Évaluation clinique et bactériologique d'une irrigation sousgingivale unique d'hexétidine après détartrage-surfaçage radiculaire dans les parodontites agressives - JPIO n° 3 du 01/08/2002
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2002

 

Articles

Michel TAROUNINE *   Joël ITIC **   Julia HOVANESSIAN ***   Daniel ÉTIENNE ****   Jean-Pierre OUHAYOUN *****  


*Service de Parodontologie
Faculté de Chirurgie dentaire
Université Denis-Diderot Paris-VII

Résumé

A J - 30, chez 13 patients atteints de parodontite agressive, les indices cliniques (indice de plaque, indice gingival, profondeur de poche) ont été mesurés et des marqueurs bactériens (Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Fusobacterium nucleatum, Eikenella corrodens) détectés par sonde ADN. Après détartrage-surfaçage radiculaire (à J0), une hémi-arcade a reçu une irrigation unique sousgingivale d'hexétidine tandis que l'hémi-arcade controlatérale recevait une irrigation unique de placebo. A J15, J30, J60 et J90, les mêmes indices cliniques et les mêmes marqueurs bactériens ont été relevés. Les résultats montrent, sur chaque hémi-arcade, une amélioration importante des premiers et une réduction des seconds à partir de J15, amélioration statistiquement significative pour les indices cliniques dès J30 et jusqu'à J60, davantage marquée du côté hexétidine. A J90, on observe une légère tendance au rebond bactérien, plus importante du côté placebo. L'irrigation unique d'hexétidine potentialise l'effet des détartrages-surfaçages radiculaires en modifiant la flore bactérienne de la poche parodontale pendant 3 mois et en améliorant les indices cliniques.

Summary

Clinical indices (plaque index, gingival index, probing depth) were recorded in 13 patients with aggressive periodontitis. In addition, bacteriological markers for Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Fusobacterium nucleatum and Eikenella corrodens were detected by DNA probes. Scaling and root planing were undertaken at Day 0 (D0), following which one half of the mouth received a single subgingival irrigation with hexetidine whilst the contralateral side received a single irrigation with placebo. The same clinical indices and the same bacteriologic markers were taken at D15, D30, D60 and D90. Results show that from D15 there was a considerable improvement in the clinical indices and a reduction in the bacteriologic markers on both sides. The improvement was statistically significant for the clinical indices from D30 to D60, especially on the hexetidine side. At D90, a slight tendency for bacterial rebound was noticed, especially on the placebo side. These results indicate that a single subgingival irrigation with hexetidine enhances the improvement observed after root planing in aggressive periodontitis by modifying the bacteriologic flora for 3 months and by improving clinical indices.

Key words

Subgingival irrigation, hexetidine, aggressive periodontitis, DNA probes

Introduction

Le détartrage sousgingival et le surfaçage radiculaire constituent un traitement efficace des parodontites (Becker et al., 1988 ; Renvert et al., 1990) qui permet une amélioration des indices cliniques (Isidor et Karring, 1986) et bactériens (Renvert et al., 1990). Cependant, il n'aboutit pas toujours à une réduction des indices cliniques et à une modification de la flore sousgingivale compatibles avec la santé parodontale, aussi des auteurs ont proposé, en complément, l'usage d'antiseptiques locaux.

Les bains de bouche comportant de la chlorhexidine sont efficaces dans la réduction de la plaque supragingivale et, donc, des indices gingivaux (revue in Lang et Breck, 1986). Overholser ont observé une amélioration comparable entre les bains de bouche contenant des huiles essentielles et ceux contenant de la chlorhexidine.

Par ces différents moyens, l'amélioration parodontale reste marginale et les produits actifs n'atteignent jamais le fond des poches parodontales (Pitcher et al., 1980). Une solution de remplacement a été proposée pour y remédier : Hardy ont montré que la partie apicale des poches parodontales était accessible par irrigation à l'aide d'une seringue dont l'embout est placé à 3 mm de profondeur dans la poche. Plus précisément, par irrigation forcée d'antibiotiques dans la poche parodontale, Gordon ont pu obtenir une concentration locale 100 fois supérieure à celle d'une administration systémique et la persistance sousgingivale du principe actif à une concentration suffisante pour obtenir la bactéricidie (Caufield et al., 1987). Aussi, de nombreux auteurs ont testé l'intérêt d'irrigations sousgingivales de différents produits, pratiquées par les patients eux-mêmes : de l'eau ou du sérum physiologique instillés dans des sites non détartrés (Itic et Serfaty, 1992 ; White et al., 1988), ou du fluorure d'étain (Boyd et al., 1985). L'irrigation sousgingivale professionnelle permet de s'affranchir de la dextérité des patients et a été étudiée par des auteurs tels que Rosling et Christersson avec des solutions de bicarbonate de soude et des solutions de polyvidone iodée, ou bien avec du digluconate de chlorhexidine (Unsal et al., 1994 ; Lander et al., 1986 ; Jolkovsky et al., 1990 ; Shiloah et Patters, 1994).

Parmi les différents antiseptiques utilisés, le digluconate de chlorhexidine (Lang et al., 1982) et l'hexétidine (Hefti et Huber, 1987 ; Wile et al., 1986 ; Romond et al., 1974 ; Saxer et Muhlemann, 1981) se distinguent par leur grand pouvoir antiplaque et antibactérien. L'hexétidine offre l'avantage d'être moins sensible à la présence de protéines, toujours nombreuses dans les poches parodontales profondes (Roberts et Addy, 1981 ; Wade et Addy, 1989). Luc ont observé un pouvoir antibactérien de l'hexétidine supérieur à celui du digluconate de chlorhexidine concernant les bactéries telles qu'Actinobacillus actinomycetemcomitans, Bacteroides sp., Fusobacterium sp. et Eikenella corrodens. En effet, certaines bactéries sont plus fortement impliquées dans les parodontites agressives, notamment A. actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Fusobacterium nucleatum et E. corrodens.

A. actinomycetemcomitans est observée en grand nombre dans les poches profondes (Asikainen et al., 1986) et son élimination des poches des parodontites sévères amène un gain d'attache et une diminution de la profondeur des poches (van Winkelhoff et al., 1988). P. gingivalis est également observée en grand nombre dans les formes destructrices des parodontites (Christersson et al., 1992) et son élimination conduit au succès thérapeutique (Haffajee et al., 1988). P. intermedia, F. nucleatum et E. corrodens sont remarquées dans les lésions des parodontites sévères mais de façon plus inconstante (Dzink et al., 1988).

Seules quelques études ont évalué l'efficacité des irrigations d'antiseptiques sur les plans clinique et bactériologique, et aucune n'a utilisé l'hexétidine, de grande valeur antiseptique. Aussi, nous a-t-il paru judicieux d'analyser de façon clinique et bactériologique des sites sévèrement atteints de parodontite agressive, traités par détartrage-surfaçage radiculaire et irrigation unique d'hexétidine.

Matériel et méthode

Patients

Treize patients âgés de 15 à 60 ans (moyenne : 39,91 ± 10,56 ans) ont été sélectionnés dans le service de Parodontologie de l'Université de Paris-VII Denis-Diderot selon les critères suivants :

- au moins 2 sites non adjacents dans chaque hémi-arcade ayant des profondeurs de poche égales ou supérieures à 6 mm devaient être présents, avec une évidence de perte osseuse radiographique et une présence de signes cliniques inflammatoires incluant le saignement au sondage, et portant au moins une des espèces bactériennes parmi A. actinomycetemcomitans, P. gingivalis, P. intermedia, F. nucleatum, E. corrodens ;

- les patients ne devaient présenter aucune maladie générale grave, ne devaient pas avoir pris d'antibiotiques ni d'anti-inflammatoires au cours des 3 derniers mois ni jamais avoir suivi de traitement parodontal. Un consentement écrit à leur participation à l'étude a été exigé.

Protocole de l'étude

A J - 30, après mesure des indices cliniques et prélèvement bactérien, un enseignement de l'hygiène selon la méthode de Bass et un détartrage supragingival ont été réalisés pour chaque patient.

A J0, la bouche de chaque patient inclus dans l'étude a été divisée en 2 secteurs :

- une hémi-arcade a été traitée par détartrage-surfaçage radiculaire suivi d'une irrigation sousgingivale d'hexétidine ;

- l'autre hémi-arcade l'a été par détartrage-surfaçage radiculaire suivi d'une irrigation de placebo.

A J15, J30, J60 et J90, les indices bactériens et cliniques ont été relevés sur le site le plus atteint de chaque hémi-arcade. Les deux secteurs attribués au traitement ont été déterminés de façon randomisée en double aveugle. Chaque patient était son propre témoin. L'irrigation a été réalisée par un hydropulseur à embout de seringue émoussé et sous pression constante, à raison de 30 ml par dent test (Itic, 1984).

Le produit actif était composé d'hexétidine à 0,1 % dans une solution de salicylate de méthyle, d'essence de clou de girofle, de menthol, d'anéthol, d'huile essentielle de menthe, d'eucalyptol, d'alcool à 96°, de polysorbate 80, de saccharinate de sodium, d'amaranthe à 85 %, d'acide citrique, d'hydroxyde de sodium et d'eau purifiée (Hextril®, Warner-Wellcome). Le placebo possédait la même composition avec le même pH et le même degré d'alcool mais sans le principe actif d'hexétidine.

Analyse clinique

Les indices cliniques utilisés pour chaque site étudié ont été :

- l'indice de plaque de Sillness et Loë (1964) ;

- la profondeur de poche ;

- l'indice gingival de Loë et Sillness (1963).

Ils ont été relevés par les différents opérateurs de l'étude, chaque patient étant suivi par le même opérateur.

Analyse bactériologique

Les prélèvements ont été pratiqués par insertion d'une pointe de papier stérile (Mynol medium) pendant 10 secondes au fond des poches parodontales des dents testées. Il s'agit d'une méthode fiable de prélèvement bactérien (Dahlén et al., 1990). Chaque pointe a été placée dans un tube Eppendorff vide de 1,5 ml et envoyée au laboratoire d'analyses Omnigene (Cambridge, Etats-Unis) pour traitement par tests à l'acide désoxyribonucléique (sondes ADN génomiques). Les 3 espèces les plus représentées chez les patients parmi A. actinomycetemcomitans, P. gingivalis, P. intermedia, F. nucleatum et E. corrodens ont été analysées. Les résultats ont été exprimés de façon semi-quantitative par analyse densitométrique des dots-blots. Le seuil de détection des molécules d'ADN correspond, selon le laboratoire, à la présence de 103 bactéries et les résultats positifs sont quantifiés entre 6 x 103 et 6 x 105 bactéries.

Cette technique a été choisie pour son aptitude à détecter un très faible nombre de bactéries parodontales, pour sa fiabilité par rapport aux cultures bactériennes (Slots et al., 1986 ; French et al., 1986 ; Savitt et al., 1988) et pour ses qualités pratiques (pas de délai d'analyse ni de nécessité de milieu de transport).

Analyse statistique

L'étude statistique des résultats sur ce petit échantillon a fait appel aux méthodes non paramétriques du chi carré et au test des signes (Wonnacott et Wonnacott, 1988).

Résultats

Les indices cliniques et bactériologiques de chaque patient sont rapportés dans le tableau I . Les 13 patients présentent des indices cliniques élevés à l'origine, en rapport avec la gravité de leurs lésions parodontales qui, cliniquement, se répartissent en 9 cas de parodontite adulte sévère, 3 cas de parodontite à progression rapide et 1 cas de parodontite juvénile, qui seront tous traités, sans distinction, puisque chaque patient est son propre témoin. Le tableau II reprend les indices cliniques des 13 patients groupés selon leur traitement et durant les 90 jours d'expérimentation, avec leurs écarts types.

Les valeurs des indices cliniques à partir de J15 (profondeur de poche, indice gingival et indice de plaque) sont présentées sous forme d'histogrammes (fig. 1, 2 et 3).

Les indices de plaque et les indices gingivaux initiaux des dents controlatérales analysées sont proches pour chaque patient, mais les profondeurs de poche entre les côtés qui vont être irrigués par l'hexétidine et ceux qui vont l'être par le placebo sont un peu différentes : 7,23 mm côté hexétidine et 7,62 mm côté placebo.

Au niveau bactérien, l'association P. gingivalis-P. intermedia est retrouvée dans presque tous les cas sélectionnés. F. nucleatum est présente dans 8/13 cas, A. actinomycetemcomitans est retrouvée dans 4 cas (1 cas de parodontite adulte, 3 cas de parodontite à progression rapide-parodontite juvénile). Les concentrations bactériennes sont très élevées : supérieures à 600 000 chez 9 patients pour au moins 1 des 3 bactéries sélectionnées. Ceci correspond bien à des cas cliniques sévères, très inflammatoires tableau I .

Pour simplifier la présentation des résultats, les concentrations en bactéries réelles (n) ont été codifiées en 5 indices :

- indice 5, n ≥ 600 000 ;

- indice 4, 100 000 ≤ n ≤ 599 999 ;

- indice 3, 50 000 ≤ n ≤ 99 999 ;

- indice 2, 10 000 ≤ n ≤ 49 999 ;

- indice 1, n ≤ 9 999.

A J - 30, les concentrations bactériennes sont assez proches entre côtés hexétidine et placebo : ils portent le même indice 2/9 fois, et un indice voisin d'un rang 1/3 fois.

A J15, les indices de plaque et les indices gingivaux sont réduits dans les deux secteurs, pour tous les patients et davantage du côté hexétidine. Les poches se réduisent de près de 2 mm de profondeur dans les deux secteurs. Au niveau bactérien, les concentrations bactériennes baissent d'un facteur 60 dans 10 sites et d'un facteur 10 dans 7 autres sites. Au niveau individuel, la diminution bactérienne est très importante chez 11/13 patients et il y a peu d'écarts entre les côtés hexétidine et placebo.

A J30, les indices de plaque et les indices gingivaux sont davantage réduits par rapport à J15, surtout du côté expérimental. Les poches sont moins profondes qu'à J15 de 1 mm environ ; l'amélioration du côté expérimental se confirme : 4,08 mm du côté hexétidine et 4,77 mm du côté placebo. Au niveau bactérien, chez 5 patients, il y a une quasi-disparition des bactéries suivies (en dessous du seuil de 10 000 bactéries) et, chez 8 autres patients, la diminution du nombre de bactéries se poursuit par rapport à J15.

A J60, les indices sont diminués de moitié par rapport à ceux relevés lors de l'examen initial et les poches sont 2 fois moins profondes. Le côté hexétidine présente de meilleurs résultats que le côté placebo mais l'écart est faible. La réduction de profondeur des poches est très nette : 3,38 mm du côté hexétidine contre 4,08 mm du côté placebo. La stabilité des concentrations bactériennes est à noter dans pratiquement tous les sites par rapport à J30.

A J90, l'indice de plaque reste stable et équivalent dans les deux secteurs. L'indice gingival remonte légèrement du côté placebo. Les profondeurs des poches sont en décroissance dans les deux secteurs avec une amélioration plus importante du côté hexétidine : 3,15 mm contre 3,85 mm du côté placebo. Un léger rebond bactérien se produit chez 2 patients, avec bond d'un indice.

Les résultats bactérie par bactérie sont présentés dans les figures 4, 5, 6, 7 et 8 . Le test statistique des signes, appliqué aux résultats cliniques, fait apparaître une amélioration significative à J30, J60 et J90 uniquement en ce qui concerne la profondeur de poche : p = 0,033 à J30, p = 0,055 à J60 et p = 0,035 à J90.

L'analyse statistique des résultats selon les modalités du traitement a été réalisée par test du chi carré au niveau des profondeurs de poche, de l'indice gingival et de l'indice de plaque.

La diminution des profondeurs de poche du côté hexétidine est significativement supérieure à celle du côté placebo : pour α = 0,05, χ2 = 7,81 et pour α = 0,01, χ2 = 11,3 à ddl = 3. L'amélioration n'est pas significative entre les deux modalités de traitement au niveau des indices gingival et de plaque (respectivement IG et IPl) : IG pour aα = 0,05, χ2 = 5,99 et pour α = 0,01, χ2 = 9,21 à ddl = 2 ; IPl pour α = 0,05, χ2 = 5,99 et pour α = 0,01, χ2 = 9,21 à ddl = 2.

L'analyse statistique des résultats bactériens montre une différence non significative, sur toutes les bactéries, aussi bien par test du chi carré que par test des signes : les effectifs sont faibles et des valeurs identiques entre côtés hexétidine et côtés placebo sont souvent notées :

- P. gingivalis, pour α = 0,05, χ2 = 5,99 à ddl = 2 ;

- F. nucleatum, pour α = 0,05, χ2 = 1,066 à ddl = 1 ;

- A. actinomycetemcomitans, pour α = 0,05, χ2 = 2,327 à ddl = 1 ;

- P. intermedia, pour α = 0,05, χ2 = 2 9867 à ddl = 1.

L'analyse a été impossible pour E. corrodens car l'échantillon était trop petit.

Discussion

Les poches parodontales supérieures à 6 mm et les autres indices cliniques montrent des patients atteints de parodontite sévère et correspondent à ceux des études de groupes similaires rapportés par Dahlén et al. (1995) et Zambon .

Au stade initial, les 13 patients présentent des associations bactériennes : A. actinomycetemcomitans, P. gingivalis et P. intermedia dans 4 cas, A. actinomycetemcomitans et P. gingivalis dans 4 cas, et P. gingivalis, P. intermedia et F. nucleatum dans 7 cas. P. gingivalis et P. intermedia sont présents chez 12/13 patients (tableau I).

Van Winkelhoff ont étudié l'effet d'une séance de surfaçage radiculaire sur des parodontites adultes sévères sans irrigation et ont noté, au bout de 8 semaines :

- une diminution des poches de 7,2 à 5,7 mm, comparable à ce que nous avons observé (de 7,6 à 4 mm) pour une même période ;

- la réduction de P. gingivalis (de 28 à 9 % des cas) et de P. intermedia (de 2,9 à 6,7 % des cas), alors que nous avons constaté une décroissance de P. gingivalis et de P. intermedia de 100 à 23 % des cas.

Les modifications bactériennes sousgingivales sont corrélées à celles des profondeurs de poche de façon similaire à ce que Magnusson et Mousques ont remarqué. Dans la première des deux études portant sur 16 patients, 67 % des poches passent de 8 mm et plus à 4-5 mm à J90 après un surfaçage unique et la proportion de bactéries motiles et de spirochètes de 21 à 5 % à J15 puis à 0-16 % à J90. Dans la deuxième étude (14 patients) et pour le même traitement, les poches diminuent de 6,4 à 4,5 mm en moyenne à J90 tandis que les bactéries spirochètes décroissent de 33,6 à moins de 2 % de la flore totale en 1 semaine puis remontent à des valeurs initiales dès J42.

Sbordone ont étudié la recolonisation bactérienne après un seul surfaçage radiculaire chez 8 patients atteints de parodontite adulte : la profondeur des poches passe en moyenne de 6,8 à 5 mm (à J21) puis à 6,5 mm (à J60) alors que les indices bactériens montrent une composition bactérienne similaire à celle de sites sains à J7 puis une recolonisation pathogène dès J21, qui est complète à J60. Ainsi, A. actinomycetemcomitans décroît en proportion de 1 à 0,2 % de la flore totale à J7 puis remonte à 0,7 % à la fin de l'étude (J60), l'évolution de P. gingivalis est de 8,7 à 1,6 % à J7 puis à 13,2 %, celle d'E. corrodens de 2,1 à 0,7 % à J7 puis à 1,5 % et, enfin, celle de F. nucleatum de 12,6 à 2,5 % à J7 puis à 18 %.

Dans notre étude, comportant en plus du surfaçage une irrigation par antiseptique, une seule des bactéries suit un tel rebond : chez 7/13 patients, le nombre de P. intermedia décroît à J15 puis remonte entre J30 et J90, alors que la profondeur de poche décroît régulièrement du début à la fin de l'expérimentation, mais sans écarts significatifs entre les 2 traitements réalisés.

La décroissance des bactéries est progressive : elle est plus forte à J30 qu'à J15. Peut-être est-ce dû à la désorganisation progressive du biofilm, phénomène avancé par Gilbert (1999). Nos résultats bactériens ne sont pas statistiquement significatifs du fait des effectifs trop faibles et des résultats trop proches entre côtés hexétidine et placebo.

Les études traitant notre sujet sont peu nombreuses et assez différentes, elles comprennent des thérapeutiques variées. Lors d'irrigations sousgingivales pratiquées par les patients, l'eau ou le sérum physiologique instillés dans des sites non détartrés durant 6 à 12 semaines peuvent réduire la profondeur de poche, le saignement et le nombre de bactéries parodontopathogènes mais ne modifient pas le niveau d'attache (Itic et Serfaty, 1992 ; White et al., 1988). Lors d'irrigations professionnelles sousgingivales uniques faites en complément d'un détartrage-surfaçage radiculaire, Rosling et Christersson ont obtenu une amélioration supplémentaire et durable (12 mois) du niveau d'attache en injectant dans les poches des solutions de bicarbonate de soude et de polyvidone iodée. Unsal et Lander , pour leur part, n'observent pas d'amélioration supplémentaire en utilisant du digluconate de chlorhexidine. Tout comme Shiloah et Patters (1994) : en 45 jours, chez 7 patients atteints de parodontite avancée, ils n'observent pas de modification bactérienne, au fond des poches, entre les sites surfacés et ceux surfacés et irrigués.

Le bicarbonate de sodium et la polyvidone iodée testés en irrigations sousgingivales en complément de surfaçages radiculaires améliorent le niveau d'attache dans des études ayant duré 12 mois (Christersson et al., 1988 ; Rosling et al., 1986) : pour les premiers auteurs, des gains d'attache supérieurs à 2 mm ont été obtenus dans 80 % des poches supérieures à 7 mm par surfaçage et irrigation à la polyvidone iodée contre 55 % des poches de dents ayant subi un surfaçage seul. Le bicarbonate de sodium, utilisé de la même manière, a permis des résultats comparables : 81 % contre 39 %. Pour les seconds auteurs, des gains d'attache supérieurs à 3 mm ont été obtenus par surfaçage et irrigation à la polyvidone iodée, alors qu'un surfaçage seul ne permettait qu'un gain de 2 mm chez les mêmes patients.

Nakagawa ont analysé l'effet antibactérien d'une irrigation unique de polyvidone iodée : une diminution des anaérobies à Gram négatif et des bactéroïdes pigmentées de 2 log a été observée immédiatement. Ce chiffre est à rapprocher de nos résultats.

Si de nombreuses études portent sur les modifications cliniques et bactériennes faisant suite à des détartrages et des surfaçages radiculaires, peu d'essais ont analysé les effets des irrigations en complément et encore moins ceux concernant des irrigations uniques. Seules des études utilisant de la polyvidone iodée peuvent se rapprocher de la nôtre.

Conclusion

L'irrigation unique sousgingivale par un antiseptique, lors du traitement des parodontites avancées, paraît profitable en termes cliniques et bactériens, en complément du surfaçage radiculaire. Nos résultats, obtenus 90 jours après irrigation unique d'hexétidine, se rapprochent aisément de ceux obtenus par un des meilleurs agents cités dans les publications, la polyvidone iodée (Rosling et al., 1986 ; Christersson et al., 1988 ; Nakagawa et al., 1990).

Les résultats en ce qui concerne les indices de plaque, les indices gingivaux et les marqueurs bactériens sont à confirmer statistiquement par des échantillons plus larges. Il serait intéressant, à l'avenir, de poursuivre les recherches cliniques concernant cet agent antiseptique, injustement méconnu, l'hexétidine.

Remerciements

Nous tenons à remercier tout particulièrement Daniel Amboise, maître de conférences à l'université Paris-VI, pour ses corrections statistiques.

Demande de tirés à part :

Michel TAROUNINE, 2, cours du Luzard, 77420 CHAMPS-SUR-MARNE - FRANCE.

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