Formes cliniques, rôles et réalisation des prothèses transitoires en implantologie - Cahiers de Prothèse n° 140 du 01/12/2007
 

Les cahiers de prothèse n° 140 du 01/12/2007

 

IMPLANTOLOGIE

Jean Schittly -*   Philippe Russe -**   Hilal Hafian -***  


* Ancien professeur 1er G, Faculté d'odontologie de Reims, DSO
** Docteur en chirurgie dentaire - Diplôme universitaire d'implantologie, Paris-VII - Diplôme universitaire de tissus calcifiés, Angers
*** MCU-PH, Unité de chirurgie buccale, Service d'odontologie

La prothèse transitoire sur implant tient une place importante dans un grand nombre de cas de restauration prothétique. En plus de son rôle commun à tous les traitements prothétiques conventionnels concernant notamment l'urgence ou l'approche esthétique, la prothèse transitoire est indiquée en prothèse sur implants à différents stades du cheminement thérapeutique avec pour principaux objectifs un aménagement des tissus mous péri-implantaires ainsi qu'une mise en charge...


Résumé

La prothèse transitoire occupe une place importante dans le plan de traitement en implantologie pour répondre à un grand nombre d'objectifs à différents stades de la prise en charge du patient. 

Les formes cliniques sont très variées aussi bien pour des indications précédant la chirurgie que pour celles liées aux divers types d'interventions. Certaines sont à la portée du praticien qui veut débuter en prothèse sur implant ; d'autres sont plutôt réservées à des opérateurs plus expérimentés, et sont intégrées à des séquences chirurgicales.

Le but de cet article est de décrire les différentes expressions cliniques des prothèses transitoires pour les situations d'édentements unitaires ou partiels et d'en donner les principes de réalisation.

Les nombreuses séquences cliniques décrites couvrent l'ensemble des rôles et des indications de ces prothèses transitoires.

Clinical shapes, roles and realisation of provisional prostheses in implantology

Provisional prosthesis takes a great place in implant treatment planning and answers several objectives at various stages of the patients' care. Clinical shapes vary according to the indications before the surgery as well as to those linked to various types of treatments. Some are accessible to the practitioner who wishes to start in implant prosthesis; others are designed

for more experienced dental surgeons, and are integrated in the surgical sequences.

This article aims at describing the different clinical types of provisional prosthesis for single

or partial edentulism cases and at explaining the principles for making them.

The numerous clinical sequences described include the overall use and indications of provisional prosthesis.

La prothèse transitoire sur implant tient une place importante dans un grand nombre de cas de restauration prothétique. En plus de son rôle commun à tous les traitements prothétiques conventionnels concernant notamment l'urgence ou l'approche esthétique, la prothèse transitoire est indiquée en prothèse sur implants à différents stades du cheminement thérapeutique avec pour principaux objectifs un aménagement des tissus mous péri-implantaires ainsi qu'une mise en charge progressive des implants.

Cet article décrit les différentes expressions cliniques de ces prothèses transitoires, leur mode d'élaboration et leur situation au sein des plans de traitement par prothèse fixée sur implants, en se limitant au traitement des édentements unitaires et partiels.

La réalisation des prothèses transitoires sera abordée étape par étape, à savoir :

- avant la séquence de mise en place des implants ;

- directement au cabinet dentaire après la mise en place de l'implant au stade 1 ou 2 de la chirurgie implantaire ;

- avec recours au laboratoire de prothèse.

Dans cette dernière partie, la présentation de séquences cliniques mettra en évidence le rôle important de ces prothèses transitoires pour la gestion des tissus mous dans les secteurs liés aux exigences esthétiques.

Prothèse transitoire avant la séquence de chirurgie implantaire

Gestion de l'urgence

La gestion de l'urgence est le plus souvent liée à une demande du patient concernant l'esthétique. Un traumatisme ou la fracture d'une dent sur le secteur antérieur représentent la situation la plus fréquente. Il faut intervenir dans la séance si la perte de la dent est immédiate ou de façon différée s'il est possible de retarder l'extraction. C'est en général le recours au collage qui constitue la solution la plus adaptée.

Collage extemporané

Lorsque l'extraction est inévitable, il est préférable, dans la majorité des cas, de la pratiquer au plus tôt pour éviter l'apparition d'un processus infectieux et préserver ainsi l'os alvéolaire. La solution transitoire au problème esthétique consiste à coller sur les dents collatérales une dent prothétique préfabriquée, ou mieux, si c'est possible, la couronne de la dent extraite (fig. 1aà 1h.

Cette technique est contre-indiquée ou impossible dans les situations suivantes :

- présence de prothèses fixées sur les dents collatérales ;

- présence de larges diastèmes ;

- schéma occlusal défavorable comme, par exemple, un important recouvrement.

En fonction du contexte clinique, différentes solutions peuvent être adoptées. Lorsqu'il est impossible de disposer de la couronne de la dent naturelle, une dent en résine préfabriquée peut être utilisée, renforcée par un fil métallique ou une grille (fig. 2). L'exploitation du site d'une restauration existante constitue la meilleure opportunité.

La pose d'un champ opératoire n'est pas toujours aisée. Pour assurer l'hémostase à l'issue de l'intervention, un hémostatique placé dans l'alvéole et une suture procurent des conditions de siccité suffisantes. La préparation, avant l'extraction, de la dent prothétique de remplacement et des dents supports facilite les manipulations (fig. 3a à 3e).

Les conditions de réussite de ces techniques sont étroitement liées au respect des protocoles de collage et de la gestion d'un contexte occlusal excluant toute contrainte sur le site concerné [1,2]. Ce procédé présente l'inconvénient de la dépose de l'élément collé et d'un nouvel assemblage lors de la séquence de chirurgie implantaire. Une technique en un seul temps limite cette contrainte et peut même l'éviter si un élément provisoire est d'emblée mis en place sur l'implant dans les conditions qui seront décrites ultérieurement (fig. 3f).

Gouttière thermoformée

Une solution d'urgence peut être la réalisation d'une gouttière thermoformée, utilisant les couronnes des dents naturelles extraites ou des dents prothétiques modifiées pour permettre de restaurer rapidement l'esthétique. Une empreinte prise après extraction est traitée en plâtre dur à prise rapide. Les dents de remplacement placées sur le moulage sont intégrées à la gouttière. L'occlusion est ajustée pour obtenir des contacts généralisés (fig. 4a à 4c).

Bridge collé

Lorsque le plan de traitement comprend des périodes de temporisation de plus longue durée (greffe osseuse, par exemple), la réalisation d'un bridge collé métallique ou en matériau composite rend plus confortable et plus fiable la restauration transitoire.

Prothèse amovible

Si la situation clinique contre-indique un procédé de collage, seule la prothèse amovible permet de répondre à la demande du patient concernant l'esthétique. Toutefois, cette prothèse doit être suffisamment étendue pour présenter des qualités de stabilisation et de rétention préservant le parodonte des dents supports et le confort fonctionnel. L'appui palatin ou lingual sur un nombre suffisant de dents cuspidées doit pallier une sustentation réduite de la selle antérieure [3, 4et 5].

En dépit de leur caractère amovible, et des crochets parfois apparents dans le sourire, ces prothèses présentent certains avantages :

- elles permettent la gestion esthétique des larges diastèmes sur le secteur antérieur ;

- elles sont facilement modifiables en fonction des corrections tissulaires effectuées (fig. 5a) ;

- elles peuvent permettre le maintien d'une architecture gingivale esthétique en supportant les tissus mous à l'issue de l'extraction (fig. 5b).

Cadre d'un traitement orthodontique

L'instauration d'un traitement d'orthodontie pose également le problème de la mise en place d'un ou plusieurs éléments transitoires, d'autant plus que la durée de temporisation peut être longue, imposée non seulement par la création d'un espace coronaire suffisant, mais encore par la correction indispensable de la convergence des racines [6].

Une dent prothétique ajoutée au dispositif orthodontique est une solution esthétique, favorisant l'acceptation du traitement (fig. 6a à 6c).

Prothèse transitoire à l'issue du second ou du seul premier temps chirurgical

La prothèse transitoire sur implant à différents stades du traitement prend une place importante avec, notamment, la pratique de plus en plus répandue de son exploitation à l'issue de la chirurgie pour la préparation des tissus. Les résultats publiés récemment tendent à valider ces techniques réservées jusqu'alors à des praticiens très expérimentés [7, 8et 9]. Les différentes formes cliniques de ces restaurations impliquent des techniques diverses avec recours ou non au laboratoire de prothèse. La prothèse transitoire transvissée et la prothèse scellée sont les deux formes les plus classiquement décrites.

Prothèse transitoire transvissée conventionnelle

Ce type de prothèse nécessite la fourniture de composants disponibles dans la majorité des systèmes implantaires :

- piliers transitoires, antirotationnels ou non, à transvisser directement sur la tête de l'implant. Ils sont en alliage ou en matière plastique ;

- réplique de laboratoire de l'implant utilisée pour faciliter l'élaboration et le polissage des prothèses transitoires à la manière d'un moulage positif unitaire en prothèse conventionnelle.

La réalisation peut intervenir extemporanément, directement au fauteuil ou au laboratoire sur un moulage de situation [ 10,11].

Directement au fauteuil

C'est une technique qui peut être aisément pratiquée : après ostéointégration de l'implant lorsque son indication est posée pour une nécessité d'esthétique ou pour remodeler les tissus mous, à l'occasion d'une séquence chirurgicale.

Les étapes d'élaboration sont les suivantes :

- se procurer le pilier transitoire et la réplique d'implant ;

- choisir le mode de préparation de l'élément prothétique : moule préfabriqué, dent du commerce en résine, isomoulage d'une maquette en cire (wax-up) ;

- rectifier le pilier provisoire pour ménager une épaisseur axiale et occlusale suffisante ;

- favoriser la rétention de la résine d'apport sur le pilier : en rendant la surface rugueuse s'il est en matière plastique, en déposant une couche de résine à la surface s'il est métallique (fig. 7a) ;

- transfixer le pilier à l'aide d'une vis longue pour préserver l'accès au vissage (l'occlusion impossible à ce stade sera réglée en fin de réalisation) (fig. 7b) ;

- mettre en place l'élément de remplacement avec un apport de résine acrylique (Unifast®, GC) (fig. 7c) ;

- déposer le pilier avant polymérisation de la résine pour prévenir l'effet de l'exothermie de prise et la fusée de matériau dans les embrasures ;

- remettre en place immédiatement la vis de cicatrisation sous peine de voir les tissus mous envahir rapidement l'espace laissé libre ;

- transvisser l'ensemble sur la réplique d'implant pour terminer, par addition de résine ou par soustraction, l'élaboration de la morphologie axiale et occlusale et polir soigneusement toutes les surfaces ;

- transvisser à nouveau l'élément transitoire en vérifiant les contacts proximaux et l'intégration occlusale et esthétique ;

- obturer le puits d'accès à la vis par un matériau facile à déposer (Systemp Inlay®, Ivoclar) (fig. 7d).

Cette méthode est plutôt réservée à la prothèse unitaire. Elle permet de donner au manchon muqueux la forme souhaitée pour obtenir un profil d'émergence pilier + prothèse le plus harmonieux possible et pour préserver, voire recréer des papilles interproximales (fig. 7e).

Le passage par une prothèse de temporisation répond à plusieurs objectifs :

- obtenir une forme de couronne clinique esthétique, symétrique ou de largeur identique à la dent contro-latérale ;

- modifier le berceau gingival afin qu'il apparaisse naturel et que le collet soit aligné sur celui des dents voisines ;

- permettre une migration progressive des papilles dans les embrasures.

Ces objectifs seront atteints ou approchés par des adjonctions ou des soustractions répétées de résine, réalisant un formatage du berceau gingival avant la prise d'empreinte de la couronne finale.

Après plusieurs modifications de la couronne provisoire, l'asymétrie de l'émergence gingivale et les problèmes de trous noirs dans les embrasures sont corrigés, la restauration prothétique céramique peut débuter (fig. 8a à 8d).

Avec recours au laboratoire de prothèse

La réalisation de prothèses transitoires au laboratoire intéresse plutôt le remplacement de plusieurs dents contiguës lorsque la durée de la temporisation est allongée par des exigences d'apport osseux ou des séquences chirurgicales demandant un long temps de cicatrisation. Cette technique se révèle d'application plus élaborée et d'un coût plus élevé en raison des étapes cliniques plus nombreuses et de l'utilisation de composants spécifiques :

- étude impérative des moulages sur articulateur pour définir le projet prothétique ;

- prise d'empreinte de situation des implants par technique conventionnelle : transferts d'empreinte et répliques d'implants ;

- rapports d'occlusion à fournir au laboratoire ;

- élaboration des prothèses transitoires sur moulage avec les composants adéquats ;

- intégration clinique de ces prothèses avec aménagements éventuels des profils d'émergence et des volumes transversaux ;

- obturation des puits d'accès aux vis, avec, si nécessaire, des matériaux composites pour raison esthétique.

Cette technique est illustrée par un cas clinique ayant nécessité un traitement en plusieurs étapes pour gérer des exigences stratégiques esthétiques et fonctionnelles. Pour ce patient, après la perte de 24 et 26, un bridge d'attente a été réalisé avec comme supports 24-27, dents au pronostic défavorable (fig. 9a).

Après cicatrisation osseuse, il a été prévu de réaliser un bridge sur implants sur les sites de 24 et 26 et d'extraire la 25.

Pour éviter au patient une assez longue période sans restauration, la stratégie a été la suivante :

- pose des implants 24-26 et réadaptation du bridge transitoire 25-27 ;

- à l'issue de l'ostéointégration : bridge transitoire sur les implants 24-26 avec recours au laboratoire de prothèse (fig. 9b et 9c) :

- préparation du site de 25, extraite sur le moulage et réalisation du bridge sur piliers transitoires (HLTP Screw Vent®, Zimmer Dental) (fig. 9d) ;

- extraction de 25 et pose immédiate du bridge sur implants 24-26 (fig. 9e à 9f ) (la 27 sera extraite ultérieurement) (fig. 9g) ;

- après cicatrisation, nouvelle empreinte et réalisation du bridge céramo-métallique.

Prothèse transitoire scellée

La prothèse scellée, alternative à la prothèse transvissée, peut être également de réalisation courante au cabinet dentaire. Elle peut être réalisée selon une méthode en 1 temps chirurgical à l'issue de la phase d'ostéointégration ou de façon immédiate ou précoce lorsque la stabilité primaire de l'implant est solidement établie.

Cette prothèse, à l'opposé de la prothèse transvissée, n'est pas connectée directement à l'implant : elle nécessite la mise en place préalable d'un pilier sur lequel elle sera scellée.

Les étapes d'élaboration sont les suivantes :

- se procurer une réplique de pilier pour favoriser les manipulations de l'élément transitoire et éventuellement une chape en matière plastique adaptée au pilier (ce modèle de chape sert également de transfert d'empreinte et de base pour la maquette de fonderie) (fig. 10a) ;

- mettre en place le pilier (le plus souvent transvissé, serré selon les indications du fabricant) qui ne sera ni retouché ni déposé (fig. 10b et 10c) ;

- mettre en place la chape après aménagement éventuel de ses parois axiales et/ou occlusales ;

- préparer l'élément qui va constituer la prothèse transitoire : moule préfabriqué, dent en résine... ;

- compléter l'adaptation de façon conventionnelle par apport de résine ;

- déposer l'ensemble et le repositionner sur la réplique de pilier (fig. 10d) ;

- procéder à la finition des parois axiales, des limites cervicales et faire un polissage très soigneux ;

- sceller au ciment provisoire et procéder au réglage de l'occlusion pour éviter toute sollicitation lors des mouvements de guidage mandibulaire (fig. 10e).

Mise en fonction immédiate de l'implant

Actuellement, il est impossible d'aborder le sujet de la prothèse transitoire sur implant sans évoquer la tendance conduisant de plus en plus de praticiens à mettre en place cet élément prothétique lors de la séquence chirurgicale. Les termes employés pour qualifier cette connexion entre implant et prothèse transitoire au moment de la pose de l'implant sont encore sujets à controverses car, en l'absence de validation reconnue de ce procédé pour le plus grand nombre de situations cliniques, la terminologie se veut assez vague ou imprécise : on parle de mise en charge de l'implant immédiate, précoce, différée, non fonctionnelle ou de temporisation immédiate...

Si l'on considère que la fonction de l'implant est le remplacement de la racine d'une dent naturelle, il semble logique de dire que la mise en fonction de l'implant est immédiate dès lors qu'il supporte un élément prothétique. C'est ensuite le contexte fonctionnel de la prothèse elle-même qui doit être pris en compte selon qu'elle est en inocclusion, soumise uniquement aux forces induites par le bol alimentaire et la musculature, ou en occlusion « légère » hors des contacts excentrés... C'est ainsi que l'on peut qualifier la mise en charge de la prothèse implantaire de « précoce », « différée », « progressive », voire « immédiate » comme c'est les cas pour une prothèse complète amovible stabilisée sur implants, même si l'on considère que seule la prothèse fixée mise en charge immédiatement après la pose d'implants sur la mandibule édentée fait l'objet d'un consensus [12, 13, 14et 15].

De très nombreux articles émanant de praticiens expérimentés sont parus depuis quelques années pour communiquer des résultats très favorables pour de nombreuses autres situations cliniques [16, 17, 18, 19, 20, 21et 22]. L'exploitation de prothèses transitoires transvissées ou scellées au moment de la pose de l'implant, dans des conditions bien définies, met en évidence le rôle important qu'elles peuvent jouer pour la préparation des tissus péri-implantaires et pour le maintien d'un équilibre tissulaire muco-osseux autour du col de l'implant [23,24]. Le concept original de la « switching platform » diffusé plus largement depuis quelques années contribue également à atteindre ces objectifs [25]. Les critères de succès sont de mieux en mieux définis. Outre les précautions à prendre pour tout acte chirurgical implantaire, la mise en fonction immédiate doit être liée à une stabilité primaire de l'implant effective dépendant de la qualité de l'os et des caractéristiques de l'implant [26]. Le respect des papilles par un tracé d'incision adapté contribue à leur maintien durant la phase de cicatrisation.

La qualité d'état de surface, la précision d'adaptation et la forme de la prothèse transitoire jouent un rôle important. Celle-ci, comme sa relation avec les dents collatérales par les contacts proximaux, doit répondre à des critères précis mesurés sur dents naturelles par Tarnow et al. dès 1992 sur 30 patients dentés pour favoriser le maintien des papilles gingivales interdentaires [27]. Ces auteurs ont constaté que la papille était systématiquement présente lorsque la distance entre le point de contact et le sommet de la crête osseuse interproximale était inférieure ou égale à 5 mm. À 6 mm de distance, le pourcentage de papilles présentes se réduit à 56 % et à 7 mm, il ne subsiste plus que 27 % de papilles. Ils concluent que c'est cette distance point de contact-crête osseuse qui est déterminante pour le maintien ou la perte des papilles interproximales.

C'est l'application aux éléments prothétiques sur implant de ces données chiffrées qui a conduit de très nombreux auteurs à se référer à cet article lorsqu'il était question d'esthétique liée à la gestion des tissus mous [28, 29et 30].

Quelques séquences cliniques illustrent le rôle des prothèses transitoires lors de la mise en fonction immédiate des implants, dans des conditions opératoires diverses, mais bien définies.

1er cas clinique (fig. 11a à 11h

L'apparition de composants prothétiques préfabriqués, correspondant à des piliers droits et angulés, a considérablement simplifié la temporisation immédiate postopératoire.

Un implant monobloc (Zimmer One Piece®, Zimmer Dental) est mis en place pour remplacer la 11 absente dans un site cicatrisé avec une position axiale correspondant à celui de la couronne à réaliser [31,32]. Un greffon conjonctif enfoui est suturé en vestibulaire (fig. 11a).

La coiffe provisoire en résine correspondant au diamètre et à l'angulation de l'implant est mise en place (fig. 11b). La dent prothétique prélevée sur la prothèse partielle amovible est évidée, puis solidarisée avec une goutte de résine à distance du parodonte pour éviter toute pollution (fig. 11c). L'ensemble coiffe et coquille est déposé, mis en place sur une réplique de laboratoire avant d'être rebasé, puis ébarbé et poli (fig. 11d).

L'utilisation de la chape provisoire est décisive à 3 niveaux :

- pas de pollution du parodonte par la résine ou le monomère ;

- rapidité de mise en oeuvre ;

- obtention facile de bords parfaits (fig. 11e).

Après scellement de la couronne provisoire, l'absence d'excès de ciment est contrôlée avant la suture des papilles. La dent provisoire est en sous-occlusion. Il est recommandé à la patiente de ne pas manger sur celle-ci pendant 8 semaines.

Après 16 semaines de cicatrisation, l'empreinte de l'implant, qui fait appel à une coiffe préfabriquée et clipée, est prise et une couronne vitro-céramique élaborée (Empress® haute opacité, Vivadent) (fig. 11f à 11h.

2e cas clinique : temporisation sur pilier provisoire, au temps chirurgical 2 (fig. 12a à 12g

En présence d'une temporisation par dent collée, il est quelquefois préférable de combiner exposition chirurgicale de l'implant et temporisation, ceci pour éviter un collage dans des conditions difficiles, associé à un risque de pollution de l'os et de la gencive par l'agent de mordançage (fig. 12a).

Une incision arciforme permet l'exposition de l'interface de l'implant. Un pilier provisoire est essayé, puis modifié en dehors de la bouche et sa vis de fixation réglée en hauteur (fig. 12b et 12c).

Une dent prothétique évidée est rebasée en bouche, puis terminée sur une réplique de laboratoire (fig. 12d à 12g.

Un greffon conjonctif est glissé dans un lambeau enveloppe vestibulaire afin de parfaire le résultat esthétique [33 ](fig. 12g).

3e cas clinique : édentement unitaire dans un secteur esthétique (fig. 13a à 13g

L'examen clinique a montré un parodonte épais avec une situation favorable de la muqueuse par rapport aux dents voisines.

L'analyse de l'occlusion ne met pas en évidence de parafonction. La propulsion est prise en charge par le groupe incisif maxillaire et il n'y a pas d'interférence en diduction avec le secteur incisif.

Devant l'absence de contraintes chirurgicale et fonctionnelle, la temporisation immédiate présente un intérêt certain pour maintenir les tissus parodontaux sur le site à implanter et pour optimiser le résultat esthétique final.

Chirurgie

Le respect du parodonte des dents adjacentes, particulièrement la partie bordant l'édentement, est primordial. L'incision vestibulaire respecte les papilles interproximales. Elle l'emporte que partiellement la papille vestibulaire, le col et la papille palatine restent intacts. La zone d'émergence de l'implant (Spline® 5 mm, Zimmer Dental) est désépithélialisée (fraise bague jaune) et le conjonctif sous-jacent est prélevé pour la réalisation d'une greffe de conjonctif enfoui en vestibulaire (fig. 13a). Le lambeau vestibulaire est d'épaisseur partielle et a minima.

La stabilité de l'implant est constatée au vissage. Une suture continue permet de fixer le greffon et de plaquer le lambeau vestibulaire (fig. 13b).

La prothèse transitoire transvissée est réalisée sur un moulage pour limiter au maximum l'agression par la résine du site implantaire, en particulier de la muqueuse. Une fois réalisé, l'élément transitoire est parfaitement poli et placé sans contrainte (fig. 13c et 13d).

Les contacts occlusaux sont éliminés. La propulsion est limitée aux seules dents collatérales et toutes les interférences en diduction sont éliminées.

Ainsi, le rôle de guide de la prothèse transitoire permet d'orienter la cicatrisation et de maintenir le niveau muqueux et les papilles interproximales lorsque l'anatomie axiale de l'élément transitoire et la situation des contacts interproximaux sont respectées (fig. 13e à 13g.

Conclusion

La prothèse transitoire occupe une place importante dans le plan de traitement en implantologie pour répondre à un grand nombre d'objectifs à différents stades de la prise en charge du patient :

- gestion de l'urgence par des moyens qui donnent satisfaction au patient dans le domaine esthétique sans compromettre le succès des séquences successives, chirurgicales, puis prothétiques ;

- préparation des différents tissus péri-implantaires pour optimiser les résultats esthétiques.

Les formes cliniques sont très variées aussi bien pour des indications précédant la chirurgie que pour celles liées aux divers types d'interventions. Certaines sont à la portée du praticien qui veut débuter en prothèse sur implant ; d'autres sont plutôt réservées à des opérateurs plus expérimentés et intégrées à des séquences chirurgicales.

Le rôle de dépannage transitoire pour des exigences purement esthétiques ou psychologiques de la part du patient est désormais supplanté par celui de préparation tissulaire de l'environnement implantaire.

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