Les doses subantimicrobiennes de doxycycline en parodontologie - JPIO n° 3 du 01/08/2005
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2005

 

Articles

X. KAMMACHER *   R. DA COSTA-NOBLE **   Y. LAUVERJAT ***  


*Département de parodontologie
Université de Bordeaux-2

Résumé

L'évolution actuelle de la prise en charge du patient atteint de maladie parodontale tend vers un protocole peu invasif, fondé sur un acte dit non chirurgical, associé à un apport médicamenteux par voie locale ou parentérale (antiseptiques, antibiotiques…).

Les chercheurs concentrent ainsi leurs efforts vers des produits adjuvants susceptibles de compléter au mieux la thérapeutique non chirurgicale, dans le but ultime d'obtenir les résultats cliniques les plus intéressants et les plus durables possibles.

Au début des années 1990, l'équipe de Golub a orienté ses travaux vers un protocole de prescription d'antibiotiques, mais selon une posologie bien inférieure à celle administrée classiquement, afin d'étudier les problèmes de développement de résistances inhérentes à la prise classique de tels médicaments.

Le choix de la molécule d'antibiotique s'est tourné vers un dérivé de la tétracycline, la doxycycline, car elle paraît présenter les propriétés antibactériennes les plus intéressantes; ce médicament a été administré en association avec une thérapeutique parodontale non chirurgicale selon un protocole de prescription 10 fois inférieur à la posologie conventionnelle, en deçà de la concentration minimale inhibitrice.

Les résultats cliniques et biologiques semblent montrer une amélioration des résultats par rapport à une instrumentation non chirurgicale seule. La non-survenue de résistances bactériennes chez les patients intégrés dans de tels protocoles reste discutable. Des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer l'intérêt thérapeutique de ce protocole utilisant les doses subantimicrobiennes.

Summary

The current approach to the treatment of patients suffering from periodontal disease usually involves a non-invasive protocol, based on a non-surgical act combined with some support medication administered by either local or parenteral routes (antiseptics, antibiotics…).

As a result, research teams have concentrated their efforts on the support medicaments that could be used to complement the non-surgical therapy, with the aim of getting the better and longer lasting clinical results.

At the beginning of the nineties, the Golub team oriented their work towards a protocol of anti-infective prescription, but using much lower doses than normal, in order to study the problem of resistance development that is inherent to standard use of such medicaments.

The anti-infective molecule that was selected was a tetracycline derivative, doxycycline, because it appeared to have the most interesting antibacterial properties. This medicament had already been used in association with non-surgical periodontal therapy at a does rate that was one tenth of the normal dose, below the minimal inhibitory concentration.

Clinical and biological results seem to demonstrate better outcomes than non-surgical intervention alone. The non-appearance of bacterial resistance in patients involved in the study is not proven. Additional clinical studies are needed to confirm the therapeutic value of a protocol using sub-antimicrobial doses.

Key words

Non-surgical therapy, doxycycline, sub-antimicrobial doses, anti-collagenase

Introduction

La prise en charge et le traitement de la maladie parodontale ont beaucoup évolué depuis une vingtaine d'années, avec une orientation vers des techniques non chirurgicales aux dépens des procédés chirurgicaux. La technique non chirurgicale repose sur deux aspects : l'instrumentation mécanique, effectuée alors à l'aveugle (c'est-à-dire sans élévation de lambeau) et l'apport médicamenteux par antibiotiques (par voie systémique ou locale), antiseptiques (bains de bouche avec du digluconate de chlorhexidine, du triclosan, des huiles essentielles et du peroxyde d'hydrogène), irrigations professionnelles (digluconate de chlorhexidine à 0,2 %, peroxyde d'hydrogène, tétracycline, métronidazole, sanguinarine et huiles essentielles) et anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène et acide méfénamique, par exemple).

Ainsi, le procédé non chirurgical demeure une association de deux techniques (détartrage et surfaçage radiculaire) fondées de façon tout à fait classique sur l'instrumentation manuelle (curettes universelles, curettes de Gracey, curettes de Crane Kaplan) et/ou ultrasonique.

En ce qui concerne l'aspect médicamenteux, l'idée est d'employer des substances chimiques de façon complémentaire, afin d'améliorer les résultats cliniques à court et long termes ou, encore, de réduire au maximum les suites postopératoires (douleur, œdème, récession…).

Selon ce principe, les chercheurs ont étudié l'intérêt d'un apport médicamenteux lorsqu'il est systémique ou encore d'application locale. En effet, le traitement mécanique seul est-il suffisant pour traiter la maladie parodontale ? Est-il possible d'intervenir sur la réponse de l'organisme vis-à-vis de l'agression bactérienne et de l'état inflammatoire qui en découle ? Un des concepts les plus récents, même s'il est déjà utilisé depuis un certain nombre d'années outre-atlantique, est l'usage de molécules d'antibiotiques - la tétracycline et ses dérivés - selon une posologie très faible (5 fois moins que la posologie usuelle, soit à doses subantimicrobiennes - DSA) et sur une période assez longue (plusieurs mois).

Traitement antibiotique

Le traitement mécanique seul est habituellement suffisant pour contrôler la majorité des parodontites. Mais, dans le cas de parodontites agressives, pour lesquelles le traitement mécanique seul n'est pas suffisant pour éliminer les bactéries pathogènes (Drisko, 2001), un traitement antibiotique adjuvant peut être indiqué.

L'antibiothérapie en parodontologie ne peut se justifier que dans la mesure où le traitement conventionnel n'a pas donné tous les résultats souhaités sur le plan clinique et bactériologique. La maladie parodontale évoluant sur un mode cyclique, la détermination des phases d'activité semble particulièrement importante. Mais nous n'avons pratiquement aucun indice clinique reproductible.

Indications de l'antibiothérapie

Par voie générale

L'antibiothérapie peut être administrée par voie générale ou locale. Ses indications par voie générale sont (Drisko, 2001) :

- la détection de bactéries comme Actinobacillus actinomycetemcomitans et Porphyromonas gingivalis. Ces bactéries exogènes ne sont pas éliminées facilement sans antibiothérapie (parodontites agressives localisées ou généralisées) ;

- la mauvaise réponse clinique de la thérapeutique mécanique, notamment pour les poches profondes et les zones interradiculaires ;

- le mauvais contrôle de plaque du patient avec une réinfection de poche ;

- la possibilité de réinfection parodontale à partir d'autres sites oropharyngés infectés ;

- les patients à risque avec des antécédents d'endocardite ou porteurs de prothèses valvulaires, qui nécessitent une antibiothérapie de prophylaxie pour tout traitement parodontal (ANDEM, 1996).

Avant de prescrire un antibiotique, il est utile de réaliser une analyse bactérienne pour déterminer la composition de la flore sous-gingivale. Van Winkelhoff et al. (1996) proposent, dans le cas d'une infection en présence d'A.actinomycetemcomitans, la prescription de métronidazole associé à de l'amoxicilline (250 mg de métronidazole et 375 mg d'amoxicilline, 3 fois par jour pendant 7 jours), protocole confirmé par les travaux de Muller et al. (1998). Les macrolides peuvent être utilisés en cas d'allergie aux β-lactamases. Le métronidazole seul peut éliminer P.gingivalis et Prevotella intermedia, rencontrés dans les parodontites agressives. La place de l'antibiothérapie dans le plan de traitement parodontal est encore controversée. Pour Van Winkelhoff et al. (1996), il est préférable de la réaliser après le traitement mécanique. Des abcès parodontaux peuvent se produire si un antibiotique est prescrit sans débridement mécanique préalable (Topoll et al., 1990). Pour Lindhe (1989), la thérapeutique antibiotique ne peut pas se substituer au traitement conventionnel détartrage-surfaçage radiculaire.

Trois mois après la prescription d'antibiotiques, Van Winkelhoff et al. (1996) préconisent une nouvelle analyse bactérienne afin de vérifier l'é limination des bactéries pathogènes. L'éradication de bactéries telles qu'A. actinomycetemcomitans et P. gingivalis paraît prévenir les possibles récidives de la parodontite.

Par voie locale

Plusieurs méthodes d'application locale d'antibiotiques ont été décrites ces dernières années, comme l'application de métronidazole (Elyzol®), de tétracycline (Actisite®), ou de doxycycline (Atridox®).

Radvar et al. (1996) ont comparé au détartrage-surfaçage radiculaire seul 3 types d'applications locales: des fibres de tétracycline, un gel de métronidazole et un gel de minocycline. Tous ces traitements ont montré une augmentation de gain d'attache à 6 mois (de 0,5 mm en moyenne) mais pas de différence significative entre les diverses options. Les antibiotiques locaux présentent au début de fortes concentrations, puis se diluent rapidement dans l'organisme en atteignant des concentrations favorables à la formation d'une résistance. Celle-ci serait surtout rencontrée avec les tétracyclines. Le métronidazole serait cependant mis en cause dans la résistance de Trichromas vaginalis (Smith, 1998).

Sur la base des données actuelles (Wennström et al., 2001 ; Eickholz et al., 2002 ; Machion et al., 2004 - études sur 6 mois ; Drisko, 1998 ; Wolinsky et al., 2001 ; Johnson et al., 2002 - études sur 9 mois), l'antibiothérapie par application locale manque de recul.

Résistance aux antibiotiques

Un des effets redoutés de l'antibiothérapie est le développement de résistances bactériennes. On distingue 3 types de résistances aux antibiotiques :

- la résistance intrinsèque, qui est inhérente à la bactérie et peut être considérée comme une caractéristique d'espèce (Eikenella présente des résistances avec la clindamycine, Fusobacterium avec les macrolides ; les Actinomyces, dont A. actinomycetemcomitans, et les streptocoques ne sont pas affectés par le métronidazole) ;

- la résistance mutationnelle. Il s'agit d'un phénomène rare (de 10-6 à 10-10 par génération) et spontané dû à une modification génétique de la bactérie, qui n'est pas en rapport avec un phénomène extérieur. Ainsi, une mutation peut apparaître après changement d'un seul nucléotide. Ces résistances peuvent également apparaître au niveau des protéines membranaires, modifiant de fait la perméabilité de la cellule bactérienne et, donc, la pénétration de l'antibiotique ;

- la résistance acquise, qui est une résistance horizontale. Une bactérie peut acquérir un nouvel ADN par transformation (procédé par lequel une bactérie va acquérir des fragments d'ADN libres à partir de son environnement immédiat), par transduction (processus selon lequel l'ADN exogène est transféré par insertion dans une particule phagique, la bactérie est infectée par le phage - par exemple, les staphylocoques) ou par conjugaison (contact de cellule à cellule qui implique le transfert de plasmides d'ADN d'un donneur à un receveur. Il s'agit du processus de transfert de gène de résistance le plus commun).

Une des explications de l'augmentation du pourcentage de la résistance bactérienne dans le temps suivant l'administration est la croissance ou le remplacement des bactéries sensibles par des bactéries résistantes. Si on analyse une poche parodontale, on trouve chez la plupart des patients un certain pourcentage de cellules souches résistantes aux tétracyclines. En traitant ces patients avec une antibiothérapie à base de tétracycline et en analysant de nouveau la sensibilité bactérienne plusieurs semaines après, on retrouvera probablement une augmentation du pourcentage des bactéries résistantes. Dans le temps, l'équilibre va se rétablir.

Ceci peut expliquer les résultats de certains traitements aux tétracyclines qui détruiront une flore pathogène sensible et laisseront coloniser une flore résistante comme les streptocoques et les Actinomyces qui sont associés à la santé parodontale.

Une quinzaine de gènes codent pour la résistance aux tétracyclines. Quatre de ces déterminants codent pour des protéines spécifiques, la plupart des autres le font pour un mécanisme de pompage qui empêche les tétracyclines d'atteindre une concentration intracellulaire suffisante. C'est un mécanisme efficace avec les tétracyclines, mais moins avec la doxycycline et la minocycline.

La résistance aux pénicillines et aux céphalosporines intervient lorsque la concentration de l'antibiotique tombe en dessous du niveau nécessaire pour inhiber l'activité des protéines de liaison. Elle peut intervenir au niveau de la perméabilité à l'antibiotique - ce sont les mutations de perméabilité qui concernent les bactéries à Gram négatif et qui consistent en une mutation des protéines de diffusion transmembranaire - ou au niveau de l'altération des protéines de liaison et concerne alors les bactéries à Gram positif et négatif. Il y a altération des transpeptidases et des carboxypeptidases, qui permettent la fixation des β-lactamines, et, au niveau de la production d'enzymes inactivant la bactérie, ce sont les β-lactamases qui provoquent une altération de l'activité antimicrobienne.

Nouvelle approche : doses subantimicrobiennes

Depuis une dizaine d'années, un nouveau concept médicamenteux a été envisagé principalement par Golub et son équipe (1990). En fait, l'idée est d'éviter la mise en place de résistances qui se créent généralement à la suite d'une antibiothérapie classique, que ce soit par voie générale ou locale.

Ainsi, la tétracycline, lorsqu'elle est associée à une thérapeutique instrumentale, permet d'obtenir des résultats très satisfaisants sur la réduction de la sévérité de la parodontite chronique, de la parodontite agressive ou de la parodontite réfractaire.

Cependant, en parallèle avec ces résultats cliniques encourageants, sont apparus des effets négatifs chez ces patients, à savoir des résistances microbiennes aux tétracyclines. Par exemple, Kornman et Karl (1982) ont traité un groupe de patients atteints de parodontite réfractaire en leur administrant de la tétracycline par voie générale (250 mg/j) pendant 2 à 7 jours et ils ont obtenu, certes, une réponse parodontale très favorable à ce traitement, mais aussi une proportion de 77 % de la microflore cultivable de ces patients résistante aux tétracyclines. Le même type de constatation a pu être effectué pour les antibiotiques délivrés localement (Olsvik et Tenover, 1993).

Par ailleurs, les avancées scientifiques ont permis de mettre en évidence l'intérêt multiple des tétracyclines et de leurs dérivés : minocycline et doxycycline. D'un point de vue général, ces molécules sont capables d'enrayer les processus arthritiques, tumoraux, ostéopéniques ou encore dermato-pathologiques. D'un point de vue parodontal, elles peuvent réduire la destruction tissulaire en inhibant l'action des métalloprotéinases et des collagénases (grâce à des propriétés autres qu'antimicrobiennes) et favoriser la synthèse collagénique et osseuse une fois les processus pathologiques arrêtés, grâce à leurs propriétés anti-inflammatoires inhibant l'activité ostéoclasique. Outre leurs propriétés anti-collagénase, les tétracyclines sont connues pour inhiber la production de produits dérivés de l'oxygène tels que l'acide chlorhydrique (HCl). Cette propriété non antimicrobienne permet de réduire la destruction tissulaire durant la maladie parodontale, en inhibant la fabrication d'HCl notamment, produite par les cellules gingivales aussi bien que par les leucocytes par activation des pro-métalloprotéinases matricielles (pro-MMP) et par désactivation d'inhibiteurs de la protéinase dérivés de l'hôte, tels que l'α1-PI. Ainsi, cette capacité de la tétracycline à inhiber l'activité des MMP et à prévenir la formation de radicaux oxygénés module directement et indirectement le processus complexe de destruction tissulaire.

Dans des conditions d'inflammation et d'infection parodontale, les MMP détruisent directement les tissus mous parodontaux et influencent la résorption pathologique de l'os alvéolaire. Les antibiotiques tels que la tétracycline et ses dérivés (doxycycline, minocycline…) ont la faculté d'inhiber leur production et leur activité de destruction tissulaire (Golub et al., 1995, 1998 et 2000). De plus, la doxycycline, lorsqu'elle est administrée à des patients atteints d'une maladie parodontale (selon une posologie de 20 mg, 2 fois par jour), réduit considérablement l'activité collagénase du fluide gingival.

Notons que cette molécule est le plus performant des inhibiteurs de la collagénase humaine parmi les tétracyclines disponibles dans le commerce, action mise en évidence par Golub et al. en 1983, d'où un intérêt majeur dans le processus de « ré-attache ».

L'intérêt multiple de telles molécules d'antibiotiques, d'une part, et les effets indésirables engendrés par leur usage, d'autre part, ont conduit en 1990 l'équipe de Golub à mettre au point un nouveau protocole de prescription d'antibiotique : une faible dose de doxycycline présentée selon un conditionnement en capsules de 20 mg (parfois 30 mg), soit de 2 à 5 fois moins que les doses habituellement commercialisées. Le choix s'était porté vers la doxycycline car c'est la variété de tétracycline qui présente les meilleures propriétés anti-collagénase (Lee et al., 2004). Elle permet, de plus, une forte réduction de l'activité des MMP (Golub et al., 1995, 1998 et 2000; Lee et al., 2004).

La doxycycline est administrée normalement par dose de 100 mg/j, après une dose initiale de 200 mg, ce qui porte sa concentration, dans le fluide gingival, de 8 à 16 μg/ml et, dans le sang, à 4 μg/ml (Pascale et al., 1986). Les études sur les DSA ont montré, pour 20 μg de doxycycline, une concentration sérique de 0,6 à 0,8 mg/ml. Ces valeurs sont considérablement plus faibles que sa concentration minimale inhibitrice (CMI) (Walker, 1996). Ainsi, la doxycycline peut avoir un effet antibactérien, mais assez réduit et sur des bactéries excessivement sensibles à cet antibiotique (Golub et al., 1991 ; Caton et al., 2000 ; Walker et al., 2000).

Des études à court terme (de 1 à 3 mois) ont été effectuées par cette même équipe (Golub et al., 1991). Elles montrent que ce type de posologie prévient la progression de la maladie parodontale tout en évitant l'apparition de résistance bactérienne.

De nombreuses études cliniques, portant sur ce principe de DSA d'antibiotiques, ont été réalisées selon différents critères: les indices cliniques (tableau 1), la microflore bactérienne (tableau 2), la création de résistances et les éléments de la destruction tissulaire (tableau 3).

Discussion

Le principe de DSA a donc été envisagé afin de bénéficier des propriétés antibiotiques tout en évitant la mise en place de résistances au sein de la flore parodontale (Thomas et al., 2000 ; Caton et al., 2001 ; Golub et al., 2001). Cette efficacité au sein des tissus parodontaux pathologiques peut s'évaluer selon divers critères.

Critères cliniques : profondeur de poche, perte d'attache

Globalement, les études (tableau 1) montrent une amélioration de la profondeur de poche des sites traités avec une thérapeutique initiale associée à une prescription de DSA (Crout et al., 1996 ; Walker et al., 2000 ; Caton et al., 2000 et 2001 ; Golub et al., 2001 ; Novak et al., 2002 ; Choi et al., 2004 ; Emingil et al., 2004). Les DSA permettent d'améliorer les résultats obtenus avec une thérapeutique non chirurgicale grâce à leurs propriétés inhibitrices des MMP (Caton et al., 2001 ; Golub et al., 2001 ; Novak et al., 2002 ; Choi et al., 2004 ; Emingil et al., 2004).

Un désaccord subsiste entre les auteurs au sujet de la possibilité, pour les DSA, de réduire l'inflammation parodontale, ceci étant dû aux critères choisis pour objectiver cet état inflammatoire.

L'apport de DSA semble être un bon moyen de prévention des récidives d'augmentation de profondeur de poche: on peut en effet obtenir une bonne stabilité des résultats cliniques malgré un contrôle de plaque peu efficace (Caton et al., 2001 ; Golub et al., 2001 ; Novak et al., 2002). Cependant, une bien meilleure amélioration des résultats cliniques est notée lorsque les profondeurs de poche étaient initialement importantes (≥ 7 mm) (Novak et al., 2002). Par contre, dans de tels sites, on doit s'attendre parfois à une absence d'amélioration, voire à une aggravation du contexte parodontal, malgré l'apport de DSA, nécessitant une approche chirurgicale (Novak et al., 2002).

Notons enfin qu'aucun effet indésirable ne semble associé à la prise de DSA (Caton et al., 2001). En outre, un consensus est nécessaire pour définir leur mode de prescription: cyclique ou continu.

Microflore bactérienne et création de résistances

L'apport de DSA à un protocole thérapeutique non chirurgical (tableau 2) se traduit par une diminution de la charge bactérienne, accompagnée d'une suppression de la destruction tissulaire (Caton et al., 2001). On assiste en fait à une diminution équivalente de la population bactérienne globale (Caton et al., 2001) due cependant au traitement mécanique avec, toutefois, une régression plus forte de la concentration en spirochètes (Caton et al., 2000 ; Walker et al., 2000). Pour ce qui est des autres bactéries à fort potentiel parodonto-pathogène, leurs proportions respectives ne semblent pas être affectées par l'apport de DSA (Golub et al., 1991).

Cette diminution sélective de la charge en spirochètes porte à controverse car on ne note pas de conséquences sur la proportion de P. gingivalis dans la flore parodontale, alors que celui-ci présente une susceptibilité similaire à la doxycycline (Walker et al., 2000). Cet aspect remet ainsi en cause la contribution de l'effet antibiotique de la doxycycline lorsqu'elle est prise à faibles doses. Certains auteurs, dont l'équipe de Walker (2000), ont donc cherché l'origine de l'effet bénéfique de la doxycycline à faibles doses sur la maladie parodontale. Ils ont envisagé son action anti-inflammatoire qui, selon eux, permettrait la diminution de l'état inflammatoire du parodonte, réduisant de fait la quantité de nutriments disponibles pour la croissance des spirochètes.

La prise de DSA ne s'accompagne pas de l'apparition de résistances (Thomas et al., 2000 ; Caton et al., 2001 ; Golub et al., 2001) ni du développement d'espèces bactériennes parodonto-pathogènes ou opportunistes (Caton et al., 2001).

Éléments de la destruction tissulaire : collagénases et élastases

Le régime cyclique à base de DSA semble réduire l'activité des collagénases et élastases (Crout et al., 1996 ; Golub et al., 2001 ; Choi et al., 2004 ; Lee et al., 2004 ; Emingil et al., 2004). En outre, la proportion en β1-PI semble améliorée par ce traitement (Crout et al., 1996) (tableau 3). En fait, ce β1-PI est un agent de défense de l'hôte dégradé par la collagénase; ainsi, la dégradation de cette dernière par les DSA explique la réduction de celle du β1-PI. Ceci se traduit cliniquement par un arrêt de la destruction parodontale (Crout et al., 1996).

Cependant, ce β1-PI, marqueur diagnostique de la réponse inflammatoire, subit une amélioration trop peu significative à terme pour envisager une action anti-inflammatoire de la ou des DSA sur les structures parodontales (Crout et al., 1996).

Les résultats montrent un maintien sur de longues périodes d'un niveau d'activité de la collagénase proche de la normale après un traitement mécanique associé à une ou des DSA pendant au moins 3 mois.

Ainsi, on note que l'ensemble des critères cliniques utilisés usuellement par les praticiens pour évaluer la santé parodontale semble amélioré lorsque le traitement mécanique est associé à une prescription de DSA. D'un point de vue bactériologique, les DSA semblent n'avoir aucune influence sur la flore parodontale, sauf en ce qui concerne la proportion de spirochètes qui subit une réduction plus importante. Ils paraissent avoir une influence importante sur la réduction de l'activité des collagénases et des élastases, qui sont les principales enzymes responsables de la destruction parodontale. Toutefois, les auteurs semblent se contredire sur l'effet anti-inflammatoire potentiel des DSA sur les tissus parodontaux.

Un consensus paraît établi pour une posologie optimale de 2 prises de 20 mg/j de DSA (Thomas et al., 2000 ; Golub et al., 2001 ; Emingil et al., 2004) pendant une période minimale de 3 mois (Golub et al., 2001).

Conclusion

Les études précédemment envisagées semblent montrer une amélioration des résultats cliniques lorsque le protocole non chirurgical de prise en charge de la maladie parodontale est complété par l'apport d'une antibiothérapie selon un dosage en deçà de la concentration minimale inhibitrice de la molécule (Emingil et al., 2004). Les résultats obtenus démontrent l'intérêt des DSA en complément d'un protocole non chirurgical dans la prise en charge à long terme de la maladie parodontale. Cependant, ces améliorations ne semblent pas suffisamment évidentes pour imposer ce principe de prescription comme indissociable de l'obtention d'un retour à la santé parodontale.

De plus, certaines études ont révélé des échecs thérapeutiques après de tels protocoles, tels ceux que l'on peut constater malgré un traitement non chirurgical conventionnel (Novak et al., 2002).

Si des études ont noté une diminution sélective de la charge en spirochètes et pas de la proportion de P. gingivalis dans la flore parodontale, qui présente pourtant une susceptibilité similaire à la doxycycline que les spirochètes (Walker et al., 2000), d'autres ont mis en évidence l'efficacité des DSA à réduire l'activité de P. gingivalis (Grenier et al., 2003). Par ailleurs, une incertitude existe quant aux conséquences des DSA sur la flore digestive. Enfin, les conclusions obtenues attestant la non-création de résistances bactériennes par les DSA sont discutables.

Des travaux plus récents semblent démontrer l'effet potentialisé des DSA lorsqu'elles sont associées aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (Lee et al., 2004).

Il pourrait être intéressant d'évaluer davantage le rôle des DSA d'antibiotiques en association avec une thérapeutique parodontale chirurgicale (Lee et al., 2004) ainsi qu'en complément du traitement (chirurgical ou non) des parodontites agressives pour lesquelles une antibiothérapie est tout à fait indiquée dans un protocole conventionnel.

Cependant, une interdiction a été formulée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSPS, 2003) à l'encontre des préparations de gélules de doxycycline.

Demande de tirés à part

Xavier KAMMACHER: 105 rue Judaïque - 33000 BORDEAUX - FRANCE - xavkam@club-internet.fr

BIBLIOGRAPHIE

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