Les bioverres et leurs applications cliniques dans la régénération osseuse : - JPIO n° 4 du 01/11/1998
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/1998

 

Articles

Jean-Michel SAUTIER *   Christine LOTY **   Sabine LOTY ***  


*Laboratoire de Biologie-Odontologie,
Université Paris VII,
Faculté de Chirurgie dentaire,
Institut biomédical des Cordeliers, Paris

Résumé

La réparation osseuse au contact de substituts osseux diffère selon la biocompatibilité, les caractéristiques de surface et la chimie du matériau. Les biomatériaux peuvent être divisés en matériaux biotolérants, qui sont encapsulés dans un tissu conjonctif fibreux, bioinertes, qui permettent un contact osseux (ostéointégration) et bioactifs, qui assurent une liaison chimique avec l'os et qui peuvent être résorbables ou non. Parmi les matériaux bioactifs, les bioverres sont des matériaux à base de silice contenant du calcium et du phosphore. Les réactions chimiques de surface sont dues à des échanges ioniques, des dissolutions et précipitations conduisant à la formation d'une couche superficielle d'apatite carbonatée hydroxylée qui se développe in vivo dans les heures suivant l'implantation. Ces rapides réactions de surface ainsi que le pH de l'environnement local semblent agir sur la prolifération et la différenciation de cellules souches ostéogéniques. Des études in vitro à partir d'ostéoblastes cultivés sur des bioverres ont montré une augmentation du taux d'ADN et de l'activité phosphatase alcaline. Durant la dernière décennie, les bioverres ont été utilisés dans différentes situations cliniques. Sous forme de blocs, ils ont permis un maintien des crêtes alvéolaires après extraction dentaire. Des bioverres particuliers ont été développés pour traiter des lésions osseuses parodontales et les résultats préliminaires ont montré une efficacité plus importante que d'autres matériaux commercialisés. Plus récemment, des implants dentaires recouverts de verre bioactif ont été expérimentés avec succès mais des études à long terme semblent cependant indispensables pour confirmer ces résultats. En conclusion, les bioverres, compte tenu de leurs propriétés biologiques, de leur capacité de liaison avec le tissu osseux et qui donnent à ce jour d'excellents résultats cliniques, devraient trouver à l'avenir une place de choix en chirurgie odonto-stomatologique.

Summary

Bone repair adjacent to bone substitutes differs according to the biocompatibility, surface characteristics and chemistry of the material. Biomaterials can be divided into biotolerant, which are encapsulated in fibrous connective tissue, bioinerts, which permit osteogenesis in contact with them (osseointegrates) and bioactive which are known to form a strong chemical bond with bone and can be either resorbable or non-resorbable. Among bioactive materials, bioglasses are silicate-based materials containing calcium and phosphorus. The chemical reactions on the surface of bioglasses are based on leaching, dissolution and precipitation, leading the formation of a hydroxy-carbonate apatite layer which develops within hours of implantation in vivo. This rapid surface reaction and the pH of the local environment appear to be responsible for cellular proliferation and differentiation of osteogenic stem cells. In vitro studies of osteoblast cultures on bioactive glasses have shown that DNA content and alkaline phosphatase activity are enhanced. During the last decade, bioglasses have been used clinically in a variety of situations. In solid form, bioglasses have been used to preserve the alveolar ridge following tooth extraction. Particulate bioglass was developed for the treatment of the consequences of periodontal diseases and in preliminary studies it was shown to be more effective than other commercially available materials. More recently, dental implants with artificial bioglass coating have been advocated with successful results, but further research with long term implantation periods are necessary. It can be concluded that bioactive glasses, due to their biological properties and their ability to bond to bone, result in excellent clinical results and should be used in the future for general dental applications.

Key words

Bioactivity, bioglasses, bone repair, periodontology, oral implantology

Introduction

La régénération du tissu osseux consécutive à une lésion parodontale infra-osseuse représente l'un des objectifs majeurs des thérapeutiques parodontales. Des approches thérapeutiques variées ont été proposées, incluant les greffes osseuses autogènes et les allogreffes (Brunsvold et Mellonig, 1993 ; Garret et Bogle, 1994), le comblement par des matériaux alloplastiques (Yukna, 1993 ; Mora et Ouhayoun, 1995), la régénération tissulaire guidée seule (Nyman et coll., 1982 ; Gottlow et coll., 1986) ou combinée à des allogreffes d'os lyophilisé et déminéralisé (Anderegg et coll., 1991). Cependant, les résultats de la technique de régénération tissulaire guidée restent imprévisibles (Pontoriero et Lindhe, 1995 ; Cortellini et coll., 1996) et l'utilisation d'allogreffes comporte le risque même minime de transmission virale. Des matériaux alloplastiques comme l'hydroxyapatite (Yukna, 1984), ou le phosphate tricalcique (Saffar et coll., 1990) ont été utilisés avec succès dans le traitement de lésions parodontales infra-osseuses. Cependant, d'autres auteurs ont rapporté que la cicatrisation s'accompagne parfois d'une encapsulation fibreuse du matériau de comblement (Baldock et coll., 1985 ; Carranza et coll., 1987). De plus, il existe une controverse sur l'utilité du recouvrement d'implants dentaires en titane par de l'hydroxyapatite.

Des verres bioactifs comme le 45S5 Bioglass® ont la capacité de se lier à l'os (Hench et coll., 1971) et aux tissus mous (Wilson et Noletti, 1990). Ces matériaux diffèrent des autres céramiques bioactives dans le fait que la capacité de liaison avec le tissu osseux peut être contrôlée en variant la composition chimique (Oonishi et coll., 1995). Ces matériaux ont été définis comme " bioactifs " car ils entraînent une réponse biologique spécifique à l'interface permettant d'établir une liaison chimique entre le tissu et le matériau (Hench et Wilson, 1984). A l'inverse, des matériaux sont dits " biotolérants " lorsqu'ils sont incorporés à l'os, mais à distance, avec formation d'un tissu fibreux entre l'implant et le tissu osseux, tandis que d'autres matériaux sont qualifiés de " bioinertes " et permettent un contact osseux sans liaison chimique (Osborn et Newesely, 1980) (fig. 1). Le but de cette revue de la littérature est de faire le point sur les bioverres, leur composition, les mécanismes de bioactivité et de liaison avec le tissu osseux et leur utilisation en chirurgie parodontale et implantaire.

Le problème des interfaces

Le plus souvent, la défaillance d'un implant a pour origine l'interface entre le biomatériau et le tissu hôte, mais dépend aussi grandement du type d'implant. Le succès de prothèses totales de hanches est généralement satisfaisant, alors que le pourcentage de tubes d'aération de l'oreille moyenne chez l'enfant après seulement 2 à 3 ans est pratiquement nul. Deux facteurs contribuent aux défaillances interfaciales. Ces facteurs sont biomécaniques et biochimiques et dépendent du tissu à remplacer. Il est par exemple difficile d'éviter les mouvements à l'interface de matériaux implantés dans le squelette, car des contraintes mécaniques sont régulièrement transmises à travers le tissu osseux. De même, le remplacement d'articulations ou de joints est confronté à des contraintes de cisaillement cycliques au niveau de l'interface. Ces problèmes peuvent se traduire par une encapsulation fibreuse de l'implant en réponse à une réaction inflammatoire provoquée par la phagocytose des débris d'usure. Un autre facteur important est la différence d'élasticité entre le tissu osseux et un matériau implanté. Au sein même du squelette, il existe une différence. C'est ainsi que le module d'élasticité de l'os spongieux ou trabéculaire est de 0,05 GP à 0,5 GP, alors que celui de l'os cortical ou compact varie de 7 à 25 GP, en fonction de l'âge et du type d'os (Hench et Andersson, 1993). La plupart des implants osseux sont à la fois au contact d'os cortical et trabéculaire, et il est à ce jour impossible de concevoir des implants présentant un gradient de rigidité biomécaniquement stable. Le tableau I compare les modules d'élasticité de différents matériaux prothétiques utilisés et montre une différence considérable avec ceux de l'os, en particulier trabéculaire. C'est ainsi que plus un implant aura un module d'élasticité élevé, plus il subira de contraintes mécaniques, ce qui aura pour conséquences d'entraîner des compressions au niveau de l'os avec des changements biologiques et des résorptions.

Les oxydes tels que l'alumine éliminent les problèmes de corrosion et de dégradation mais ont le désavantage de former une mince couche fibreuse à l'interface avec l'os (Osborn et Newesely, 1980). Des matériaux résorbables tels que le phosphate tricalcique, le corail et certains bioverres peuvent favoriser la régénération osseuse. Les produits de résorption doivent cependant être compatibles avec le métabolisme cellulaire, et permettre à l'environnement cellulaire et vasculaire de les éliminer (Ducheyne et coll., 1988). L'alternative permettant d'obtenir une interface implant/tissus stable est l'utilisation de matériaux dits " bioactifs ", concept basé sur le contrôle de la chimie de surface du matériau.

Le concept de verres bioactifs

Les verres sont traditionnellement produits par fusion de solides à très hautes températures. Le concept de verres bioactifs et leur utilisation en chirurgie osseuse fut introduit par Hench, qui émit l'hypothèse qu'un verre contenant du calcium et du phosphore pouvait être biocompatible, qu'il ne subirait pas une encapsulation fibreuse, mais au contraire, qu'il formerait un lien chimique avec les tissus hôtes. Une étude expérimentale fondée sur deux objectifs fut acceptée par l'armée américaine (US Army Medical Research and Development Command). Le premier objectif a été de réaliser une liaison chimique directe entre le matériau et l'os, le second étant de développer une réflexion scientifique sur les mécanismes chimiques et biologiques se déroulant à l'interface entre l'os et le matériau implanté. La première expérimentation animale fut conduite en 1969 à l'Université de Floride et les premiers résultats publiés en 1971. L'hypothèse d'origine s'avéra vérifiée. Quatre verres composés de SiO2-P2O5-CaO-Na2O, avec un rapport Ca/P de 5,0 et 2,0 et un pourcentage de SiO2 de 45 et 55 % furent implantés dans des fémurs de rats. Des biopsies réalisées après six semaines montrèrent une parfaite intégration du matériau à l'os et la composition 45S5 (45 % SiO2, Ca/P = 5) s'avéra la plus efficace. Des études in vitro et en microscopie électronique à transmission démontrèrent une parfaite liaison avec l'os, et une organisation de fibres collagéniques parallèles à la surface du matériau (Hench et coll., 1971).

Le principe de bioactivité

La conférence de consensus sur les biomatériaux a défini la bioactivité au sens large du terme comme étant appliquée à un matériau destiné à une fonction biologique spécifique (Williams et coll., 1992). Cependant, concernant plus spécifiquement les matériaux de remplacement osseux, la bioactivité désigne selon Hench (1990) " la caractéristique d'un matériau lui permettant d'obtenir une liaison avec les tissus environnants, sans interposition d'une couche fibreuse ". La bioactivité concerne uniquement la surface du matériau, et la liaison osseuse est définie comme étant " l'établissement par des processus physico-chimiques d'une continuité entre l'implant et la matrice osseuse " (Williams et coll., 1992). La bioactivité est due à des réactions de surface du bioverre et des échanges ioniques avec les fluides biologiques (Hench et Andersson, 1993 ; Ducheyne et coll., 1992). Après incubation in vitro dans des fluides biologiques simulés, des phénomènes d'échanges ioniques se produisent à la surface du matériau. Le faible pourcentage de silice (45 % en poids), et la présence d'ions sodium dans le verre débouchent sur un échange rapide avec les protons des fluides et en un pH alcalin à l'interface matériau/tissus (fig. 2).

Ces phénomènes de dissolution-reprécipitation entraînent la formation d'une couche d'apatite carbonatée permettant la liaison avec l'os, pour une certaine composition du bioverre, se situant dans la zone notée A du diagramme ternaire à trois oxydes (fig. 3). Les autres domaines de ce diagramme correspondent à des compositions du verre ne permettant pas l'établissement d'une liaison avec l'os.

Des études ultrastructurales en microscopie électronique à transmission de l'interface os/verres bioactifs ont conduit à la théorie suivant laquelle la liaison se ferait par l'intermédiaire d'un gel amorphe de 80 à 100 nm à la surface de l'implant (Hench et Paschall, 1974). Cette couche serait équivalente aux lignes cémentantes présentes dans l'os mature, et exercerait un effet chémotactique sur les ostéoblastes (Hench et Ethridge, 1982). Les ostéoblastes s'attacheraient à la surface, se différencieraient et synthétiseraient des fibres de collagène sur cette couche amorphe (tableau II). Des implantations de bioverres comportant des taux variables de silice et de phosphore ont conduit au concept suivant lequel le gel soluble riche en silice serait impliqué dans la formation de la couche bioactive d'apatite (Clarc et coll., 1976). L'une des caractéristiques des bioverres, à l'inverse d'autres céramiques bioactives, est la rapidité des réactions de surface qui conduisent à la formation de la couche d'apatite carbonatée. En effet, cette couche se développe dans les heures qui suivent l'implantation in vivo du matériau (Hench et Paschall, 1974 ; Hench et Wilson, 1984 ; Andersson et coll., 1990).

Les qualités mécaniques de la liaison obtenue avec les bioverres, par le biais de la couche d'apatite, ont été évaluées par des tests mécaniques de détachement qui consistent à essayer de séparer l'implant de l'os, en exerçant des forces de traction. Ces tests réalisés huit semaines après implantation provoquent une fracture non pas au niveau de l'interface, mais au niveau du verre ou de l'os (Hench et Andersson, 1993).

Bioactivité et ostéogenèse

Un certain nombre d'études in vitro ont contribué à améliorer les connaissances sur les mécanismes cellulaires et moléculaires de la formation osseuse au contact de verres bioactifs. C'est ainsi que Vrouwenvelder et coll. (1992) ont démontré une meilleure production de collagène de type I, d'ostéocalcine et un taux de prolifération plus important, lorsque des ostéoblastes de rats étaient cultivés sur des verres bioactifs par rapport à des verres non réactifs. Ce même groupe (Vrouwenvelder et coll., 1993 ; 1994) a comparé le comportement d'ostéoblastes de calotte crânienne de rats cultivés sur des bioverres (45S5) et de l'hydroxyapatite, et a observé une expression ostéoblastique supérieure sur le verre bioactif, due en partie à l'environnement alcalin de la couche bioactive (fig. 4). Utilisant un verre bioactif poreux, El Ghannam et coll. (1995) ont observé une colonisation rapide des pores par des ostéoblastes de calotte crânienne de rats nouveau-nés avec une forte expression de phosphatase alcaline, marqueur de la différenciation ostéoblastique. La dissolution des bioverres et le matériel libéré dans le milieu environnant (calcium, silicium) stimulent la formation de nodules osseux dans des cultures de cellules desmodontales humaines (Kubo et coll., 1995). Enfin, des études récentes ont montré que la préfabrication de la couche bioactive d'apatite sur des matériaux bioactifs dans des fluides biologiques simulés stimulait in vitro la différenciation ostéoblastique et chondrocytaire (Ohgushi et coll., 1996 ; Loty et coll., 1997). Tous ces résultats tendent à démontrer que l'environnement obtenu par la libération de calcium et de silicium favorise in vitro la différenciation de cellules souches en ostéoblastes. Keeting et coll. (1992) ont montré que la zéolite-A présente dans la silice soluble avait un puissant effet mitogène pour des ostéoblastes humains en régulant la production de TGFß.

De plus, la couche d'apatite carbonatée formée à la surface des bioverres est très proche en composition des apatites biologiques et pourrait constituer un substrat favorable à l'adhésion des ostéoblastes ou de leurs précurseurs.

Applications cliniques

La première application clinique de bioverres débuta en 1984 en tant que prothèse de l'oreille moyenne. Des implants intra- et extra-cochléaires doivent stimuler les extrémités nerveuses de l'oreille interne et le signal doit être converti électroniquement en sons que le patient peut interpréter. Les signaux internes peuvent être transmis par l'intermédiaire d'électrodes transcutanées fixées dans l'os mastoïde. Contrairement aux polymères ou métaux, des électrodes d'alumine recouvertes de bioverre ont permis une bonne intégration dans l'os mastoïde permettant une stabilité du processeur pendant plusieurs années.

Des implants coniques de bioverres placés immédiatement après extraction dentaire dans des alvéoles chez 12 chiens ont permis après 2 ans un maintien des crêtes alvéolaires (Wilson et coll., 1993). Une étude identique sur 32 mois réalisée chez 29 patients a démontré une stabilité des crêtes alvéolaires et dans certains cas la réparation de déhiscences et de fenestrations (Stanley et coll., 1997).

Wilson et Low (1992) ont comparé le 45S5 Bioglass® avec de l'hydroxyapatite et d'autres granules de phosphate de calcium dans le traitement de lésions parodontales créées artificiellement chez le singe. L'utilisation du verre bioactif a entraîné une réparation plus rapide et plus complète du défaut, une réattache et peu ou pas de migration épithéliale. Les granules de bioverres ont montré une bonne ostéoconduction, mais également (à l'inverse des autres matériaux testés), une " ostéoproduction ", c'est-à-dire : " le processus par lequel une surface bioactive est colonisée par des cellules ostéoprogénitrices ". Après implantation de particules de bioverre (Perioglass®) dans des lésions osseuses parodontales chez 12 patients, la mesure de profondeur des poches, le niveau d'attache et la comparaison de radiographies standardisées ont montré après 2, 6 et 24 mois une réduction de poche de 3,3 mm, un gain d'attache de 1,92 mm et un gain osseux de 3,47 mm (Low et coll., 1997). Ces résultats ont été confirmés par Zamet et coll. (1997), qui ont démontré par analyse d'image densitométrique assistée par ordinateur une augmentation significative de la densité et du volume radiographique dans les lésions traitées avec du Perioglass® par rapport à des lésions traitées seulement par débridement chirurgical. Une étude comparant le devenir de granules de bioverre (Biogran®) à de l'hydroxyapatite chez cinq chiens beagle a été évaluée histologiquement après 1, 2, 3, 6 et 12 mois d'implantation (Schepers et coll., 1991). Les résultats ont montré que les granules d'hydroxyapatite proches des parois osseuses sont entourés d'os néoformé, mais en moindre quantité qu'autour des bioverres. De plus, des excavations apparaissaient dans de nombreuses particules de bioverres, secondairement comblées par de l'os néoformé. Ces observations ont été confirmées dans une étude récente montrant que la dissolution partielle de granules de verres bioactifs entraîne une formation osseuse à l'intérieur même du granule qui semble agir comme centre de nucléation (Schepers et Ducheyne, 1997).

L'utilisation de bioverres en implantologie orale a été également proposée. C'est ainsi qu'entre février 1983 et juin 1986, 73 implants métalliques recouverts de bioverre furent posés chez des patients de 15 à 45 ans (Kudo et coll., 1990). Des radiographies et des test électroacoustiques ont confirmé une bonne intégration osseuse des implants recouverts de verres bioactifs. Des recherches récentes tendent à améliorer la qualité de l'interface titane/bioverre par la formation d'une liaison chimique au titane par l'intermédiaire de cristaux de Ti5Si3 (Kim et Kwon, 1997).

Dans une autre étude, Schepers et Barbier (1997) ont implanté des granules de bioverres (Biogran®) dans des alvéoles de prémolaires et de molaires de mandibules de chiens beagle. Après une période de 4 mois, des implants IMZ furent placés dans les sites extractionnels, puis laissés en nourrice pendant 3 mois et mis en charge 7 mois avant le sacrifice. Les résultats histologiques montrent plus de tissu osseux à l'interface des implants dans les zones traitées, par rapport aux témoins, mais également un remodelage osseux autour des implants dès la période de cicatrisation et une disparition complète des particules de verre au contact des implants.

D'autres applications odontologiques des bioverres ont été proposées. C'est ainsi que des bioverres utilisés comme matériaux de coiffage pulpaire ont induit de façon significative la formation de ponts dentinaires (Oguntebi et coll., 1993 ; 1995). Plus récemment enfin, une étude in vitro a montré une occlusion des tubules dentinaires après application de 45S5 Bioglass® (Litkowski et coll., 1997).

Conclusion

Bien que biocompatibles, certains matériaux sont encapsulés par une couche fibreuse non adhérente et rejetés par l'organisme humain. Cet inconvénient a été contourné par la découverte de matériaux bioactifs qui développent une liaison mécaniquement stable avec les tissus vivants. De plus, d'importantes découvertes biochimiques ont montré que certains bioverres pouvaient stimuler l'ostéogenèse. Le caractère mitogène de ces matériaux uniques semble dû à la libération d'ions qui activent des gènes codant des facteurs de croissance mais également à une dynamique de la chimie de surface qui peut adsorber des facteurs de croissance. Grâce à des différences de composition chimique, les bioverres peuvent être biodégradables à court terme et les conséquences cliniques sont des plus prometteuses dans le comblement rapide de défauts osseux ou d'implants stables pendant une longue période. L'utilisation de bioverres en chirurgie parodontale et implantaire apparaît à ce jour parfaitement indiquée, mais des études à long terme seront nécessaires pour confirmer une place de choix de ces verres bioactifs dans la chirurgie osseuse.

Les auteurs remercient M. Emile Marie-Rose pour la partie dactylographique de ce manuscrit.

Demande de tirés à part

Jean-Michel SAUTIER, Université Paris VII, Laboratoire de Biologie-Odontologie, Institut biomédical des Cordeliers, 15-21, rue de l'Ecole-de-Médecine, 75006 PARIS - FRANCE. e-mail : sautier@ccr.jussieu.fr.

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