Articles
Nicola U. ZITZMANN * Carlo P. MARINELLO **
*Clinic of Fixed and Removable
Prosthodontics and TMJ Disorders,
University of Basel, Hebelstr. 3
CH-4056 Basel Switzerland
Le principe de la régénération tissulaire guidée (RTG) correspond à l'utilisation d'une barrière prévenant la migration épithéliale dans une lésion osseuse parodontale. Lorsqu'une barrière est employée pour régénérer l'os au niveau d'une crête édentée, on parle de régénération osseuse guidée (ROG). La barrière permet, dans ces deux situations, d'exclure le tissu épithélial qui présente un cycle de renouvellement rapide de 6 à 12 jours. Si...
De nombreux substituts osseux sont utilisables dans la technique de la régénération osseuse guidée (ROG). Malgré cela, l'os autogène reste le matériau de choix. L'objectif de cet article est de montrer : 1) les avantages et les inconvénients des produits les plus employés et de décrire leurs origines et certaines de leurs propriétés ; 2) les indications de la ROG dans les cas de déficits osseux autour des implants ; 3) les techniques d'élévation de sinus. Les études cliniques sur l'association d'une xénogreffe, le Bio-Oss®, et d'une barrière de collagène résorbable, Bio-Gide®, sont résumées. Les indications de cette association sont discutées et des conduites à tenir sont précisées.
Le principe de la régénération tissulaire guidée (RTG) correspond à l'utilisation d'une barrière prévenant la migration épithéliale dans une lésion osseuse parodontale. Lorsqu'une barrière est employée pour régénérer l'os au niveau d'une crête édentée, on parle de régénération osseuse guidée (ROG). La barrière permet, dans ces deux situations, d'exclure le tissu épithélial qui présente un cycle de renouvellement rapide de 6 à 12 jours. Si l'objectif de la RTG est de régénérer une nouvelle attache avec tous ses composants tissulaires, celui de la ROG est la formation d'un nouvel os.
La membrane idéale doit être, d'une part, suffisamment rigide pour recouvrir le défaut comme une tente et ne pas s'effondrer dans la lésion osseuse. D'autre part, elle doit être stable sur une période d'environ 4 mois pour permettre la maturation de la matrice osseuse. De plus, la densité du matériau qui compose cette barrière doit permettre le passage des nutriments vers les tissus mous qui la recouvrent afin d'éviter l'apparition de nécroses et l'exposition membranaire. Enfin, le matériau doit être biocompatible pour ne pas provoquer de réactions inflammatoires en cas d'exposition au milieu buccal.
L'intérêt des membranes non résorbables en polytétrafluoroéthylène expansé (PTFE-e) (Gore-Tex®, Implant Innovation, West Palm Beach, Floride) a été abondamment décrit dans la littérature. Dahlin et al. (1989) ont régénéré l'os après interposition de membranes en PTFE-e (Gore-Tex®) dans des lésions artificielles réalisées sur le tibia de lapin et ont montré une augmentation significative de la formation osseuse par rapport à des défauts témoins. De nombreuses études animales et cliniques ont confirmé ces résultats (Becker et al., 1990b ; Dahlin et al., 1995 ; Becker et al., 1994b). Buser et al. (1993) ont pu obtenir l'augmentation du volume osseux avec une membrane en PTFE-e sur une crête édentée avant la mise en place d'implants en utilisant des vis et/ou de l'os autogène comme mainteneur d'espace. Le renforcement de la membrane permet de réduire le risque d'effondrement dans la lésion osseuse (Schenk et al., 1994 ; Jovanovic et Nevins, 1995). Cependant, plus la membrane est rigide, plus le risque d'exposition est élevé en raison d'un apport nourricier réduit au niveau des tissus mous de recouvrement. De nombreux auteurs ont constaté une réaction inflammatoire des tissus mous environnants et un comblement osseux réduit en cas d'exposition au milieu buccal d'une membrane en PTFE-e (Becker et al., 1994b ; Jovanovic et al., 1992). L'accumulation de plaque et l'infiltration bactérienne sont alors constatées (Simion et al., 1994a). Une intervention chirurgicale supplémentaire est alors nécessaire et la membrane peut être aussi déposée. Fugazzotto (1998) a montré que la majorité des échecs de ROG (10 sur 11) est associée à l'exposition de la membrane. Une alternative consiste à utiliser des membranes résorbables qui ne nécessitent pas de deuxième intervention en cas d'exposition (Sevor et al., 1993 ; Pajarola et al., 1994 ; Zitzmann et al., 1997a). Mais, la faible rigidité de ces membranes résorbables nécessite l'emploi de mainteneurs d'espace qui, en comblant la lésion, permettent de soutenir la membrane et de réduire le volume du caillot. Schulte (1964) a montré que le passage du sérum vers les espaces extravasculaires qui apparaît normalement pendant les 90 premières minutes de formation du caillot sanguin peut être réduit de 50 à 1,5 % si le caillot macère dans de l'os spongieux ou tout autre matériau spongieux. En conséquence, la rétraction due à l'agrégation fibrillaire est réduite et l'espace disponible entre les parois de la lésion osseuse et le coagulum diminue, ce qui facilite le remplacement du coagulum par le tissu de granulation cicatriciel. Il est admis que ce dernier est normalement remplacé par du tissu contenant des cellules mésenchymateuses qui ont la capacité de se transformer en ostéoblastes et en ostéoclastes. Amler et al. (1960, 1969) ont constaté qu'un tissu ostéoïde apparaît dans l'alvéole, chez l'homme, 7 jours après une extraction, et que au moins 2/3 du volume alvéolaire est rempli d'os trabéculaire à 6 semaines.
Lors de l'apparition de l'implantologie moderne, la position de l'implant était guidée par des considérations strictement chirurgicales et le volume osseux disponible guidait le positionnement de l'implant. Les crêtes osseuses en lame de couteau étaient réduites jusqu'à obtenir un plateau osseux de 5 à 6 mm de large (Adell et Lekholm, 1985). Plus récemment, c'est d'abord le projet prothétique, et à un moindre degré, la situation anatomique, qui ont guidé le positionnement implantaire. La prévisualisation du résultat prothétique permet alors de sélectionner un nombre d'implants dans une situation idéale par un plan de traitement « rétro-actif ». Malgré cela, nous ne savons pas aujourd'hui quelle est la longueur idéale des implants, quelle doit être la quantité de contact os/implant et combien d'implants sont nécessaires pour des situations prothétiques particulières.
De nombreux facteurs influent sur la longévité implantaire, et en premier lieu la quantité et la qualité du tissu osseux. Viennent ensuite le comportement du patient, les forces exercées, les parafonctions et les habitudes d'hygiène orale. Il est de règle d'utiliser le maximum du volume osseux disponible et de poser les implants les plus longs possibles avec un ancrage bi-cortical ou une stabilisation bucco-linguale. Il faut bien sûr préserver les structures anatomiques voisines (nerfs, sinus, fosses nasales) et positionner l'implant pour permettre une reconstruction prothétique. Cela signifie qu'il faut évaluer le volume osseux disponible par une palpation de la crête alvéolaire et un examen radiologique. Le praticien doit pouvoir évaluer si un implant de longueur adéquate peut être placé dans le site pour obtenir une stabilité primaire, une des conditions initiales nécessaires au succès de l'ostéointégration.
En fonction de la qualité osseuse, un implant peut être immobilisé dans au moins 4 mm d'os (Lazzara, 1989 ; Becker et Becker, 1990a). Si la stabilisation primaire de l'implant ne peut être obtenue, il faut avant tout envisager une augmentation verticale et/ou horizontale de la crête alvéolaire (tableau I). Au niveau des secteurs latéraux maxillaires, c'est essentiellement la pneumatisation du sinus qui est responsable de la réduction de la hauteur de la crête osseuse. On pense qu'une pression intrasinusale plus élevée que la pression atmosphérique est responsable de cette situation. Dans ces situations cliniques, il faut envisager une élévation sinusale pour obtenir une augmentation en direction apicale au lieu d'augmenter la hauteur de la crête en direction intrabuccale (voir paragraphe « Technique d'augmentation du volume osseux »).
Une autre indication de la régénération osseuse est l'exposition d'une partie de l'implant au moment de sa pose. Il s'agit d'une déhiscence ou d'une fenestration (fig. 1). La fenestration est surtout observée au maxillaire en raison des concavités vestibulaires résultant de la résorption postextractionnelle due aux pressions labiale et jugale. La déhiscence apparaît lors de la mise en place d'implants immédiatement ou très peu de temps après une extraction en raison de la différence entre le diamètre de l'implant et la forme de la racine (voir paragraphe « Considérations cliniques pour la ROG »). Sur des crêtes anciennement édentées, les déhiscences apparaissent souvent sur les crêtes fines en lame de couteau (Zitzmann et al., 1997a).
Il existe une controverse sur la nécessité de traiter les petites lésions osseuses par les techniques de ROG. En effet, une résorption osseuse est souvent observée autour des implants vissés (de type Brånemark) jusqu'à la première spire après un an de mise en fonction (Adell et al., 1981). Il serait alors préférable d'« anticiper » ce processus de remodelage en plaçant l'épaulement implantaire à un niveau supracrestal plutôt que de mettre un implant plus court. Mais ce concept ne peut être indiqué que dans des situations de hauteur d'os limitée avec un espace intermaxillaire suffisant et avec des demandes esthétiques limitées. Avec des implants IMZ® et une corticale vestibulaire inférieure à 1 mm, Dietrich et al. (1993) constatent un taux de succès réduit par rapport à une corticale vestibulaire supérieure à 1 mm (respectivement, 89,3 et 96,6 % à 5 ans) et considèrent qu'une corticale vestibulaire fine compromet le pronostic implantaire à long terme.
L'importance de la complète intégration de l'implant dans l'os peut s'expliquer comme suit :
- d'un point de vue fonctionnel, l'objectif est d'assurer une transmission de la charge occlusale le long de la totalité de la surface implantaire ;
- d'un point de vue esthétique, les tissus mous sont supportés par l'os sous-jacent ;
- le patient peut se plaindre de sensibilité lors des mouvements musculaires par irritation du périoste qui se retrouve alors au contact direct de l'implant.
L'os autogène est le matériau de choix. La transplantation d'une greffe autogène permet à l'os de conserver son pouvoir ostéogène et de promouvoir l'ostéoinduction par les cellules maintenues vivantes (Boyne, 1991 ; revue de Tolman, 1995). Les cellules ostéoprogénitrices préservées et les protéines morphogéniques osseuses sont supposées permettre l'induction des cellules mésenchymateuses du lit receveur vers la voie de la formation osseuse (Reddi et al., 1977). Il est important de distinguer l'os donneur d'origine endochondrale de l'os d'origine intramembranaire dans les phénomènes de revascularisation et de résorption du tissu osseux greffé.
L'os d'origine endochondrale provenant de la crête illiaque ou des côtes montre, dans le site receveur, une néovascularisation moins rapide. L'os du crâne, des tubérosités, du menton ou de la région rétromolaire est d'origine intramembranaire et montre une résorption moindre autorisant la mise en place d'implants à 4 mois (Williamson, 1996). Le prélèvement iliaque nécessite une anesthésie générale, une hospitalisation, entraîne des douleurs postopératoires, une immobilité temporaire et des complications. Le prélèvement intrabuccal réduit certains de ces inconvénients. Mais certains patients refusent le prélèvement mentonnier, tubérositaire ou au niveau du ramus. L'emploi de matériau de substitution osseuse doit alors être envisagé et les allogreffes, les xénogreffes ou matériaux synthétiques constituent une alternative à l'os autogène (tableau II, fig. 2).
L'allogreffe provient de cadavres humains (par exemple, Dembone®, Pacific Coast Tissue Bank, Los Angeles, Californie). Les substances organiques sont éliminées par de l'éthanol et de l'éther, la stérilisation est faite par de l'oxyde d'éthylène ou une irradiation aux rayons gamma et est suivie par la lyophilisation. A ce moment, le matériau peut être stocké et transporté à température ambiante. Les techniques de séchage provoquent des altérations de la configuration des protéines entraînant une réduction de l'antigénicité des allogreffes. L'os peut aussi être déminéralisé par l'acide chlorhydrique, supprimant ainsi les sels inorganiques et autorisant l'expression biologique de la matrice osseuse (Urist et Strates, 1971 ; Reddi et al., 1987). Les protéines morphogéniques osseuses peuvent alors s'exprimer et permettre probablement l'ostéoinduction. Cela signifie que la différenciation vers la voie ostéogène est initiée par des interactions avec les cellules mésenchymateuses (Urist et Strates, 1971 ; Small et al., 1993). Des allogreffes d'origine porcine ont été implantées dans des lésions osseuses crâniennes chez le porc (Mellonig et al., 1981a, b). Les auteurs ont constaté une néoformation osseuse plus importante pour l'os déminéralisé lyophilisé (DFDBA : demineralized freezed-dried bone allograft) que pour l'os minéralisé lyophilisé (FDBA : freezed-dried bone allograft), le coagulum osseux ou de l'os autogène mixé. Ils en concluent que le DFDBA présente le pouvoir ostéogène le plus élevé. Des études réalisées sur le chien ne montrent pas de résultats favorables dans la régénération osseuse péri-implantaire ou le comblement de sinus avec du DFDBA (Becker et al., 1992 ; Becker et al., 1995a ; Wetzel et al., 1995). Mais, les principes biologiques fondamentaux n'ont pas été respectés dans ces études puisque de l'os humain a été utilisé. Puisque Reddi et al. (1987) ont montré que le potentiel que présente la matrice de l'os déminéralisé d'induire une formation osseuse dépend de l'espèce considérée, il semble évident que de l'os humain mis dans des lésions osseuses animales ne peut être intégré. Les protéines ostéoinductives préservées (ostéogénines) peuvent entraîner des réactions du type antigène-anticorps.
Avec du DFDBA de la même espèce, Becker et al. (1995a) ont montré, en microscopie optique, un contact direct entre de l'os néoformé et les particules osseuses. Les banques de tissus osseux recherchent chez les donneurs, au travers de tests sériques, les virus VIH, de l'hépatite B et C, la leucémie ou les tumeurs associées au virus HTLV-1 transmis par les cellules T et la syphilis (Malinin, 1992). Afin d'éliminer tout risque bactérien ou viral dans les échantillons osseux, l'antigène ADN est détecté par les tests ELISA ou radio-immunologiques. Jusqu'à ce que les immunoglobulines G apparaissent, les antigènes viraux sont rarement détectables. C'est pour cela que les tests pour les antigènes et pour les anticorps sont nécessaires et deviennent de plus en plus spécifiques. Les enzymes spécifiques sont capables de détecter l'antigène respectif même en cas de mutation. Mais il est bien évident que l'on ne met en évidence que les antigènes qui sont recherchés.
Les matériaux xénogènes doivent être totalement débarrassés de leurs protéines en raison de leur origine. Ils se retrouvent alors dans la forme de matrices inorganiques au pouvoir ostéoconducteur. L'échafaudage inerte qu'ils constituent sert de guide à la croissance osseuse et permet l'apposition à partir de l'os existant. De l'os bovin, comme le Bio-Oss® (Geistlich Biomaterials, Wohlhusen, Suisse) ou l'OsteoGraph/N® (CeraMed, Ultimatics Inc., Springdale, Arizona, USA) a été étudié en raison de son architecture poreuse similaire à l'os humain (Klinge et al., 1992 ; Wetzel et al., 1995 ; Wallace et al., 1996 ; Zitzmann et al., 1997a ; Berglundh et Lindhe, 1997 ; Hämmerle et al., 1998).
Le Bio-Oss® est déprotéiné par chauffage à 300 °C pendant plus de 15 heures afin d'éliminer tout matériau organique potentiellement antigénique, mais sa structure cristalline est conservée intacte (fig. 3a et 3b). Après un traitement alcalin, le matériau composé d'hydroxylapatite et de carbonate est stérilisé à 160 °C. Le Bio-Oss® est commercialisé sous forme de blocs d'os médullaire, de granules d'os médullaire ou cortical, de granules d'os médullaire mélangés à du collagène d'origine porcine.
L'OsteoGraph/N® est de l'os bovin qui a été chauffé à 1 100 °C. A cette haute température, une hydroxylapatite à larges cristaux se développe, la surface des particules fond et perd sa porosité (fig. 4a). Wallace et al. (1996) ont utilisé l'OsteoGraph/N-300® et N-700® combinés à de l'os autogène et ont constaté que le matériau est complètement résorbé à 20 mois. Dans ce rapport sur un cas, le matériau était remplacé par de l'os en cours de maturation et de la moelle peu vascularisée et contenant des éléments graisseux.
Les matériaux xénogènes peuvent aussi dériver du corail (Small et al., 1993 ; Smiler et al., 1992 ; Jensen et al., 1996 ; Moy et al., 1993 ; Wheeler et al., 1996) comme l'Interpore® (Interpore International, Irvine, Californie, USA) ou des algues (Ackermann et al., 1994) comme l'Algipore® (Friatec, Mannheim, Allemagne). L'Interpore® est un carbonate non résorbable d'hydroxylapatite constitué de larges cristaux (fig. 4b). L'Algipore® est un carbonate d'origine phycogène qui se dissout lorsqu'il est placé dans un défaut osseux (fig. 4c).
L'hydroxylapatite (HA), substitut osseux, comme l'OsteoGraph/LD/D® (CeraMed, Ultimatics Inc., Springdale, Arizona, USA) ou l'OsteoGen® (Stryker Dental Implants, Kalamazoo, Michigan, USA), peut aussi être synthétisée par frittage de phosphate calcique à 1 000 °C (Smiler et al., 1992 ; Jensen et al., 1996). OsteoGen® et OsteoGraph/LD® sont des matériaux de faible densité qui se résorbent lentement dans les fluides environnants alors que l'OsteoGraph/D® de plus grande densité est non résorbable (fig. 4d). Ces matériaux constituent un échafaudage pour la synthèse de l'os néoformé et sont donc considérer comme ostéoconducteurs. Le phosphate tricalcique est un autre matériau synthétique résorbable, comme Cerasorb® (Curasan, Kleinostheim, Allemagne ; fig. 4e ) ou BioBase® (Pace Medical, Medisave, Freiburg, Allemagne ; fig. 4f ). Buser et al. (1998) ont employé le Ceros® (Mathys AG, Bettlach, Suisse), phosphate tricalcique, en association avec une membrane PTFE-e dans des défauts osseux chez le porc. Ils ont montré un pourcentage significativement plus élevé de comblement après 6 mois avec cette combinaison, par rapport à d'autres matériaux de comblement comme l'Interpore® ou le DFDBA.
Le Bio-Gran® (Implant Innovation, West Palm Beach), matériau synthétique, est constitué de particules de verre de structure à majorité non cristalline (fig. 4g). Sa cohésion ionique donnerait au matériau des propriétés inductives (Schepers et Ducheyne, 1997).
Lors de la prise de décision concernant le moment de l'extraction, le praticien doit aussi considérer les différentes options implantaires, si l'indication est posée. La technique de l'implantation immédiate, réalisée au moment de l'extraction, peut être utilisée pour l'édentement unitaire au niveau antérieur maxillaire afin de réduire la durée du traitement (tableau III). La pose différée peut être réalisée 6 à 8 semaines après l'extraction pour permettre la cicatrisation des tissus mous et éviter leurs tensions lors de la pose de l'implant. L'implant peut être aussi posé 6 mois après l'extraction pour permettre le comblement osseux de l'alvéole d'extraction (Zitzmann et Schärer, 1997c).
Si la surface implantaire est exposée au moment de la mise en place de l'implant, la forme du défaut doit être évaluée car elle va influer sur les techniques de ROG. Selon Zitzmann et al. (1997a), le défaut peut présenter une seule paroi avec moins de 33 % de la surface de l'os environnant présent. Ce type de défaut est le plus difficile à traiter car l'apport nutritif et la stabilisation du matériau ne sont assurés que par une seule paroi osseuse. La fixation de la membrane est alors indiquée. Le défaut peut présenter deux parois, soit 33 à 67 % de l'os environnant présent ou trois parois, soit plus de 67 % de l'os environnant présent. Ce dernier type de défaut inclut les défauts du type tunnel qui présentent la situation la plus favorable à la régénération osseuse (voir paragraphe « Résultats et conséquences cliniques pour la ROG »).
En général, tout défaut osseux doit être totalement débarrassé de tout tissu conjonctif et peut être perforé, surtout dans les cas de corticale très dense, avec une fraise ronde de petit diamètre afin de permettre le saignement à partir des espaces médullaires. Les protéines morphogènes du patient vont ainsi s'accumuler sous la membrane. Le matériau de comblement doit être humidifié avec du sérum physiologique puis condensé dans le défaut. L'adjonction de poudre de tétracycline (30 mg/0,5 g de Bio-Oss®), donnant une couleur jaune aux particules de matériau, produit une réaction antibactérienne locale. Il faut qu'elle soit utilisée à très faible dose pour ne pas modifier de manière trop importante le pH. Mais, comme aucune évidence clinique n'est venue confirmer cette théorie (Drury and Yukna, 1991), il semble que l'adjonction de tétracycline ne soit pas nécessaire. Si une pression doit être exercée sur la région, ou si la forme du défaut le nécessite, ou si une augmentation du volume est envisagée, la membrane choisie doit être fixée par des clous ou des punaises (par exemple, Frios®, Friatec, Mannheim, Allemagne). La succession thérapeutique suivante est recommandée :
1. La corticale osseuse environnant le défaut est perforée avec une petite fraise (fig. 5a).
2. La mobilisation du lambeau muqueux sans traction est vérifiée, et la libération périostée est améliorée si nécessaire.
3. La taille du défaut est mesurée et la membrane est adaptée afin de permettre un recouvrement des berges osseuses de 3 mm environ. Le contact avec les dents adjacentes est autorisé pour les seules membranes résorbables.
4. La membrane est posée sur la corticale vestibulaire et éventuellement fixée par deux clous, en évitant les dents adjacentes. Si des fixations en titane sont utilisées, la préparation des trous est nécessaire. Il faut alors présenter le foret perpendiculairement à la surface osseuse (fig. 5b).
5. La membrane est réclinée du côté vestibulaire et le défaut est comblé avec le matériau choisi (par exemple, du Bio-Oss®) qui a été au préalable hydraté avec du sérum physiologique. Les granules doivent être tassés et l'excès de sérum éliminé avec une compresse stérile (fig. 5c).
6. La membrane est rabattue du côté lingual et placée sous le lambeau lingual. Des sutures de matelassier horizontales profondes peuvent être réalisées, plus particulièrement au maxillaire pour plaquer la membrane sur la surface interne du lambeau lingual (fig. 5d).
7. La fermeture de la plaie est obtenue par des sutures de matelassier horizontales et des points unitaires en X.
L'élévation de sinus peut être atteinte soit par un abord latéral, soit par un abord crestal (fig. 6). L'abord crestal nécessite des instruments à main pour préparer le site dans la position déterminée. Les ostéotomes (Implant Innovation, West Palm Beach, USA) sont coniques afin de pousser l'os médullaire comprimé et décoller délicatement la muqueuse du plancher sinusal. Cette méthode a d'abord été décrite par Tatum (1986), puis a été modifiée par Summers (1994), qui a apporté un matériau pour combler l'espace laissé disponible sous la muqueuse sinusale. L'os existant est préservé car il n'y pas de forage, excepté la perforation de la corticale par une fraise boule. Il faut prendre garde à ne pas déplacer les instruments en direction vestibulaire si l'os cortical palatin est épais (fig. 7). Dans ce cas, il est recommandé d'associer un fraisage à l'utilisation des ostéotomes. En cas de légère perforation de la muqueuse sinusale, un implant plus court peut être mis en place. Sa longueur sera équivalente à la hauteur d'os initialement disponible. Il est évident qu'aucun matériau de comblement ne sera alors utilisé et qu'une couverture antibiotique sera appliquée (par exemple, amoxicilline 375 mg, trois fois par jour) pendant 10 jours.
Une élévation de sinus par abord latéral (antrotomie) a été d'abord décrite par Boyne et James (1980). Une fenêtre latérale de 10 mm est réalisée dans la partie la plus haute de la crête édentée. Un scanner est hautement recommandé pour déterminer exactement la position du plancher sinusal (fig. 8a). La muqueuse sinusale est délicatement décollée et le volet osseux est repoussé vers le haut (fig. 8b). La muqueuse doit être décollée du plancher sinusal jusqu'au mur osseux vertical. Cette muqueuse peut alors se contracter, ce qui permet de libérer un espace qui va être comblé par le matériau de substitution osseuse. Si un pilier osseux empêche le déplacement du volet osseux vers le haut, ce pilier doit être supprimé. C'est la hauteur d'os initialement disponible et la qualité de cet os qui permettent de choisir entre une implantation immédiate ou différée. En général, il faut un minimum de 4 mm pour obtenir une stabilité primaire de l'implant. L'exposition de l'implant et la pose d'un pilier prothétique sont réalisées 6 à 9 mois après. La technique en deux étapes est indiquée s'il existe moins de 4 mm d'os ou si la qualité de l'os ne permet pas d'obtenir une stabilisation primaire. Dans ce cas, la mise en place de l'implant est réalisée 8 à 9 mois après le comblement sinusien.
Dans la technique de la ROG, les membranes non résorbables, bien qu'elles aient donné de bons résultats lorsque les suites postopératoires étaient normales, ont été progressivement remplacées par les membranes résorbables associées à des matériaux de comblement osseux. Cela permet de réduire le risque d'infection même en cas d'exposition de la membrane au milieu buccal. En général, l'ouverture de la plaie apparaît plus souvent lors de l'implantation immédiate ou médiate en raison du « déficit » de tissus mous. Pourtant, cela peut avoir des avantages. En effet, Zitzmann et al. (1999) ont montré des comblements osseux après ROG associant Bio-Oss® et Bio-Gide® supérieurs lors d'implantation immédiate ou médiate (92 % de régénération osseuse) en comparaison avec l'implantation à long terme. Les défauts osseux à 2 ou 3 parois sont en effet plus nombreux lorsque l'implant est posé précocement.
Une étude clinique sur la technique de l'ostéotome a montré qu'il est possible d'obtenir une augmentation de la hauteur d'os de 3,5 mm en moyenne (Zitzmann et Schärer, 1998a). La technique semble donc indiquée pour une hauteur d'os initial de 6 mm, permettant la mise en place d'un implant de 10 mm (de type Brånemark). Des implants plus courts pourront être mis en place s'il est possible de les relier à des implants plus longs. L'antrotomie latérale est indiquée lorsqu'il existe une hauteur d'os inférieure à 6 mm ou si un gain de plus de 4 mm est recherché.
Une technique en deux étapes incluant un élargissement de crête et une antrotomie en deux temps permet de réaliser des biopsies lors de la réentrée. Chez cette patiente de 22 ans (fig. 5a), le remplacement de 12 par un implant est envisagé, mais il faut d'abord élargir la crête qui est trop fine. L'examen histologique montre (fig. 9a et 9b) une zone incluant de l'os régénéré 6 mois après une reconstruction de crête avec des granules spongieux de Bio-Oss® (BO) de 0,25 à 1 mm de diamètre. Les particules du matériau sont incluses et au contact intime d'un os néoformé du type woven-bone (RB). On reconnaît une rangée d'ostéoblastes entre les espaces médullaires (MC) et l'os néoformé. Les vaisseaux sanguins (Ve) présents dans les espaces médullaires signent la vitalité tissulaire sans signes de réaction inflammatoire.
De nombreuses études (Zitzmann et al., 1997b, 1998b, 1999) montrent que la mise en place médiate d'un implant 6 semaines après l'extraction donne les meilleurs résultats en associant les avantages de la mise en place immédiate et à long terme (tableau III). Le potentiel de régénération osseuse semble supérieur si l'implantation est réalisée rapidement après l'extraction car la transmission des forces occlusales vers l'os ne sera absente que pendant 6 mois au plus. Amler et al. (1960, 1969) constatent que la fermeture épithéliale complète d'un site d'extraction prend 4 à 5 semaines et dépend du diamètre de l'alvéole. Dans la situation de mise en place médiate, la fermeture de la plaie est atteinte. De nombreux auteurs (Tallgren, 1972 ; Atwood, 1979 ; Carlsson et Persson, 1967a) ont montré que le maximum de la résorption de l'os alvéolaire est obtenu pendant la première année après une extraction, et surtout pendant les deux premiers mois. Carlsson et al. (1967b) ont constaté que l'os alvéolaire vestibulaire était résorbé et partiellement remplacé 6 semaines après une extraction. Mais, la comparaison implantations immédiate-médiate montre des défauts osseux péri-implantaires de tailles équivalentes (respectivement 22,8 et 20,6 mm2) ce qui permet d'affirmer qu'attendre 6 semaines n'entraîne pas de perte osseuse supplémentaire (Zitzmann et al., 1999).
Le cahier des charges des matériaux de substitution osseuse peut être résumé comme suit :
- être biocompatible ;
- ne provoquer aucune réaction allergique ;
- être radio-opaque ;
- résister aux forces de compression ;
- être ostéoconducteur pour favoriser l'apposition osseuse à son contact.
Il est difficile de considérer favorablement l'ostéoinduction que l'on prête à l'os allogène. En effet, les protéines étant préservées, le matériau peut entraîner une réaction du type antigène-anticorps et il est impossible d'écarter tout transfert de maladies infectieuses. Il n'y a pas aujourd'hui de réponse spécifique concernant la durée de résorption. Il a été montré, pour les greffes autogènes, que la tendance à la résorption peut être réduite lorsque des forces sont transmises au travers des implants mis dans les sites greffés (Buser et al., 1995). Chez le mouton, Haas et al. (1998) ont observé une résorption intense de l'autogreffe proche de la membrane sinusale. Schenk et al. (1994) ont montré que la régénération sous une membrane en PTFE-e commence par la formation d'un os lâche qui est progressivement remplacé par de l'os lamellaire. L'étude des fractures osseuses chez l'adulte montre un taux d'apposition d'os lâche d'environ 100 μm par jour. La régénération d'un défaut osseux de 10 mm de diamètre nécessite donc environ 7 semaines en tenant compte du fait que ce défaut est entouré de parois osseuses et que la régénération commence à partir de toutes les parois. Il semble donc aussi évident, à la lumière de ces données, que l'augmentation verticale, en l'absence de parois osseuses avoisinantes, soit très limitée. Dans ce cas, la régénération ne peut provenir que de la paroi basale et il n'y a ni protection, ni stabilisation de la greffe. Même avec des membranes en PTFE-e renforcées et stabilisées avec des mini-vis, Simion et al. (1994b) n'ont pu obtenir qu'un gain vertical de 4 mm.
Il faut donc se demander si la présence d'un défaut circulaire autour d'un implant nécessite une thérapeutique de ROG. Chez le chien, Becker et al. (1991) ont montré que des membranes en PTFE-e sur des défauts circulaires permettent la réduction significative du défaut par rapport à un groupe témoin. Mais, Becker et al. (1994a) ont montré que ce type de défauts autour d'implants posés immédiatement après l'extraction peut aussi être régénéré par de l'os autogène seul. Un défaut de 3 mm autour d'un implant en titane peut donc être comblé en un mois sans migration épithéliale en direction apicale. Mais, le remplacement de l'os lâche par un os lamellaire prend plusieurs mois en raison du taux d'apposition de 1 μm par jour (Frost, 1966). Evian et al. (1982) ont observé chez l'homme, dans un alvéole d'extraction, un os trabéculaire normal subissant un remaniement après 16 semaines. La formation d'un système haversien prend 3 mois (Frost, 1963). Pendant le processus de remaniement, le premier réseau est remplacé par des trabécules plus épaisses qui renforcent et stabilisent la matrice osseuse (Schenk et al., 1994). Il faut donc se demander si une greffe osseuse ostéoconductrice incluse dans une matrice osseuse régénérée est complètement résorbée, ou si la résorption va affaiblir l'os régénéré. Une fois incluse dans la matrice osseuse mature, la greffe osseuse va participer au processus physiologique de remaniement qui évolue lentement, particulièrement lorsqu'il n'y a pas de stimulations supplémentaires comme la mise en place d'un implant ou d'un pilier prothétique (Frost, 1963 ; Berglundh et Lindhe, 1997) (fig. 9a et 9b). On peut donc en conclure que le matériau greffé doit pouvoir être remplacé par l'os environnant. Mais un défaut plus large nécessite une quantité d'os autogène plus importante.
Remerciements - Les auteurs veulent remercier le Dr Peter Schübach, PD (Département de Microbiologie orale et d'Immunologie, Université de Zurich) pour la réalisation des coupes histologiques et Renate Löffler (Département de Prothèse fixé et adjointe, Université de Zurich) pour la réalisation des images en microscopie électronique. Nous voulons aussi remercier les entreprises qui nous ont fourni des échantillons de leurs produits pour l'étude en microscopie électronique.
Demande de tirés à part
Nicola Ursula ZITZMANN, Assistant Professor Clinic of fixed and removable prosthodontics and TMJ disorders, University of Basel, Hebelstr.3, CH-4056 BASEL, Switzerland.