Élévation localisée de sinus par technique de greffes osseuses : étude rétrospective de 1 à 5 ans - JPIO n° 2 du 01/05/1999
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/1999

 

Articles

Sascha Aleksander JOVANOVIC *   Dennis Rockwell HUNT **  


*UCLA School of Dentistry
Division of Oral Biology and Medicine

Introduction

L'implantologie est devenue une partie intégrante de la dentisterie avec d'excellents résultats à long terme pour le traitement de l'édentement total et partiel. Néanmoins, les résultats à long terme du traitement permettant la réhabilitation de maxillaires postérieurs édentées restent encore rares et parfois incertains (Jaffin et Berman, 1991 ; Nevins et Langer,...


Résumé

La pneumatisation des sinus maxillaires et la résorption des crêtes osseuses sont des réponses biologiques normales à la perte des dents postérieures du maxillaire. La perte de la structure alvéolaire peut exclure l'utilisation des implants dentaires si des procédés de reconstruction osseuse ne sont pas préalablement mis en œuvre. Cet article présente une technique d'élévation de sinus pour reconstruire les pertes alvéolaires et permettre la mise en place d'implants de longueur adéquate dans cette région. Dans cette étude, 36 augmentations de sinus ont été réalisées sur 28 patients. Pour 12 élévations sinusiennes, l'os prélevé au niveau de la symphyse mandibulaire constitue l'unique matériau de greffe. Pour les 24 cas cliniques restants, l'augmentation des cavités sinusiennes a été réalisée par apposition d'allogreffe, de substituts osseux synthétiques, ou de xénogreffes, mélangés à de l'os autogène pour permettre un apport de matériau plus important. Dans ces derniers cas, la technique dite de multicouche, qui utilise à la fois de l'os autogène et des substituts osseux, est employée. Un total de 82 implants a été mis en place, 70 de ces implants ont été placés simultanément à la technique d'élévation de sinus. La durée moyenne de cette étude était de 20,1 mois (de 7 à 60 mois). La hauteur des implants utilisés variait de 10 à 15 mm. Sur l'ensemble des implants mis en place, cinq ont été perdus après leur mise en charge, ce qui a entraîné un taux de survie implantaire de 93,9 %. Le succès implantaire a été associé à la hauteur des crêtes osseuses : 7 à 10 mm correspondant à 100 %, 4 à 6 mm à 92 %, 0 à 3 mm à 94 %. Il a été également associé au matériau de greffe utilisé : l'os autogène seul (95,5 %) ; la combinaison de broyat d'os autogène et d'allogreffe (100 %) ; la combinaison d'os autogène en bloc et d'allogreffe (80 %) ; la combinaison de xénogreffe et de broyat d'os autogène (90,9 %). Enfin, il a été associé à la technique utilisée : la technique différée en deux temps : 83,3 % ; la technique simultanée en un temps : 95,5 %. Le taux de survie des implants à 5 ans dans cette technique d'élévation sinusale sera évalué lors d'une prochaine étude.

Introduction

L'implantologie est devenue une partie intégrante de la dentisterie avec d'excellents résultats à long terme pour le traitement de l'édentement total et partiel. Néanmoins, les résultats à long terme du traitement permettant la réhabilitation de maxillaires postérieurs édentées restent encore rares et parfois incertains (Jaffin et Berman, 1991 ; Nevins et Langer, 1993 ; Bahat, 1993).

Les patients présentant un édentement maxillaire postérieur peuvent présenter une perte d'os alvéolaire et une augmentation du volume des sinus maxillaires. Quand la base des sinus maxillaires se développe aux dépens de l'os alvéolaire, on parle de pneumatisation. Celle-ci peut s'étendre jusqu'à la crête alvéolaire et ne laisser qu'une partie infime, ou nulle, d'os alvéolaire. La combinaison de la perte osseuse verticale (atrophie) et de la pneumatisation sinusienne empêche fréquemment l'utilisation d'implants endo-osseux dans cette région. Les techniques d'élévation de sinus ont été développées pour répondre aux problèmes de la perte osseuse alvéolaire et d'augmentation de volume du sinus maxillaire (Boyne et James, 1980 ; Tatum, 1986 ; Smiler et Holmes, 1987 ; Kent et Block, 1989).

Les techniques d'augmentation et de reconstruction osseuse ont pour but une expansion osseuse verticale et vestibulaire. Plusieurs techniques ont été proposées : greffe osseuse en onlays prélevée au niveau des côtes, de la crête iliaque et de sites intrabuccaux (Tolman, 1995). L'ostéotomie de type Le Fort I, avec le positionnement du greffon osseux combiné à l'élévation de sinus, a été également décrite. Cependant, cette technique entraîne une réduction importante de l'espace interocclusal empêchant parfois la restauration prothétique. Pour faire face à la limitation de l'espace interocclusal et gagner de la hauteur osseuse, les techniques de greffe en inlay ont été utilisées afin de gagner de la hauteur sans empiètement.

La technique d'élévation de sinus commence par la création d'une fenêtre (antrostomie) sur la face latérale du maxillaire. Ce protocole est dérivé de la technique de Caldwell-Luc (Tatum, 1986). Cette fenêtre permet l'accès nécessaire pour le déplacement du périoste et de la membrane épithéliale sinusale sous lesquels doivent être placés les matériaux de greffe.

Les matériaux utilisés pour cette technique sont variés : os autogène, homogreffe, hétérogreffe, matériau alloplastique ou une combinaison de chacun. Le tableau I présente les avantages et les inconvénients de ces matériaux de comblement.

Plusieurs sites donneurs ont été proposés, cependant l'os autogène prélevé au niveau de la hanche est reconnu comme étant le matériau de choix (Raghoebar et al., 1997). Le site donneur intrabuccal constitue un autre site privilégié. Cette localisation présente des avantages certains par rapport aux sites extraoraux par sa proximité avec le site receveur, ce qui réduit la période de cicatrisation et limite la morbidité. Le menton, comme site donneur intrabuccal, fournit une quantité d'os autogène suffisante pour une reconstruction sinusienne unilatérale modérée ou large ou une reconstruction sinusienne bilatérale petite, ou modérée. Mais ces cas qui nécessitent l'apport de matériaux de greffe supplémentaire peuvent nécessiter l'apport de substituts osseux. Ces derniers sont utilisés en combinaison avec des techniques opératoires modifiées, connues sous le nom de techniques multicouches. Jusqu'à ce jour, l'augmentation du volume du greffon osseux était réalisée en mélangeant l'os autogène avec des substituts osseux. Dans la nouvelle technique, les différents matériaux ne sont pas mélangés. Parce que les substituts osseux sont utilisés dans des zones (plus) éloignées, les implants ont un maximum de contact avec l'os autogène.

Le moment de la mise en place de l'implant dépend du volume de l'os alvéolaire. Des modifications concernant la mise en place des implants et l'élévation sinusienne ont été discutées dans les années 1980 (Lundgren et al., 1996). Ces modifications suggéraient l'utilisation d'une approche en un ou deux temps pour la reconstruction de l'os et la mise en place de l'implant.

La greffe osseuse maxillaire peut être réalisée dans le même temps opératoire que la mise en place de l'implant (technique en un temps) ou avant l'implantation (technique en deux temps).

La mise en place de l'implant peut être réalisée en même temps que l'élévation de sinus si la hauteur osseuse est au moins de 4 à 5 mm permettant la stabilité primaire de l'implant et son bon positionnement dans l'espace.

La technique d'implantation simultanée permet une visualisation directe des implants et nécessite un tempsde cicatrisation moins important que la technique en deux temps. Si l'épaisseur du plancher sinusien est inférieure à 4 mm, il est préférable de réaliser l'augmentation de volume et d'attendre 6 à 9 mois la maturation de la reconstruction osseuse avant le placement de l'implant (technique en deux temps).

Cette étude montre les résultats à court et moyen termes des techniques chirurgicales en un temps et en deux temps. Ces techniques de greffes sinusiennes associent l'utilisation de particules d'os autogène mandibulaire et de substituts osseux en technique par couches (tableau II).

Matériel et méthodes

Vingt-huit patients (15 femmes et 13 hommes) ont été traités par des greffes sinusiennes et ont reçu des implants endo-osseux. L'âge moyen de ces patients était de 47 ans (de 31 à 68 ans). Un total de 36 élévations de sinus a été réalisé et 82 implants ont été placés. 70 implants ont été posés simultanément à l'élévation de sinus (technique en un temps) et 12 implants ont été posés après l'augmentation de sinus (technique en deux temps).

Pour 12 élévations de sinus, le matériau de greffe employé était de l'os autogène prélevé soit au menton, soit dans la zone tubérositaire (de l'os mentonnier en bloc pour un cas et du broyat osseux dans les 11 autres cas).

Pour 10 autres élévations de sinus, un mélange de particules d'os autogène et d'os déminéralisé lyophilisé a été utilisé.

Pour 3 autres cas, la combinaison d'un bloc osseux autogène prélevé au menton et d'os déminéralisé lyophilisé a été utilisée.

Pour encore 10 autres cas, une combinaison de particules d'os autogène et de Bio-Oss® a été utilisée.

Et enfin, dans un dernier cas, la combinaison de particules autogènes et une hydroxyapatite résorbable a été utilisée.

Tous les implants étaient de type Brånemark (implant standard en titane), de diamètre et de taille variables.

Tous les patients ont reçu une antibiothérapie prophylactique (amoxicilline, 1 000 mg) une heure avant l'intervention et ont continué ce traitement (500 mg d'amoxicilline, 4 fois par jour) pendant au moins une semaine après la chirurgie.

L'ibuprofène avec ou sans codéine a été prescrit en prévention de la douleur. L'hygiène bucco-dentaire a été maintenue par des rinçages à la chlorhexidine une à deux semaines après le traitement.

Plan de traitement et sélection des patients

Une radiographie panoramique et un bilan long cône ont été utilisés pour évaluer les sites chirurgicaux et l'os alvéolaire résiduel. Pour évaluer la relation entre le relief osseux receveur et le site de prélèvement osseux, une radiographie de profil a été nécessaire. Le scanner est utilisé dans les cas de résorption osseuse très importante. Des modèles d'études ont été réalisés pour tous les patients.

Les contre-indications pour ce traitement comprennent les fumeurs, les patients souffrant de sinusite chronique (Timmenga et al., 1997), les patients traités par radiothérapie et les diabétiques.

Technique chirurgicale

Elévation de sinus et mise en place d'implants

L'anesthésie rétrotubérositaire, sous-orbitaire, vestibulaire et palatine a été réalisée avec de la xylocaïne (1/100 000). Pour certains patients une sédation par voie intraveineuse a été nécessaire.

Les incisions ont été réalisées pour permettre à la fois l'accès à la position supposée de la fenêtre sinusienne et à la crête osseuse susceptible de recevoir les implants (fig. 1 et 2). L'incision primaire faite sur la crête osseuse a été suivie de deux incisions de décharge antérieure et postérieure. Une incision verticale placée dans la fosse canine a permis un accès direct à la fenêtre sinusienne et une suture hermétique au niveau de la crête et de la fenêtre d'accès. Un lambeau de pleine épaisseur a été ensuite élevé. La dissection s'est poursuivie jusqu'au pied du malaire de façon à parfaitement exposer la future zone d'antrotomie.

La position du plancher et de la paroi antérieure du sinus a été déterminée à l'aide de la trans-illumination du sinus à partir du palais et de la radiographie.

Une fenêtre rectangulaire, généralement de 10 × 6 mm, a été découpée à l'aide d'une petite fraise boule diamantée jusqu'à l'apparition d'une ombre foncée. Il est important de ne pas endommager la muqueuse. Cette fenêtre a été ensuite soit enlevée soit repoussée en dedans. La membrane sinusale a été décollée à l'aide de curettes et d'élévateur de sinus (ESIM1, Imp JO/6, Imp JO/7 ; Hu-Friedy, Chicago, IL). De petites déchirures peuvent avoir lieu pendant l'élévation et peuvent être corrigées par l'adjonction de membranes de collagène ou d'acide polylactique (Bioguide, Geistlich ; Resolute, W.L. Gore & Associates). Cependant la dissection de la membrane doit se prolonger au-delà des déchirures.

Les sites osseux implantaires ont été préparés pour permettre la mise en place d'implants de Brånemark de 3,75 ou 5 mm de diamètre. Une fois cette étape réalisée, le prélèvement osseux a pu débuter. Pour un prélèvement mentonnier, une incision située à 10 mm sous le niveau de gencive attachée a été réalisée de canine à canine (fig. 3). La quantité d'os cortical nécessaire a été prélevée à l'aide de trépans de 6,8 ou 10 mm (TREJO 9-11, Hu-Friedy, Chicago, IL). Des éponges de collagènes ont alors été placées au niveau du site de prélèvement mentonnier. Le muscle mentonnier est suturé par une succession de sutures profondes (vicryl 5-0, Ethycon). L'incision est ensuite refermée avec une suture continue (vicryl, 6-0 Ethicon). Dans certains cas, l'os prélevé a été réduit en particules à l'aide du broyeur de R. Quétin.

Le sinus a été comblé par la technique de couche avec de l'os autogène seul ou en combinaison avec des substituts osseux. Quand l'os autogène prélevé était insuffisant, les substituts osseux de choix étaient condensés dans la zone avoisinant le sinus et l'os autogène placé au niveau de la zone susceptible de recevoir l'implant. Le substitut osseux a été placé dans un premier temps en position antérieure puis médiane puis postérieure du sinus. L'espace restant a été comblé, avant la mise en place des implants, avec de l'os autogène (fig. 4).

Les implants ont été mis en place avant l'obturation complète de la portion basse du sinus. Enfin, une fois que l'implant est positionné, la dernière couche d'os autogène peut être déposée sur les bords latéraux de celui-ci. Dans le cas où un volume osseux plus important serait nécessaire, une couche supplémentaire de substitut osseux peut être utilisée.

Les implants ont été mis en place en utilisant la technique des condensations osseuses. L'utilisation d'ostéotomes de petit diamètre permet une meilleur condensation osseuse autour de l'implant, offrant une plus grande densité osseuse et une plus grande stabilité implantaire. La stabilité de l'implant est vérifiée. Si cette stabilité n'était pas réalisée, l'implant était retiré. Le mur latéral peut entièrement être constitué de substituts osseux dans les zones plus éloignées de l'implant. Par la suite, une membrane résorbable (49,4 %), ou non résorbable (50,6 %) a été disposée au-dessus de la fenêtre sinusienne et attachée avec des mini-clous en titane (IMZ membrane, Friatec, Allemagne). Le lambeau est refermé à l'aide de points séparés et de points suspendus avec un fil en PTFE-e (fig. 5).

Mise en place des piliers

Les piliers ont été connectés après une période de cicatrisation de 6 à 9 mois sans mise en charge. Un lambeau d'épaisseur partielle a été déplacé vestibulairement pour augmenter la quantité de gencive attachée entourant les implants (fig. 6 et 7). Les vis de couverture ont été retirées et les piliers de cicatrisation mis en place. Le lambeau a été suturé à l'aide de points suspendus et de points séparés. Le temps de cicatrisation des tissus mous était approximativement de 4 à 6 semaines.

Restauration prothétique

Tous les patients partiellement édentés ont été traités par prothèse fixée supra-implantaire après une période de cicatrisation appropriée. Les patients présentant un édentement complet sont traités par prothèse fixée ou prothèse adjointe supra-implantaire (fig. 8, 9 et 10).

Résultats

Soixante-dix-sept des implants placés ont été considérés comme des succès (93,9 %) au moment de la rédaction de cet article. La mise en place de 5 implants (6,1 %) a échoué (tableau III). La mobilité implantaire et/ou une perte osseuse importante ont été considérées comme des critères d'échec. Les sinusites postopératoires, considérées comme des complications, n'ont pas été observées dans cette étude.

Une régénération osseuse complète a eu lieu au niveau de tous les sites greffés. Des petites paresthésies à court terme ont pu être rencontrées au niveau des sites donneurs sans conséquence à long terme. La durée moyenne de fonction des implants est de 20,01 mois avec un écart de 7 à 60 mois.

La longueur des implants varie de 10 à 15 mm avec une moyenne de 13,7 mm.

Le diamètre des implants utilisé varie de 3,75 à 5 mm.

Soixante-douze implants étaient des fixtures standard de 3,75 mm de diamètre, 9 implants étaient des fixtures de 4 mm de diamètre et un implant était de 5 mm de diamètre. L'épaisseur moyenne de la crête osseuse était de 4 mm avec un écart de 1 à 10 mm (tableau V).

L'influence du matériel utilisé (tableau III), du sexe (tableau IV), et de la hauteur d'os résiduel (tableau V) sur le succès du traitement a aussi été évaluée. Le type de matériaux utilisés pour l'élévation de sinus et le sexe ont un effet assez limité sur le succès du traitement bien que les particules d'os autogènes mélangées avec le substitut osseux d'os déminéralisé lyophilisé aient montré le taux de succès le plus élevé (100 %) tandis que la combinaison d'os autogène en bloc avec de l'os déminéralisé lyophilisé montre le taux de succès le plus bas (80 %). Le taux de succès de la technique en un temps (greffe sinusienne et mise en place de l'implant simultanée) est de 95,5 %. Pour la technique en deux temps (mise en place de l'implant quelques mois après la greffe osseuse), le taux de succès est de 86,7 % (tableau VI).

Discussion

Les édentations sont souvent accompagnées de résorption osseuse et d'atrophie au niveau des tissus mous. Sans des protocoles spécifiques de reconstruction permettant une augmentation du volume osseux, l'implantation peut être compromise. Le succès à long terme des traitements implantaires dépend de la qualité et de la quantité de l'os. Le succès à long terme des implants endo-osseux mis en charge dans des crêtes reconstruites ou dans des sinus partiellement comblés doit encore être étudié.

Brånemark a démontré le succès thérapeutique à long terme chez des patients totalement édentés. Récemment, le succès à long terme du traitement des patients partiellement édentés a aussi été démontré. Pour les cas d'édentement partiel, la région maxillaire postérieure présente le taux de succès le plus faible en raison d'une qualité et d'une quantité osseuse inadéquate.

La qualité osseuse insuffisante, essentiellement pour l'os de type IV, est associée à un plus fort taux d'échec des implants (Jaffin et Berman, 1991 ; van Steenberghe et al., 1990). La région postérieure du maxillaire présente une corticale osseuse très fine et un volume important d'os poreux correspondant à des os de types III et IV. Jaffin et Berman (1991) ont rapporté un taux d'échec de 44 % au maxillaire et de 37 % à la mandibule dans les os de type IV. van Steenberghe et al. (1990) ont aussi rapporté un taux d'échec de 22 % pour les os de type IV. Les études ont montré qu'au niveau de la région maxillaire postérieure, les implants avaient un taux de succès plus important après greffe osseuse que sans greffe osseuse. Des études histologiques limitées ont montré que les sites greffés pouvaient avoir une densité osseuse et un contact avec les implants plus importants qu'au niveau des sites non greffés dans cette région maxillaire postérieure (Valentini et al., 1998) et, qu'au niveau du site greffé, le processus de remodelage osseux se poursuit (Lundgren et al., 1996).

Un autre facteur associé à l'échec implantaire est la taille de l'implant. Brånemark a réalisé ses études initiales avec des implants de 10 mm de long et son taux de succès reste la base de comparaison. Les implants plus courts ont montré une augmentation du taux d'échec implantaire. Ce dernier est de 10,7 % pour les implants de 7 mm de long, de 5,9 % pour les implants de 10 à 13 mm et de 0 % pour les implants de 15 mm de long (van Steenberghe et al., 1990). L'atrophie de l'os alvéolaire après extraction constitue une complication pour la réhabilitation des édentements partiels dans la région maxillaire postérieure. L'os alvéolaire dans cette région est doublement résorbé par la résorption crestale et par l'atrophie apicale due à la pneumatisation du sinus maxillaire. Dans cette région, il est recommandé de pratiquer une reconstruction si un implant de 10 mm ou plus ne peut être mis en place.

La technique de reconstruction utilise de l'os autogène ou des substituts osseux. La greffe d'os autogène reste la référence. Le greffon autogène agit comme un réseau en apportant des ostéocytes vivants aussi bien que des tissus calcifiés. Le greffon agit comme un réservoir de facteurs de croissance tels que la protéine morphogénique osseuse (BMP), qui induit l'ostéogenèse, la chimiotaxie, la prolifération cellulaire et la différenciation cellulaire.

Mais les autogreffes nécessitent un site de prélèvement. Au moins une étude a montré un taux de morbidité de 9 % lorsque le site donneur se situe sur l'os iliaque (infection, hémorragie, déficit fonctionnel, lésions nerveuses, douleur à court et long terme) (Kalk et al., 1996). Deux études ont montré que l'utilisation du menton comme site donneur entraînait un taux de morbidité minimal et permettait le prélèvement d'un volume osseux suffisant pour le comblement unilatéral d'un sinus (Hunt et Jovanovic, 1999 ; Lundgren et al., 1996). Les avantages du site donneur intra-oral sont sa proximité avec le site receveur, la diminution du temps de cicatrisation et la diminution du taux de morbidité.

Le menton permet un apport d'os autogène suffisant pour une élévation de sinus unilatérale. De l'os peut aussi être prélevé à partir d'autres sites intrabuccaux tels que la branche montante. Par le passé, une augmentation du volume de l'os donneur pouvait être obtenue en mélangeant l'os autogène avec des matériaux d'allogreffe. Cet article décrit une nouvelle technique de greffe sinusienne par l'utilisation de la technique par couches pour mettre en place de l'os autogène et des substituts osseux. Les résultats préliminaires inhérents à cette technique sont également présentés. Quand la quantité d'os est insuffisante, cette technique permet la mise en place de substituts osseux dans les zones avoisinantes et d'os autogène directement autour de l'implant ou dans les futures zones d'implantation. Cette technique par couches présente un avantage certain en permettant la mise en place d'os autogène en relation directe avec l'implant.

En comparaison avec nos résultats, Tong et al. (1998) ont réalisé une méta-analyse sur le taux de succès des implants mis en place au niveau de sinus maxillaires greffés. Ce rapport regroupait 10 études avec au moins 10 patients par étude et un taux d'échec inférieur à 5 %. Le suivi de chaque patient ne durait pas moins de 6 mois. L'article montrait un taux de succès de 90 % pour l'os autogène seul contre 94 % pour une combinaison d'hydroxyapatite et d'os congelé déminéralisé. La conclusion des auteurs montrait un taux de succès similaire pour l'os autogène seul, le mélange d'os autogène et d'hydroxyapatite, l'hydroxyapatite et de l'os déminéralisé lyophilisé, et l'hydroxyapatite seule.

Dans notre étude, sur 36 élévations de sinus, 12 l'ont été sans apport de substitut et les 24 autres par la combinaison d'os autogène et de substituts osseux mis en place par la technique de couches. Les greffes combinées ont permis l'ostéointégration avant la mise en charge des implants. Seuls 4 implants n'ont pas été ostéointégrés pendant la mise en fonction, réduisant à 93 % le taux de succès (4 implants perdus sur 60). Ces résultats peuvent être comparés à ceux obtenus avec l'os autogène seul, qui permettait un taux de succès de 95,5 % (1 implant perdu sur 12). La technique combinée mélangeant l'os autogène en bloc avec l'os déminéralisé lyophilisé produisait les résultats les moins bons avec un taux de succès de 80 %.

La technique d'élévation de sinus, qui à l'origine est une technique en deux temps (Tatum, 1976), était une variante de la technique de Caldwell-Luc. Cette technique a ensuite été encore modifiée par Kent et Block en 1989 pour permettre une mise en place de l'implant simultanément. Dans cette étude les deux techniques, implantation simultanée et implantation différée, ont été choisies en fonction de la hauteur d'os présent. La technique en deux temps est employée quand la stabilisation de l'implant n'est pas obtenue ou quand l'os crestal est insuffisant : 15 implants ont été mis en place suivant cette technique différée, 6 implants sur 15 ont été implantés dans de l'os autogène seul. Les 9 autres implants ont été mis en place dans de l'os autogène et de l'os déminéralisé lyophilisé. Le taux de succès pour la technique en deux temps est plus faible (86,7 %) que celui obtenu avec la technique en un temps (95,5 %). Pour la technique en deux temps, un patient a perdu deux implants, tandis que trois patients ont perdu chacun un implant dans la technique en un temps. Le taux de réussite pour tous ces cas réunis a montré l'influence de la hauteur osseuse préexistante : le taux de succès est de 100 % pour les crêtes osseuses résiduelles de 7 mm ou plus, il est de 92,3 % pour les crêtes osseuses résiduelles de 4 à 6 mm et de 94,3 % pour celles de 0 à 3 mm de hauteur.

Conclusion

Sur les 82 implants mis en place au niveau des sinus, tous ont été ostéointégrés avant leur mise en fonction. Cinq de ces implants ont perdu leur ostéointégration après leur mise en charge, entraînant un taux de survie de 93,9 %. Cette étude et d'autres études ont montré que l'os greffé au niveau du sinus maxillaire a permis un taux de succès initial élevé. Ces taux de succès élevés sont étroitement liés au caractère unique du sinus maxillaire. Cette cavité est telle qu'elle permet d'obtenir un milieu isolé pour le matériau de greffe. Bien que ces résultats préliminaires soient encourageants, il ne faut pas oublier que ces techniques sont relativement récentes et qu'un délai de 5 ans est nécessaire pour pouvoir parler de long terme.

Demande de tirés à part

S.A. JOVANOVIC, UCLA school of Dentistry, Division of Oral Biology and Medicine, 10833 Le Conte Avenue, LOS ANGELES, CA 90095. E-mail : sjovanov@dent.ucla.edu

BIBLIOGRAPHIE

  • BAHAT O. Treatment planning and placement of implants in the posterior maxillae : report of 732 consecutive Nobelpharma implants. Int J Oral Maxillofac Implants 1993;8:151-61.
  • BOYNE P, JAMES R. Grafting of the maxillary sinus floor with autogenous marrow and bone. J Oral Surg 1980;38:613-6.
  • HUNT D, JOVANOVIC S. Autogenous bone harvesting : a chin graft technique for particulate and monocortical bone blocks. Int J Periodont Restor Dent 1999 (in press).
  • JAFFIN R, BERMAN C. The excessive loss of Brånemark fixtures in type IV bone : 5-year analysis. J Periodontol 1991;62:2-4.
  • KALK W, RAGHOEBARG, JANSMA J, BOERING G. Morbidity from iliac crest bone harvesting. J Oral Maxillofac Surg 1996;54:1424-9.
  • KENT J, BLOCK M. Simultaneous maxillary sinus floor bone grafting and placement of hydroxylapatitie-coated implants. J Oral Maxillofac Surg 1989;47:238.
  • LUNDGREN S, MOY P, JOHANSSON C, NILSSON H. Augmentation of the maxillary sinus floor with particulated mandible : a histologic and histomorphometric study. Int J Oral Maxillofac Implant 1996;11:760-766.
  • NEVINS M, LANGER B. The successful application of osseointegrated implants to the posterior jaw : a long-term retrospective study. Int J Oral Maxillofac Implants 1993;8:428-432.
  • RAGHOEBAR GM, VISSINK A, REINTSEMA H, BATENBURG RH. Bone grafting of the floor of the maxillary sinus for the placement of endosseous implants. Br J Oral Maxillofac Surg 1997;35:119-125.
  • SMILER D, HOLMES R. Sinus lift procedure using porous hydroxylapatite : a preliminary clinical report. J Oral Implantol 1987;13:239.
  • TATUM H. Maxillary and sinus implant reconstruction. Dent Clin N Am 1986;39:207.
  • TIMMENGA N, RAGHOEBAR GM, BOERING G, VAN WEISSENBRUCH R. Maxillary sinus function after sinus lifts for the insertion of dental implants. J Oral Maxillofac Surg 1997;55:936-939.
  • TOLEMAN D. Reconstructive procedures with endosseous implants in grafted bone : a review of the literature. Int J Oral Maxillofac Implants 1995;10:275-294.
  • TONG D, RIOUS K, DRANGSHOLT M, BEIRNE O. A review of survival rates for implants placed in grafted maxillary sinuses using meta-analysis. Int J Oral Maxillofac Implants 1998;13:175-182.
  • VALENTINI P, ABENSUR D, DENSARI D, GRAZIANI J, HAMMERLE C. Histological evaluation of Bio-Oss® in a 2-stage sinus floor evaluation and implantation procedure : a human case report. Clin Oral Implant Res 1998;9:59-64.
  • VAN STEENBERGH D, LEKHOLM U, BOLENDER C, et al. The applicability of osseointegrated oral implants in the rehabilitation of partial edentulism : a prospective multi-center study on 558 fixtures. Int J Oral Maxillofac Implants 1990;5:272-281.

Articles de la même rubrique d'un même numéro