Traitement des récessions gingivales localisées et profondes. Etude comparative à 6 mois - JPIO n° 3 du 01/08/2001
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/08/2001

 

Articles

Francis MORA  

Département de parodontologie,
Université Denis-Diderot,
Paris-VII

Résumé

L'objectif de cette étude contrôlée était de comparer les résultats cliniques obtenus dans le traitement de récessions gingivales localisées et profondes (≥ 5 mm) en utilisant 2 techniques de greffes conjonctives bilaminaires. Douze patients (groupe A) ont été traités par lambeau translaté latéralement et greffe conjonctive, tandis que 12 autres (groupe B) ont subi une greffe pédiculée conventionnelle. Des récessions gingivales de Classes I et II de Miller ont été sélectionnées pour évaluation thérapeutique. Les paramètres cliniques retenus étaient la hauteur de la récession gingivale, la hauteur de tissu kératinisé, la situation de la ligne de jonction mucogingivale et le niveau d'attache clinique.

Aucune différence statistique n'a été observée entre les 2 traitements correcteurs. Le pourcentage moyen de recouvrement dans le groupe A a été de 85,17 ± 15,5, tandis que dans le groupe B, 81,17 ± 18,1 % de hauteur de récession initiale ont été recouverts après intervention (p < 0,66). Au sein du groupe A, 50 % des sujets montraient un recouvrement complet de la récession après traitement, alors que dans le groupe B, 33 % présentaient une couverture totale des défauts. Les modifications qualitatives et quantitatives du complexe mucogingival ont également été évaluées : une augmentation significative de la hauteur de tissu kératinisé a été confirmée dans les 2 techniques. Dans le cadre de cette étude, on peut conclure que les 2 techniques bilaminaires de greffe conjonctive testées produisent des bénéfices cliniques équivalents et prévisibles dans le recouvrement des récessions gingivales localisées et profondes (≥ 5 mm).

Summary

The aim of this controlled study was to compare the clinical results obtained in the treatment of localized and deep recession type defects (≥ 5 mm) using two bilaminar connective subpedicle grafts. Twelve patients (group A) were treated with laterally positioned flap and connective tissue and 12 patients (group B) with conventional subpedicle graft. Class I and II Miller gingival recessions were chosen for therapeutic evaluation. The clinical parameters recorded were the height of gingival recession, the height of the keratinized tissue, the level of the mucogingival junction and the clinical attachment level.

No statistically differences were obtained between the 2 treatments. The mean percentage of root coverage obtained in group A was 85.17 ± 15.5 % whereas for the group B 81.17 ± 18.1 % of exposed root surface was covered after surgical intervention (p < 0.66) In group A, 50 % of subjects showed a complete resolution of gingival recession after treatment, whereas in group B, 33 % presented with complete coverage. The changes concerning the mucogingival complex were assessed : a significant increase in the height of the keratinized tissue was observed following the 2 surgical procedures.

On the basis of these results, we conclude that the 2 tested subpedicle graft procedures promise similar and effective clinical outcomes in the coverage of localized and deep recession type defects (≥ 5 mm), with high predictability.

Key words

Connective tissue/transplantation, gingival recession, comparative study, treatment outcome, surgical flap/methods

Introduction

Depuis plus d'une décennie, les propositions thérapeutiques de recouvrement des dénudations radiculaires s'inspirent des principes les plus innovants de la chirurgie plastique.

Le lambeau de translation latérale (Grupe et Warren, 1956 ; Grupe, 1966) est l'une des toutes premières avancées techniques chirurgicales proposées pour recouvrir les récessions gingivales localisées ; des modifications dans sa procédure opératoire ont abouti à des résultats assez prévisibles (Smukler, 1976 ; Guinard et Caffesse, 1978 ; Espinel et Caffesse, 1981 ; Zade et Hirani, 1985 ; Oles ; Caffesse ; Romanos ) et ont permis d'ouvrir la voie à des variantes techniques encore plus affinées (revue in Wennström, 1996). Les résultats esthétiques sont très favorables puisque le tissu greffé présente des caractéristiques tissulaires équivalentes à celles du tissu receveur et les bonnes conditions de vascularisation continue par le pédicule offrent un potentiel de recouvrement de 62,5 % en moyenne (Wennström, 1996).

Par ailleurs, les greffes pédiculées peuvent être prélevées apicalement et subir un déplacement coronaire. Si le lambeau déplacé n'offre pas, d'emblée, un tissu suffisamment résistant et apte au recouvrement, la mise en place d'une greffe de tissu conjonctif enfoui a ouvert de nouvelles applications thérapeutiques (Langer et Langer, 1985 ; Raetzke, 1985 ; Nelson, 1987 ; Harris, 1992 ; Allen, 1994).

L'intérêt suscité par cette association a été renforcé par les excellents résultats cliniques régulièrement observés (Wennström, 1996). Le positionnement coronaire d'un lambeau pédiculé recouvrant la totalité du greffon conjonctif représente une solution de remplacement au traitement des récessions isolées, en particulier lorsque le tissu donneur fait défaut latéralement ; les bénéfices cliniques, en termes de recouvrement, sont reproductibles et voisins de 89,3 % en moyenne (Wennström, 1996). A l'indéniable effet esthétique se conjugue l'amélioration des paramètres gingivaux (Wennström et Zucchelli, 1996 ; Paolantonio ; Müller ; Borghetti et Monnet-Corti, 2000).

Les publications scientifiques offrent peu d'informations concernant le traitement des récessions gingivales localisées et profondes (égales à 5 mm). L'hypersensibilité et l'aspect inesthétique, qui s'ajoutent à leur caractère unique, poussent à consulter des patients inquiets car présentant le plus souvent des standards d'hygiène orale élevés (Serino ). La fréquence d'apparition est indépendante de l'âge (1 % selon Albandar et Kingman, 1999), mais dépend d'un facteur traumatique (brossage inadéquat) et de conditions anatomiques locales défavorables.

La réflexion du clinicien atteint ici un point critique en considérant :

- l'importance de la surface radiculaire à recouvrir ;

- la quantité et la qualité des tissus mous adjacents, leur situation et la profondeur du vestibule ;

- des facteurs impliqués dans la cicatrisation (Wikesjö ; de Sanctis et Zucchelli, 1996).

S'appuyant sur ces considérations, notre étude a pour objectifs :

- d'évaluer si la combinaison d'un greffon de tissu conjonctif enfoui sous un lambeau de translation latérale (GCLT) aboutit à un recouvrement significatif des récessions gingivales profondes (≥ 5 mm) ;

- de comparer cette technique à l'association d'une greffe conjonctive recouverte par un lambeau suprapériosté positionné coronairement (GCSP), sur une durée de 6 mois.

Matériel et méthode

Sélection des patients

Vingt-quatre patients (16 femmes et 8 hommes), âgés de 26 à 62 ans (moyenne : 38,5 ans) et non fumeurs ont été traités dans le cadre de notre exercice privé pour des raisons esthétiques (19) ou d'hypersensibilité (5) liées à la présence de récessions gingivales localisées et profondes (égales à 5 mm). Aucun d'eux ne présentait de profondeur de poche au sondage égale à 2 mm ni d'inflammation cliniquement décelable au niveau des sites sélectionnés. Au début du traitement, une même technique d'hygiène orale adaptée (technique du « rouleau ») a été enseignée afin que cette variable n'influence pas les résultats enregistrés au cours de l'évaluation thérapeutique. Ces prérequis ont été confirmés par des valeurs très faibles des indices cliniques d'inflammation (score de plaque : 20 % et saignement au sondage : 10 %). Tous les patients participant à cette étude clinique contrôlée et randomisée présentaient au moins 1 récession gingivale localisée (égale à 5 mm) de classe I ou II de Miller (Miller, 1985). Le choix de traiter ces récessions gingivales par un lambeau pédiculé recouvrant une greffe de tissu conjonctif a été fondé sur des considérations anatomiques rappelées par de Sanctis et Zucchelli (1996) et s'est effectué selon la méthode de randomisation des groupes parallèles. Deux groupes de sites ont été déterminés : le groupe A (12 patients) avec des récessions gingivales unitaires traitées par un lambeau de translation latérale et tissu conjonctif enfoui, et le groupe B (12 patients) avec des récessions gingivales traitées par une technique bilaminaire de contrôle (lambeau positionné coronairement et tissu conjonctif enfoui).

Mesures cliniques

L'enregistrement des mesures a été effectué immédiatement avant la phase chirurgicale puis 6 mois plus tard, par le même opérateur, à l'aide d'une sonde parodontale calibrée PCP-UNC 15 (HuFriedy®), à 0,5 mm près.

La hauteur de la récession gingivale (HRG) représente la distance entre les points les plus apicaux de la jonction émail-cément (JEC) et de la gencive marginale (GM). La hauteur de tissu kératinisé (HTK) évalue la distance qui sépare le point le plus apical de la gencive marginale à la ligne de jonction mucogingivale (LJMG). Le niveau de la ligne muco-gingivale (JEC-LJMG) est déterminé par la mesure de la distance séparant la jonction émail-cément (JEC) de la ligne de jonction mucogingivale. Le niveau d'attache clinique (NAC) représente la mesure de la distance entre la JEC et le point le plus apical de la base du sulcus (selon les critères d'inclusion de cette étude). Le pourcentage de recouvrement est calculé selon la formule : ([hauteur initiale de la récession - hauteur de la récession à 6 mois] x 100)/hauteur initiale de la récession.

Protocole chirurgical

Les patients du groupe A (fig. 1, 2, 3, 4 et 5) (cas clinique n° 1 : fig. 6, 7, 8, 9 et 10 ; cas clinique n° 2 : fig. 11, 12, 13 et 14 ) ont été traités selon une technique chirurgicale déjà décrite (Genon et Koskas, 1985 ; Nelson, 1987 ; Harris, 1992) puis modifiée (GCLT).

La préparation du site receveur a compris :

- le surfaçage non agressif de la zone de racine exposée ;

- 2 incisions convergentes, réalisées de part et d'autre de la récession à traiter, se prolongeant apicalement à la ligne de jonction mucogingivale, la première, opposée au site donneur, décrivant un biseau externe et large, la deuxième, symétrique, avec un biseau opposé et interne, constituant la première incision axiale du lambeau. Ces deux incisions délimitent une portion de tissu qui sera éliminée secondairement.

La préparation du site donneur s'est faite de la façon suivante :

- une incision horizontale, à la base des papilles adjacentes du défaut (Bruno, 1994), au niveau de la jonction émail-cément, puis préservant le bord gingival des dents distales à la récession libère un lambeau d'épaisseur partielle ; puis une seconde incision axiale, 2 à 3 dents distalement divergente en direction apicale, délimite une base très large. A ce stade, le degré de tension résiduelle du lambeau est testé : il faudra tenir compte de la discrète rotation que doit subir ce lambeau en même temps que de sa passivation avant son immobilisation définitive. La désépithélialisation des papilles achève la préparation du lambeau ;

- la préservation du périoste autour de la récession ménage la future zone d'ancrage de la greffe de tissu conjonctif ;

- le greffon conjonctif est dégagé de la profondeur du palais, dans la région des prémolaires de préférence, et positionné, après contrôle de son épaisseur, au niveau de la jonction émail-cément, de sorte que les 3/4 de sa surface reposent sur le périoste adjacent à la récession. Le greffon est immobilisé sur le lit périosté grâce à des sutures en polyglactine 910 ;

- le lambeau pédiculé d'épaisseur partielle est déplacé dans la situation la plus coronaire possible et stabilisé par des sutures discontinues.

Le protocole chirurgical des patients du groupe B (cas clinique n° 3 : fig. 15, 16, 17, 18 et 19 ) a été mis au point par Raetzke (1985) puis par Allen (1994) (greffe conjonctive suprapériostée, GCSP) :

- lambeau « enveloppe » suprapériosté élevé grâce à des incisions horizontales, à la base des papilles adjacentes au défaut, au niveau de la jonction émail-cément et au-delà de la ligne de jonction muco- gingivale ;

- désépithélialisation secondaire des papilles ;

- prélèvement du tissu conjonctif dans la profondeur du palais (voir ci-dessus) ;

- positionnement du greffon de tissu conjonctif par la surface radiculaire exposée après surfaçage avec curettes de Gracey ;

- immobilisation de la greffe par des sutures en polyglactine 910 ;

- lambeau d'épaisseur partielle tracté dans la situation la plus coronaire possible et stabilisé par des sutures périostées, interdentaires.

Au terme de l'une et de l'autre des techniques exposées, une pression digitale avec une compresse imbibée de sérum physiologique est appliquée pendant 3 minutes au moins. Après la mise en place des protections d'usage, il est administré un antalgique (ibuprofène, 3 comprimés par jour) à tous les patients et des bains de bouche sont prescrits (chlorhexidine à 0,12 %, 2 fois par jour) pendant les 3 semaines suivant la chirurgie.

Les pansements chirurgicaux et les sutures non résorbables sont déposés 10 jours après la thérapeutique chirurgicale. Des soins locaux personnalisés accompagnent un brossage doux et progressif. Un nettoyage professionnel est instauré 1 fois par semaine pendant le premier mois puis à des intervalles trimestriels.

Analyse statistique

Dans cette étude clinique, descriptive et comparative, les valeurs moyennes et les écarts types ont été calculés pour chacun des paramètres cliniques considérés (HRG, HTK, JEC-LJMG, NAC) (tableau I et II). Les variations de chacun d'eux entre le début du traitement (J0) et le terme de la période d'observation (6 mois), au sein de chaque groupe puis entre les groupes considérés, ont été analysées statistiquement par le test de Wilcoxon (Wilcoxon Sign-Rank Test) pour séries appariées (intragroupe) et non appariées (intergroupe). Une probabilité de p < 0,05 a été acceptée pour rejeter l'hypothèse nulle.

Résultats

Douze récessions unitaires, supérieures ou égales à 5 mm de hauteur, ont été traitées dans chaque groupe : 10 au maxillaire et 2 à la mandibule dans le groupe A, 8 au maxillaire et 4 à la mandibule dans le groupe B. La cicatrisation des récessions dans le groupe A (GCLT) s'est correctement déroulée alors que 2 sites dans le groupe B (GCSP) se sont légèrement abcédés lors de la phase de résorption des sutures du greffon conjonctif. Le tableau I exprime les valeurs moyennes de hauteur de récession, de pourcentage de recouvrement ainsi que les variations du niveau d'attache clinique à J0 et à 6 mois. La hauteur des récessions dans le groupe A est comprise entre 5 et 8,5 mm, celle du groupe B varie de 5 à 7 mm. La comparaison des moyennes (6,13 ± 0,91 mm dans le groupe A ; 5,92 ± 0,60 mm dans le groupe B) ne montre pas de différence statistiquement significative au début du traitement (p < 0,83). Six mois après le traitement, on note la hauteur de surface résiduelle exposée : 0,92 ± 0,97 mm dans le groupe A et 1,17 ± 1,25 mm dans le groupe B, ce qui correspond à un pourcentage de recouvrement moyen de 85,17 ± 15,5 et 81,17 ± 18,1 respectivement. Le recouvrement total des récessions est obtenu dans 6/12 sites (groupe A) et 4/12 sites (groupe B). Le niveau d'attache clinique est substantiellement amélioré, sans différence significative d'une technique à l'autre (p < 0,24).

Le tableau II présente les résultats relatifs aux variations des paramètres gingivaux, notamment la hauteur de tissu kératinisé et la situation de la ligne de jonction mucogingivale par rapport à la jonction émail-cément.

Une augmentation très nette de hauteur de tissu kératinisé peut être constatée pour chaque technique proposée dans cette étude (plus de 3 mm). Il n'y a pas de différence dans les variations enregistrées entre les deux techniques chirurgicales (p < 0,53) quand les valeurs initiales et finales sont comparées (1,04 ± 0,50 mm puis 4,08 ± 0,67 mm pour le groupe A et 1,17 ± 0,62 mm puis 4,46 ± 1,27 mm pour le groupe B).

Une légère variation de la situation de la ligne de jonction mucogingivale se traduit par une diminution des valeurs en fin de traitement par comparaison aux mesures initiales : cette différence n'est pas significative entre les deux techniques évaluées (p < 0,15).

Discussion

L'un des objectifs de toute intervention de chirurgie plastique parodontale est la correction des problèmes fonctionnels et esthétiques induits par les récessions gingivales ainsi que la restauration du complexe muco-gingival (Miller, 1985). Les résultats de cette étude clinique contrôlée apportent la preuve qu'un lambeau pédiculé recouvrant la totalité d'une greffe de tissu conjonctif présente un potentiel de recouvrement important même pour les récessions gingivales isolées et profondes (≥ 5 mm). Les 2 techniques bilaminaires comparées dans notre étude montrent une réelle efficacité dans la réduction des surfaces radiculaires exposées, sans toutefois qu'une procédure prédomine (p < 0,15). Considérant nos critères d'inclusion (hauteur de récession gingivale = 5 mm), le pourcentage de recouvrement moyen dans le groupe A (GCLT) est de 85,17 ± 15,5 %. Il est supérieur à ceux obtenus par Guinard et Caffesse (1978), Espinel et Caffesse (1981), Caffesse , Oles , Romanos , Borghetti et Louise (1994), Borghetti , dont les taux de succès représentent de 34 à 82 % (moyenne 62,5 %) de la hauteur initiale moyenne des récessions (3,7 mm), d'après la classification synoptique de Wennström (1996). Nos résultats sont cependant inférieurs à ceux obtenus par Nelson (1987) et Harris (1994, 1997), dont les taux de succès de recouvrement atteignent 98 % de la hauteur initiale de surface radiculaire (de 3,2 à 3,6 mm). Une observation identique peut être avancée dans le groupe B (GCSP), où le taux de recouvrement moyen atteint 81,17 ± 18,1 % de la hauteur initiale moyenne des récessions (5,92 ± 0,60 mm) : ces résultats peuvent être rapprochés de ceux de Sbordone , Pini Prato , Jahnke , Bouchard , Wennström et Zucchelli (1996) et Borghetti , qui, avec des variantes techniques associant ou non une préparation chimique radiculaire, enregistrent 89,3 % de gain moyen de recouvrement de récessions atteignant 3,8 mm de hauteur en moyenne. Néanmoins, nos résultats sont inférieurs à ceux de Zucchelli , qui constatent 93,5 % de recouvrement (hauteur moyenne des récessions : 5,6 mm).

Cinquante pour cent des sites du groupe A et 33 % des sites du groupe B montrent un recouvrement total de la surface radiculaire exposée. L'examen de certaines variables fournit des explications à ces résultats, notamment l'épaisseur du lambeau : l'expérience clinique (Genon et Koskas, 1985) est confirmée par l'analyse de travaux récents rapportant une forte corrélation entre les taux de succès de recouvrement des récessions gingivales et l'épaisseur des lambeaux (Baldi ). La proposition de traitement (GCLT) confirme cette analyse puisque les tissus environnants, déplacés latéralement vers la récession, sont épais et recouvrent la zone la plus proche de la jonction émail-cément. L'apport d'une greffe de tissu conjonctif offre l'avantage, dans la zone la plus profonde de la récession, d'épaissir la muqueuse, de fournir des éléments nutritionnels indispensables à sa survie et d'éviter la ptose d'un lambeau fin sur une surface radiculaire avasculaire.

Par ailleurs, les techniques bilaminaires et pédiculées associées à une greffe conjonctive assurent une meilleure vascularisation du greffon. Anatomiquement, les lambeaux pédiculés préservent leur principale source d'irrigation apico-coronaire (Mormann et al., 1979). En présence d'incisions axiales (groupe GCLT), le rôle substantiel de l'apport sanguin latéral et papillaire a été mis en évidence (Miller, 1987). Les modifications apportées par Allen (1994) dans le dessin du lambeau-enveloppe suprapériosté autorisent une plus grande laxité du lambeau et la couverture totale du greffon évite les risques de nécrose partielle. Histologiquement, le greffon conjonctif prélevé dans l'épaisseur du palais présente en abondance des capillaires dans les couches profondes du chorion, capables de rétablir rapidement la circulation sanguine (Calura ). La vascularisation d'un lambeau pédiculé (GSLT/GCSP) n'est pas interrompue, des anastomoses connectant rapidement les vaisseaux du lambeau à ceux du site receveur (Caffesse ).

Plus de 90 % des sites ont montré, quelle qu'ait été la technique utilisée, une augmentation significative de la hauteur de tissu kératinisé, les gains enregistrés dans notre étude reproduisant ceux déjà rencontrés dans de précédentes évaluations (Espinel et Caffesse, 1981 ; Guinard et Caffesse, 1978 ; Pini Prato ; Sbordone ; Jahnke ; Borghetti et 1999 ; Mora ; Paolantonio ; Wenström et Zucchelli 1996 ; Zucchelli ) ou les surpassant (Bouchard

Des hypothèses ont été formulées :

- induction de la différenciation cellulaire au niveau de l'épithélium de recouvrement grâce au tissu conjonctif (Karring ), mais la reproductibilité de ces événements à l'échelle cellulaire n'est pas systématique (Ouhayoun ) ;

- formation d'un tissu de granulation provenant du desmodonte ;

- « détermination génétique » de la ligne de jonction mucogingivale qui, après être déplacée coronairement, se rapprocherait de son niveau initial par « glissement » du lambeau pendant la cicatrisation (Karring ; Ainamo ; Lundberg et Wennström, 1988 ; Bouchard ).

Les gains d'attache clinique sont homogènes d'une technique à l'autre (p < 0,24) : il est délicat de spéculer sur la nature de l'attache clinique obtenue, néanmoins elle représente, pour 44 à 50 % et d'après certaines études animales (Caffesse ), une attache conjonctive provenant latéralement du tissu de granulation formé à partir des berges du défaut et du ligament parodontal voisin, l'autre portion étant constituée par un épithélium de jonction long (Gottlow ).

Cette étude clinique contrôlée, descriptive et comparative entre deux techniques bilaminaires n'a pas été exécutée chez les mêmes patients, selon un protocole en « boucle divisée » : il n'est pas exclu que les résultats aient subi des variations procédant de caractéristiques individuelles. Par ailleurs, la sélection des cas a été relativement homogène quant aux caractéristiques anatomiques, au niveau d'hygiène orale, à l'adhésion du patient lors du suivi postchirurgical.

Si la demande esthétique des patients a été déterminante dans le cadre de cette étude, l'épaississement des tissus gingivaux, dans certaines situations, n'a pas suscité de réactions adverses surtout si le recouvrement total ou quasi total de la récession a été obtenu.

Conclusion

Dans le cadre de notre étude et sur la base des résultats présentés, il est possible de conclure que les deux techniques (bilaminaires et pédiculées) qui ont été comparées peuvent être recommandées dans les tentatives de recouvrement des récessions gingivales localisées et profondes (≥ 5 mm) des Classes I et II de Miller. Notre préférence se dirigera vers le lambeau translaté latéralement associé à une greffe de tissu conjonctif enfoui, si les conditions anatomiques s'y prêtent : récession gingivale haute et large, papilles adjacentes à la dénudation radiculaire épaisses, peu ou pas de tissu kératinisé. Le lambeau-enveloppe suprapériosté associé au tissu conjonctif enfoui, technique plus lourde et difficile à réaliser que la précédente, représente une autre possibilité pour traiter les situations les plus délicates.

Demande de tirés à part

Francis MORA, 10, rue des Marronniers, 33200 BORDEAUX - FRANCE.

1. Vicryl rapides 4/0 Ethicon®, Johnson & Johnson Imb., Brussels, Belgium.

2. Vicryl 5/0 Ethicon®, Johnson & Johnson Imb., Brussels, Belgium.

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