Conséquences des programmes de prévention sur l'état de la santé buccale - JPIO n° 3 du 01/08/2000
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2000

 

Articles

Per AXELSSON *   Jörgen PAULANDER **   Göran SVÄRDSTRÖM ***   Hans KAIJSER ****  


*Department of Preventive and Community Dentistry,
Public Dental Health Service,
Karlstad, Värmland, Sweden

Introduction

L'Organisation mondiale de la santé (OMS), en collaboration avec la Fédération dentaire internationale (FDI) et des associations dentaires internationales, a déterminé des objectifs de santé bucco-dentaire pour l'année 2000 dans des groupes d'âge précis d'enfants et d'adultes. L'utilisation de systèmes informatiques épidémiologiques est recommandée pour évaluer les progrès permettant d'atteindre ces objectifs. Dans un système de santé publique, une...


Résumé

Cette étude avait pour objectif d'évaluer les effets des programmes de prévention bucco-dentaire sur la santé buccale d'une population adulte du comté de Värmland en Suède.

Un programme épidémiologique complet assisté par ordinateur a été conçu pour un enregistrement détaillé et une analyse de la prévalence des maladies buccales, des besoins de traitement, des indicateurs internes ou externes des facteurs de risque et des facteurs de risque eux-mêmes. En 1988, un premier examen a été réalisé sur des échantillons randomisés de personnes âgées de 35, 50, 65 et 75 ans (n = 1 091). Les patients âgés de 50 ans (n = 426) ont été inclus dans une étude longitudinale. En 1998, de nouveaux échantillons randomisés, composés comme les précédents (n = 600), ont été étudiés et les patients de 60 ans qui avaient été inclus dans l'étude longitudinale à 50 ans en 1988 ont été réexaminés (n = 314).

Entre 1988 et 1998, le nombre moyen de dents restantes (excepté les dents de sagesse) était respectivement passé, chez les 35, 50, 65 et 75 ans, de 26,4, 22,8, 16,9 et 14,5 à 27,0, 25,6, 20,7 et 17,6. La perte d'attache moyenne avait diminué pour passer respectivement de 0,9, 1,8, 2,4 et 2,9 mm à 0,8, 1,5, 1,8 et 2,2 mm. Le tabagisme, les soins dentaires irréguliers et un niveau d'éducation faible ont constitué des facteurs de risque significatifs pour la perte dentaire et la perte d'attache. Dans l'étude longitudinale, le nombre moyen de dents perdues entre 50 et 60 ans était de 0,7 par individu. Plus de 65 % d'entre eux n'avaient pas perdu de dent et 20 % n'en avaient perdu qu'une seule. Les facteurs de risque de l'édentement étaient constitués par le tabac et un indice de plaque élevé. La perte d'attache moyenne par individu en 10 ans a été de 0,1 mm, le tabac étant un facteur de risque significatif.

Les données ont montré que les programmes de prévention et de traitement réalisés entre 1988 et 1998 ont permis de réduire considérablement la perte des dents et ont fait diminuer la perte d'attache. Bien que l'étude longitudinale ait montré des pertes dentaires et d'attache très limitées, l'analyse des données a confirmé l'impact négatif du tabagisme, des soins dentaires irréguliers, des indices de plaque élevés et d'un niveau d'éducation faible.

Introduction

L'Organisation mondiale de la santé (OMS), en collaboration avec la Fédération dentaire internationale (FDI) et des associations dentaires internationales, a déterminé des objectifs de santé bucco-dentaire pour l'année 2000 dans des groupes d'âge précis d'enfants et d'adultes. L'utilisation de systèmes informatiques épidémiologiques est recommandée pour évaluer les progrès permettant d'atteindre ces objectifs. Dans un système de santé publique, une analyse épidémiologique et informatique de la santé buccale nécessite une évaluation régulière de l'ensemble des effets du système de santé et d'assurance dentaire sur l'état bucco-dentaire et les besoins en soins d'une population donnée. Cela permet en même temps de disposer d'un moyen performant de contrôle de la qualité au niveau régional, les décideurs de la santé bucco-dentaire pouvant ainsi évaluer continuellement l'efficacité de leur programme préventif au niveau des surfaces dentaires, des dents elles-mêmes, des individus et des groupes.

Dans l'étude devenue classique de « L'histoire naturelle de la maladie parodontale », Löe et al. (1978) ont montré que les cueilleurs de thé du Sri Lanka âgés de 40 ans présentaient, en l'absence de tout soin dentaire, une perte d'attache trois fois plus importante qu'un échantillon randomisé d'étudiants norvégiens ayant un suivi dentaire régulier. Malgré les différences de race et de niveau d'éducation, un suivi dentaire régulier semble plus adapté à la prévention de la perte d'attache qu'aucun suivi dentaire, mais la régularité de ce suivi peut varier et ne constitue pas une garantie pour la prévention ou le contrôle de la maladie parodontale. Ceci a été illustré par une étude longitudinale contrôlée réalisée chez l'adulte pendant 6 ans (Axelsson et Lindhe, 1981). Le groupe témoin recevait des soins dentaires classiques un fois par an quels qu'aient été les facteurs de risque ou les besoins en traitement alors que le groupe expérimental participait à un programme d'entretien, comportant de 4 à 6 séances annuelles au cours desquelles des hygiénistes lui inculquaient des notions d'hygiène buccale et où il subissait détartrage et surfaçage radiculaire. Alors que dans le groupe témoin, caries et perte d'attache étaient en augmentation, chaque individu du groupe expérimental ne présentait plus de perte d'attache et très peu de nouvelles caries.

En se fondant sur cette étude, un programme de prévention a été conçu pour une population adulte du comté de Värmland en Suède. Un programme informatique épidémiologique complet a permis d'en évaluer les effets.

Matériel et méthode

Matériel

Pendant le premier trimestre de 1988, quatre spécialistes ont réalisé l'examen initial d'un échantillon randomisé de 1 091 personnes âgées de 35, 50, 65 et 75 ans, provenant pour moitié des zones rurales et pour moitié des zones urbaines du comté de Värmland. La tranche d'âge des 50 ans comptait 426 personnes et a donné lieu à une étude épidémiologique. Au début de 1998, un nouvel échantillon randomisé de 600 personnes, là encore de 35, 50, 65 et 75 ans, était examiné et 314 des 426 personnes de l'étude épidémiologique de 1988, qui avaient donc 60 ans, étaient réexaminées.

Variables épidémiologiques et méthode

Le nouveau programme informatique épidémiologique complet incluait de nombreuses variables cliniques en fonction des dents, de la prévalence des maladies buccales, des besoins en soins, des facteurs étiologiques, des indicateurs de risque internes ou externes, des facteurs de risque, etc. Le tableau I en donne les variables cliniques, les indicateurs et les facteurs étiologiques.

Au départ, tous les individus choisis au hasard avaient reçu une information écrite sur l'étude épidémiologique, suivie d'un appel téléphonique pour connaître le nombre d'individus édentés ainsi que les habitudes de soins dentaires et prendre un rendez-vous pour l'examen clinique. La raison du refus de participer à l'étude a été notée. L'examen clinique a été réalisé dans les cliniques dentaires publiques du comté de Värmland mais, auparavant, les participants ont rempli un questionnaire concernant leurs habitudes d'hygiène orale, leur comportement alimentaire, leur statut de fumeur ou de non-fumeur, leur état général, l'éventuel traitement médicamenteux qu'ils suivaient, leur situation socio-économique, leurs connaissances de l'étiologie et de la prévention des maladies buccales, etc. De plus, un bilan radiographique a été réalisé. Les quatre équipes de spécialistes réalisant l'examen comprenaient un dentiste et une assistante dentaire. Chacune d'entre elles utilisait un ordinateur portable pour enregistrer les données épidémiologiques.

Résultats

Etudes transversales de 1988 et 1998

Edentement

Le pourcentage de sujets édentés chez les 50, 65 et 70 ans a diminué et est passé de 4, 17 et 30 % à 1, 7 et 16 % (fig. 1).

Nombre de dents

Le nombre de dents restantes (excepté les dents de sagesse) a augmenté : il est passé respectivement de 26,4, 22,8, 16,9 et 14,5 à 27, 25,6, 20,7 et 17,6 pour les 35, 50, 65 et 75 ans (fig. 2).

Perte d'attache (PAL : Periodontal attachment loss)

La perte moyenne d'attache mesurée en mésio-vestibulaire, mésio-lingual, vestibulaire, disto-vestibulaire et lingual a diminué et est respectivement passée de 0,9, 1,8, 2,4 et 2,9 mm à 0,8, 1,5, 1,8 et 2,2 mm chez les 35, 50, 65 et 75 ans (fig. 3). La répartition (en %) des individus avec une perte d'attache moyenne en mésio-vestibulaire et mésio-lingual de 0 à 1 mm, 1,1 à 2 mm, 2,1 à 3 mm, 3,1 à 4 mm, 4,1 à 5 mm et supérieure à 5 mm dans les 4 groupes d'âge en 1988 et 1998 est illustrée par la figure 4 . La répartition des sites mésiaux avec 0 mm, 1 mm, 2 à 3 mm, 4 à 6 mm et plus de 6 mm de perte d'attache chez les 35, 50, 65 et 75 ans en 1988 et 1998 apparaît sur la figure 5 .

Indice des besoins de traitements parodontaux (CPITN : Community periodontal index treatment needs)

Le pourcentage de sextants avec l'indice CPITN le plus important de 0, 1, 2, 3, 4 ou édenté (M pour missing) dans les 4 tranches d'âge en 1988 et 1998 est présenté sur la figure 6 . Quant à la figure 7 , elle donne la répartition de tous les sites (mésial, vestibulaire, distal et lingual) selon les niveaux 0, 1, 2, 3, 4 de l'indice CPITN et les sites édentés (M) en 1988 et 1998. Le pourcentage d'individus avec 0, 1, 2 ou 3, 4 à 6, 7 à 12 et plus de 12 sites avec un indice CPITN de 4 (profondeur de poche au sondage supérieure à 5 mm) dans les 4 tranches d'âge en 1988 et 1998 est illustré par la figure 8 .

Etude longitudinale sur 10 ans

Edentement

Le nombre moyen de dents perdues entre l'âge de 50 ans (1988) et de 60 ans (1998) a été inférieur à 0,7 par individu. La figure 9 montre la répartition ( %) des individus qui ont perdu entre 0 et plus de 7 dents pendant ces 10 années : plus de 65 % d'entre eux n'en ont perdu aucune et plus de 20 % en ont perdu une. Comme le montre la figure 10 , les fumeurs (SM pour smoker) perdent 1,2 dent (n = 62) et les non-fumeurs (NSM pour non smoker) en perdent 0,5 (n = 125 ; p = 0,018). La perte dentaire a été de 1 chez les individus avec un indice de plaque élevé (high plaque index ou HPI > 40 % ; n = 75) et de 0,4 chez ceux qui présentaient un indice de plaque faible (low plaque index ou LPI < 10 % ; n = 84 ; p = 0,03). La perte dentaire a été la même pour les hommes (males ou M, n = 141) que pour les femmes (F, n = 173) : 0,7 et 0,6 dent par individu (non significatif) ainsi que pour les faibles et les hauts niveaux d'éducation (low education ou LE, n = 136, high education ou HE, n = 178) : 0,8 et 0,6 dent par individu (non significatif). Les ruraux (RUR) et les urbains (URB) ont présenté la même perte dentaire : 0,6 et 0,7 dent par individu (non significatif). La prise en compte des habitudes de soins montrait une perte dentaire de 0,6 pour la prise en charge régulière (regular dental care ou RDC, n = 306) et de 2,7 pour les soins épisodiques (irregular dental care ou IRDC, n = 7), ce qui est non significatif.

Perte d'attache

La perte d'attache moyenne par individu en 10 ans a été de 0,1 mm. Le pourcentage d'individus avec 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6 et plus de 7 sites mésiaux présentant plus de 2 mm de perte d'attache a respectivement été de 24, 24, 17, 11, 9, 5, 3 et 7 % (fig. 11). La différence a été significative entre les fumeurs et les non-fumeurs pour les sites mésiaux avec une perte d'attache supérieure à 2, 3 et 4 mm (fig. 12).

CPITN

À 50 ans aussi bien qu'à 60, les besoins en soins parodontaux évalués par le CPITN ont été faibles (fig. 13) : en 1988, plus de 65 % des individus n'avaient pas de poches supérieures à 5 mm (indice CPITN = 4) et ce pourcentage s'était amélioré en 1998 (fig. 14).

Discussion

Etudes transversales (1988 et 1998)

Edentement

Un des objectifs de l'OMS en matière de santé buccale en l'an 2000 est que le pourcentage d'édentés chez les 35-44 ans et les 65 ans soit respectivement réduit de 50 et de 25 % par rapport au niveau de 1969. Dans le comté du Värmland, l'édentement est absent chez les 35-44 ans, il n'est que de 1 % chez les 50 ans et il est passé de 17 à 7 % (réduction de 60 %) chez les 65 ans en 10 ans (1988-1998). Des estimations fondées sur ces données indiquent que cette tendance à la réduction va se poursuivre pendant 10 années encore, de 1998 à 2008, pour atteindre respectivement 0, 2 et 8 % chez les 50, 65 et 75 ans.

Nombre de dents

De 1988 à 1998, le nombre moyen de dents restantes dans les quatre tranches d'âge a augmenté respectivement de 0,8, 2,8, 3,8 et 3,1. Si l'on prend pour référence une étude nationale randomisée chez les 50 ans, ce même nombre a augmenté de seulement 1,7 dent par individu entre 1974 et 1985 (Håkansson, 1978 ; Håkansson, 1991). En faisant abstraction des dents de sagesse, l'adulte denté avait 28 dents. Les estimations faites à partir des études de 1988 et 1998 et les données de l'étude longitudinale sur 10 ans montrent que, d'ici à 2008, le nombre moyen de dents restantes chez les 65 et les 75 ans va augmenter pour atteindre respectivement 25 et 20 dents.

Perte d'attache

Entre 1988 et 1998, la perte d'attache moyenne pour toutes les surfaces dentaires s'est réduite d'environ 25 % chez les 65 et les 75 ans. Pour les 10 années suivantes, les estimations fondées sur notre étude longitudinale indiquent une amélioration continuelle avec une perte d'attache moyenne pour les 50, 65 et 75 ans respectivement inférieure à 1 mm, comprise entre 1,6 et 1,7 mm et inférieure à 2 mm. Afin d'éliminer la perte d'attache iatrogénique, particulièrement sur les faces vestibulaires et linguales, la répartition de la perte d'attache sur les surfaces mésiales est présentée par individu (fig. 4) et par site (fig. 5).

CPITN

L'OMS recommande l'utilisation du CPITN au niveau individuel et à celui du sextant pour estimer les besoins en soins parodontaux dans les études épidémiologiques (Ainamo et al., 1982 ; Cutress et al., 1987). À ce jour, de 200 à 300 études ont été réalisées dans plus de 100 pays. Aux niveaux de l'individu et du sextant, une centaine d'études utilisant le CPITN chez les 35-44 ans de plus de 50 pays constatent le plus fréquemment l'existence de tartre et de poches peu profondes (indice 2-3). À quelques exceptions près, les pourcentages d'individus et le nombre moyen de sextants par individu avec un indice 4 sont faibles (Miyazaki et al., 1991) : cet indice a été retrouvé dans seulement 2 à 3 % des sextants chez les 35 ans de notre étude (fig. 6). Dans ce contexte, il est important de reconnaître que l'emploi du CPITN le plus élevé, aussi bien au niveau de l'individu que du sextant et, même, de la dent, surestime les besoins en soins parodontaux par application du principe hiérarchique. C'est pour cela que nous avons évalué et comparé les CPITN aussi bien au niveau du sextant que de la surface dentaire. Par analogie avec les indices DMFT (Decayed, missing, filled, teeth) et DMFS (Decayed, missing, filled, surfaces) utilisés en épidémiologie carieuse, nous avons étalonné, au niveau du sextant et des sites, le CPITN avec les scores 1, 2, 3, 4 et absent. Pendant de nombreuses années, les sextants édentés ou la présence d'un édentement n'entraînaient pas de besoins parodontaux. En utilisant le CPITN au niveau des sites et en excluant les sites absents, les « vrais » besoins en soins parodontaux peuvent alors être évalués aussi bien au niveau des individus que des groupes et d'une population. La figure 6 donne la répartition des scores de 0 à 4 et absent de l'indice CPITN au niveau du sextant. Pour comparaison, la figure 7 donne celle des sites (avec les mêmes scores) et donc les « vrais » besoins en soins parodontaux. Au niveau du sextant, ces besoins sont sur-estimés, même en excluant les sextants édentés. Une observation inattendue a montré que de 2 à 3 % seulement de tous les sites chez les personnes âgées de 75 ans présentaient un score CPITN de 4 (fig. 7) et que presque 60 % d'entre elles n'avaient pas un seul site avec un score CPITN de 4 (fig. 8), confirmant ainsi le haut niveau de qualité de notre système de prise en charge des problèmes bucco-dentaires. Afin d'élaborer une stratégie préventive efficace, il est également essentiel d'avoir des données sur le devenir de la denture au niveau de la surface dentaire. Comme cela a déjà été observé, le score 4 a été négligeable et le score 3 a été essentiellement constaté sur les surfaces mésiales et distales des molaires maxillaires, c'est-à-dire au niveau des « surfaces clés » à risque. Aux surfaces linguales et proximales des incisives mandibulaires correspondait la plus grande partie des scores 2, indiquant le besoin de détartrage supra-gingival.

Indicateurs de risque

Les indicateurs de risque externe les plus importants étaient les soins dentaires irréguliers, le tabagisme et le faible niveau d'éducation (Axelsson et al., 1988 ; Axelsson et al., 1998 ; Paulander et al., 1999). D'autres évaluations des risques sont en cours de réalisation.

Etude longitudinale sur 10 ans

Edentement

Entre 1988 et 1998, la perte dentaire moyenne a été inférieure à 0,7. Pour comparaison, elle était de 2,5-3 dans une étude nationale randomisée pour la même tranche d'âge entre 1974 et 1985 (Håkansson, 1991). De 1972 à 1987, des adultes du même âge inclus dans un programme d'entretien comprenant de 1 à 4 rendez-vous par an avec un hygiéniste ont perdu seulement 0,2 dent par individu en 15 ans (Axelsson et al., 1991). Les facteurs de risque les plus importants pour la perte dentaire ont été le tabac, un indice de plaque élevé et des soins dentaires irréguliers (fig. 10).

Perte d'attache

La perte d'attache n'a été que de 0,1 mm par individu en 10 ans. En comparaison, les études de Löe et al. (1978 et 1986) révèlent une perte d'attache moyenne de 0,1 mm chez les adultes norvégiens recevant des soins dentaires réguliers et de 0,25 mm chez les cueilleurs de thé srilankais n'en recevant aucun. L'étude longitudinale sur 15 ans réalisée par Axelsson et al. (1991) montre que, quel que soit l'âge, il est possible de contrôler et de prévenir la perte d'attache. Si l'on considère que 2 mm constituent un seuil de référence pour une véritable perte d'attache, presque 25 % des individus n'atteignent pas une seule fois ce seuil et 25 % ne l'atteignent qu'une fois (fig. 11). D'autres évaluations sont en cours pour déterminer les facteurs de risque de la perte d'attache. Les données préliminaires montrent que le tabac en constitue un qui est significatif (fig. 12), ce que confirment deux études longitudinales récentes (Norderyd et al., 1999 ; Machtei et al., 1999).

CPITN

En 1988, seuls quelque 2 % des sites présentaient déjà un score CPITN de 4. Cependant, le score CPITN de 2 (correspondant à l'élimination du tartre et des facteurs de rétention) a diminué entre 1988 et 1998, ce qui traduit une amélioration due au traitement parodontal non chirurgical. En conséquence, le pourcentage de sites avec des poches de 4 à 5 mm (score CPITN de 3) a diminué (fig. 13). De 65 à 70 % des individus ne présentaient pas de sites avec des poches supérieures à 5 mm (score CPITN de 4) et de 7 à 12 de ces sites n'étaient présents que chez 2 % des individus seulement (fig. 14), indiquant que les personnes âgées de 60 ans en 1998 avaient reçu un bon traitement d'entretien pendant les 10 années précédentes.

Conclusion et perspectives

Les données épidémiologiques de 1988 et 1998 émanant d'échantillons randomisés de personnes âgées de 35, 50, 65 et 75 ans du comté de Värmland, en Suède, ont révélé que, pendant une période de 10 ans, des soins dentaires réguliers et un programme de prévention pouvaient améliorer de façon significative la santé bucco-dentaire et, notamment, l'état parodontal d'une population entière, quel que soit son âge. La précédente étude longitudinale conduite par Axelsson et al. (1991) dans le même comté a montré que d'autres améliorations peuvent être obtenues en prenant plus en compte les risques et les besoins en traitement d'une population adulte. Donc, en 1998, un nouveau programme de prévention a été introduit auprès des adultes de ce comté.

La plupart des adultes suivis par le service dentaire public (environ 50 % des adultes) ont également été classés en quatre groupes, avec une échelle de 0 à 3 correspondant au risque général (doléances, état de santé, etc.), au risque parodontal, au risque carieux et au risque iatrogénique. La figure 15 illustre la fréquence des scores de 0 à 3 pour le risque parodontal. Pour l'an 2000, un bilan bucco-dentaire complet de tous les adultes suivis dans nos cliniques va être réalisé et sera suivi d'examens annuels. Le programme épidémiologique complet assisté par ordinateur qui va être utilisé sera un outil performant pour un contrôle de qualité et, indirectement, pour la promotion plus ample du bilan bucco-dentaire complet. Nous avons déjà constaté cela depuis 1979, date de l'introduction de ce programme, lors de l'évaluation annuelle des programmes de prévention chez les enfants et les jeunes adultes incluant la quasi-totalité des 3-19 ans. Le programme, qui englobe les individus de la naissance jusqu'à l'âge de 19 ans, a pour objectifs :

- de supprimer les obturations proximales ;

- de supprimer les obturations occlusales ;

- de supprimer les pertes d'attache proximales ;

- de motiver et d'encourager les individus à être responsables de leur propre santé bucco-dentaire (Axelsson et al., 1993).

Nous espérons qu'en 2000, ces objectifs seront atteints pour les individus âgés de 20 ans. Il est déjà possible de citer une des améliorations obtenues à ce jour : le DFS (Decayed, filled, surfaces) moyen des individus de 19 ans est passé de 23 en 1979 à 2 en 1998, avec moins de 1 obturation proximale.

Demande de tirés à part :

Per AXELSSON, Department of Preventive Dentistry, Public Dental Health Service, Älvgatan 47, S-652 30 KARLSTAD SUÈDE. E-mail : per.axelsson@karlstad.mail.telia.com

BIBLIOGRAPHIE

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