Articles
Jean-Michel GONZALEZ * Davina KRASTINOVA **
*Pratique privée,
Levallois-Perret, France
**Unité de chirurgie oculo-palpébrale,
Hopital Foch, Saint-Cloud, France
La perte de substance consécutive au traitement chirurgical de la lésion cancéreuse de la sphère buccale est généralement très invalidante. Les restaurations prothétiques conventionnelles sont le plus souvent difficiles à réaliser et sont mal supportées par les patients. Les solutions implantaires représentent des alternatives fiables et offrent une possibilité de réhabilitation fonctionnelle efficace.
Si la finalité reste la pose d'une prothèse dentaire stable, il...
Le traitement chirurgical des lésions cancéreuses de la sphère buccale aboutit souvent à des pertes de substance incompatibles avec une restauration prothétique conventionnelle stable. Cet article décrit le traitement d'une patiente ayant subi une hémi-maxillectomie. La prothèse implanto-portée est pour cette situation clinique le moyen de restauration fonctionnelle le plus stable. Elle se révèle être également d'un grand secours pour stabiliser une large greffe épithélio-conjonctive.
La perte de substance consécutive au traitement chirurgical de la lésion cancéreuse de la sphère buccale est généralement très invalidante. Les restaurations prothétiques conventionnelles sont le plus souvent difficiles à réaliser et sont mal supportées par les patients. Les solutions implantaires représentent des alternatives fiables et offrent une possibilité de réhabilitation fonctionnelle efficace.
Si la finalité reste la pose d'une prothèse dentaire stable, il est parfois possible d'utiliser ces implants lors d'autres étapes du plan de traitement, tels que les implants sont souvent utilisés comme moyens d'ancrage orthodontique. Le but de cet article est de présenter l'intérêt de la prothèse implanto-portée dans la stabilisation des larges greffes épithélio-conjonctives.
Il s'agit d'une patiente âgée de 35 ans ayant subi une hémi-maxillectomie gauche à la suite d'une lésion tumorale étendue (fig. 1). Une prothèse adjointe a alors été réalisée avec plusieurs objectifs :
- supporter un obturateur ;
- maintenir les tissus mous ;
- remplacer les dents manquantes pour assurer la meilleure fonction possible.
Malgré toutes les précautions prises lors de la réalisation de ce type de prothèse, on observe souvent une perte d'adaptation au niveau de l'obturateur qui entraîne une mobilisation progressive de la prothèse. La fonction devient de plus en plus médiocre, mais surtout les dents naturelles supports de crochets sont trop sollicitées et sont condamnées à être extraites progressivement.
Ces situations cliniques peu habituelles représentent un véritable défi pour le chirurgien-dentiste ou pour le chirurgien maxillo-facial. Le plan de traitement est difficile à aborder d'emblée dans sa globalité par chacun des thérapeutes. Il est nécessaire de définir les objectifs du traitement puis, après concertation au sein de l'équipe, de diviser le traitement en une suite logique d'étapes thérapeutiques.
Pour la situation clinique présentée, la prothèse adjointe ne résout pas de façon satisfaisante les problèmes phonétiques et fonctionnels. De plus, chaque fois que la prothèse est retirée le patient se retrouve confronté à son handicap. C'est pour répondre de façon durable aux exigences esthético-fonctionnelles que la prothèse définitive implanto-portée apparaît être la solution la plus indiquée (Gary et al., 1992 ; Brånemark et al., 1985 ; Jortay et al., 1994 ; Lorant et al., 1994 ; Tideman et al., 1993 ; Nakayama et al., 1994).
Dans ce cas, le schéma thérapeutique doit être le suivant :
1. Phase de reconstruction du maxillaire :
- fermeture de la communication bucco-sinusienne par un lambeau pédiculé de muscle temporal associé à une première greffe osseuse (Bradley et Brookbank, 1981 ; Christie et al., 1994 ; Falconer et Phillips, 1991 ; Holmes et Marshall, 1979 ; Krastinova, 1995 ; Konno et al., 1981 ; Martin et Brown, 1994 ; Tessier et Krastinova, 1982) ;
- greffe osseuse afin d'assurer un volume suffisant à la pose d'implant (Boyne et James, 1980 ; Brånemark et al., 1985 ; Ellis et Sinn, 1993).
2. Mise en place des implants (Brånemark et al., 1985).
3. Réalisation d'une construction prothétique implanto-portée (Brånemark et al., 1985).
Deux problèmes majeurs vont être rencontrés (fig. 2) :
1. Quand le chirurgien reconstruit la crête à l'aide d'une greffe osseuse, il n'a pas de repère lui indiquant la future position des implants. Le patient n'a plus aucune structure anatomique pour aider le chirurgien à visualiser la forme et la position idéale de la crête. Il y a un risque important pour que la position de la greffe osseuse soit incompatible avec une restauration implanto-portée satisfaisante. Dans des conditions cliniques aussi difficiles, il faut donner un moyen de repérage au chirurgien.
Un guide chirurgical peut aider à résoudre au mieux ce type de difficulté à condition qu'il soit stable pendant la chirurgie et peu encombrant. Pour le cas clinique envisagé, le guide est maintenu dans un premier temps par un système d'attaches solidaires de deux racines conservées à cet effet.
En même temps qu'est réalisée la greffe osseuse, des implants ont été posés du côté contro-latéral. Ils serviront à stabiliser un guide chirurgical quand les implants seront placés au niveau de la greffe (Eckerdal et Kvint, 1986 ; Gonzalez et Giraud, 1992).
2. La fermeture de la communication nécessite le déplacement d'un large lambeau de muqueuse vestibulaire qui entraîne inévitablement une disparition quasi complète du vestibule dans le secteur 2. La partie gauche de la lèvre supérieure est directement attachée au sommet de la crête osseuse et perd alors toute sa mobilité. Pour résoudre ce problème, il est nécessaire de réapprofondir le vestibule à l'aide d'un greffon épithélio-conjonctif. La difficulté de ce type d'intervention est d'éviter une rétraction progressive de la greffe dans les semaines qui suivent sa réalisation. Il faut utiliser un système qui applique de façon stable la greffe sur son site receveur. Ce dispositif doit également être amovible pour permettre une hygiène appropriée. Ce conformateur est laissé en place pendant au minimum huit semaines. L'utilisation du bridge implanto-porté provisoire pour stabiliser le conformateur représente une solution intéressante. Ce principe est décrit dans la présentation du cas clinique.
A partir du moment où les objectifs thérapeutiques ont été parfaitement définis, il est possible de proposer un plan de traitement regroupant toutes les spécialités impliquées :
1. Réalisation d'une maquette prothétique préfigurant la prothèse définitive. Un guide chirurgical est alors tiré de ce montage directeur.
2. Mise en place de deux attachements dans les racines de 12 et 13 pour aider à stabiliser d'une part la prothèse adjointe provisoire et, d'autre part, le guide chirurgical au moment de la greffe osseuse.
3. Greffe osseuse pour reconstruire l'hémi-maxillaire gauche (en fonction du guide chirurgical). Dans le même temps, mise en place de deux fixtures en position 14 et 16 (fig. 3).
4. Après 6 mois de cicatrisation, connexion des piliers sur les deux fixtures et extraction des racines de 12 et 13, puis réalisation d'une barre reliant les deux implants. Ce système sert d'une part à stabiliser la prothèse adjointe provisoire et d'autre part à stabiliser le guide chirurgical lors de la chirurgie de mise en place des autres implants (fig. 4 et 5).
5. Mise en place de cinq implants supplémentaires (fig. 6).
6. Après 6 mois de cicatrisation, connexion des piliers sur les cinq implants, puis réalisation d'un bridge provisoire (fig. 7 et 8).
7. Approfondissement du vestibule du secteur 2 par une greffe épithélio-conjonctive (fig. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16). La greffe est appliquée sur le site receveur par un conformateur en silicone dans un premier temps puis en résine autopolymérisante dans un second temps.
8. Après 3 mois de cicatrisation de la greffe épithélio-conjonctive, réalisation du bridge implanto-porté définitif (fig. 17 et 18).
9. Contrôle et maintenance.
Ce cas clinique complexe a été abordé de façon séquentielle. Chaque praticien impliqué dans ce traitement n'a eu qu'à affronter des situations cliniques qui lui étaient familières. Il faut cependant noter que pour la réussite de ces cas complexes la parfaite collaboration du patient est prépondérante. Il est fondamental avant de commencer ces traitements de longue durée que le patient ait été parfaitement informé des contraintes de son traitement, de sa durée ainsi que des risques de complications.
Il est également essentiel que les différents membres de l'équipe thérapeutique soient conscients des problèmes et des objectifs des autres spécialités afin de minimiser les étapes chirurgicales et la durée du traitement.
Le cas présenté a été traité par les Drs Darina Krastinova pour la chirurgie maxillo-faciale, Franck Renouard pour la chirurgie implantaire, Jean-Michel Gonzalez pour la prothèse, et MM. Philippe Poussin & Xavier Daniel (Laboratoire AL/ZR) pour les phases de laboratoire.
Demande de tirés à part
Jean-Michel GONZALEZ, 57, rue du Président-Wilson, 92300 LEVALLOIS-PERRET - FRANCE - E-mail : rajzgonz@aol.com.