Principes généraux de chirurgie réparatrice et techniques d'augmentation horizontale de crête pour la mise en place d'implants de brånemark - JPIO n° 2 du 01/05/1999
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/1999

 

Articles

Oded BAHAT   

Beverly Hills,
California 90210 USA

La perte d'une dent est presque toujours suivie d'une réduction quantitative et qualitative des tissus durs et mous. La perte des tissus durs évolue dans des directions différentes aux deux arcades : postéro-supérieure au maxillaire supérieur et latéro-inférieure à la mandibule (fig. 1a et 1b) (Starshak et Sanders,...


Résumé

La perte d'une dent est toujours suivie d'une réduction quantitative et qualitative des tissus durs et mous pouvant produire des irrégularités de surface complexes avec une épaisseur anormale de la crête ou une finesse des tissus mous. La mise en place d'implants ostéointégrés dans de tels sites entraîne des restrictions fonctionnelles, esthétiques et phonétiques. Pour éviter ces problèmes, une réparation tissulaire est nécessaire avant, pendant ou après la pose de l'implant. L'équipe chirurgicale doit par conséquent définir l'anatomie normale, en identifier tous les écarts, et élaborer un plan de traitement pour les corriger. L'os autogène est le standard pour la reconstruction des tissus durs et peut être obtenu par voie intra ou extra-orale. Des matériaux alloplastiques non résorbables peuvent être utilisés pour des petits défauts. Les greffes autogènes sont de plusieurs types : greffes d'apposition, greffes de crête dédoublée, greffes en J inversé. Chacune doit être taillée avec précision pour s'adapter au site receveur. L'intégration et la qualité du greffon peuvent être améliorées par un traitement à base de plasma enrichi en plaquettes. Quelle que soit la technique de greffe osseuse, celle-ci doit être recouverte par un lambeau de tissu mou, qui doit être suturé sans aucune tension. L'expansion tissulaire contrôlée peut être nécessaire s'il y a des pertes sévères de tissus mous.

La perte d'une dent est presque toujours suivie d'une réduction quantitative et qualitative des tissus durs et mous. La perte des tissus durs évolue dans des directions différentes aux deux arcades : postéro-supérieure au maxillaire supérieur et latéro-inférieure à la mandibule (fig. 1a et 1b) (Starshak et Sanders, 1980). En fait, la résorption est souvent irrégulière, variant tout à la fois en direction et en intensité entre les sites ou souvent à l'intérieur des sites (Seibert et Cohen, 1987 ; Jensen, 1989). De ce fait, la crête peut être étroite et abaissée, creusée de dépressions irrégulières et complexes, et les tissus mous peuvent être anormalement épais ou fins. Ces sites sur lesquels on retrouve tous ces facteurs défavorables sont dits « compromis ».

Par le passé, des implants ostéointégrés ont souvent été placés dans de tels sites. Cependant, ces implants sont inévitablement placés en position linguale et suivant un angle qui ne reproduit pas la direction de la racine de la dent perdue. Ceci entraîne une limitation phonétique, une prothèse en surcontour et une perte du support orofacial, que la denture soit reconstruite avec une prothèse supportée par une barre ou une prothèse implantoportée. Les tissus mous perdus doivent être masqués par une fausse gencive. L'utilisation de couronnes céramiques en surcontour et de piliers angulés a permis de répondre en partie à ces problèmes.

Du fait d'une demande accrue des thérapeutes et des patients à vouloir reproduire la denture initiale accompagnée d'une restauration des tissus mous, la chirurgie réparatrice a été introduite. Pour parvenir à un résultat esthétique, fonctionnel et phonétique optimal, les tissus durs et mous subissent souvent à différents degrés une reconstruction avant, pendant, ou après la mise en place d'implants (tableau I) (Bahat et al., 1993).

Évaluation et plan de traitement chirurgical

Le succès d'une reconstruction implantaire est fondé sur une bonne stabilité primaire des implants, un nombre et une longueur suffisants d'implants ainsi qu'une orientation favorisant la distribution des forces selon le grand axe des implants. Pour ce faire, il est nécessaire que les implants soient totalement recouverts d'au moins 1 mm d'os.

L'évaluation et les étapes de reconstruction préalables à la mise en place d'un implant sont au nombre de quatre :

- définition d'une anatomie normale ;

- identification de toutes les déviations autour de l'anatomie normale ;

- conception dans les détails de la restauration finale ;

- récapitulation selon un ordre inverse de toutes les étapes nécessaires à l'élaboration de la prothèse définitive (tableau II).

Chaque site doit être étudié séparément, à la fois cliniquement et radiologiquement à l'aide des coupes scanner reconstruites. Les éléments à considérer sont la forme de la crête résiduelle (direction, type et étendue de la perte), la qualité osseuse, les relations inter-crête alvéolaire, le degré de résorption de la crête et le profil orofacial des tissus mous qui en découle. Les structures environnantes doivent être étudiées : longueur de la lèvre, profondeur du vestibule, position de la gencive, de la muqueuse, du sinus et du paquet vasculonerveux, position et pronostic des dents adjacentes.

La perte osseuse crestale peut prendre plusieures formes. L'absence d'os sur un futur site implantaire est la situation la plus défavorable. Si les implants sont néanmoins utilisés, ils seront mal placés ou mal alignés, ou nécessiteront des modifications mécaniques pour réaliser la reconstruction, ce qui aura de fâcheuses conséquences :

- surcharge ou charge non axiale, aboutissant à l'ischémie, l'infection, et ultérieurement à la résorption osseuse ;

- fatigue du métal qui prédispose les implants et la reconstruction prothétique à la fracture (Piatelli et al., 1998) ;

- faible accès à l'hygiène orale.

La perspective à court et long termes d'une telle reconstruction n'est pas favorable (Roberts et al., 1989 ; Kopp, 1989 ; Jemt et Lekholm, 1995 ; Bahat et Handelsman, 1991).

Par ailleurs, l'os peut être suffisant pour envisager de placer correctement les implants, mais la perte horizontale peut compromettre l'esthétique et la phonétique. Ce qui conduit également à un mauvais support des tissus orofaciaux.

Les solutions pour reconstruire les tissus durs

Si la restauration des tissus est nécessaire, la technique à appliquer est choisie parmi les méthodes suivantes : greffe (os autogène, allogreffe d'os lyophilisé, matériel alloplastique ou xénogreffe) (Bernard, 1991), technique d'expansion de crête, ou technique de régénération.

L'os autogène est la technique de choix pour reconstruire les tissus durs du fait de la sécurité, de la biocompatibilité et du succès à long terme bien défini (Bahat et al., 1993). Son principal inconvénient provient du site donneur qui, à l'image du site receveur, peut être l'objet de complications. L'os autogène peut être obtenu à partir de sites intra-oraux (palais, menton, ramus, tubérosité, torus) ou extra-oraux (crâne, crête iliaque). Les greffons qui contiennent de la moelle ou de l'os alvéolaire recèlent des cellules souches et par conséquent possèdent un potentiel ostéogénique important. Si une greffe autogène est indiquée, le protocole chirurgical doit inclure l'identification du site donneur le plus approprié.

Pour les patients chez lesquels l'os est de volume et de qualité suffisants mais qui nécessitent seulement une augmentation vestibulaire pour maintenir et améliorer le support orofacial via la forme de la crête, il est possible d'utiliser l'hydroxyapatite ou tout autre matériau alloplastique (Kenney et Lekovic, 1991 ; Shetty et Han, 1991). Les matériaux non résorbables sont préférés du fait de leur stabilité dimensionnelle.

La technique de régénération guidée permet la formation d'un os nouveau en prévenant une invagination du tissu conjonctif et épithélial (fig. 2a et 2b), ce qui a largement été étudié tant sur l'animal que sur l'homme (Scantlebury, 1993 ; Linde et al., 1993) et a fait ses preuves pour réparer les concavités et les petites déhiscences. Elle peut être combinée avec la mise en place d'une greffe. A cause du faible volume du caillot sanguin, une membrane est moins efficace pour corriger des pertes osseuses étendues horizontales ou verticales (fig. 3a, 3b, 3c, 3d, 3e et 3f).

Types de greffes autogènes

Une reconstruction horizontale peut améliorer l'angulation des implants, l'esthétique, l'accès à l'hygiène et le contour coronaire. Une greffe d'apposition est habituellement indiquée quand la crête osseuse est satisfaisante du côté palatin mais pas du côté vestibulaire. Occasionnellement, elle peut aussi être placée sur la face linguale de la crête. Ces greffes permettent de placer des implants plus vestibulaires. Une greffe d'apposition, en améliorant le support pour les tissus mous orofaciaux, contribue à un meilleur résultat esthétique. Une greffe de crête dédoublée peut être envisagée pour réparer une lésion horizontale si la crête restante a au moins 4 mm de largeur. Ces deux types de greffes peuvent parfois être combinés.

Une greffe en J inversé est utilisée quand des reconstructions horizontale et verticale sont simultanément souhaitées et l'espace intercrête est alors augmenté. Cette greffe peut consister en une ou plusieurs pièces d'os cortical qui peuvent être retaillées si nécessaire pour s'adapter au site (fig. 4a, 4b et 4c). La greffe est obtenue à partir de la crête iliaque. Une élévation ou une reconstitution du plancher du sinus (Tatum, 1986 ; Kent et Block, 1989) peuvent être effectuées au même moment.

Technique de greffe autogène

Au préalable, le site receveur est largement exposé et débarrassé des tissus mous, des débris radiculaires et des petites irrégularités. Les dimensions mésiodistale et coronoapicale, ainsi que la courbure sont déterminées à l'aide de réplique du tissu dur obtenu lors de l'établissement du plan de traitement prothétique et chirurgical.

Il est souhaitable de recueillir un greffon légèrement plus large que le site receveur afin d'avoir suffisamment de matière à retailler. Entre les manipulations, il doit être placé dans une solution saline glacée. Le morceau d'os est analysé pour déterminer la meilleur orientation, puis les dimensions coronoapicales et mésiodistales sont reportées. Les irrégularités du greffon sont aussi éliminées avec des fraises ou des rugines et le site receveur est aménagé. Ce remodelage est contrôlé par de fréquents essais du greffon sur le site receveur. Pour s'assurer que le greffon est replacé dans la même position à chaque fois, un minimum de trois rainures sur différents côtés peuvent être gravées sur le greffon et le site receveur à la fraise. Ces rainures sont alignées à chaque nouvel essai.

Dans quelques cas, il peut être nécessaire d'ajuster la courbure du greffon pour assurer une bonne adaptation. Cela peut être fait en créant des rainures verticales au travers de la corticale osseuse avec une scie oscillante et en cintrant doucement le greffon avec des pinces jusqu'à ce qu'il ait la forme désirée. La scie ne doit pas pénétrer dans le défaut osseux.

Quand le greffon est convenablement sculpté pour s'adapter parfaitement au site receveur, une petite fraise boule est utilisée pour perforer le site osseux receveur. Ces perforations jusqu'à la moelle osseuse faciliteront la vascularisation du greffon. Un avant-trou est fraisé dans le greffon pour permettre à la vis de fixation de s'engager dans l'os alvéolaire et évite qu'elle fasse saillie sous les tissus mous de recouvrement (fig. 5).

La vitalité du greffon sur le long terme est liée au développement d'une néovascularisation, qui ne peut progresser que si le greffon est parfaitement adapté et immobilisé. C'est pourquoi plusieurs vis de fixation peuvent être employées suivant différentes orientations. Quand une chirurgie en un temps est prévue, il faut éviter de traverser le futur site implantaire. Si des vides persistent entre le greffon et le site receveur, ils seront obturés avec du coagulum osseux. Il est nécessaire enfin d'adoucir les arêtes du greffon avec une fraise boule pour protéger les tissus mous de recouvrement.

Une technique récente permet d'augmenter l'intégration et la qualité des greffons osseux avec du plasma sanguin enrichi en plaquettes (fig. 6a, 6b, 6c et 6d ). Ce produit, préparé à partir d'un gradient de densité obtenu par centrifugation, renferme une forte concentration de facteurs de croissance dérivés des plaquettes du TGF-1β et 2β. Dans une récente étude contrôlée (Marx et al., 1998), le traitement avec ce plasma enrichi en plaquettes conférait une maturation plus rapide et une plus grande densité des greffons osseux pour reconstruire des lésions mandibulaires continues.

Reconstruction des tissus mous

Toute technique de greffe doit être accompagnée d'un recouvrement du lambeau sans aucune tension. Toute tension excessive du lambeau peut compromettre l'esthétique et la vitalité. Un lambeau repositionné coronairement est le plus polyvalent et le plus communément employé dans ces circonstances (Bahat et Handelsman, 1991).

Pour tracer le lambeau, la lèvre est placée sous tension, puis la zone concernée par le lambeau est délimitée. La muqueuse est incisée jusqu'à la gencive. En tendant le lambeau avec deux pinces à griffes, il faut s'assurer qu'il est de taille suffisante pour recouvrir toute la greffe. Le lambeau ainsi préparé, ne doit pas être plié. Un essai de fermeture permet de s'assurer qu'il n'existe pas de tension excessive. Il est souvent bénéfique de faire deux incisions de décharge parallèles pour être certain que le lambeau soit suturé sans aucune déformation. Toutes les manipulations doivent être délicates pour protéger la vascularisation, qui est nécessaire pour que la vitalité persiste.

Une expansion contrôlée des tissus peut être nécessaire s'il y a une perte sévère des tissus mous combinée à des structures anatomiques contraignantes comme un vestibule peu profond (fig. 7a, 7b, 7c, 7d et 7e).

Ces techniques et leurs applications ont déjà été discutées (Bahat et Handelsman, 1991).

Conclusion

Dans les premières années des implants, la restauration de la fonction était la seule considération. Aujourd'hui, avec la demande croissante d'esthétique, il importe d'améliorer notre technique chirurgicale pour obtenir des résultats phonétiques et esthétiques optimaux aussi bien que la fonction occlusale.

La reconstruction horizontale des tissus durs est une des étapes qui peut être nécessaire pour parvenir à ce but.

Demande de tirés à part

Oded BAHAT, Camden Drive, Suite 1260, BEVERLY HILLS, California 90210 USA.

BIBLIOGRAPHIE

  • BAHAT O, HANDELSMAN M. Controlled tissue expansion in reconstructive periodontal surgery. Int J Periodont Rest Dent 1991;11:32-35.
  • BAHAT O, HANDELSMAN M. Periodontal reconstructive flaps-classification and surgical considerations. Int J Periodont Rest Dent 1991;11:481-488.
  • BAHAT O, FONTANESSI RV, PRESTON J. Reconstruction of the hard and soft tissues for optimal placement of osseointegrated implants. Int J Periodont Rest Dent 1993;13:255-275.
  • BERNARD GW. Healing and repair of osseous defects. Dent Clin North Am 1991;35:469-477.
  • JAFFIN RA, BERMAN CL. The excessive loss of Brånemark fixtures in Type IV bone : a 5-year analysis. J Periodontol 1991;62:2-4.
  • JEMT T, LEKHOLM U. Implant treatment in edentulous maxillae : a 5-year follow-up report on patients with different degrees of jaw resorption. Int J Oral Maxillofac Implants 1995;10:303-311.
  • JENSEN O. Site classification for the osseointegrated implant. J Prosthet Dent 1989;61:228-234.
  • KENNEY EB, LEKOVIC VM. The treatment of interproximal vertical bony defects with porous hydroxyapatite. Dent Clin North Am 1991;35:541-553.
  • KENT JN, BLOCK MS. Simultaneous maxillary sinus floor bone grafting and placement of hydroxylapatite-coated implants. J Oral Maxillofac Surg 1989;47:238-242.
  • KOPP CD. Brånemark osseointegration : prognosis and treatment rationale. Dent Clin North Am 1989;33:701-731.
  • LINDE A, ALBERIUS P, DAHLIN C, BJURSTAM K, SUNDIN Y. Osteopromotion : a soft-tissue exclusion principle using a membrane for bone healing and bone neogenesis. J Periodontol 1993;64:1116-1128.
  • MARX RE, CARLSON ER, EICHSTAEDT RM, SCHIMMELE SR, STRAUSS JE, GEORGEFF KR. Platelet-rich plasma : growth factor enhancement for bone grafts. Oral Surg, Oral Med, Oral Pathol, Oral Radiol, Endod 1998;85:638-646.
  • PIATTELLI A, SCARANO A, PAOLANTONIO M. Clinical and histologic features of a nonaxial load on the osseointegration of a posterior mandibular implant : report of a case. Int J Oral Maxillofac Implants 1998;13:273-275.
  • ROBERTS WE, GARETTO LP, DECASTRO RA. Remodelling of devitalized bone threatens periosteal margin integrity of endosseous titanium implants with threated or smooth surfaces : indications for provisional loading and axially directed occlusion. J Indiana Dent Assoc 1989;68(4):19-24.
  • SCANTLEBURY TV. 1982-1992 : a decade of technology development for guided tissue regeneration. J Periodontol 1993;64:1129-1137.
  • SEIBERT JS, COHEN DW. Periodontal considerations in preparation for fixed and removable prosthodontics. Dent Clin North Am 1987;31:529-555.
  • SHETTY V, HAN TJ. Alloplastic materials in reconstructive periodontal surgery. Dent Clin North Am 1991;35:521-530.
  • STARSHAK J, SANDERS B. Preprosthetic oral and maxillofacial surgery. St Louis : CV Mosby, 1980:13.
  • TATUM H Jr. Maxillary and sinus implant reconstructions. Dent Clin North Am 1986;30:207-229.

Articles de la même rubrique d'un même numéro