Augmentation verticale de la crête alvéolaire - JPIO n° 2 du 01/05/1999
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/1999

 

Articles

Massimo SIMION *   Francesco IAMONI **  


*Department of Periodontology.
University of Parma, Italy
** Departement of Dentistry.
University of Milan, Italy

L'utilisation d'implants ostéointégrés en titane nécessite un volume osseux minimal afin d'assurer un grand taux de réussite. En l'absence de preuve scientifique, la dimension minimale verticale généralement acceptée est de 7 mm (Lekholm et Zarb, 1985 ; Adell et al., 1981). Quand il existe des limites anatomiques représentées par des volumes sinusiens maxillaires étendus ou par une...


Résumé

Les techniques de régénération font partie des sujets les plus importants traités actuellement dans le domaine de la dentisterie. La possibilité de placer des implants dans des régions où l'os est très résorbé intéresse autant les praticiens que les patients. L'augmentation verticale de crête est une des applications de la régénération osseuse guidée. La possibilité d'obtenir une régénération osseuse supracrestale permet d'améliorer la qualité de la reconstruction prothétique que ce soit d'un point de vue biomécanique qu'esthétique. Pour réussir une technique aussi complexe il est nécessaire d'établir un plan de traitement, et de mettre en œuvre une technique chirurgicale délicate et atraumatique. Les auteurs se proposent de faire une revue de littérature et de décrire ensuite étape par étape le protocole chirurgical de l'augmentation verticale de crête. (fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10)

L'utilisation d'implants ostéointégrés en titane nécessite un volume osseux minimal afin d'assurer un grand taux de réussite. En l'absence de preuve scientifique, la dimension minimale verticale généralement acceptée est de 7 mm (Lekholm et Zarb, 1985 ; Adell et al., 1981). Quand il existe des limites anatomiques représentées par des volumes sinusiens maxillaires étendus ou par une position défavorable du canal mandibulaire, la seule possibilité de placer un implant est d'utiliser les techniques de régénération.

L'augmentation verticale de la crête à l'aide des techniques de régénération osseuse guidée est proposée pour la première fois par Simion et al. en 1994. Ces auteurs montrent, chez l'homme, la possibilité d'augmentation verticale en utilisant une pure technique de régénération (caillot sanguin et membrane renforcée titane) et obtiennent une régénération supracrestale de 3 à 4 mm. Jovanovic et al. (1995) montrent des résultats similaires dans une étude expérimentale chez le chien.

Jensen et al. (1995) créent une augmentation verticale de crête à l'aide du bord inférieur d'une mandibule de chien et concluent que l'os autogène associé à une membrane en PTFE-e donne le maximum de régénération, alors que la greffe osseuse autogène procure une forte résorption (70-80 %).

Tinti et al. (1996) étudient les limites de la régénération en utilisant des petites greffes d'os autogène et des membranes renforcées titane : cette technique combinée pourrait régénérer jusqu'à 7 mm d'os chez l'homme.

Simion et al. (1998) publient une étude qui analyse l'intérêt des greffes osseuses autogènes en association avec des membranes PTFE-e renforcées titane. Les régénérations moyennes sont respectivement de 5,02 et 3,14 mm.

Cette thérapeutique complexe se justifie par la possibilité d'avoir un meilleur support implantaire, une amélioration des facteurs biomécaniques, esthétiques et des possibilités d'hygiène plus favorables.

L'augmentation de support implantaire est la raison la plus évidente qui justifie l'augmentation verticale de crête. La reconstruction de l'os perdu offre la possibilité d'utiliser des implants plus longs qui sont associés à des taux de succès plus importants dans de nombreuses études scientifiques à long terme (Adell et al. 1981).

La deuxième raison d'entreprendre des techniques de régénération est d'ordre biomécanique (Rangert et al., 1989). La régénération verticale en direction coronaire offre en fait la possibilité de réduire la hauteur des couronnes prothétiques. Des couronnes plus petites réduisent le rapport couronne-implant. A partir du moment où le point d'application de la force occlusale est constant (face occlusale), la possibilité de déplacer le point d'appui du système biomécanique dans une direction coronaire permet d'obtenir un bras de levier plus favorable. Dans ce sens, l'augmentation verticale de crête est une thérapeutique plus intéressante que les techniques de comblement de sinus dans le traitement des maxillaires atrophiés. Ces techniques de comblement de sinus augmentent en fait le niveau osseux dans la direction apicale et n'améliorent pas le rapport couronne-implant.

L'augmentation verticale de crête offre aussi la possibilité d'améliorer l'esthétique. Un rapport couronne-implant défavorable a non seulement des conséquences biomécaniques mais aussi esthétiques. La possibilité de reconstruire les tissus durs et les tissus mous est le seul moyen d'offrir au patient un résultat esthétique. L'implant doit être positionné correctement en fonction des conditions osseuses préexistantes. Pour limiter le compromis esthétique, les techniques de régénération sont les seules solutions offertes aux cliniciens.

Techniques chirurgicales

Plan de traitement

La technique chirurgicale dans le cadre de l'augmentation verticale de crête est une des techniques les plus délicates de l'implantologie. Même si le positionnement des implants en position supracrestale n'apparaît pas difficile, l'adaptation de la membrane, la mise en place de la greffe osseuse et la manipulation des tissus mous sont techniquement des actes exigeants. A cause du risque important de complications, telles que les expositions de membrane ou les infections, il est nécessaire de mettre en œuvre une technique chirurgicale atraumatique et délicate respectant toutes les étapes et tous les détails chirurgicaux indispensables à la prévisibilité de la cicatrisation.

La première considération à prendre en compte, même si elle est évidente, est que dans le cadre de traitements sophistiqués un plan de traitement correct est indispensable pour envisager le succès.

L'utilisation d'un guide chirurgical pour poser les implants peut être la solution préventive aux insolubles problèmes biomécaniques et esthétiques que l'on doit prévenir avec les cires de diagnostic, notamment en présence de sévères atrophies et de résorptions des procès alvéolaires. Le positionnement idéal de l'implant pourrait être difficile sans l'aide du guide.

Dans certains cas où l'esthétique est de première importance, une approche par étapes offre la possibilité de diminuer les risques d'échec. Si l'exposition de la membrane apparaît alors que l'implant est en place et que le résultat de la régénération est incomplet, il est possible d'avoir à faire face à un implant dépassant du niveau osseux et même parfois des tissus mous. Les résultats esthétiques sont dans ces conditions de véritables désastres. Pour ces raisons, l'approche par étapes doit toujours être considérée, en particulier quand l'esthétique est concernée. De plus, le positionnement des implants après régénération osseuse simplifie la phase chirurgicale dans la mesure où la deuxième intervention est identique à la mise en place classique d'implant sans régénération.

Un autre aspect évident, mais parfois oublié, est le devoir absolu d'assurer un environnement oral sain avant d'envisager une technique complexe de régénération.

Avec le développement de la courbe d'apprentissage chirurgical, on observe quelques cas où le résultat de la régénération a été compromis à cause d'infections apparaissant sans que la membrane ne soit exposée. L'origine de la contamination provenait probablement d'une dent adjacente infectée. La première condition pour obtenir la réussite dans ce type de thérapeutique est de mener à bien un traitement parodontal préchirurgical.

Gestion des tissus mous

Dans le cadre de l'augmentation verticale de crête, on ne répétera jamais assez l'importance de la mise en œuvre d'une technique atraumatique et délicate. La réussite du traitement dépend initialement du bon décollement du lambeau. Une incision de pleine épaisseur sur le milieu de la crête est généralement réalisée. Une bonne incision et un décollement atraumatique du lambeau favorisent la fermeture primaire et la cicatrisation immédiate indispensables pour éviter l'exposition de membrane. Il faut également respecter les tissus périostés qui sont fragiles. Un lambeau large permet d'avoir suffisamment de tissus pour recouvrir greffe et membrane en préservant une vascularisation suffisante. L'incision est étendue au-delà de deux à trois dents bordant l'édentement.

Si l'augmentation verticale est limitée à 1-2 mm, l'utilisation d'une membrane renforcée titane favorisant l'espacement et le caillot sanguin est suffisante. Dans cet espace, le caillot stabilisé par la membrane offre aux cellules précurseurs la possibilité de se différencier en ostéoblastes afin de régénérer l'os (Simion et al., 1994).

Quand la régénération dépasse les 3-4 mm en direction verticale, l'utilisation d'une technique de régénération seule ne semble pas suffisamment prévisible et il faut y associer l'apport d'une greffe osseuse (Jensen et al. 1995 ; Tinti et al., 1996).

Membranes et greffes

La plupart des études publiées (Jensen et al., 1995 ; Simion et al., 1994 ; Buser et al., 1998) confirment que la greffe autogène est la référence quand on aborde les techniques de régénération. Des copeaux ou des blocs osseux obtenus à partir de sites donneurs intra-buccaux permettent de traiter la majorité des cas. Des régions comme le menton ou les zones rétro-molaires conviennent généralement au prélèvement de tissus osseux nécessaire pour greffer les crêtes résorbées.

L'utilisation d'allogreffes ou de xénogreffes (Hammerle et al., 1998 ; Valentini et al., 1998) est considérée comme un second choix, en tant que substituts des autogreffes, mais la littérature a démontré l'efficacité de ces matériaux (Simion et al., 1998 ; Nevins et Mellonig, 1992).

L'un des aspects les plus importants qui peut transformer un échec en succès est la parfaite stabilité et immobilité du caillot et de la greffe ; pour ce faire, on peut utiliser des artifices pour supporter la membrane, tels que des vis ou les implants eux-mêmes.

L'utilisation de membranes renforcées titane comme espaceur est une autre étape dans la réussite de l'augmentation verticale de crête.

La membrane et la greffe sous-jacente doivent être plaquées à l'os résiduel par des moyens de fixation tels que les mini-vis ou les mini-clous. Le complexe membrane-greffe doit être soigneusement fixé à chaque angle, ce qui peut être difficile dans les régions peu accessibles.

Si la greffe est mobile sous la membrane, les cellules ostéogéniques ne peuvent pas produire de l'os, mais seulement du tissu fibreux. Pour cette raison, après avoir respecté toutes les règles chirurgicales, il est aussi obligatoire d'éviter le port de prothèses adjointes durant la phase de cicatrisation.

Sutures

Le dernier point à considérer est l'importance d'une suture sans tension. Cela est seulement possible en réalisant de larges incisions périostées.

A cause de la nécessité d'augmenter la crête résiduelle, le manque de tissus mous pour couvrir la membrane et la greffe est un des problèmes majeurs que le chirurgien doit gérer. La large libération périostée est réalisée à partir d'une incision continue en épaisseur partielle qui relie les incisions de décharge mésiale et distale ; ce qui autorise un déplacement de recouvrement de 5 mm des parties vestibulaire et linguale du lambeau. Des sutures discontinues de type matelassier fixent le lambeau sans tension de telle façon à assurer une cicatrisation rapide.

Les sutures sont généralement de type mono-filament et sont déposées après une période moyenne de 10 à 14 jours. Dans le cas d'une augmentation verticale de crête le patient n'est pas autorisé à porter de prothèse adjointe à appui muqueux.

La pression de la prothèse peut provoquer une exposition de membrane et des déhiscences du lambeau, compromettant le résultat de la régénération.

Complications

Comme toutes les techniques délicates et compliquées, les chirurgiens qui accomplissent ces protocoles d'augmentation verticale de crête doivent subir une courbe d'apprentissage progressive. Au fur et à mesure que cette courbe progresse, la complication la plus redoutée, c'est-à-dire l'exposition, diminue. Le pourcentage moyen d'exposition précoce est de 16 % actuellement (Simion et al., 1998) et ce taux de complication est beaucoup plus important si on le compare aux techniques de régénération horizontale (2,5-7 %) (Buser et al., 1998 ; Simion et al., 1994).

Comme cela a été déjà mentionné, avec la diminution des expositions précoces il existe une relative augmentation de différents types de complications telles que les infections sans exposition provenant de dents adjacentes. Une autre complication est l'exposition retardée, survenant généralement chez de rares patients peu coopérants et en cas d'utilisation inappropriée de la prothèse provisoire.

Limites

Si la cicatrisation se fait sans complication avec association membrane et greffe osseuse autogène, le résultat de la régénération est généralement complet. Les limites de l'augmentation verticale de crête sont en rapport avec la technique chirurgicale choisie.

Dans le cadre d'une technique de régénération pure, le caillot est stabilisé par une membrane renforcée titane, la limite acceptée est de 3 à 4 mm (Simion et al., 1994). Quand une technique combinée, associant régénération et greffe, est mise en œuvre, les limites du résultat de la régénération sont supérieures, de l'ordre de 7-8 mm et même plus (Jensen et al., 1995 ; Tinti et al., 1996).

En conclusion, le développement récent de la technique chirurgicale peut transformer un défi complexe et risqué en une intervention prévisible et relativement sûre. Le résultat de la régénération est satisfaisant pour le patient et l'équipe soignante.

On ne doit pas perdre de vue que l'objectif d'une technique chirurgicale est la réhabilitation de la bouche d'un patient : le résultat de la régénération est seulement une étape pour donner au patient le meilleur bénéfice fonctionnel et esthétique. Cela doit nous amener à développer une approche globale pour traiter à la fois les défauts des tissus durs et des tissus mous souvent présents dans le cadre de réhabilitations prothétiques complexes. La réalité d'un possible résultat prévisible ne doit pas faire oublier la complexité de la technique.

Avec toutes ses limites, l'augmentation verticale de crête est devenue une technique destinée non seulement aux études expérimentales, comme c'était le cas dans un passé récent, mais aussi au traitement des patients.

Demande de tirés à part

Massimo SIMION, Department of Periodontology, University of Parma, PARMA, Italie.

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