provisoires (Neale et Chee, 1994). Cette solution permet d'obtenir, dans la plus grande partie transgingivale, le poli de surface d'une restauration définitive tout en gardant, pour la partie superficielle, les possibilités d'adaptation d'une prothèse provisoire. Cependant, la maturation des tissus mous peut entraîner une modification des limites prothétiques. De plus, l'empreinte définitive devra être réalisée de façon classique et l'avantage des pièces usinées est alors perdu.

Conclusion

Certains des aménagements décrits ont pour intérêt principal de permettre l'ostéo-intégration dans les meilleures conditions possibles. C'est le cas, par exemple, de toutes les interventions qui permettent d'obtenir une fermeture primaire des sites chirurgicaux. Ces manipulations interviennent soit pendant la chirurgie implantaire, soit avant, en recréant un site favorable tant du point de vue osseux que du point de vue muco-gingival.

D'autres aménagements permettent de créer un bandeau de gencive kératinisée au bord des restaurations implantaires. Ce bandeau ne semble pas indispensable en ce qui concerne le maintien à long terme de l'ostéo-intégration mais est un élément déterminant dans les secteurs esthétiques.

Enfin, certains aménagements muqueux permettent également de redonner à la papille ou au rebord vestibulaire le volume qu'ils occupaient avant la perte des dents.

L'esthétique de la restauration dépend de son émergence de la muqueuse. Cet effet est obtenu par les interventions non chirurgicales, qui favorisent l'obtention d'un profil d'émergence prophylactique et esthétique. Les interventions préalables situent l'émergence dans le site le plus favorable possible et c'est ensuite la morphologie de la partie transmuqueuse qui confère l'illusion d'émergence la plus naturelle qui soit en mimant la morphologie dentaire cervicale.

La situation de l'implant dans un contexte osseux et muco-gingival idéal facilitera la réalisation prothétique. C'est donc la coordination entre chirurgien, praticien-prothésiste et prothésiste de laboratoire qui permettra d'obtenir une restauration parfaite.

Demande de tirés à part

Serge ZAGURY , 4, rue Marcel-Deboffe, 93150 LE BLANC-MESNIL - FRANCE.

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