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Jean-Pierre BERNARD * Urs C. BELSER **
*Médecin adjoint,
Responsable de la Chirurgie orale,
Division de Stomatologie et de Chirurgie orale,
Section de Médecine dentaire,
Faculté de médecine de Genève, Suisse.
**Professeur,
Chef de la division de Prothèse fixe et Occlusodontie,
Section de Médecine dentaire,
Faculté de médecine de Genève, Suisse.
A l'université de Genève, comme dans pratiquement toutes les universités du monde, l'implantologie dentaire avait été progressivement abandonnée en raison de la fréquence des échecs et des complications observées avec les différents systèmes d'implants élaborés dans les années 1960 (Held et Fiore Donno, 1976). Ce sont les résultats favorables rapportés au début des années 1980 pour des implants...
Au cours des dernières années, l'utilisation d'implants a pris une place de plus en plus importante en médecine dentaire. Les implants, surtout utilisés pour le traitement des édentements totaux, ont maintenant démontré leur intérêt pour l'ensemble des indications prothétiques. D'importantes évolutions ont également été observées dans leur mode d'utilisation. L'utilisation d'implants à surface rugueuse, mis en place avec une technique en un seul temps, et de structures prothétiques scellées, proposées depuis plus de 25 ans par l'ITI®, représente des simplifications importantes des protocoles progressivement adoptées par de nombreux systèmes implantaires.
La possibilité d'effectuer des traitements de plus en plus simples, de durée réduite et réalisables en cabinet dentaire ainsi que la qualité des résultats obtenus doivent conduire l'ensemble des praticiens à proposer l'implantologie comme l'un des moyens thérapeutiques pour toute situation d'édentement.
A l'université de Genève, comme dans pratiquement toutes les universités du monde, l'implantologie dentaire avait été progressivement abandonnée en raison de la fréquence des échecs et des complications observées avec les différents systèmes d'implants élaborés dans les années 1960 (Held et Fiore Donno, 1976). Ce sont les résultats favorables rapportés au début des années 1980 pour des implants dentaires utilisés selon les principes de l'ostéointégration (Brånemark et al., 1969 ; Schroeder et al., 1976, 1978, 1981 ; Brånemark et al., 1985) qui ont amené la reprise de l'intérêt pour l'implantologie en médecine dentaire. A cette époque, les équipes suédoises qui utilisaient le système Brånemark® réalisaient essentiellement des reconstructions prothétiques fixes chez des patients totalement édentés. Il s'agissait de traitements relativement complexes et de coût élevé (Albrektsson et al., 1981 ; Brånemark et al., 1977) pour lesquels il n'y avait pas beaucoup d'indications. On pensait, par contre, que les résultats très favorables obtenus grâce à l'ostéointégration devaient permettre d'améliorer nos possibilités de traitement dans de nombreuses autres situations et nous avons donc été amenés à évaluer les autres systèmes implantaires pour rechercher des solutions plus simples et mieux adaptées à la demande et aux besoins de nos patients. Notre choix s'est porté sur un système d'implants (fig. 1) mis au point en Suisse par l'International Team for Implantology (ITI), groupe à vocation scientifique associant une firme industrielle fabriquant les implants et une équipe de chercheurs internationaux regroupés autour du professeur André Schroeder de l'Ecole dentaire de l'université de Berne. Il s'agissait d'un système original comprenant des implants en titane avec une surface rugueuse destinée à améliorer l'ostéointégration et prévus pour être utilisés avec une technique en un seul temps chirurgical, dite « non enfouie » (Schroeder, 1991 ; Scacchi, 2000). Ce système proposait également un système prothétique simple autorisant des techniques proches de celles de la prothèse fixe conventionnelle (Sutter et al., 1988, 1993 ; Scacchi, 2000). Ces caractéristiques semblaient parfaitement adaptées à la philosophie que nous souhaitions appliquer concernant l'utilisation des implants. L'implantologie ne devait pas apparaître comme une discipline spécifique mais seulement comme l'une des différentes techniques de restauration prothétique que la totalité des praticiens pouvaient proposer à leurs patients en raison de l'intérêt et de la qualité de ses résultats (Bernard et al., 1996a). Les caractéristiques du système implantaire utilisé influencent également les concepts d'utilisation clinique des implants. Les principes originaux, qui avaient motivé notre choix à la fin des années 1980, ont depuis été validés par de nombreux travaux expérimentaux et cliniques. Ils ont été l'un des éléments moteurs des principales évolutions observées au cours des 10 dernières années dans le domaine de la chirurgie implantaire.
Les résultats observés avec des implants ostéointégrés dans les différentes situations d'édentement (Albrektsson et Sennerby, 1991 ; Bert et Missika, 1991 ; Noack et al., 1999 ; van Steenberghe et al., 1999) autorisent aujourd'hui à considérer l'utilisation d'implants dentaires comme l'une des différentes possibilités thérapeutiques qui doivent être envisagées lors de l'établissement de chaque plan de traitement prothétique. Dans de nombreuses situations cliniques, les implants permettent de simplifier le traitement, de le rendre moins invasif pour les structures dentaires ou plus fiable (Belser et al., 1996b et c). Leur utilisation doit donc être envisagée comme une solution de remplacement aux techniques de restauration prothétique conventionnelles, y compris dans les situations esthétiques (Belser et al., 1993 ; Bernard et al., 1993). Une évolution des techniques et des systèmes implantaires, allant dans le sens de la simplification des traitements et de la diminution de leur durée et de leur coût, devait permettre de mettre ce moyen thérapeutique à la disposition d'un plus grand nombre de chirurgiens-dentistes et de le rendre accessible à de plus en plus de patients.
Au cours des dernières années, de nombreuses évolutions allant dans le sens d'une simplification des techniques implantaires sans altérer la qualité des résultats ont été proposées.
L'utilisation d'une technique enfouie en deux temps chirurgicaux, comme cela a été préconisé dans les recommandations visant à obtenir l'ostéointégration, permet d'éviter une contamination de l'implant à partir du milieu buccal pendant la période d'intégration osseuse (Brånemark et al., 1977 ; Albrektsson et al., 1981). Elle nécessite toutefois la réalisation d'incisions au niveau de la muqueuse libre, ce qui entraîne fréquemment des tuméfactions et des hématomes postopératoires (Worthington et al., 1987 ; Langer et Langer, 1990 ; Cranin et al., 1998 ; Scharf et Tarnow, 1993b). Il est également nécessaire de réaliser une deuxième intervention chirurgicale après la période d'ostéointégration de façon à exposer les implants et à mettre en place l'élément transgingival destiné à supporter la reconstruction prothétique. Un nouveau délai de cicatrisation de la muqueuse doit alors être prévu avant le début des étapes de réalisation prothétique (Adell et al., 1985). Il s'agit donc d'une technique assez contraignante qui impose deux interventions chirurgicales aux patients et qui allonge la durée du traitement. La possibilité d'obtenir l'ostéointégration d'implants exposés dans la cavité buccale depuis leur mise en place a également été démontrée depuis plus de 20 ans (Schroeder et al., 1981 ; Babbush, 1986). Les premières études histologiques ayant mis en évidence l'ostéointégration ont été réalisées avec des implants cylindriques creux recouverts d'un plasma spray de titane, mis en place chez des singes selon une technique non enfouie en un seul temps chirurgical (Schroeder et al., 1976, 1978, 1981) et tous les implants ITI® ont toujours été prévus pour être utilisés avec une technique non enfouie en un seul temps chirurgical (Schroeder et al., 1983 ; Schroeder, 1991 ; Buser et al., 1998a). La technique de mise en place d'implants non enfouis est plus simple que les techniques classiques d'implants enfouis. La réalisation de l'incision muqueuse au sommet de la crête alvéolaire au niveau de la muqueuse attachée permet de limiter au maximum les suites postopératoires (Langer et Langer, 1990 ; Bernard et al., 1992a ; Ouhayoun et al., 1993). La cicatrisation des tissus mous péri-implantaires se déroule pendant la période d'ostéointégration (fig. 2). Il n'est pas nécessaire de réaliser de deuxième intervention chirurgicale responsable d'un nouvel inconfort pour le patient, ni d'attendre un nouveau délai de cicatrisation des tissus mous pour mettre en route la restauration prothétique (fig. 3). Un des principaux intérêts d'un système non enfoui est la position de la jonction entre l'implant et la partie secondaire. En effet, celle-ci est située au niveau de la crête osseuse pour les systèmes en deux temps chirurgicaux alors qu'elle est placée dans la région juxtagingivale pour un système en un temps. Cette particularité permet d'obtenir une situation histologique se rapprochant de celle observée au niveau des éléments dentaires (Bernard et al., 1992a) et des conditions biologiques et mécaniques favorables à la stabilité à long terme des résultats (Buser et al., 1997, 1999b ). L'avantage principal de cette technique non enfouie est de supprimer la nécessité d'une pièce secondaire transgingivale dont la jonction avec l'implant laisse un espace (Binon et al., 1992) constituant une niche écologique située profondément sous le niveau de la gencive (Quirynen et van Steenberghe, 1993). Cet espace peut être colonisé par des bactéries (Quirynen et al., 1994) et pourrait servir de réservoir à des bactéries potentiellement pathogènes transmises à partir de lésions parodontales (Papaioannou et al., 1995 ; Quirynen et al., 1996 ; Ellen, 1998). Les techniques non enfouies permettent également le positionnement de la limite entre l'implant et la suprastructure dans la région juxtagingivale, limite qui devient donc accessible aux techniques d'hygiène (Leon, 1977), ce qui diminue le risque d'inflammation. Pour obtenir une situation du même type et pour limiter le risque de contamination bactérienne, il a été conseillé de diminuer l'épaisseur de la gencive lors de la mise en place des parties secondaires pour les techniques en deux temps (Papaioannou et al., 1996). Le positionnement de la limite entre l'implant et la partie prothétique au niveau de la gencive plutôt qu'au niveau de la crête osseuse présente également un avantage biomécanique en diminuant l'effet de levier et, donc, les contraintes sur la jonction entre la partie prothétique et l'implant (Sutter et al., 1988, 1993 ; Sutter, 1996 ; Buser et al., 1999b ; Merz et al., 2000). Pour les implants en deux temps, le positionnement de la jonction prothétique au niveau de la crête osseuse favorise la survenue de problèmes mécaniques (Jemt et al., 1991, 1992 ; Kallus et Bessing, 1994 ; Wie, 1995 ; Henry et al., 1996 ; Brägger, 1999) dont la prévention nécessite des règles de conception spécifiques des structures prothétiques (Skalak, 1983 ; Rangert et al., 1989, 1997).
Les différentes évaluations radiographiques de l'évolution osseuse au niveau d'implants ITI® non enfouis (Buser et al., 1992, 1999b ; Weber et al., 1992b, 2000) montrent des valeurs comparables à celles observées au niveau d'implants posés en deux temps (Albrektsson et al., 1986). De plus, dans des conditions expérimentales identiques, une perte osseuse plus importante que pour des implants posés en un seul temps chirurgical a été observée au niveau d'implants enfouis. Cette perte osseuse supplémentaire survient après le deuxième temps chirurgical (Fiorellini et al., 1992 ; Hermann et al., 1997). Dans des conditions expérimentales reproduisant les différentes étapes de la réalisation d'un élément prothétique sur un implant enfoui, il a pu être mis en évidence que l'importance de la perte osseuse observée après l'exposition de l'implant dépendait de la profondeur de positionnement de la jonction entre l'implant et la partie secondaire et qu'il existait une distance de l'ordre de 2 mm séparant le niveau du joint de celui de la crête osseuse (Hermann et al., 1997). Ces constatations sont compatibles avec la notion d'espace biologique péri-implantaire (Cochran et al., 1997 ; Lindhe et Berglundh, 1998). La position du joint entre l'implant et la partie secondaire conditionne la migration épithéliale qui se fait apicalement à ce joint (Donley et Gillette, 1991 ; Abrahamson et al., 1997) et l'adaptation osseuse est liée au rétablissement de cet espace biologique : plus le joint est situé profondément, plus la perte osseuse crestale est importante (Hermann et al., 1997). Il a également été observé que la dimension de cet espace biologique est plus faible, et plus proche de celle observée sur les dents, pour les implants en une partie que pour ceux en deux parties, que ceux-ci aient été posés avec une technique en un ou deux temps (Hermann et al., 2001) (fig. 4). Cette constatation est très en faveur de l'utilisation d'implants non enfouis dans les différentes situations cliniques y compris dans les indications esthétiques (Belser et al., 1993, 1996a , 1998 ; Belser et Bernard, 1999 ; Bernard et al., 1993) en maintenant des taux de succès très favorables (Buser et al., 1997, 1999b).
Une étude pilote, concernant l'utilisation d'implants Brånemark® selon une technique non enfouie, nous a permis de démontrer qu'il était possible, avec une technique en un seul temps chirurgical, d'obtenir l'ostéointégration d'implants normalement prévus pour une utilisation non enfouie en deux temps (Bernard et al., 1995b). D'autres études ont confirmé cette possibilité (Ericsson et al., 1994 ; Henry et Rosenberg, 1994 ; Becker et al., 1997 ; Collaert et de Bruyn, 1998 ; Kohal et al., 1999 ; Roynesdal et al., 1999). Cette possibilité présente de nombreux avantages puisqu'elle permet de simplifier la technique et de diminuer les contraintes pour les patients ainsi que la durée du traitement. Toutefois, l'utilisation, en un seul temps chirurgical, d'implants prévus pour une technique en deux temps ne modifie pas l'adaptation de l'os ni des tissus mous péri-implantaires puisque le joint entre l'implant et la partie secondaire reste situé au niveau de la crête et que c'est sa position qui est responsable de la migration épithéliale et de l'adaptation osseuse secondaire à l'organisation de l'espace biologique (Abrahamsson et al., 1997 ; Cochran et al., 1997 ; Lindhe et Berglundh, 1998 ; Davarpanah et al., 2000 ; Hermann et al., 1997, 2000, 2001). Pour bénéficier de l'adaptation favorable de l'os et des tissus mous péri-implantaires, il est nécessaire d'utiliser des implants en une partie, spécifiquement conçus pour une utilisation non enfouie, qui permettent de positionner le joint entre l'implant et la partie secondaire au niveau gingival et non au niveau de la crête osseuse (Bernard et al., 1995b).
Depuis les premières publications présentant le principe de l'ostéointégration (Brånemark et al., 1969 ; Brånemark, 1985), de nombreuses études cliniques ont montré que des implants à vis en titane avec une surface usinée comme celle du système Brånemark® permettaient d'obtenir des résultats favorables à long terme dans les différentes situations d'édentement (Albrektsson et Sennerby, 1991 ; van Steenberghe et Naert, 1998). Ces études ont toutefois montré, de façon constante, une augmentation très importante du nombre d'échecs en cas de faible densité osseuse ou de hauteur osseuse limitée, amenant à utiliser des implants d'une longueur inférieure à 13 mm (Friberg et al., 1991 ; Jaffin et Berman, 1991 ; Bahat, 1993 ; Henry et al., 1993 ; Bahat et Handelsman, 1996 ; Sennerby et Roos, 1998 ; Esposito et al., 1998 ; Schwartz-Arad et Dolev, 2000). Des solutions ont été recherchées pour tenter d'améliorer les résultats obtenus avec des implants à vis en titane à surface usinée, dans ces situations osseuses défavorables qui sont fréquemment rencontrées dans les secteurs postérieurs. La mise en place du plus grand nombre possible d'implants, l'utilisation d'implants de longueur maximale, d'un ancrage bicortical ou de techniques chirurgicales permettant d'obtenir une stabilisation optimale des implants ont ainsi été proposées (Bahat, 1993 ; Bahat et Handelsman, 1996 ; Schwartz-Arad et Dolev, 2000). Ces différentes recommandations, qui permettent d'améliorer les résultats, augmentent toutefois la complexité et le coût des traitements.
Des modifications de la surface des implants permettent également d'améliorer les conditions de l'ostéointégration (Wennerberg et Albrektsson, 2000 ; Wong et al., 1995).
La résistance au desserrage, au cours des 6 premiers mois après leur mise en place, des vis en titane de forme identique mais avec 3 surfaces différentes démontre parfaitement l'influence de l'état de surface sur l'ancrage osseux (fig. 5). Pour la vis en titane lisse (L), les couples de desserrage restent stables au niveau des valeurs du couple de serrage. Pour les vis à surface rugueuse par revêtement plasma spray de titane (TPS) ou par sablage et attaque acide (SLA), dès la deuxième semaine, les couples de desserrage augmentent de façon très nette pour atteindre des valeurs 5 fois plus élevées que pour le titane lisse au bout de 24 semaines (Wilke et al., 1990). Pour des implants dentaires à vis pleines ITI®, avec 3 surfaces différentes (Buser et al., 1999b ) mis en place au maxillaire de cochons miniatures, les couples de desserrage confirment l'étude de Wilke et al. : les couples de desserrage pour les implants usinés restent voisins de ceux employés lors de la mise en place, alors que ceux pour les implants à surface rugueuse atteignent en quelques semaines des valeurs 5 ou 6 fois plus élevées que pour les implants usinés. Les valeurs maximales sont plus élevées et plus rapidement atteintes pour les surfaces SLA que pour le TPS.
Une étude expérimentale comparant, chez le chien, les couples de desserrage d'implants Brånemark® de 7 et 10 mm de longueur, posés de façon enfouie, et d'implants ITI® de 6 et 10 mm, posés de façon non enfouie, nous a permis de confirmer l'ostéointégration des implants ITI® en un seul temps chirurgical et de mettre en évidence d'importantes différences de résistance au desserrage de ces implants. Les couples de desserrage des implants ITI® sont constamment plus élevés et ceux des implants ITI® de 6 mm sont plus élevés que ceux des implants Brånemark® de 10 mm. Pour les implants Brånemark®, le passage d'une longueur de 7 à 10 mm ne modifie pas les couples de desserrage alors que le passage de 6 à 10 mm pour les implants ITI® les fait augmenter de façon significative (Bernard et al., 2000c).
Ces différences dans la cinétique et la nature de l'ostéointégration entre des implants en titane à surface rugueuse ou à surface usinée permettent d'envisager, pour les premiers, des conditions d'utilisation cliniques différentes de celles recommandées pour les seconds.
Pour les implants en titane à surface usinée, il a été conseillé, en particulier dans les secteurs postérieurs, d'utiliser un implant par unité prothétique, d'éviter les éléments en extension et, si possible, de placer les implants en tripode afin de limiter les complications biomécaniques potentielles (Rangert et al., 1989, 1997).
Ces recommandations ne s'appliquent pas au système ITI® en raison de l'ancrage osseux observé avec les surfaces rugueuses (Buser et al., 1998a) et de la solidité du complexe implant/pilier fondé sur le principe du cône morse (Sutter et al., 1988, 1993 ; Sutter, 1996 ; Merz et al., 2000). En effet, avec les implants ITI®, le remplacement de chaque unité occlusale manquante par un implant est réservé aux situations cliniques nécessitant l'emploi d'implants de diamètre réduit ou de 6 mm de longueur. En l'absence de 3 unités occlusales, la solution standard consiste à utiliser seulement 2 implants pour supporter un bridge de 3 éléments avec 1 élément intermédiaire central. Dans le cas où l'implant mésial ne peut pas être mis en place, un bridge de 3 éléments avec extension mésiale peut être réalisé. De façon plus exceptionnelle, la réalisation d'un bridge avec extension distale peut également être envisagée (Belser et al., 2000, 2001) (fig. 6, 7, 8, 9, 10 et 11).
Il est ainsi possible d'utiliser moins d'implants que d'éléments prothétiques, ce qui facilite l'adaptation de la restauration implanto-portée aux dimensions des zones édentées, rend le traitement plus simple et en réduit le coût.
Pour les implants à vis en titane à surface usinée, il a été conseillé d'en utiliser de la plus grande longueur possible et d'obtenir un ancrage bicortical (Brånemark et al., 1977 ; Brånemark, 1985 ; Adell et al., 1985 ; Bahat, 1993). Du fait de l'amélioration de l'ancrage osseux observée pour les implants à surface rugueuse, il paraît possible d'utiliser des implants plus courts. L'utilisation d'implants de longueur réduite permet de simplifier le déroulement du traitement (Bernard et al., 1995b). Puisqu'il n'est pas nécessaire de rechercher une longueur osseuse maximale, l'évaluation de la hauteur osseuse peut être réalisée avec un bilan radiographique simple (Belser et al., 1996c ; Bernard et al., 1996a, 1996b ; Gröndal, 1997 ; Bernard et Samson, 2000 ; Dula et al., 2001). La technique chirurgicale est également plus simple (Bernard et al., 1992b). Les implants ne sont pas posés en fonction de la situation osseuse mais en fonction de la future restauration prothétique (Bernard et al., 1996a). C'est le plan de traitement prothétique qui amène à décider de la position et de l'axe des implants et non le volume d'os disponible. Dans ces conditions, les étapes prothétiques ultérieures seront simplifiées (Belser et al., 1996b, 2000, 2001).
D'avril 1989 à novembre 2001, 3 309 implants ITI® non enfouis de 6 à 12 mm de longueur (fig. 12) ont été mis en place chez 1 327 patients dans les différentes situations cliniques d'édentement (fig. 13).
Le choix de l'utilisation d'implants a été effectué dans le cadre d'un plan de traitement global, après avoir déterminé l'existence d'éventuels facteurs de risque généraux ou locaux et avoir évalué les autres possibilités prothétiques. Cette démarche, effectuée en collaboration avec le patient, permet de lui donner les informations nécessaires à l'obtention de son accord éclairé (Belser et al., 1996c ; Bernard et al., 1996a). Un examen clinique et radiographique simple, le recours aux techniques tomodensitométriques restant pour nous limité à un très petit nombre d'indications particulières (Bernard et al., 1996b ; Bernard et Samson, 2000 ; Dula et al., 2001), est effectué avant l'intervention de mise en place des implants ITI® effectuée selon la technique chirurgicale en un temps (Bernard et al., 1992a ; Buser et von Arx, 2000a ; Buseret al., 2000b ; Weingart et ten Bruggenkate, 2000). Les résultats obtenus avec ces 3 309 implants courts, dont la majorité a été posée dans les secteurs postérieurs (fig. 14), sont extrêmement favorables puisque nous n'avons observé que 23 échecs précoces (0,7 %) et 29 échecs secondaires (0,9 %) sur une période de suivi atteignant plus de 12 ans pour les premiers implants posés.
Ces bons taux de succès sont également observés dans les situations considérées comme les plus difficiles (Bahat, 1993 ; Esposito et al., 1998 ; Schwartz-Arad et Dolev, 2000), telle la mise en place d'implants dans les secteurs postérieurs, en particulier maxillaires (Bernard et al., 2000b) ou dans l'os de faible densité (Bernard et al., 2001). Ces résultats extrêmement favorables observés avec des implants ITI® non enfouis d'une longueur maximale de 12 mm, y compris dans l'os de faible densité, sont en accord avec ceux de nombreuses autres études cliniques (ten Bruggenkate et al., 1990, 1991, 1998 ; Buser et al., 1990, 1997 ; van Gool et al., 1992 ; Weber et al., 1992b, 2000 ; Wedgewood et al., 1992 ; Wismeijer et al., 1992, 1999 ; Pham et al., 1994 ; Mericske-Stern et al., 1994, 2001 ; Bernard et al., 1995a ; Astrand et al., 1996 ; Donastsky et Hillerup, 1996 ; Behneke et al., 1997 ; Levine et al., 1997) et avec des études effectuées en cabinet privé (Bischof et al., 2001). Ils confirment le faible pourcentage de complications mécaniques ou biologiques observées avec ce type d'implants (Lang et al., 2000 ; Schwarz, 2000 ; Mericske-Stern et al., 2001).
La possibilité d'utiliser des implants courts est l'un des principaux avantages des implants ITI®. Il est ainsi possible d'utiliser des implants dans un plus grand nombre de situations cliniques et de limiter le recours aux techniques d'augmentation du volume osseux, contraignantes pour les patients et qui allongent de façon importante la durée du traitement.
Les différentes études expérimentales évaluant l'ancrage osseux ont montré une augmentation rapide des couples de desserrage correspondant à des taux élevés de contact avec l'os pour les implants à surface rugueuse (Buser, 1999a ), ce qui autorise à proposer des délais de cicatrisation plus courts pour ce type d'implants. Pour les implants ITI® à surface TPS, des délais de 3 mois, au maxillaire comme à la mandibule, sont préconisés depuis plusieurs années (Buser et al., 1998a). Les résultats très favorables observés avec les nouvelles surfaces rugueuses par soustraction, traitées par sablage et par attaque acide (Klokkevold et al., 1997 ; Buser et al., 1998b, 1999b ; Lazzara et al., 1999), amènent à proposer de nouvelles réductions des délais de cicatrisation (Lazzara et al., 1998).
Pour les implants ITI® à surface SLA qui ont montré des résultats très favorables en expérimentation animale (Cochran et al., 1996, 1998), des études cliniques ont confirmé ces résultats avec plus de 99 % de succès de l'ostéointégration obtenue après des délais de cicatrisation de seulement 6 semaines dans les situations osseuses standard (Cochran et al., 2002).
Cette évolution des délais de cicatrisation représente un changement très important de l'image de l'implantologie, qui apparaît encore souvent, aux yeux des patients et de nombreux praticiens, comme un traitement long et complexe à forte composante chirurgicale. En effet, l'association d'une technique en un seul temps chirurgical et d'une période de cicatrisation de seulement 6 semaines permet, en quelques séances, de réaliser une restauration prothétique sur implants dans des conditions et délais voisins de ceux des techniques traditionnelles et de donner ainsi une image de l'implantologie proche de celle des traitements dentaires habituels. Le choix de dispositifs prothétiques simples permettant, dans la majorité des indications, de réaliser des éléments scellés, participe également à la simplification des techniques et au rapprochement des techniques de restauration prothétiques sur implants et de celles de prothèse conventionnelle sur piliers naturels habituelles à l'ensemble des praticiens. Les éléments prothétiques plus sophistiqués étant réservés aux cas complexes ou aux indications esthétiques (Belser et al., 2000, 2001 ; Mericske-Stern et al., 2000 ; Scacchi et al., 2000 ; Taylor et al., 2000).
L'utilisation d'implants prévus pour une technique en un seul temps et à surface rugueuse semble également parfaitement adaptée aux techniques de mise en charge immédiate (Jaffin et al., 2000), dont l'intérêt a été récemment démontré pour de nombreuses situations cliniques (Tarnow et al., 1997 ; Ericsson et al., 2000 ; Szmukler-Moncler et al., 2000).
Parmi les critères considérés comme nécessaires pour l'ostéointégration, des conditions de stérilité voisines de celles utilisées pour la chirurgie orthopédique sont classiquement recommandées (Adell et al., 1985 ; van Steenberghe et Naert, 1998). Elles sont très difficiles à respecter en dehors d'un bloc opératoire et sont très contraignantes pour les patients ainsi que pour l'équipe chirurgicale dont la formation et le comportement doivent être adaptés. Ces mesures rendent le traitement très complexe et en augmentent le coût. En raison de l'impossibilité de rendre stérile la cavité buccale et, surtout, de la mise en place d'implants fréquemment réalisée en cabinet dentaire (Lambrecht et al., 1999), la nécessité de respecter des conditions de stérilité du type de celles utilisées en bloc opératoire pour la chirurgie orthopédique semble devoir être réellement évaluée (Scharf et Tarnow, 1993a).
De façon à préciser l'influence des conditions de stérilité chirurgicale sur les résultats de l'ostéointégration, nous avons réalisé 2 études cliniques prospectives pour comparer les taux d'échecs précoces survenant au cours de la période d'ostéointégration entre des conditions de stérilité chirurgicale strictes et des conditions d'asepsie plus simples, du type de celles habituellement utilisées pour la chirurgie buccale, et pour évaluer les résultats à long terme d'implants posés dans des conditions d'asepsie habituelles. Ces deux études nous ont permis de confirmer que des conditions de stérilité chirurgicales n'étaient pas nécessaires pour obtenir l'ostéointégration des implants (Bernard et al., 2000a) et que l'utilisation d'implants non enfouis dans les conditions d'asepsie habituelles en médecine dentaire permettait d'obtenir des taux de succès élevés (Bernard et al., 2000d ) ainsi que des taux d'échecs primaires comparables, voire inférieurs, à ceux observés pour des implants en deux temps posés en condition de stérilité chirurgicale (van Steenberghe et al., 1999 ; Zarb et Schmitt, 1990 ; Friberg et al., 1991 ; Esposito et al., 1998). Il s'agit d'une possibilité de simplification très importante du protocole chirurgical qui permet d'envisager beaucoup plus facilement qu'avant la pratique de l'implantologie chirurgicale en milieu dentaire.
Les conceptions prothétiques ont largement évolué au cours des dernières années parallèlement à l'évolution des indications. Des modèles d'implants différents, adaptés au remplacement des différents groupes dentaires, ont été mis au point. Avec les innovations récentes comme les implants à col étroit (NNI, narrow neck implant) ou au contraire à col large (WNI, wide neck implant) (fig. 1) et les différents types de moignons disponibles (fig. 15 et 16), le système d'implants ITI® permet de traiter l'ensemble des indications (Belser et al., 2000, 2001 ; Scacchi et al., 2000).
Les restaurations prothétiques fixes totales, essentiellement vissées, utilisées initialement pour le traitement des patients totalement édentés ont été progressivement complétées par des bridges de petite dimension et des restaurations unitaires (fig. 17) chez les patients partiellement édentés (Bernard et al., 1996a ; Belser et al., 2000, 2001).
Pour ces indications, la réalisation de structures scellées simplifie considérablement les étapes prothétiques. L'utilisation d'implants non enfouis avec limite supragingivale et structure prothétique scellée traditionnelle s'adapte particulièrement aux secteurs postérieurs (Bernard et al., 1992 ; Bernard et al., 1992 ; Belser et al., 1996 ; Belser et al., 1996). La position et l'axe de mise en place des implants en fonction de la future restauration prothétique permettent d'utiliser des moignons coniques pleins dont la jonction par cône morse avec l'implant garantit la stabilité et s'adapte parfaitement à la réalisation de structures scellées (Bernard et al., 1992a etb ; Sutter et al., 1993 ; Belser et al., 1996c ; Sutter, 1996 ; Merz et al., 2000). L'utilisation de systèmes d'aide à la prise d'empreinte, d'analogues de laboratoires et d'éléments prothétiques calcinables ou préfabriqués facilite considérablement la réalisation prothétique, qui devient plus simple que la réalisation d'éléments prothétiques sur piliers dentaires naturels (Belser et al., 2000, 2001 ; Scacchi, 2000 ; Taylor et al., 2000) (fig. 18, 19, 20 et 21).
Pour les indications esthétiques, la mise en place, plus profondément, d'implants prévus spécifiquement pour cette indication permet de masquer la limite sous la gencive, en évitant toutefois sa localisation au niveau de la crête osseuse, responsable d'une perte osseuse secondaire liée à la réorganisation d'un espace biologique (Hermann et al., 1997, 2001). Dans ces situations, des restaurations vissées, réalisées à partir de composants préfabriqués, permettent une précision maximale de l'adaptation marginale favorable au maintien à long terme de la stabilité du résultat esthétique (Belser et al., 1993, 1996a, 1998, 2000, 2001 ; Belser et Bernard, 1999 ; Bernard et al., 1993) (fig. 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35 et 36).
La combinaison de ces différents concepts permet d'apporter une solution adaptée aux différentes situations cliniques (fig. 37, 38, 39 et 40).
Au cours des 12 dernières années, de nombreuses évolutions ont été observées dans le domaine de l'implantologie, qui a pris une place de plus en plus importante en médecine dentaire. L'implantologie moderne s'est développée à partir du principe de l'ostéointégration qui a permis d'obtenir des taux de succès extrêmement favorables à long terme. Les recommandations initiales qui donnaient de l'implantologie une image de technique complexe ont pu être progressivement simplifiées en profitant de l'amélioration des connaissances et en maintenant la qualité des résultats. L'association d'une technique non enfouie et d'implants à surface rugueuse, qui permet de diminuer les délais de cicatrisation et qui a été initiée par le système d'implants ITI®, modifie totalement la perception du traitement par les patients. L'implantologie classique laissait l'impression d'un traitement complexe avec une part importante donnée à la chirurgie puis une période d'attente avant une seconde intervention, elle-même suivie d'une nouvelle période de cicatrisation. Au contraire, l'utilisation d'une technique en un temps, avec une intervention chirurgicale simple et la réalisation prothétique quelques semaines plus tard seulement, se rapproche de plus en plus des traitements dentaires conventionnels. Ces évolutions ont d'autres avantages puisque les implants prévus pour les techniques en un temps permettent une adaptation très favorable des tissus mous péri-implantaires. Il en est de même pour les surfaces rugueuses qui améliorent la qualité de l'ancrage osseux et permettent d'obtenir avec des implants courts des taux de succès élevés dans les situations osseuses difficiles. Ces simplifications des techniques accompagnent parfaitement l'augmentation constante des indications, conséquence des résultats obtenus, et devraient permettre, comme nous l'avons souhaité dès la mise en route de cette activité, de rendre ces techniques accessibles au plus grand nombre possible de patients et de praticiens.
Demande de tirés à part
Jean-Pierre BERNARD, Faculté de Médecine, Section de Médecine dentaire, Rue Barthélémy-Menn 19, CH-1205 GENÈVE, SUISSE.