Traitement optimal esthétique du maxillaire antérieur à l'aide de l'implant Brånemark - JPIO n° 2 du 01/05/2002
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2002

 

Articles

Patrick PALACCI  

Marseille

Parmi les patients pouvant bénéficier d'un traitement implantaire (Adell et al., 1985; Lekholm et Zarb, 1985), ceux qui présentent une ligne du sourire haute sont les plus difficiles à traiter. Ceci est particulièrement vrai dans le cas où il n'y a pas suffisamment de piliers naturels pouvant supporter une prothèse fixée conventionnelle et/ou lorsque les pertes des incisives maxillaires ont...


Résumé

Les phénomènes de résorption de la crête alvéolaire accompagnant la perte des dents antérieures vont compliquer le traitement implantaire. Une analyse préchirurgicale minutieuse associée à une grande précision lors de la mise en place des implants est la clé du succès implantaire. Une classification du maxillaire antérieur (Palacci et Ericsson) permettra d'évaluer l'état initial et le chemin à parcourir afin d'obtenir un résultat esthétique.

Parmi les patients pouvant bénéficier d'un traitement implantaire (Adell et al., 1985; Lekholm et Zarb, 1985), ceux qui présentent une ligne du sourire haute sont les plus difficiles à traiter. Ceci est particulièrement vrai dans le cas où il n'y a pas suffisamment de piliers naturels pouvant supporter une prothèse fixée conventionnelle et/ou lorsque les pertes des incisives maxillaires ont entraîné une migration apicale des procès alvéolaires.

Les obstacles anatomiques à ce type de traitement doivent être clairement identifiés. Le patient doit être capable de comprendre quels sont-ils et quelles sont les limites du traitement, mais il doit aussi avoir une vue réaliste de ce type de traitement dans le respect des facteurs biologiques.

Problèmes liés à la résorption de la crête

Des phénomènes de résorption de la crête alvéolaire accompagnent la perte des dents, que ce soit à la suite d'une simple extraction ou d'une maladie parodontale ou que ce soit lié au port d'une prothèse amovible iatrogène (fig. 1). L'os alvéolaire résiduel ou la crête alvéolaire se situera donc en position plus apicale et palatine.

Ces séquelles liées à la perte des dents vont compliquer l'élaboration de prothèses ostéo-ancrées. Outre la difficulté pour placer les implants dans la position vestibulaire adéquate, un positionnement inopportun en mésio-distal peut occasionner des difficultés d'ordre prothétique avec une incidence défavorable sur le résultat esthétique final, qui peuvent inclure des puits d'accès aux vis de serrage situés en position trop vestibulaire ou trop palatine, une épaisseur inadéquate de céramique, trop fine ou au contraire manquant de support, des profils d'émergence pouvant altérer l'esthétique de la restauration prothétique.

Clés d'un positionnement optimal des implants dans le secteur antéro-maxillaire

La coordination des étapes chirurgicales est certainement l'un des facteurs les plus importants pour que les résultats esthétiques et biomécaniques soient satisfaisants. Dans le secteur antérieur, les implants doivent être placés de façon que les trous d'accès aux vis soient linguaux ou palatins aux bords incisifs des restaurations. Des variations importantes d'inclinaison des implants peuvent compromettre la qualité du résultat esthétique.

Un positionnement précis est donc essentiel pour obtenir un résultat esthétique satisfaisant. Il est important pour le chirurgien, comme pour le prothésiste, de prédéterminer la position optimale des implants. Trois facteurs sont à prendre à considération.

Premièrement, l'étude des moulages, la mise en articulateur et le wax-up vont déterminer la position finale des dents. Il sera alors possible de définir:

- la dimension verticale physiologique;

- les relations interarcades;

- la forme des dents;

- la forme et le nombre des inters de bridge.

Deuxièmement, l'analyse clinique et la vérification du bien-fondé de l'analyse préchirurgicale (moulages, wax-up) permettront d'évaluer les critères esthétiques propres au patient à traiter:

- aspect psychologique;

- ligne du sourire;

- mobilité des lèvres;

- état et texture des tissus mous.

Le wax-up diagnostique ou le montage des dents sur cire mis en bouche permet de se faire une idée de l'objectif à atteindre. La position de ces dents peut être modifiée à ce moment en fonction:

- du support de lèvre désiré;

- de critères esthétiques propres au patient;

- d'éventuels problèmes phonétiques;

- de futurs problèmes d'hygiène liés à la position des implants et des embrasures des restaurations prothétiques.

Troisièmement, l'analyse radiologique précise (Scanora-Dentascan) permettra d'évaluer la possibilité de placer les implants dans les positions souhaitées car elle déterminera:

- la perte osseuse verticale;

- la perte osseuse horizontale;

- la présence d'obstacles anatomiques (concavités, perte de substance localisée).

Elle permettra également de révéler la présence d'images pathologiques conduisant à une position implantaire donnée par rapport à une autre pouvant paraître plus défavorable et d'évaluer la nécessité d'un recours à des techniques d'addition de tissu osseux (greffes) (Seibert, 1983; Seibert et Lindhe, 1997).

Dans une réhabilitation occlusale sur implants, l'unité implantaire (implant en titane et pilier) doit être considérée comme le substitut de la racine dentaire. D'un point de vue prothétique, les implants remplacent les racines en tant que support de la suprastructure, ils doivent donc être placés de façon à obtenir le meilleur résultat possible. Le degré de résorption osseuse ainsi que d'autres caractéristiques anatomiques doivent être pris en considération. De plus, il est important de garder à l'esprit que les composants implantaires supporteront des couronnes de tailles différentes. Le résultat optimal passe par le choix raisonné des composants prothétiques ainsi que par la précision dans le positionnement des implants.

Dans le système Brånemark, il existe une grande variété de composants prothétiques afin d'accéder à la demande de la majorité des prothésistes.

Les restaurations prothétiques peuvent être scellées (piliers Tri-Unit®) ou vissées (Multi-Unit®).

Il existe plusieurs hauteurs de piliers permettant au praticien de sélectionner les piliers adaptés à la hauteur de la muqueuse péri-implantaire présente et en rapport avec les exigences prothétiques requises.

Dans le cas de piliers unitaires, le pilier Cerane® est le plus utilisé, mais dans certains cas les piliers usinés Procera®, en titane ou en aluminium, s'adaptent le mieux à une certaine situation donnée.

Espaces interimplants et angulation des implants

Les succès implantaires dépendent de 2 facteurs:

- le respect d'un espace minimal entre 2 implants;

- le degré d'inclinaison vestibulaire de ces implants.

Espace entre 2 implants

La mise en place des implants reste fondée sur l'anatomie et le degré de résorption osseuse de la crête: quelle que soit la résorption de celle-ci, il faut respecter un espace de 3 mm de bord à bord, soit de 7 mm de centre à centre. Sur une arcade non résorbée, l'obtention de ces 7 mm entre les centres des 2 implants est facile à atteindre (Olsson et Lindhe, 1991; Olsson et al., 1993). Elle équivaut approximativement à la distance qui sépare le centre des dents antéro-maxillaires de la 15 à la 25 (un espace de 8,5 mm sépare les 2 incisives centrales).

En présence d'une résorption sévère, la circonférence de l'arcade va se réduire; il sera donc impossible de remplacer une dent par un implant et de respecter cet espace. Il faudra envisager de réduire le nombre d'implants afin de préserver des embrasures acceptables (fig. 2).

Inclinaison des implants

Une des importantes difficultés du traitement implantaire réside dans la présence de crête étroite en direction vestibulo-palatine. Une des options de traitement peut être l'utilisation d'implants de petit diamètre (NP). Cependant, si cette option peut s'avérer satisfaisante au niveau de la gestion de la quantité osseuse, elle ne l'est pas du point de vue de la position de l'implant sur l'arcade: il sera bien souvent situé en position trop palatine et il en résultera une disgrâce esthétique liée au profil d'émergence, à une dépression au niveau de la crête et à l'absence de papilles. De plus, dans le cas de dents unitaires, cette solution n'est souvent pas satisfaisante du point de vue biomécanique.

Une résorption sévère ou la présence d'une concavité importante dans la région apicale va donc contraindre le praticien à envisager une greffe osseuse, pour éviter un positionnement trop palatin ou une angulation trop prononcée de l'implant (fig. 3 et 4).

Augmentation de crête

Les techniques d'augmentation du volume des crêtes osseuses permettent de gérer les problèmes liés à l'inclinaison des implants (fig. 5 et 6). Placer une restauration dans le secteur esthétique nécessite souvent une augmentation de hauteur et d'épaisseur osseuses (Beirne et Brånemark, 1980 ; Lekholm et Zarb, 1985 ; Tolman, 1995).

La crête alvéolaire ne présentant pas de cavités naturelles susceptibles de contenir les particules osseuses, il faut donc prélever et placer des blocs d'os cortico-spongieux pouvant être fixés de façon rigide dans le lit receveur. Les sites donneurs intrabuccaux sont les tubérosités maxillaires, le menton et la région des ramus (Wood et Moore, 1988). Le greffon et le lit receveur doivent être préparés de façon à minimiser les hiatus entre les 2 parties. Le greffon sera stabilisé par des vis de fixation. Une période d'attente de 4 mois est nécessaire avant de pouvoir placer un implant. Ce positionnement sera grandement facilité par la nouvelle architecture de la crête alvéolaire (fig. 7, 8, 9 et 10

Classification du maxillaire antérieur (Palacci-Ericsson)

L'utilisation d'une classification tenant compte de la forme globale du secteur antéro-maxillaire (y compris les tissus mous) aidera le praticien dans son évaluation du contexte anatomique avant un traitement implantaire. Cette classification (Palacci et Ericsson, 2000a, Palacci et Ericsson, 2000b) est fondée sur les volumes des tissus mous, durs ou les deux, perdus dans les sens horizontal et vertical. Elle comprend 4 classes dans le sens vertical et 4 dans le sens horizontal.

Dans le sens vertical, la classe 1 correspond à une papille intacte ou légèrement réduite, la classe 2 à une diminution modérée de la papille, la classe 3 à une diminution importante de papille et la classe 4 à une absence de papille (fig. 11).

Dans le sens horizontal, la classe A correspond à des tissus vestibulaires intacts ou légèrement réduits, la classe B à une diminution modérée des tissus vestibulaires, la classe C à une perte sévère des tissus vestibulaires et la classe D à une perte extrême des tissus vestibulaires avec souvent une quantité limitée de muqueuse attachée (fig. 12).

Toutes les combinaisons de ces différentes classes sont bien sûr possibles et chaque patient doit être considéré comme unique.

La qualité du résultat dépend de la compréhension qu'a acquise le praticien de la complexité du traitement global. La classification du secteur antéro-maxillaire est utilisée pour identifier le contexte anatomique avant le traitement et va guider le clinicien dans son choix de l'option thérapeutique appropriée pour atteindre l'objectif fixé. Certains traitements (par exemple, pour la classe 1A) ne consistent normalement qu'en un positionnement correct des implants et en un léger aménagement des tissus mous lors du deuxième stade chirurgical. A l'opposé, pour obtenir des résultats acceptables dans la classe 4D, il faudra avoir recours à des augmentations de volume des tissus durs et mous avant, pendant ou après la mise en place des implants.

Un bon résultat esthétique passe parfois par l'augmentation du volume des tissus mous, par exemple leur obtention en quantité suffisante permettra de recréer une papille perdue. Selon la perte de volume de la crête alvéolaire, les qualité et quantité suffisantes de tissus mous disponibles/présents et les besoins d'une augmentation de volume de la crête, les augmentations de volume des tissus durs peuvent avoir lieu aussi bien durant les stades 1 que 2 chirurgicaux.

Le cas clinique suivant illustre tous les différents points précédemment évoqués (fig. 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26 et 27).

Conclusion

Une identification précoce des problèmes posés, une analyse minutieuse des possibilités de traitement dans le respect des impératifs biologiques associées à une séquence de traitement adéquate permettront d'obtenir un résultat fonctionnel et esthétique optimal. Quatre facteurs interviennent dans le succès en implantologie:

- la chirurgie pré-implantaire d'augmentation;

- la précision du positionnement des implants;

- l'aménagement des tissus mous péri-implantaires;

- la qualité de la restauration prothétique.

Ceci étant assimilé, les implants dentaires offrent une excellente solution de remplacement à l'édentement maxillaire antérieur. Le praticien doit donc considérer le traitement implantaire comme une option de traitement pour les patients, qu'ils soient jeunes, adultes et même plus âgés.

Demande de tirés à part

Patrick PALACCI, 8, rue Farges, 13008 MARSEILLE – FRANCE. E-mail: patrick@palacci.com

BIBLIOGRAPHIE

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