CLASSIFICATION DES MALADIES PARODONTALES - JPIO n° 4 du 01/11/2002
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2002

 

Articles

Xavier STRUILLOU  

UFR d'Odontologie,
Service de Parodontologie,
Paris-VII

Résumé

Les connaissances scientifiques des maladies parodontales ont évolué au cours des dix dernières années. Une nouvelle classification de ces maladies a été proposée en 1999. Issue d'une conférence internationale de consensus, elle se veut plus simple qu'auparavant et tient compte des différents éléments de diagnostic ainsi que des données épidémiologiques récentes. Les principales modifications sont la reconnaissance des maladies gingivales et la distinction de trois types de parodontites : les parodontites agressives, les parodontites chroniques et les parodontites en tant que manifestations de maladies systémiques. De nouvelles sections ont été ajoutées pour les maladies parodontales nécrosantes, les abcès parodontaux et les parodontites associées à des lésions endodontiques.

Summary

Our scientific knowledge of periodontal diseases has increased over the last ten years. As a result of an international workshop, a new classification of periodontal diseases was proposed in 1999. This aims to be simpler and to take into account various aspects of the diagnosis and also recent epidemiological data. The major changes include the recognition of gingival diseases and the division of periodontitis into three categories : aggressive periodontitis, chronic periodontitis and periodontitis as a manifestation of systemic diseases. New sections have been added for necrotizing periodontal diseases, periodontal abscesses and periodontitis associated with endodontic lesions.

Key words

Periodontal diseases, gingival diseases, classification, aggressive periodontitis, chronic periodontitis

INTÉRÊT DES CLASSIFICATIONS DES MALADIES PARODONTALES

Quel est l'intérêt d'une classification des maladies parodontales, aussi bien pour le chercheur que le clinicien ?

Ces maladies sont reconnues comme étant inflammatoires et d'origine infectieuse. A ce titre, de très nombreux phénomènes complexes vont entrer en jeu dans leur histoire naturelle et leur pathogénie. La classification a pour but de considérer l'ensemble de ces mécanismes et de les pondérer en fonction des données scientifiques et épidémiologiques récentes, afin de les comparer aux données propres au patient et d'aboutir à un diagnostic parodontal. De ce diagnostic, mis en rapport avec les données occlusales et éventuellement préprothétiques, découleront un plan de traitement et un pronostic adapté à la spécificité de chaque patient.

L'établissement du diagnostic, à l'aide des critères fournis par les classifications, est donc une étape très importante dans la prise en charge des maladies parodontales.

Pour la recherche, la classification est le seul moyen de réaliser des études épidémiologiques ou cliniques (afin de valider de nouvelles approches thérapeutiques) et de rendre les résultats comparables entre eux.

Une nouvelle classification des maladies parodontales a été proposée en 1999 (Annals of Periodontology, 1999). Issue d'une conférence de consensus mondiale, elle se veut la synthèse, plus clinique et plus exhaustive qu'auparavant, de l'évolution des connaissances au cours des dix dernières années. Elle marque également un souci de simplification face à un système antérieur de classification jugé trop étroit et trop rigide. Bien sûr, elle présente des lacunes car elle a pour but d'essayer de définir une forme particulière de maladie parodontale à partir d'un certain nombre d'éléments cliniques (inflammation, saignement, indice de plaque, etc.) et médicaux (présence ou non d'une maladie systémique associée), d'examens complémentaires (bilan radiologique, prélèvement bactérien) et de l'âge du patient. Dans la classification de 1989 (The American Academy of Periodontology, 1989), l'âge du patient avait été considéré comme un des éléments clés mais, au cours de la dernière décennie, il est apparu que c'était un facteur arbitraire et non primordial par rapport à d'autres éléments tels que l'évolutivité de la maladie et/ou son agressivité.

Le but idéal d'une classification est de faire la synthèse entre, d'une part, les connaissances des phénomènes pathogéniques des maladies parodontales et, d'autre part, les éléments propres au patient qui consulte. A l'aide de ces derniers, le praticien doit pouvoir établir un diagnostic qui soit le reflet le plus exact possible du schéma clinique. Dans le cadre des maladies parodontales, si le facteur étiologique est unique, ce n'est pas le cas de la plaque bactérienne ainsi que des facteurs modifiants et aggravants qui sont très nombreux. On peut donc parler de maladies multifactorielles, ce qui rend le diagnostic plus ardu mais justifie pleinement l'utilisation de classifications qui servent de ligne conductrice tout au long du traitement parodontal.

Les maladies parodontales peuvent être schématiquement divisées en deux grands groupes que nous aborderons successivement :

- les maladies limitées aux tissus parodontaux superficiels, c'est-à-dire les gingivites ;

- les maladies qui intéressent les tissus parodontaux profonds de soutien des dents, c'est-à-dire les parodontites.

GINGIVITES

Les gingivites induites par la plaque bactérienne représentent l'atteinte gingivale la plus fréquente (Page, 1985). Elles peuvent survenir à tout âge (chez l'enfant et l'adulte) avec une prévalence pouvant atteindre 95 % dans une population adulte (Hugoson et al., 1992). Depuis l'étude de la gingivite expérimentale chez l'homme (Löe et al., 1965), le rôle étiologique de la plaque bactérienne est reconnu (fig. 1 et 2). Chez des patients présentant un parodonte sain, l'arrêt de tout contrôle de plaque entraîne l'apparition d'une inflammation gingivale, d'abord discrète, limitée à la gencive marginale, puis de plus en plus marquée avec le temps. Cette atteinte gingivale est totalement réversible sans séquelles, la reprise d'un contrôle de plaque adéquat permettant un retour rapide à la situation initiale de parodonte sain. Cliniquement, les gingivites sont des maladies n'atteignant que le parodonte superficiel (épithélium et tissu conjonctif gingival) sans affecter le parodonte profond (ligament, cément, os alvéolaire). La gencive est inflammatoire, rouge, œdématiée, lisse et elle peut présenter un saignement spontané ou provoqué au sondage. Toutefois, les sites atteints ne présentent aucune perte d'attache et l'examen radiologique montre une intégrité des structures osseuses.

Ces affections limitées au parodonte superficiel sont totalement réversibles après l'instauration d'une méthode de brossage et d'un contrôle de plaque strict, ainsi qu'après l'élimination des différents facteurs de rétention de plaque (tartre, odontologie restauratrice inadaptée).

Les différentes caractéristiques des gingivites induites par la plaque bactérienne sont résumées dans le tableau I .

Par ailleurs, différents facteurs systémiques peuvent favoriser la survenue de gingivites, notamment les modifications hormonales lors de la puberté, des cycles menstruels ou au cours de la grossesse. Les signes cliniques restent identiques ; ces affections sont toujours limitées au parodonte superficiel et sont réversibles, en présence d'un bon contrôle de plaque, après la puberté, l'ovulation ou la fin de la grossesse.

Un diabète non équilibré peut également être un terrain favorable à l'apparition des gingivites.

La prise de certains médicaments peut aussi provoquer des modifications gingivales, entre autres les immunosuppresseurs (telle la cyclosporine A), les anticonvulsivants (telle la phénytoïne) et les bloqueurs des canaux calciques (tels la nifédipine et le diltiazem).

Même si la plaque bactérienne est le facteur étiologique de la plus grande majorité des maladies gingivales (Mariotti, 1999), d'autres affections peuvent trouver leur origine ailleurs (Holmstrup, 1999).

L'International Workshop for a Classification of Periodontal Diseases (Annals of Periodontology, 1999) a proposé une classification des différentes maladies gingivales limitées au parodonte superficiel (tableau II).

CLASSIFICATIONS DES MALADIES PARODONTALES DE 1982 À 1993

En règle générale, toutes les classifications proposées entre 1982 et 1993 (tableau III) distinguent deux grands types de parodontites : d'une part, les parodontites de l'adulte, à évolution lente et qui surviennent après 35 ans et, d'autre part, les parodontites à début précoce, à évolution beaucoup plus rapide et qui touchent des sujets beaucoup plus jeunes (enfants et jeunes adultes).

Parodontites à début précoce

Parodontite prépubertaire

Décrite par Page et Schroeder en 1982, la parodontite prépubertaire intéresse des sujets très jeunes, à la denture lactéale ou mixte. Son évolution est rapide, associée à une alvéolyse touchant aussi bien les dents lactéales que les dents définitives. Le World Workshop in Clinical Periodontics (The American Academy of Periodontology, 1989) distingue deux formes de parodontite prépubertaire :

- une forme généralisée, associée à une inflammation gingivale importante et à une alvéolyse rapide qui aboutit à la perte des dents ;

- une forme localisée, où l'inflammation est beaucoup plus discrète et l'évolution plus lente.

Il faut noter que ces affections sont très rares et le plus souvent associées à un désordre systémique (trouble de la lignée des neutrophiles ou des macrophages) et qu'elles peuvent être considérées comme l'expression buccale d'un syndrome systémique.

Le pronostic de ces parodontites exceptionnelles reste très mauvais et conduit souvent à la perte des organes dentaires (aussi bien des dents lactéales que définitives) avec un risque vital en raison d'un défaut du système de défense.

Parodontite juvénile

La parodontite juvénile touche des adolescents et de très jeunes adultes (jusqu'à 25 ans). Elle est décrite sous deux formes : localisée ou généralisée (fig. 3, 4, 5 et 6). Sa prévalence reste faible dans les pays occidentaux (1 cas pour 1 000 individus) mais est plus marquée dans d'autres pays (Chili et Maroc, par exemple).

La parodontite juvénile localisée intéresse classiquement les incisives et les premières molaires, au niveau desquelles on retrouve des poches parodontales profondes associées à une alvéolyse horizontale et/ou verticale. Les lésions sont souvent présentes de façon symétrique (lésions en miroir côté droit et côté gauche). De plus, la quantité des dépôts de plaque est en inadéquation avec la sévérité des lésions observées et l'inflammation gingivale est discrète. Une corrélation importante a été démontrée entre cette forme clinique et la présence d'une infection exogène par Actinobacillus actinomycetemcomitans au niveau des sites atteints.

La parodontite juvénile généralisée intéresse des patients un peu plus âgés, en fin d'adolescence ou jeunes adultes. En plus des localisations caractéristiques des parodontites juvéniles, on retrouve des lésions sur d'autres dents (canines, prémolaires, secondes molaires) réparties au hasard. Dans ce type d'affection, les dépôts de plaque et l'inflammation gingivale sont beaucoup plus marqués que dans la précédente.

Parodontite à progression rapide

Cette parodontite affecte des sujets jeunes, entre 20 et 35 ans. La plupart des dents sont touchées et les signes cliniques (inflammation gingivale, dépôts de plaque) sont souvent faibles par rapport à l'étendue des destructions parodontales et à la vitesse d'évolution de la maladie. Radiologiquement, on note une lyse osseuse importante et la présence de lésions angulaires plus nombreuses que dans le cas de la parodontite à évolution lente.

D'après Page (1985), les caractéristiques de la parodontite à progression rapide sont les suivantes :

- l'âge d'apparition se situe entre la fin de la puberté et 35 ans ;

- les lésions sont généralisées, affectant la majorité des dents, sans distinction particulière ni localisation spécifique ;

- certains patients peuvent présenter des antécédents de parodontite juvénile ;

- il existe des phases de destruction osseuse rapide et sévère, à l'issue desquelles le processus destructeur peut cesser spontanément ou devenir beaucoup plus lent ;

- durant la phase active de la maladie, le tissu gingival présente une inflammation marquée avec prolifération marginale. Durant la phase de quiescence, les tissus peuvent apparaître comme indemnes d'inflammation ;

- les quantités de dépôts sont très variables ;

- 83 % des patients présentent des défauts fonctionnels au niveau des neutrophiles ou des monocytes.

En 1988, Suzuki propose de distinguer deux formes de parodontites à progression rapide :

- la parodontite à progression rapide de type A, associée à une faible présence de plaque et d'inflammation ; elle touche des patients jeunes (entre 14 et 26 ans) ;

- la parodontite à progression rapide de type B, associée à d'importants dépôts de plaque et à une inflammation marquée ; elle touche des patients plus âgés (entre 26 et 35 ans).

Pourtant cette classification de « parodontite à progression rapide » ne fait pas l'unanimité compte tenu des différents critères d'inclusion utilisés. Dans le First European Workshop on Periodontology (Lang et Karring, 1994), la notion de parodontite à progression rapide est remise en cause en raison du manque de données épidémiologiques et de la grande hétérogénéité des formes cliniques rencontrées. De plus, la classification, fondée sur l'âge, pose deux problèmes : pour les jeunes adultes, il y a souvent des difficultés à distinguer une parodontite à progression rapide d'une parodontite juvénile généralisée et, pour les patients âgés de plus de 35 ans, on ne peut plus parler de parodontite à progression rapide même en présence d'un schéma clinique rapidement évolutif.

Parodontite de l'adulte

La parodontite de l'adulte représente la forme la plus courante des maladies parodontales. Survenant chez des patients de plus de 35 ans, son évolution est marquée par une alternance de phases d'activité destructrice et de phases de rémission, au cours desquelles la perte d'attache est très lente, voire nulle. Radiologiquement, la résorption osseuse progresse lentement et est caractérisée par une alvéolyse majoritairement de type horizontal. Des facteurs locaux (odontologie restauratrice inadaptée, malpositions dentaires, etc.) ou environnementaux (stress, tabac) ainsi que le diabète (surtout s'il n'est pas équilibré) peuvent aggraver la destruction parodontale causée par la plaque bactérienne, qui est l'agent étiologique. Le système immunitaire est normal sur le plan de la fonction ou de la chimiotaxie des neutrophiles ou des monocytes. La parodontite sera qualifiée de débutante, de modérée ou de sévère suivant le degré de perte d'attache.

Parodontite réfractaire

Dans la classification du World Workshop in Clinical Periodontics (The American Academy of Periodontology, 1989), la parodontite réfractaire apparaît comme une entité clinique propre. Elle se caractérise par l'absence de stabilisation de la maladie parodontale quelles que soient les thérapeutiques utilisées (chirurgicales ou non). La perte d'attache est continue malgré le traitement parodontal et un contrôle de plaque satisfaisant.

Toutefois, seuls quelques sites répondent défavorablement au traitement parodontal. La très grande variété des formes cliniques rencontrées ainsi que l'absence de prévisibilité des sites qui répondront négativement au traitement parodontal ont amené à la remise en question de ce type d'affection comme entité clinique spécifique.

Demande de tirés à part

Xavier STRUILLOU, UFR d'Odontologie, 5, rue Garancière, 75006 PARIS - FRANCE.

BIBLIOGRAPHIE

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