Détection des polymorphonucléaires neutrophiles salivaires chez les nouveau-nés, les adultes édentés, avec un parodonte sain et une parodontite chronique - JPIO n° 3 du 01/08/2001
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2001

 

Articles

Ioanna BOUCHLARIOTOU *   Anne-France BAUDSON **   Nicola DOUROV ***   Michel BRECX ****  


*Département de Prodontologie
Université libre de Bruxelles, Belgique
**Département de Prodontologie
Université libre de Bruxelles, Belgique
***Département d'Anatomie pathologique
Université libre de Bruxelles, Belgique
****Département de Prodontologie
Université libre de Bruxelles, Belgique

Résumé

Le but de cette étude a été de comparer le nombre de polymorphonucléaires neutrophiles (PMN) présents dans la salive de 4 catégories de patients : des nouveau-nés, des adultes édentés, des adultes avec un parodonte sain et des adultes avec une parodontite chronique. Quatre groupes de 50 patients ont été sélectionnés, des prélèvements salivaires réalisés et les PMN comptés à l'aide d'un microscope optique. Le test du chi-2 a été utilisé pour l'analyse statistique. Les nouveau-nés avaient peu de PMN (de 0 à 3 par échantillon), les adultes édentés n'en avaient pas, ceux au parodonte sain en avaient en faible quantité (de 0 à 9 par échantillon) et les patients avec une parodontite chronique en présentaient un nombre beaucoup plus élevé (de 32 à 614 par échantillon). Comme le nombre de cette dernière catégorie était nettement le plus important, il n'était pas nécessaire de l'inclure dans l'analyse statistique. Les résultats obtenus étaient significatifs lorsque les trois premières catégories étaient classées par nombre de PMN (de 0 à 9) et hautement significatifs lorsqu'elles étaient classées par catégories de PMN (0, de 1 à 3, de 4 à 6 et de 7 à 9). Cette étude a mis en évidence l'existence d'une relation entre la présence de sulcus et celle de PMN salivaires ainsi qu'entre la quantité de ces PMN et l'état parodontal. Cela confirme donc les précédentes études réalisées mais, cette fois, en comparant en même temps les 4 catégories de patients et en utilisant une méthode simple et fiable.

Summary

The aim of this study was to compare the number of salivary polymorphonuclear neutrophils (PMNs) in 4 categories of patients : newborn children, edentulous adults, adults with healthy periodontium and adults with periodontitis. Four groups of 50 patients each have been selected, salivary samples were taken and PMNs counted under a light microscope. The chi square test was used for the statistical analysis. The newborn children had few PMNs (from 0 to 3 PMNs per sample), the edentulous patients had no PMNs, the patients with a healthy periodontium had low levels of PMNs (from 0 to 9). The periodontitis patients, however, presented much higher numbers (from 32 to 614). As the latter category clearly showed a higher number of PMNs, it was not necessary to include it in the statistical analysis. The results from the first three categories were significant when classified by PMN (from 0 to 9) and highly significant when classified by PMN categories (0, from 1 to 3, from 4 to 6 and from 7 to 9). The present study indicates the relation between the presence of a sulcus and of salivary PMNs as well as between the quantity of PMNs and the periodontal status. Therefore, this study confirms previous investigations but, in addition, simultaneously compares the 4 categories of patients, using a simple and reliable method.

Key words

Polymorphonuclear neutrophils, saliva, age groups, periodontal status

Introduction

Les polymorphonucléaires neutrophiles (PMN) forment la première ligne de défense contre les bactéries pathogènes pour le parodonte. Ils répondent à une invasion bactérienne par leur migration du sang périphérique vers le site de l'infection, en réaction aux facteurs chimiotactiques provenant des bactéries (à savoir des protéines et des peptides comme le formyl-méthionyl-leucyl-phénylalanine, les lipopolysaccharides, etc.) et du système immunitaire (interleukine 8, leukotriène B4, etc.), par la phagocytose et par la destruction des bactéries (Cottet, 1998). Il a été clairement démontré que des déficiences des PMN aussi bien qualitatives, comme dans les syndromes de Chediak-Higashi(Charon et de Papillon-Lefèvre (Van Dyke ), que quantitatives, comme dans la neutropénie chronique (Baehni et le déficit d'adhérence leucocytaire de type 1 (Waldrop et de type 2 (Price ), résultent en une destruction importante des structures parodontales. Leur importance a également été confirmée par les études sur la parodontite juvénile localisée (Van Dyke, 1985 ; Genco ). Les altérations des récepteurs de surface des PMN ainsi que leur chimiotactisme réduit augmentent la susceptibilité de l'hôte à ce type de maladie parodontale (Genco

Les PMN migrent constamment du sang périphérique vers le sillon gingival ou la poche parodontale puis vers la cavité orale. Ils représentent les leucocytes prédominants du tissu conjonctif infiltré et du liquide créviculaire non seulement des patients porteurs d'une maladie parodontale aiguë mais aussi de ceux cliniquement sains. Brecx ont observé les modifications histologiques de la guérison à la suite d'une gingivite expérimentale chez l'homme. L'image histologique de la gencive cliniquement saine était celle de la lésion initiale telle qu'elle a été décrite par Page et Schroeder (1976) : prédominance des PMN (21 %) ainsi que présence de lymphocytes (14 %). Le nombre relatif des différentes cellules du tissu conjonctif non enflammé (PMN, lymphocytes, plasmocytes, macrophages, fibrocytes) était le même que celui du tissu conjonctif enflammé. Selon les mêmes auteurs (Brecx et al., 1988b), après 6 mois d'accumulation de plaque dentaire, une gingivite chronique avec prédominance des lymphocytes (18,72 %) et des PMN (12,5 %) se développait. Par contre après 6 mois d'hygiène buccale parfaite, le nombre des plasmocytes devenait nul mais celui des PMN restait à 18 % (Brecx ). Plusieurs études ont confirmé le rôle des PMN du liquide créviculaire (PMNC) sur la santé et la maladie parodontales (Miller ; Genco et Slots, 1984). D'autres études ont contrôlé le nombre des PMNC : Sharry et Krasse (1960) ont trouvé que chez les personnes dentées, le nombre des leucocytes du liquide créviculaire était plus élevé que chez les édentés. Attström (1970) a montré que des PMN, des lymphocytes et des monocytes étaient régulièrement trouvés dans les échantillons provenant du liquide créviculaire des gencives cliniquement saines. Un nombre beaucoup plus élevé de ces leucocytes a été observé dans le liquide créviculaire des gencives chroniquement enflammées. Andersen et Cimasoni (1993) ont montré que les sites avec saignement au sondage contenaient beaucoup plus de PMNC que ceux sans saignement, que les poches profondes en contenaient un nombre significativement plus important que les poches peu profondes et que le nombre de ces cellules enregistré après le traitement parodontal était significativement décroissant.

Les PMN représentent les leucocytes prédominants de la salive (Ikeda, 1951 ; Klinkhamer, 1963 ; Wright, 1968 ; Raeste, 1972). La source principale des PMN salivaires (PMNs) est le sillon gingival (Schiött et Loë, 1970). Il a été suggéré qu'ils étaient capables de répondre aux stimuli bactériens et, cependant, de jouer un rôle important de défense dans la cavité buccale (Ashkenazi et Dennison, 1989 ; Yamamoto ). Certaines études ont examiné la relation entre le nombre de PMNs et la présence ou l'absence de sulcus ou d'inflammation des tissus parodontaux, mais en ne prenant en considération qu'une seule catégorie de patients ou en n'établissant la comparaison qu'entre 2 ou 3 groupes (tableau I). Leurs résultats, en ce qui concerne la fonction et l'importance des PMNs, sont controversés. Selon Wright (1962), les leucocytes se trouvaient rarement dans la salive des patients édentés par rapport aux patients dentés. En revanche, Raeste (1976) n'a pas observé de semblable différence. Schiött et Loë (1970) ont constaté que le développement de la gingivite était associé à une augmentation des PMNs mais que leur nombre ne reflétait pas nécessairement le degré de l'inflammation gingivale. L'objet de cette étude a été d'observer :

- l'absence ou la présence de PMNs de nouveau-nés, d'adultes édentés, d'adultes jeunes avec un parodonte sain et de patients de tous âges avec une parodontite chronique ;

- s'il existait une corrélation entre le nombre de PMNs et l'état parodontal, en comparant pour la première fois les 4 groupes simultanément et en utilisant la même méthode de travail.

Matériel et méthodes

Quatre groupes de 50 participants ont été sélectionnés : des nouveau-nés, des adultes édentés, des adultes avec un parodonte sain et des adultes avec une parodontite chronique. Les critères de sélection étaient les suivants :

- pour les nouveau-nés, il s'agissait de bébés de 2 à 4 mois sans aucune éruption dentaire ;

- pour les édentés, la dernière avulsion devait dater de plus de 3 mois ;

- pour les adultes avec un parodonte sain, les sujets devaient avoir un minimum de 24 dents, un indice de plaque (Silness et Loë, 1964) inférieur à 1, un indice gingival (Loë, 1967) inférieur à 1 et une profondeur de sulcus de 0 à 3 mm. La sélection des adultes avec un parodonte sain a été effectuée parmi les étudiants en médecine dentaire de l'Université libre de Bruxelles : après la réalisation d'un examen buccal, leurs dents ont été détartrées et polies. Ils ont ensuite eu droit à un contrôle de plaque dentaire et interdentaire renforcé 1 fois par jour pendant 15 jours. A ce moment-là, un échantillon de leur salive a été prélevé ;

- pour les adultes avec une parodontite chronique de l'adulte, les sujets devaient avoir un minimum de 20 dents, un indice de plaque et un indice gingival tous deux supérieurs à 2 et des poches parodontales d'une profondeur supérieure à 5 mm. Le diagnostic de leur parodontite chronique a été établi sur la base d'un examen buccal et de radiographies panoramiques.

Pour tous les groupes, les critères d'exclusion étaient des blessures (plaies d'extraction, blessures dues à des prothèses amovibles, etc.), des brûlures, des ulcérations ainsi que des lésions aphteuses ou des lésions d'herpès. Le tabagisme n'était pas un facteur d'exclusion car, en effet, il n'affecte pas le taux de PMNs (Alavi ; Persson ). Aucun des participants n'avait pris d'antibiotiques pendant les 2 mois précédant l'étude et ils étaient en bonne santé. Cette dernière condition était nécessaire puisqu'il a été prouvé qu'il existe une proportionnalité entre les PMN sériques et salivaires, et ce autant pour les individus sains que pour ceux qui sont porteurs d'une maladie du système immunitaire, celle-ci influençant la quantité des PMN sériques et, par conséquent, des PMNs (Majda-Stanislawska et Krzeminski, 1998).

Prélèvement salivaire

Un seul échantillon de salive a été prélevé par patient. Pour standardiser l'échantillon, la même méthode de prélèvement a été utilisée pour chaque catégorie. Une pipette en plastique flexible (transfert pipette n° 86.1172, Sarstedt, Nümbrecht, Allemagne) a été choisie afin d'éviter de blesser les nouveau-nés. Le prélèvement a été réalisé sous la langue car ce site est facilement accessible. Les autres méthodes étaient inutilisables : cracher dans un récipient ne peut pas être réalisé par des nouveau-nés, récolter la salive à l'aide d'un écouvillon peut donner des résultats faussés chez les patients dentés si l'écouvillon passe trop près des dents. Le prélèvement salivaire chez les nourrissons a été le plus difficile à obtenir. Il a fallu s'y prendre en plusieurs fois pour obtenir le volume suffisant. Pour les 3 autres catégories de patients, le volume de salive obtenu a été régulier. L'aspiration de la salive a été effectuée jusqu'à la première graduation de la pipette, soit un volume de 0,09 ml de salive qui a été placé sur une lame porte-objet, de 76 x 26 mm, puis étalé sur cette lame à l'aide du petit côté (26 mm) d'une seconde lame porte-objet. Un fixateur cytologique en spray composé d'un mélange de résines et de solvants aliphatiques (fixateur hydrosoluble pour cytodiagnostic n° 005-56760, Labofix, Labonord) a été vaporisé 2 fois à une distance de 15 cm sur l'échantillon. Celui-ci a ensuite été séché pendant 3 minutes à l'air libre. De cette manière, il a pu être conservé aussi longtemps que nécessaire avant d'être traité, coloré et compté.

Traitement de la lame porte-objet

La coloration à l'hématoxyline et à l'éosine a été choisie pour traiter les échantillons salivaires. C'est la technique la plus courante en histologie animale et en pathologie de routine. L'hématoxyline est basique et colore les structures acides en pourpre. Les noyaux et le réticulum endoplasmique granulaire possèdent une forte affinité pour ce colorant en raison de leur richesse respective en ADN et ARN. A l'inverse, l'éosine est acide et colore les structures basiques en rouge ou rose. La plupart des protéines sont basiques et, donc, le cytoplasme est coloré en rose ou rouge rosé. Quand la coloration à l'hématoxyline et à l'éosine est appliquée aux cellules animales, les noyaux sont violets et les cytoplasmes roses. Avant toute coloration, la lame porte-objet a été traitée, afin d'enlever le fixateur cytologique, par des bains successifs de propanol-2 à des degrés décroissants. Le premier bain contenait du propanol à 100 %, le deuxième du propanol à 90 % et le troisième du propanol à 70 % (propanol-2, CH3CH(OH)CH3, Belgolabo, Belgique). Puis la lame a été rincée dans de l'eau distillée. Elle a été ensuite plongée pendant 2 minutes dans un bain d'hématoxyline de Mayer et rincée à l'eau courante. Puis, elle a été traitée durant 1 seconde par de l'alcool chlorhydrique pour une meilleure différenciation. Elle a été à nouveau plongée dans un bain d'eau courante pendant 3 minutes pour la bleuir. Elle a été colorée durant 2 secondes dans un bain d'éosine puis rincée à plusieurs reprises dans des bains d'eau distillée. Elle a été immergée dans 4 bains de propanol-2 successifs mais, cette fois, à des degrés croissants : 70, 90 et 2 fois 100 %, chacune de ces étapes durant 1 minute. Elle a été traitée dans 3 bains de toluol (3 fois 30 secondes), chacun ayant un degré moindre de contamination par le propanol. Elle était alors prête à être recouverte d'une lamelle couvre-objet, elle-même fixée avec un agent de montage à base de xylène (DPX, BDH Laboratory Supplies, Poole, Royaume-Uni).

Comptage

Les échantillons observés sous un microscope optique ont mis en évidence, à des degrés divers, des leucocytes, des cellules épithéliales, des cellules non identifiables et des bactéries. Dans le cas présent, seuls les PMN ont été pris en considération et ont été comptés par la technique suivante, mise au point par nous-mêmes : les limites de la surface de la lame porte-objet ont été définies par les bords de la lamelle couvre-objet qui mesurait 24 x 50 mm. Le comptage a été réalisé avec une grille placée dans un oculaire et à un agrandissement de x 215. La surface de la lame porte-objet recouverte par cette grille représentait la surface d'un champ. Pour chaque champ estimé (de 4 x 4 mm), tous les PMN s'y trouvant ont été comptés. A la fin de l'opération, les résultats des champs d'un même échantillon ont été additionnés. La lecture de la lame porte-objet comptait 40 champs ayant chacun les limites de la grille. Ils étaient répartis sur 2 diagonales traversant la lamelle couvre-objet de part en part : l'une partait du coin supérieur droit et se dirigeait vers le coin inférieur gauche tandis que l'autre partait du coin supérieur gauche et se terminait dans le coin inférieur droit (fig. 1). Au point de départ, la grille de comptage a été placée dans le coin supérieur droit de la lame porte-objet (A). Elle a été déplacée vers la gauche d'une longueur de 9 champs (F) puis vers le bas d'une hauteur de 4 champs. Elle s'est trouvée alors sur le premier champ qui allait être comptabilisé (1). Elle a alors été déplacée de 3 champs vers la gauche et 2 champs vers le bas pour se trouver sur le deuxième champ à compter (2). Ce mouvement de 3 vers la gauche et de 2 vers le bas a été prolongé jusqu'à ce que les 20 champs aient été comptés et que la grille se retrouve dans une position avec 9 champs à droite et 2 champs en haut du coin inférieur gauche de la lame porte-objet. La même opération a été réalisée en sens opposé, c'est-à-dire en partant du coin supérieur gauche et en arrivant au coin inférieur droit, soit un total de 40 champs. On a pris en compte un nombre important de champs pour balayer la lamelle couvre-objet en diagonale car l'échantillon ne s'était pas toujours étalé de façon homogène (viscosité de la salive). Cette étape de l'étude a toujours été réalisée par la même opératrice.

Analyse statistique

Les données (variables nominales) ont été traitées statistiquement par le test non paramétrique du chi carré réalisé au seuil de 5 % (p < 0,05).

Résultats

Les comptages obtenus ont fortement différé d'une catégorie à l'autre :

- dans la majorité des échantillons des nouveau-nés (fig. 2) et des adultes édentés (fig. 3), aucun PMN n'a été observé, seules des cellules épithéliales et des micro-organismes ont été visibles ;

- pour les patients avec un parodonte sain (fig. 4), ces mêmes cellules épithéliales étaient présentes mais il y avait également quelques PMN ;

- pour les sujets atteints de parodontite chronique (fig. 5), une nette augmentation du nombre de PMN a été observée.

Le nombre total de PMN trouvés par échantillon, et ce pour chaque patient de chacune des 4 catégories, est présenté dans le tableau II . Pour les nouveau-nés, le nombre des PMN a varié de 0 à 3 par échantillon avec une moyenne de 0,14 et une médiane de 0. Les adultes édentés n'en avaient pas. Les adultes ayant un parodonte sain en avaient de 0 à 9 par échantillon avec une moyenne de 1,24 et une médiane de 0. Les adultes ayant une parodontite chronique en avaient de 32 à 614 par échantillon avec une moyenne de 206,06 et une médiane de 156 (tableau III). Les résultats obtenus pour les patients avec une parodontite chronique étant nettement supérieurs aux autres, il n'était pas utile d'en tenir compte dans l'analyse statistique. Les résultats du test étaient significatifs (χ2 ≤ 26,98 et p = 0,008).

Discussion

Des variations importantes des PMNs ont été observées parmi les différents groupes de participants. Le comptage de la majorité des échantillons qui provenaient des nouveau-nés a donné les mêmes résultats que pour la majorité des patients complètement édentés : il n'y avait pas de PMN mais le nombre des cellules épithéliales était assez important. Cette observation était prévisible car la caractéristique commune entre ces 2 groupes est l'absence de tout sulcus. Les nouveau-nés qui ont participé à l'étude ne présentaient aucun signe d'éruption dentaire. Cependant, il y avait 4 échantillons contenant de 1 à 3 PMN. Leur présence était probablement due à des blessures provenant d'un traumatisme qui n'a pas pu être détecté car l'examen détaillé de la muqueuse orale des nouveau-nés n'est pas facilement réalisable. Ces résultats sont corroborés par ceux d'études antérieures. Wright (1961) a étudié la salive de bébés âgés de 14 jours à 24 mois. Il a obtenu des résultats hautement significatifs lorsqu'il comparait la moyenne du nombre des leucocytes et l'âge des enfants. En revanche, il n'observait pas de corrélation entre le nombre des leucocytes et le nombre de dents présentes dans la cavité orale. Il est probable que l'éruption dentaire provoquait une augmentation des leucocytes et qu'elle n'était pas détectée puisque la salive était collectée juste après les premiers signes d'éruption. L'auteur a suggéré à l'époque que la diapédèse des leucocytes n'était pas optimale chez les nouveau-nés et que leur épithélium oral n'était pas assez perméable. Klein (1962) a comparé le nombre de lymphocytes et de cellules épithéliales dans la salive de 2 groupes d'enfants : le premier groupe était composé de 20 sujets édentés et le second de 18 sujets dentés. Les taux de leucocytes et de cellules épithéliales étaient respectivement de 3,2 et 96,8 % pour le premier groupe et de 41,1 et 58,9 % pour le deuxième. La corrélation entre le nombre de leucocytes détectés et l'âge des enfants était hautement significative. Lorsque Klein comparait le taux de leucocytes et le nombre de dents, les résultats étaient statistiquement significatifs, ce qui contraste avec l'étude de Wright (1961). Cette différence pourrait être expliquée par le fait que l'amplitude de l'âge des participants dans l'étude de Wright était plus grande que dans l'étude de Klein. Néanmoins, notre étude a clairement montré que la présence des PMN dans la salive des nouveau-nés sans aucune autre inflammation est liée à la présence de dents et, par conséquent, à la présence de sulcus, dans la cavité buccale.

Aucun PMN n'a été détecté dans la salive des patients édentés. En revanche, leur salive était très riche en cellules épithéliales. Le sulcus et, plus spécifiquement, le liquide créviculaire constituent le site majeur des PMN dans la cavité buccale (Mendel, 1916 ; Sasaki, 1952). Cette constatation a été confirmée par l'étude de Sharry et Krasse (1960) qui ont étudié 2 groupes de patients, l'un édenté et l'autre denté. La salive du premier groupe présentait très peu de PMN alors que les échantillons du deuxième groupe en étaient plus riches. Lantzman et Michman (1970) ont confirmé que les leucocytes sont des constituants normaux de la salive des personnes dentées et que leur nombre diminue après la perte des dents. Cette diminution est continue et plus intense pendant les 2 semaines qui suivent les extractions. Trois mois après l'avulsion totale des dents, très peu de leucocytes sont encore observés. Leur présence après extraction est due à l'état inflammatoire du parodonte et au processus de cicatrisation. Cette catégorie de patients participant à notre étude était édentée depuis plus de 3 mois, ce qui explique pourquoi aucun PMN n'a pu être détecté chez elle.

Chez les patients avec un parodonte sain, quelques rares PMN ont été régulièrement mis en évidence. Calonius (1958) a observé une différence significative entre le nombre des leucocytes comptés dans la salive des patients avec une gencive cliniquement saine et dans celle des patients avec une gingivite : pour le premier groupe, le nombre des leucocytes varie de 110 à 1 364/mm3 et pour le second de 770 à 11 896/mm3. Schiött et Loë (1970) ont confirmé que des leucocytes étaient régulièrement trouvés dans la salive de patients au parodonte sain. Pourtant, le nombre des leucocytes présents y est très faible. Dans les études précédentes, les auteurs n'ont pas justifié la présence des PMN dans la salive des patients cliniquement sains. Le peu de PMN mis en évidence dans cette étude, en présence d'une gencive cliniquement saine, serait dû au traumatisme du brossage et non à l'inflammation provoquée par la présence de la plaque dentaire, comme cela a déjà été évoqué (Brecx ). Leur présence pourrait représenter une première ligne de défense contre une « invasion » bactérienne. La variation de 0 à 9 PMN pourrait aussi être attribuée à la méthode de comptage utilisée. En effet, seuls les champs balayés en diagonale ont été pris en compte. Comme la quantité de PMN était très faible, il était difficile de les répartir de façon régulière sur la lame porte-objet, ce qui expliquerait les variations de comptage constatées.

Un nombre nettement supérieur de PMN a été observé dans la salive des patients ayant une parodontite chronique. Les divergences obtenues d'un patient à un autre, de 32 à 614 PMN par échantillon de salive, pourraient être expliquées par la variation du nombre de dents présentes dans la cavité buccale et du degré de sévérité de l'inflammation des tissus parodontaux. Les patients qui avaient plusieurs dents atteintes d'une parodontite chronique à un stade terminal, avec des poches de 8 à 12 mm, présentaient un nombre de PMNs nettement supérieur à celui des patients qui avaient le même nombre de dents atteintes mais des poches de 5 à 7 mm de profondeur. Il y avait donc une corrélation directe entre le nombre de dents présentes, la sévérité de la parodontite et le nombre des PMNs. Ces observations sont contradictoires avec celles de Schiött et Loë (1970) qui ont étudié les variations des leucocytes salivaires chez des patients au parodonte sain puis chez ces mêmes patients atteints d'une gingivite expérimentale. Ils ont observé que le nombre de leucocytes augmentait rapidement lors de la gingivite expérimentale mais pas dans les mêmes proportions pour chaque patient. De même, il n'y avait pas de corrélation directe entre l'augmentation de l'indice gingival de Loë et Silness (1963) et l'augmentation de leucocytes. Le nombre de leucocytes salivaires ne reflétait donc pas directement le degré clinique de la gingivite. Cette étude met donc en évidence l'existence d'une relation entre la présence de sulcus et celle de PMN salivaires ainsi qu'entre la quantité de ces PMN et l'état parodontal. La procédure du prélèvement salivaire, simple et atraumatique, demandant peu de matériel et pouvant être appliquée à tout patient, permet d'établir une comparaison valable. La méthode du comptage au microscope est très précise et parfaitement reproductible et pourrait être utilisée comme indice de sévérité de l'inflammation des tissus parodontaux. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour élucider le rôle des PMN dans le cas de la bonne santé ou des maladies parodontales.

Remerciements

Ils s'adressent au Dr Euagelia Papada qui nous a prêté son cabinet privé pour effectuer les comptages des PMN sous son microscope optique, ainsi qu'au Pr V. de Maertelaer qui a réalisé l'analyse statistique.

Demande de tirés à part

Ioanna BOUCHLARIOTOU, Mandilara 14-16, 41222 LARISSA - GRÈCE.

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