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A. BORGHETTI * M.-F. LIÉBART **
Pour la première fois en 1988, Preston D. Miller a proposé de remplacer l'appellation « chirurgie mucogingivale » par « chirurgie plastique parodontale ». Cette évolution de la terminologie était destinée à prendre en compte la dimension esthétique et elle inclut désormais un large éventail de techniques.
L'esthétique du sourire est déterminée non seulement par la forme, la couleur et la position des lèvres et des dents mais aussi par leur...
La chirurgie plastique parodontale est essentiellement une chirurgie additive, mais peut être, dans certaines situations, résectrice. Dans ce cas, elle permet de traiter les asymétries gingivales par excès de tissus, l'éruption passive incomplète et l'accroissement gingival. Elle sera associée à de la chirurgie orthognathique, à de l'orthodontie et à de la dentisterie restauratrice dans le cas d'un excès de croissance antérieur du maxillaire. Le traitement consiste en une gingivectomie et/ou un lambeau positionné apicalement, associés ou non à une résection osseuse. Plus rarement, à la suite de la dépose d'une ancienne prothèse fixée ou de l'avulsion d'une dent égressée, la crête édentée peut être déformée par excès. La chirurgie plastique parodontale résectrice permet alors de remodeler les tissus mous et/ou les tissus durs afin de retrouver une hauteur de pontique harmonieuse.
Pour la première fois en 1988, Preston D. Miller a proposé de remplacer l'appellation « chirurgie mucogingivale » par « chirurgie plastique parodontale ». Cette évolution de la terminologie était destinée à prendre en compte la dimension esthétique et elle inclut désormais un large éventail de techniques.
L'esthétique du sourire est déterminée non seulement par la forme, la couleur et la position des lèvres et des dents mais aussi par leur rapport avec les tissus gingivaux. La chirurgie plastique parodontale peut modifier l'aspect et la morphologie gingivale (Borghetti et Monnet-Corti, 2000).
La chirurgie plastique est essentiellement une chirurgie d'apport tissulaire, mais il existe aussi quelques indications de chirurgie plastique résectrice. Celle-ci permet de traiter les excès de tissus qui engendrent un préjudice esthétique afin de rétablir une harmonie et une continuité de la gencive marginale (Johnson, 1990). La possibilité de réduire ou non un excès tissulaire par la chirurgie dépend de la possibilité d'allonger la couronne clinique. Il faut préalablement analyser la position de la ligne du sourire, le contour gingival et la ligne esthétique gingivale (Borghetti et Monnet-Corti, 2000).
Nous nous proposons d'analyser la correction par chirurgie plastique résectrice de l'asymétrie de la ligne des collets, du sourire gingival et de la crête déformée par excès, à l'exclusion de l'élongation coronaire à visée esthétique traitée par ailleurs.
La ligne des collets est déterminée par le niveau de la gencive marginale des dents maxillaires. Elle est harmonieuse lors du sourire quand elle suit le bord inférieur de la lèvre supérieure, quand les festons gingivaux des incisives centrales sont symétriques - soit au même niveau, soit à 1 mm apicalement à ceux des incisives latérales -, quand ceux des canines sont au même niveau ou plus apicaux que ceux des incisives centrales et quand ceux des incisives latérales ne sont jamais plus apicaux que ceux des canines. Les zéniths gingivaux marginaux des incisives centrales et des canines doivent être alignés selon une tangente appelée la ligne esthétique gingivale (Borghetti et Monnet-Corti, 2000).
Parmi les préjudices esthétiques, les asymétries gingivales se traduisant par un excès, sont fréquentes dans le secteur antérieur. Les plus inesthétiques sont celles concernant les deux incisives centrales maxillaires. Elles ont pour cause une éruption passive incomplète, un traumatisme dans l'enfance ayant perturbé l'éruption normale des dents, une malposition dentaire ou la présence d'une prothèse défectueuse.
Un sourire peut être asymétrique sans pour autant être dysharmonieux car la symétrie du contour gingival dépend non seulement de l'alignement dentaire mais aussi du plan d'occlusion (fig. 1).
Le traitement peut concerner une dent ou tout un secteur. Il peut être associé à de l'orthodontie et/ou une prothèse. Selon l'étiologie, il fait appel à un recouvrement radiculaire ou bien à une chirurgie résectrice : l'élongation coronaire (fig. 2a, 2b et 2c ).
Un sourire est dit « gingival » lorsque plus de 3 mm de gencive sont visibles. Il est causé par un excès vertical de croissance maxillaire ou une éruption passive incomplète souvent associée à une lèvre supérieure tonique et courte. Il peut se rencontrer chez les patients atteints d'un accroissement gingival.
Le sourire gingival est disgracieux quand il existe une disproportion entre la quantité de gencive visible et la hauteur des dents.
L'éruption passive incomplète est encore appelée éruption passive altérée ou retardée. Il s'agirait d'une anomalie du développement faisant que cette éruption, intervenant après l'éruption active, serait stoppée dans son évolution. Cliniquement, on constate l'aspect de dents courtes et carrées dû au fait que la gencive recouvre une partie des faces vestibulaires. En fonction de la quantité de tissu kératinisé, Coslet et al. (1977) distinguent la classe I (hauteur augmentée de tissu kératinisé) et la classe II (hauteur normale de tissu kératinisé). Le sondage permet de différencier les sous-groupes IA et IB. Dans le premier, la distance entre le niveau de la jonction amélo-cémentaire et la crête osseuse est supérieure à 1 mm, ce qui est suffisant pour l'insertion des fibres d'attache du tissu conjonctif de l'espace biologique (Viargues et Meyer, 1995). Dans le second, la distance entre le niveau de la jonction amélo-cémentaire et la crête osseuse est inférieure à 1 mm, c'est-à-dire de dimension réduite pour l'insertion des fibres d'attache du tissu conjonctif. Il y a une surdimension vestibulo-palatine de l'os alvéolaire. Cette augmentation d'épaisseur de la table osseuse autorise une angulation de la crête osseuse en direction du ligament parodontal. Il existe alors une surface cémentaire disponible pour l'ancrage des fibres conjonctives. Le sondage n'enregistre que la partie la plus coronaire de l'os (Coslet et al. 1977 ; Evian et al., 1993 ; Dolt et Robbins, 1997 ; Levine et McGuire, 1997 ; Borghetti et Monnet-Corti, 2000 ; Moshrefi, 2000 ; Weinberg et Eskow, 2000 ; Rechter et Corsair, 2002).
L'excès de croissance maxillaire antérieure crée une dysplasie squelettique.
Garber et Salama (1996) ont proposé une classification de l'excès vertical maxillaire en fonction de son degré de sévérité :
- degré I, de 2 à 4 mm de gencive sont visibles ;
- degré II, de 4 à 8 mm de gencive sont visibles ;
- degré III, plus 8 mm de gencive sont visibles.
L'excès de croissance maxillaire antérieure peut aussi être associé à une éruption passive incomplète.
La chirurgie plastique résectrice permet de traiter le degré I. Par contre, les degrés II et III nécessitent un traitement pluridisciplinaire associant la chirurgie plastique résectrice à la chirurgie orthognathique, à l'orthodontie et à la dentisterie restauratrice.
L'accroissement gingival est une gingivopathie qui se caractérise par une augmentation de volume de la gencive. Il peut être secondaire à une accumulation de plaque dentaire, à une respiration buccale, à la présence de verrous orthodontiques, mais surtout à la prise de certains médicaments : immunosuppresseurs prescrits à la suite de transplantations d'organe (cyclosporine), antiépileptiques (phénytoïne) et inhibiteurs calciques (nifédipine) (Liébart et Borghetti, 2000). L'accroissement gingival atteint surtout les dents antéro-supérieures en commençant par les papilles interdentaires. La gencive recouvre ensuite les faces vestibulaires, formant ainsi des pseudo-poches. Est alors créé un préjudice esthétique nécessitant, dans les cas les plus sévères, le recours à la chirurgie plastique résectrice.
La chirurgie plastique résectrice peut permettre aussi de traiter un sourire gingival causé par l'égression des dents compensant une importante abrasion des bords libres (Bensimon, 1999).
La chirurgie plastique parodontale résectrice est associée si nécessaire à l'orthodontie et à la prothèse et permet d'harmoniser le contour gingival. Elle peut être effectuée par une gingivectomie à biseau interne ou par un positionnement apical du tissu gingival existant. Une résection osseuse y est le plus souvent associée. Le choix de la technique chirurgicale dépend de l'examen clinique : un sondage qui permet de déterminer la position de la jonction amélo-cémentaire, la quantité de gencive kératinisée et la profondeur du sulcus. La chirurgie plastique résectrice modifie la forme et la proportion des dents afin de retrouver des couronnes cliniques de hauteur harmonieuse (Allen, 1993 ; Townsend, 1993 ; Levine et McGuire, 1997 ; Robbins, 1999 et 2000 ; Jorgensen et Nowzari, 2001) (fig. 3a, 3b, 3c, 3d, 3e, 3f et 3g).
La gingivectomie est la technique de choix lorsque la gencive kératinisée existe en très grande quantité. Dans une situation intermédiaire, elle peut être associée à un positionnement apical. Elle permet de traiter une éruption passive de type I et un accroissement gingival. Un trait au crayon sur la gencive aide à guider le tracé d'incision festonné réalisé à la lame 15 en biseau interne jusqu'au contact des tissus durs. L'excès de tissu mou est éliminé à l'aide d'une curette. Une gingivoplastie peut permettre de réduire une épaisseur trop importante de tissu et d'améliorer le contour gingival. L'intervention est simple, rapide et sans douleur.
Dans l'éruption passive de type IB où un rebord osseux est visible après l'excision des tissus mous, un décollement de pleine épaisseur doit être réalisé afin de permettre une résection osseuse (Wolffe et al., 1994).
Le lambeau positionné apicalement est indiqué lorsque la hauteur de tissu kératinisé est faible ou moyenne. Il est effectué selon la technique habituelle de l'élongation coronaire (Brägger et al., 1992 ; Taieb et al., 1999).
Une crête édentée peut quelquefois présenter un excès de tissu mou et/ou de tissu dur. Une chirurgie résectrice peut permettre de retrouver une hauteur de pontique harmonieuse.
A la dépose d'une ancienne prothèse fixée, on peut constater la présence d'un accroissement inflammatoire des tissus mous associé à un contrôle de plaque insuffisant et/ou à une compression du pontique. Il convient alors de supprimer les facteurs étiologiques et d'attendre le retour à l'état de santé sous la prothèse fixée provisoire. Un excès de tissu mou résiduel est corrigé par gingivectomie-gingivoplastie.
Après avulsion d'une dent égressée ou après cicatrisation parfaite avec néoformation osseuse « pic à pic » sans qu'il se produise de résorption osseuse des septa adjacents, l'os crestal peut être situé à un niveau trop coronaire. L'excès de tissu dur est remodelé sous un lambeau d'épaisseur totale (Garber et Rosenberg, 1981) (fig. 4a, 4b, 4c, 4d, 4e, 4f, 4g, 4h et 4i .
Si la chirurgie plastique parodontale est le plus souvent additive, elle peut être résectrice dans les situations décrites. La résection des tissus mous et/ou durs peut améliorer l'esthétique du secteur antérieur. Mais compte tenu de la visibilité de la zone, la chirurgie plastique parodontale résectrice doit être effectuée avec prudence et dans le respect des règles esthétiques à bien connaître.
Demande de tirés à part
Alain BORGHETTI : 22, rue Amavet - 13500 MARTIGUES - FRANCE.