Le traitement chirurgical des maladies parodontales par les techniques résectrices : l'ostéoplastie et le positionnement apical - JPIO n° 2 du 01/05/2003
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2003

 

Articles

F. ALCOUFFE *   C. MATTOUT **  


*Paris
**Marseille

Le titre de cet article précise que le traitement chirurgical corrige les effets d'une maladie, mais ne guérit pas cette maladie. Il s'agit d'un traitement symptomatique, qui ne peut être envisagé et considéré comme bénéfique que s'il est intégré dans une stratégie globale de prévention secondaire.

Evolution des concepts chirurgicaux

L'histoire de la chirurgie parodontale peut être divisée en deux grandes...


Résumé

Le concept de l'élimination des poches par la chirurgie osseuse résectrice est ancien, il se fonde sur les techniques d'ostéoplastie associées au positionnement apical des lambeaux.

Lorsqu'il est impossible de mettre en œuvre des techniques de reconstruction, cette approche chirurgicale conserve toute son actualité car elle a prouvé son efficacité à long terme. Après avoir situé ce concept dans l'évolution de la philosophie du traitement parodontal au cours des années, la technique chirurgicale, les résultats biologiques et cliniques seront successivement traités.

Le titre de cet article précise que le traitement chirurgical corrige les effets d'une maladie, mais ne guérit pas cette maladie. Il s'agit d'un traitement symptomatique, qui ne peut être envisagé et considéré comme bénéfique que s'il est intégré dans une stratégie globale de prévention secondaire.

Evolution des concepts chirurgicaux

L'histoire de la chirurgie parodontale peut être divisée en deux grandes périodes, toutes deux axées sur le symptôme de la maladie : la poche parodontale. La première fut dominée par l'élimination (ou la réduction) de la poche, avec l'utilisation des techniques résectrices. Pendant la seconde, la tentative de régénération du support parodontal perdu fut l'idée essentielle. Il est difficile de situer précisément la date charnière entre les deux. Il existe, là aussi, deux espaces temps à considérer, le temps de la recherche d'abord, puis celui de l'application en routine clinique, forcément décalé par rapport au premier. La littérature médicale nous enseigne que, dès 1934, Beube et Silvers (cités par Cross, 1957) « pensaient » régénération en comblant des défauts osseux sur modèle animal avec de la poudre d'os bovin. Cette démarche a connu son aboutissement avec la régénération ad integrum de l'appareil d'attache prouvée pour la première fois par Nyman et al. (1982).

On peut considérer que les comblements ont trouvé leur application clinique au début des années 1980 et les barrières permettant la régénération tissulaire guidée à partir du milieu de cette même décennie. Les bons résultats enregistrés ont amené une logique désaffection des techniques résectrices dont on considérait, avec raison, qu'elles mutilaient encore davantage un parodonte déjà affecté par la maladie. C'est vers la fin des années 1990 que les premières études longitudinales ont remis en cause le bien-fondé des thérapeutiques de régénération et amené, là encore logiquement, un retour aux techniques antérieures résectrices.

Historique de la chirurgie osseuse résectrice

La chirurgie osseuse résectrice a été marquée, environ jusqu'aux années 1980, par l'identification de la poche parodontale à la maladie parodontale, celle-là n'étant pas appréhendée, comme il est écrit dans la justification du titre, comme un effet distinct d'une cause mais comme consubstantielle à la maladie. Dans ce paradigme, l'élimination de la poche amenait, ipso facto, l'élimination de la maladie elle-même. Cette logique fut servie d'abord par la gingivectomie (Fauchard, 1961) puis par le déplacement apical des tissus mous de recouvrement à un niveau aussi proche que possible de celui de l'os remodelé. C'est cette réclinaison préalable d'un lambeau d'épaisseur totale qui permet l'abord osseux direct.

Il est vraisemblable que l'intervention devait être courante dès le XIXe siècle car, en 1883, Marshall publia un rapport sur un cas de chirurgie osseuse qui avait été forcément précédée de ce qui fut appelé plus tard une opération à lambeau. En 1965, Robicsek rapporta (Stern et al., 1965) que son père s'était rendu compte que la résection des cratères interdentaires était nécessaire afin d'améliorer l'architecture osseuse et la mettait en pratique vers 1884.

La première description complète connue est celle de Neumann en 1920 (qui en revendiquait la pratique depuis 1911). La technique est indiquée, selon lui, dès lors que la perte osseuse s'élève à un tiers du soutien radiculaire. Il décrit un lambeau muco-périosté limité par deux incisions de décharge situées au niveau des papilles et s'étendant à la muqueuse alvéolaire. L'incision horizontale est sulculaire et dirigée vers la crête osseuse. La réclinaison des deux lambeaux (vestibulaire et lingual) est importante puisqu'elle doit dégager l'os jusqu'au niveau apical des dents. Neumann insiste sur la nécessité de l'élimination totale du tartre radiculaire ainsi que de la granulation.

L'action sur l'os est discrète, il s'agit d'une élimination superficielle de l'os infecté (souligné par nous). Le lambeau est ensuite replacé (idem) à son niveau initial, sauf au niveau des poches très profondes où une gingivectomie de 2 mm environ est pratiquée. Dans les zones de poches peu profondes, Neumann se contente d'un curetage. Il considère que le protocole peut s'appliquer à des secteurs allant jusqu'à 6 dents et insiste sur l'importance d'une hygiène dentaire complète. Bien que l'inventeur de la méthode ne pratique qu'une chirurgie légèrement résectrice, au niveau de la poche (mini-gingivectomie localisée) et au niveau osseux (élimination superficielle), il est permis d'être étonné par la prescience de l'auteur qui, ne disposant pas encore de la preuve scientifique, a néanmoins saisi l'essentiel et, de toute façon, ouvert la voie.

La référence bibliographique initiale la plus fréquente concerne Widman. Si nous plaçons, contrairement à l'ordre chronologique, Widman (1918) après Neumann (1920), c'est que Neumann revendiquait l'antériorité du geste, ce que Widman reconnaît implicitement en parlant de « Neumann modifié ». Widman décrit en 1918 une nouvelle méthode. Nous n'avons pas eu accès à son texte original, mais seulement à des transcriptions ultérieures. Il y est question d'« un volet muco-périosté récliné après incision festonnée séparant l'épithélium de poche et [ souligné par nous ] le tissu conjonctif enflammé de la gencive non enflammée, le lambeau est limité par deux incisions verticales s'étendant dans la muqueuse alvéolaire. Le lambeau est ensuite récliné jusqu'à découvrir 2 à 3 mm d'os alvéolaire. La collerette de tissu mou contenant épithélium de poche et [ idem ] tissu conjonctif est éliminée. Les surfaces radiculaires exposées sont détartrées et l'os recontouré [ idem ] afin de rétablir une forme alvéolaire “physiologique” [ guillemets de Widman ] . Les bords du lambeau sont placés au niveau de la crête osseuse afin de réduire au maximum la poche ».

Un point n'est pas très clair, qui concerne le tracé de l'incision horizontale. Widman conclut, dans les avantages apportés par sa technique, que « comparé à la gingivectomie, l'inconfort postopératoire est moindre dans la mesure où il s'agit d'une cicatrisation de première intention ». Or, il peut sembler que l'élimination totale de la paroi molle avec un niveau variable selon la profondeur des poches était plutôt le fait d'une incision à biseau horizontal, nous dirions aujourd'hui externe.

En cela, Widman diffère de Neumann dont l'incision horizontale est intracréviculaire. Néanmoins, la position précise de l'incision horizontale de ces « opérations à lambeau » n'est pas essentielle. Ces protocoles ne considéraient ni l'un ni l'autre le lambeau comme une fin, mais comme un moyen pratique d'accès à un débridement aisé. Il est à noter que Widman (1920), bien que ne considérant pas la surface de l'os alvéolaire détruit comme étant nécrotique, la remodelait.

L'étape suivante fut constituée par une action de résection osseuse plus importante. Cette importante résection (selon les termes de Neumann en 1920 puis 1921) recommandait l'élimination complète des murs osseux. Black, en 1924, conseillait aussi l'élimination des cratères interdentaires et le biseautage des saillants osseux vestibulaires et linguaux. Il faut se rappeler que le concept dominant de l'époque était l'« extension préventive » que Black avait popularisée en dentisterie opératoire et qui avait peut-être gagné la chirurgie parodontale. De même que l'extension d'une cavité d'obturation à des sillons sains était censée prendre de vitesse la carie, l'élimination d'une certaine quantité d'os pouvait elle aussi prévenir l'extension de la maladie parodontale. La période, au lendemain du premier conflit mondial, et la fréquence des chirurgies d'amputation de membres ont-elles influencé la chirurgie dentaire ? Bien qu'il soit difficile de répondre aujourd'hui, en 1931 Crane et Kaplan considéraient que l'os environnant les défauts osseux était nécrotique et que, à ce titre, il devait être éliminé.

L'événement fondateur de la chirurgie osseuse résectrice est sans doute la thèse de Carranza publiée en espagnol en 1935. Carranza y décrit les indications de la chirurgie osseuse résectrice et ce qu'il appelle le remodelage plastique de l'os. Il considère que ce remodelage stimule la reconstruction osseuse péridentaire. Dans une publication ultérieure (1942), il développe sa théorie du sacrifice osseux immédiat utile à un gain osseux secondaire. On parlerait aujourd'hui de rebond.

C'est Schluger, en 1949, qui donne une description complète de la chirurgie osseuse résectrice dans son article de référence, qui a pour titre Les principes de base de la chirurgie osseuse. Il n'est plus question de gain osseux différé mais de contour physiologique. Le premier temps chirurgical reste une gingivectomie (lame tenue à l'horizontale au niveau des points sanglants de Black [1924]) et le tissu replacé sur la crête osseuse est uniquement fait de muqueuse alvéolaire, dont on considérait qu'elle était impropre à assurer les frictions du bol alimentaire. C'est-à-dire que l'intérêt s'est porté d'abord sur la fin (la chirurgie osseuse résectrice) et non sur le moyen, le lambeau le plus adéquat. En effet, même en 1954, quand Nabers décrit un protocole appelé repositionnement de la gencive attachée, il élimine encore une marge gingivale d'au moins 2 mm. Puis le lambeau muco-périosté est déplacé apicalement grâce à une seule incision mésiale de décharge et maintenu à ce niveau par des incisions lâches.

Il est intéressant de noter la prégnance dans les esprits des concepts anciens et la difficulté à tout repenser autrement. Ce n'est qu'en 1957 qu'Ariaudo et al. (dont Nabers) abandonnent totalement la gingivectomie en préservant la bordure gingivale grâce à ce qu'ils appellent l'incision de repositionnement. Il s'agit d'une incision à biseau interne dirigée vers la crête alvéolaire, visant la préservation de la gencive kératinisée tout en affinant un peu sa marge. Là encore, l'évolution est progressive car le repositionnement apical est fait, comme précisé plus haut, grâce à une seule incision de décharge mésiale. Peu après, le même groupe propose une facilitation de l'accès osseux par deux incisions de décharge qui évitent le tiraillement des tissus des petits lambeaux (Ariaudo et Tyrell, 1957).

Dans le même temps Friedman (1955) prolonge la réflexion de Schluger sur la chirurgie osseuse résectrice et introduit deux mots nouveaux : l'ostéoplastie, qui est un remodelage des procès alvéolaires sans élimination de l'os de soutien, et l'ostéoectomie, où une partie de l'os de soutien est éliminée. Il s'agit d'un compromis destiné à redonner à l'os déformé par la maladie une architecture positive au prix d'une élimination mesurée d'os cortical.

Il faut se souvenir que, parallèlement à ce courant chirurgical résecteur, se développait une réflexion sur la pathologie osseuse. Dès 1935, Kronfeld avait affirmé que l'os environnant les poches parodontales n'était ni nécrotique ni infecté, mais plutôt détruit par un processus de nature inflammatoire. Il évoquait un état d'ostéite à caractère réversible dès lors que les facteurs étiologiques étaient sous contrôle. Ses travaux, qui étaient appuyés par des études histologiques sur des cadavres, furent confirmés par Orban en 1939. Cette première approche scientifique enleva toute justification biologique à l'élimination de l'os marginal. On peut dire que, à partir de cette époque, il y eut deux approches thérapeutiques différentes, la gingivectomie, qui redevint extrêmement utilisée car pratique et réaliste en termes de santé publique à l'échelle d'une communauté, et la chirurgie osseuse résectrice après lambeau, dont la finalité se bornait à la nouvelle obtention d'une architecture physiologique au prix de l'élimination d'une partie osseuse que désormais on savait saine.

Les années 1960 virent énormément d'études publiées sur le sujet sans controverse, tous les auteurs acceptant le concept de Schluger à nouveau décrit plus tard par celui-ci dans son ouvrage de référence (Schluger et al., 1978). Prichard (1961), bien qu'étant un des vrais promoteurs de la voie chirurgicale régénératrice avec le traitement des défauts intraosseux (1957), adhère totalement au concept de chirurgie osseuse résectrice de Schluger (1949) dès lors que l'indication en est posée. Selon Prichard (1961 et 1972), le facteur dominant est le contour gingival physiologique qui ne peut être obtenu que grâce à un remodelage osseux méticuleux. Prichard considère que les marges gingivales doivent être fines comme des lames de couteau, que les papilles interdentaires doivent être coniques et creusées d'un sillon interdentaire et que ce résultat en surface ne peut être obtenu que si le tissu osseux de soutien présente les mêmes caractéristiques morphologiques. A peu près simultanément, un autre grand chirurgien de l'os, Ochsenbein (1960), édicte des règles de remodelage osseux. Ses recommandations ne diffèrent que peu de ce qui avait été conseillé précédemment, c'est-à-dire de la transformation d'une architecture négative en architecture positive, sauf en ce qui concerne les cratères. A ce niveau, il introduit un concept nouveau en ne remodelant pas les deux sommets des cratères mais en n'en rectifiant qu'un seul. La démarche, même si elle apparaît un peu systématique, n'en est pas moins très astucieuse. Ochsenbein considère qu'au maxillaire, l'abord au nettoyage interdentaire est plus facile côté palatin et sacrifie pour l'améliorer le sommet palatin du cratère, le concept déflecteur étant respecté avec simplement un cône de déjection décalé vestibulairement. A la mandibule, la démarche est inverse et Ochsenbein conseille, également pour des raisons d'accès des instruments d'hygiène interdentaire, d'améliorer la voie vestibulaire en éliminant le sommet vestibulaire. Là encore, une architecture positive est recréée avec, cette fois-là, un décalage lingual du sommet.

Il faut reconnaître à tous ces auteurs que s'ils obéissaient à des règles générales et communes d'élimination de l'os, ils n'étaient pas dogmatiques. Carranza et Carranza (1956) et Ochsenbein (1960 et 1977) définissaient des contre-indications et des limites à la technique. Selon les premiers, le remodelage osseux favorisait un réarrangement normal des fibres qui est la condition préalable à une « récupération complète et fonctionnelle du parodonte ». Il n'en était pas moins « limité par les compromis envisageables du support parodontal des dents adjacentes ». Ochsenbein (1977) précisait aussi que la méthode n'était indiquée ni pour les cas de maladie parodontale avancée, ni pour les cratères profonds et isolés. Il y avait en outre la question des furcations. Le remodelage des cratères dans la région postérieure pouvait en ouvrir, surtout à la mandibule. Ochsenbein (1977) a mis l'accent sur la connaissance préalable indispensable de la morphologie osseuse pathologique, dont il recommandait l'étude sur crâne sec. Le compromis est parfois peu important dans la mesure où l'anatomie osseuse interdentaire est relativement plate au niveau postérieur, ce que l'on savait déjà depuis les travaux de O'Connor et Biggs (1964), et requiert peu de modifications.

En conclusion de cet historique, on peut dire qu'aujourd'hui, le protocole est très peu différent de ce qu'avait décrit Schluger en 1949. Il n'est pas systématique mais adapté à chaque cas particulier en fonction de l'anatomopathologie, c'est-à-dire que l'indication de chirurgie osseuse résectrice est posée avant l'intervention mais que le degré de résection et le type de remodelage effectué ne peuvent être décidés qu'en vision directe préopératoire.

Technique chirurgicale

La chirurgie résectrice est une technique chirurgicale visant à éliminer les défauts infra-osseux, les hemi-septa, les cratères et leur poche parodontale en supprimant les parois osseuses du défaut.

Pour restituer l'architecture osseuse festonnée (souvent inversée au cours de la maladie parodontale), où l'os vestibulaire et lingual ou palatin est plus apical que l'os interproximal, il faut employer l'ostéoplastie et, parfois, l'ostéoectomie (élimination de l'os de support). La gencive est ensuite positionnée apicalement sur l'os recontouré. L'abord des tissus mous et des tissus durs est régi par des règles précises.

Aménagement des tissus mous

Le but de la chirurgie résectrice est d'éliminer les défauts osseux, mais aussi d'obtenir une architecture gingivale permettant une bonne maintenance avec une profondeur de poche inférieure à 3 mm. C'est pourquoi l'aménagement des tissus mous est essentiel, tant au niveau de l'incision primaire et des incisions de décharge que des sutures.

Le lambeau est d'abord d'épaisseur totale pour accéder à l'os puis d'épaisseur partielle pour permettre son positionnement sur la crête osseuse ou plus apicalement. Les incisions sont réalisées au niveau intrasulculaire ou à distance du rebord gingival en fonction de leur localisation (vestibulaire, linguale ou palatine), de la profondeur des lésions et de la quantité de gencive attachée disponible.

Incisions vestibulaires

Le niveau de l'incision vestibulaire est déterminé en fonction de la profondeur des poches et de la dimension de la gencive kératinisée. Le but est de faire coïncider le tissu gingival et le tissu osseux recontouré.

L'incision peut être réalisée à distance du rebord gingival marginal. Cette option est rarement choisie dans les secteurs esthétiques et elle nécessite un large bandeau de gencive attachée.

Dans les secteurs postérieurs, en présence de lésions osseuses profondes et d'une quantité suffisante de gencive attachée, après un sondage minutieux fait sous anesthésie, l'incision peut être décalée par rapport au rebord marginal. La suppression de la poche se fait alors par cette « gingivectomie » du lambeau et pas seulement par son positionnement apical.

Certains auteurs proposent même de ne pas recouvrir complètement l'os interproximal afin d'avoir, après une cicatrisation de seconde intention, un tissu gingival bien dense (fig. 1d et 1e) (Carnevale et Kaldahl, 2000). Par contre, une attention particulière sera portée aux zones des furcations molaires qui ne seront pas laissées dénudées.

L'incision est située, dans la majorité des cas, au niveau intrasulculaire pour préserver l'intégralité du tissu gingival. Le positionnement du lambeau au niveau de la crête osseuse résiduelle se fait alors par le positionnement apical.

Les incisions de décharge vont faciliter l'accès à l'os sous-jacent pour les lambeaux de faible étendue, pour lesquels on ne peut jouer sur suffisamment d'élasticité tissulaire, et permettre le positionnement apical du lambeau. Elles doivent dépasser la ligne muco-gingivale pour faciliter la dissection des tissus mous en épaisseur partielle.

L'extension du lambeau à une ou deux dents supplémentaires peut, au niveau antérieur, donner une certaine laxité au tissu gingival, évitant ainsi la réalisation d'incisions de décharge.

Incisions linguales

Elles répondent aux mêmes impératifs que les incisions vestibulaires. La hauteur de gencive attachée est évaluée avec précision, elle ne doit pas être sacrifiée par une incision réalisée à trop grande distance du rebord gingival marginal. Le positionnement apical du lambeau pour supprimer l'excès de tissu gingival en présence de lésions osseuses profondes se fait par les incisions de décharge. Cependant, le risque de léser le nerf lingual dans la partie distale doit inciter à la plus grande prudence.

Incisions palatines

A cause de l'absence de possibilité de déplacement du tissu palatin, l'incision palatine se fera la plupart du temps à distance du rebord gingival marginal. Cette incision festonnée a pour objectif de supprimer l'excès de tissu gingival et de faire coïncider les niveaux gingival et osseux tout en amincissant le lambeau palatin (fig. 1a, 1b, 1c, 1d et 1e .

Son niveau sera fixé par un sondage minutieux réalisé après l'anesthésie sur l'ensemble des faces dentaires à traiter. Il correspond à la profondeur des poches. Il devra coïncider avec celui du rebord osseux recontouré ou être légèrement plus apical. Un jeu d'incisions réalisées au niveau intrasulculaire et sur la face interne du lambeau permettra l'élimination du tissu inflammatoire. Ces trois incisions ont été préconisées par Widman afin d'amincir le tissu palatin. Une incision de décharge permet parfois une meilleure visibilité des structures sous-jacentes. Elle ne sera pas réalisée postérieurement aux prémolaires à cause du risque vasculaire.

Sutures

Une fois le recontourage du tissu osseux terminé, les sutures vont avoir comme objectif de positionner les lambeaux au niveau de la crête osseuse ou légèrement plus apicalement (fig. 1d et 4d). Ces sutures de positionnement apical sont généralement des points séparés, ancrés au périoste et en tête de papille. Les sutures berge à berge des incisions de décharge peuvent favoriser le positionnement apical.

Aménagement des tissus durs : ostéoplastie et ostéoectomie

Après une intervention à lambeau de débridement sans correction osseuse, la dysharmonie entre l'architecture du tissu gingival et celle du contour osseux peut entraîner la nouvelle formation de poches et leur réinfection (Ochsenbein et Bohannan, 1963 ; Ochsenbein, 1986). En effet, au cours de la maladie parodontale, on assiste à des modifications importantes de l'anatomie de l'os alvéolaire. Le processus pathologique entraîne des défauts infra-osseux, des hemisepta, une architecture osseuse inversée (où le niveau de l'os interproximal est alors situé plus apicalement que le niveau vestibulaire et lingual) ou bien la formation de balcons et d'exostoses.

L'anatomie osseuse va donc être modifiée afin d'obtenir une architecture positive ou plate selon la profondeur du défaut et l'anatomie de la dent. Le niveau de l'os interproximal se situera soit au niveau de l'os vestibulaire et lingual, soit plus coronairement.

La quantité d'os à éliminer doit être évaluée avec soin. Elle ne doit pas compromettre l'esthétique ou augmenter la mobilité.

O'Connor et Biggs (1964) ont réalisé des observations sur l'anatomie de l'os dans les zones interproximales. Dans les zones molaires, elle est plate et devient plus convexe dans les secteurs antérieurs.

Le meilleur guide pour évaluer cette architecture osseuse à l'état normal est de suivre le dessin de la jonction émail-cément des dents adjacentes. Le sens clinique doit guider le geste en privilégiant l'ostéoplastie à l'ostéoectomie et en évitant la destruction de l'os de support sur les faces vestibulaires.

Pour le traitement des molaires, afin de ne pas exposer les zones de furcation (surtout pour les molaires maxillaires dans les zones interproximales), il est important de mesurer radiographiquement la hauteur du tronc cervical (fig. 2a, 2b et 2c . Il s'agit de la distance séparant la jonction émail-cément de l'entrée de la zone de furcation.

Lésions infra-osseuses et hemisepta

Tous les murs du défaut infra-osseux ou de l'hemiseptum sont supprimés. La base du défaut se situe alors au même niveau que l'os vestibulaire et lingual ou plus coronairement (fig. 3a et 3b).

En fonction de l'angulation vestibulo-linguale de la dent dans l'alvéole et de la localisation du défaut osseux, l'ostéoplastie pourra intéresser les faces vestibulaires ou linguales et palatines. C'est ainsi que pour des molaires mandibulaires inclinées lingualement et présentant un défaut à deux parois plus profond en direction linguale, l'élimination de l'os se fera sur la face linguale avec une orientation de la crête interproximale de la face vestibulaire vers la face linguale (Carnevale et Kaldahl, 2000).

Architecture osseuse inversée

Dans le cas de l'architecture osseuse inversée (fig. 4a, 4b, 4c, 4d, 4e et 4f , très fréquemment rencontré, de l'os va être éliminé sur les faces vestibulaires linguales ou palatines. Si la quantité d'os à supprimer est trop importante et risque de mettre à nu une zone de furcation, le profil de l'os interproximal recontouré sera plat et non convexe (comme il l'est souvent à l'état normal dans les zones postérieures).

Une approche rationnelle de cette chirurgie osseuse a été proposée par Ochsenbein en 1986, fondée sur la profondeur des défauts et la hauteur du tronc radiculaire. Plus le tronc est long, plus la zone de furcation est protégée et plus le profil osseux idéal sera recherché (fig. 5).

La pente de l'os palatin doit faire un angle de 10° avec une ligne horizontale passant par la base du cratère (fig. 6).

Une fois le modelage du versant palatin réalisé, l'os vestibulaire sera réduit au niveau de l'os interdentaire ou légèrement plus apicalement (Ochsenbein, 1986). Si l'os vestibulaire est massif et épais, la réduction de l'os de support sera minime et la récession postopératoire peu importante. Par contre, dans certaines zones plus fines comme la racine mésio-vestibulaire de la première molaire, aucune parcelle d'os ne sera sacrifiée.

Si le défaut est profond et le tronc radiculaire court, les techniques de reconstruction par greffe osseuse ou membrane trouveront leurs indications. Mais un très grand nombre de molaires maxillaires et mandibulaires présentant un tronc radiculaire moyen et une forte prévalence de cratères osseux de profondeur moyenne peuvent être traitées avec succès par la chirurgie osseuse résectrice (Manson, 1976 ; Ochsenbein, 1986).

Balcons osseux et exostoses

Ces hyperproductions osseuses (fig. 7a, 7b et 7c) que l'on rencontre souvent sur les faces vestibulaires ou linguales proches des lésions interproximales s'opposent à une bonne cicatrisation gingivale. Elles vont être supprimées par l'ostéoplastie.

L'amincissement de cet os épais et la création de sillons de déflexion vont faciliter l'adaptation du lambeau.

Atteintes partielles de furcation (de classe II)

Ces atteintes (fig. 2a, 2b et 2c, fig. 8a, 8b et 8c) peuvent être traitées par la chirurgie résectrice. L'anatomie particulière des molaires (incluant la taille de l'entrée de la furcation et la présence de concavités radiculaires) rend difficile le nettoyage à l'aveugle de ces zones par le traitement non chirurgical (Matia et al., 1986 ; Parashis et al., 1993).

L'abord chirurgical permet le nettoyage parfait des surfaces radiculaires tandis que la chirurgie osseuse résectrice supprime le défaut osseux et recrée une architecture osseuse déflectrice favorisant la cicatrisation gingivale. Un sillon de déflexion peut même être tracé face à une zone de furcation vestibulaire ou linguale. L'excès de tissu gingival sera également évité par une petite incision favorisant le placage du lambeau à ce niveau, évitant le bourgeonnement de la gencive et la récidive (fig. 8b).

Instrumentation de la chirurgie osseuse résectrice

Des instruments manuels ou rotatifs peuvent être utilisés : ciseaux à os, limes, rongeurs, ainsi que différents types de fraises métalliques ou diamantées à grande ou moyenne vitesse. Plusieurs études ont analysé la cicatrisation en fonction de l'instrumentation employée. Spatz (1965) a montré que les fraises utilisées à grande vitesse provoquent une réaction inflammatoire initiale moins importante que lorsqu'elles sont utilisées à faible vitesse. L'irrigation doit être abondante, la pression exercée par l'opérateur légère. Le type de fraise (métallique ou diamantée) sera laissé au choix de l'opérateur, sachant que la fraise métallique éliminera des copeaux osseux tandis que la fraise diamantée travaillera par usure progressive tout en polissant la surface de l'os.

Une attention particulière sera portée aux zones interproximales étroites afin de ne pas encocher les surfaces radiculaires.

Résultats biologiques de la chirurgie osseuse résectrice

Tissus durs

Os

C'est seulement la partie ostéoectomie de la chirurgie osseuse résectrice qui élimine de l'os de soutien. Ce sacrifice est faible si l'on en croit Prichard qui, en 1986, préconisait un « protocole d'ostéoectomie conservatrice ». La chirurgie osseuse résectrice provoque une réponse inflammatoire avec réaction ostéoclasique pouvant aller, selon certains (Grant, 1967), jusqu'à la séquestration. En fait, la phase ostéoclasique transitoire est suivie d'un rebond ostéoblastique aboutissant à une perte osseuse sans réelle signification clinique. Wilderman et al. (1970) observent chez l'homme ayant subi une chirurgie osseuse résectrice une activité ostéoplastique de réparation encore nette une année après l'intervention. Ils rapportent une perte osseuse crestale moyenne de 0,8 mm avec de grandes variations individuelles.

Cément

Nous n'avons pas trouvé, dans la littérature médicale, d'étude comparative mesurant les dommages cémentaires selon que l'approche était chirurgicale ou non. Il semble que le dommage subi par le cément soit infiniment inférieur lors de l'approche chirurgicale, au cours de laquelle la réclinaison d'un lambeau permet un contrôle visuel sélectif des concrétions tartriques à éliminer, que lors de l'approche non chirurgicale. Indépendamment du dommage physique subi par le cément, celui-ci réagit à la levée du lambeau. Stallard et Hiatt (1968) ont observé, chez le chien, que des formations cémentoïdes et ostéoïdes étaient visibles 2 semaines après chirurgie. Ces formations augmentaient pendant les 3e et 4e semaines. Chez l'homme, Listgarten (1972) observe du néocément au bout de 1 mois. Le cycle résorption-apposition ne semble pas un modèle absolu. La nouvelle formation cémentaire n'est pas conditionnée par une résorption préalable (Linghorne et O'Connel, 1951). Le cément laissé en place après chirurgie est favorable à la formation d'une nouvelle attache (Stallard et Hiatt, 1968), que ce soit sur la surface radiculaire ou en fragments épars. Dans ce dernier cas, il a un rôle de matrice facilitant la nouvelle croissance osseuse ou cémentaire. La croissance du néocément est la plus forte dans la partie apicale des racines.

Ces observations, issues d'examens au microscope électronique, sont intéressantes mais peut-être sans réel débouché clinique quand on sait qu'un néocément peut aussi se développer directement sur la dentine (Listgarten, 1972).

Tissus mous

Attache épithéliale

Chez le singe, l'attache épithéliale a été observée 9 jours après chirurgie à lambeau et chirurgie osseuse résectrice par Caffesse et al. (1968), alors que Listgarten (1972) ne l'observe qu'au bout de 1 mois, le consensus général étant de 3 semaines à 1 mois, que la surface cémentaire ait été altérée ou non. Bien que la vitesse de croissance des cellules épithéliales soit supérieure à celle des cellules conjonctives, il faut, chez l'homme, également de 3 semaines à 1 mois pour observer le rétablissement total de l'attache (Dedolph et Clark, 1958).

Attache conjonctive

Observé et étudié depuis des décennies, le phénomène est aujourd'hui bien connu (Schluger et al., 1978). Tout commence avec le caillot de fibrine qui sépare le lambeau des procès alvéolaires. Au bout de 3 ou 4 jours, celui-ci commence à se résorber et se déclenche le développement concomitant du néostissu conjonctif provenant des espaces médullaires et vasculaires de tissu osseux, de la partie coronaire du ligament (source principale) et du périoste au niveau latéral et apical du lambeau. La résorption totale du caillot est obtenue en 6 à 7 jours. A ce stade, le réseau conjonctif est encore très ténu. On note la présence de nombreuses cellules inflammatoires avec forte concentration de leucocytes polymorphonucléaires. Leur remplacement progressif par des lymphocytes et des macrophages signe la fin du processus inflammatoire. Les fibres de collagène apparaissent au niveau crestal au bout de 15 jours avec une orientation parallèle à la surface radiculaire. C'est vers le deuxième mois que les fibres commencent à être noyées dans un tissu ostéoïde de surface et il faut attendre 5 à 6 mois pour les voir reprendre une attache radiculaire. De nombreux travaux (Björn et al., 1965 ; Caton et Zander, 1976 ; et surtout Karring et al., 1984) avaient donné l'alerte sur le risque d'ankylose et de résorption que comportait une apposition directe d'un tissu conjonctif mou sur une surface radiculaire, ce qui est le cas lors de la réapposition du lambeau en fin de chirurgie. Pratiquement, ankylose et résorption sont des complications rarement observées. Selon Gottlow (1994), cette rareté serait due à la migration rapide des cellules épithéliales dans une direction apicale, prenant de vitesse les cellules conjonctives et assurant un rôle de tampon. Bien que cette analyse soit partagée par beaucoup, il est permis de se demander si elle est juste dans la mesure où les greffes directes d'apposition conjonctives sur les racines, sans aucune intervention épithéliale proche, ne provoquent pas de résorption. Il est plus difficile de parler de longue attache épithéliale avec la technique du lambeau apicalisé qu'avec celle du lambeau replacé, néanmoins la réparation a lieu avec une longue partie épithéliale coronaire et une partie plus réduite conjonctive apicale.

Gencive

Si tous les auteurs admettent que l'approfondissement osseux au niveau interdentaire sur les parois vestibulaires et linguales (ou palatines) modifie le profil gingival, le consensus n'est pas le même en ce qui concerne la zone de la papille. Il semble qu'à ce niveau, le contour gingival soit influencé principalement par la forme et le volume de l'espace interdentaire ainsi que par le tracé de la jonction cémento-amellaire (Takei, 1980). Il se peut qu'il y ait aussi une mémoire tissulaire gingivale, ce qui expliquerait qu'après les chirurgies visant à l'élimination de la poche, il reste toujours des poches résiduelles.

Résultats cliniques de la chirurgie osseuse résectrice

Les études comparant différents protocoles thérapeutiques sont souvent décevantes, elles portent rarement sur le long terme. Les critères d'appréciation sont nombreux mais variés. En 1979, Knowles et al. comparent trois protocoles différents : curetage sous-gingival sans réclinaison de lambeau, lambeau replacé sans chirurgie osseuse résectrice, lambeau apicalisé avec chirurgie osseuse résectrice. Les critères choisis sont la profondeur de poche et le niveau d'attache. L'étude, considérée à l'époque comme étant à long terme (8 ans), souffre d'une perte considérable de sujets (presque la moitié en 8 ans) qui rend toute interprétation difficile. Les trois protocoles donnent des résultats globaux pratiquement équivalents. C'est au niveau de l'analyse détaillée des sous-groupes (déterminés selon les différentes profondeurs de poche) qu'on observe des variations légères. Plus la profondeur de poche est importante, plus la chirurgie osseuse résectrice après apicalisation du lambeau semble l'emporter sur les autres protocoles.

La plupart des études comparatives ultérieures sont à moins long terme que celle de Knowles (1979). Celles d'Isidor et Karring (1986) et de Ramfjord et al. (1987) sont de 5 ans, celle de Becker et al. (1988) dure 1 an et celle de Kaldahl et al. (1988) 2 ans. La liste des coauteurs est une garantie du sérieux de ces études dont les conclusions sont convergentes. Quel que soit le protocole opératoire - non chirurgical ou chirurgical, chirurgical avec lambeau replacé, sans chirurgie osseuse ou avec apicalisation et chirurgie osseuse résectrice -, les résultats sont équivalents. Tous stoppent la progression de la maladie mesurée en termes de profondeur des poches.

Malgré tout, la transposition en pratique clinique semble difficile. Pour la plupart de ces études, le rythme des soins postopératoires et des visites de maintenance est optimal. Il s'agit de patients « idéaux » sélectionnés en fonction de leur sérieux (indices d'hygiène bas, présence régulière aux visites de contrôle). Etant donnée la durée des études, on en est réduit aux extrapolations : il semblerait, si on en croit Ramfjord et al. (1987), que lorsqu'on considère les poches profondes (supérieures à 7 mm), la réduction de profondeur soit la meilleure avec chirurgie d'apicalisation et chirurgie osseuse résectrice. Ce point paraît essentiel. Il peut être corrélé au dernier paramètre considéré par Ramfjord et al. (1987) : le « besoin de retraitement ».

Bien que ce « besoin de retraitement » soit une notion hautement subjective, comme le soulignent les auteurs eux-mêmes qui parlent d'une « évaluation annuelle subjective par un parodontiste », ce peut être une indication de la différence de pérennité des traitements initiaux choisis. Il est à noter que les besoins de retraitement, appréciés grâce au saignement et à la suppuration au sondage, donnent les résultats suivants (Ramfjord et al., 1987) :

- surfaçage, 44 (il s'agit de nombre de dents, pas de patients) ;

- curetage sous-gingival, 20 ;

- Widman modifié, 21 ;

- apicalisation et chirurgie osseuse résectrice, 16.

On observe que le protocole mis au point par Ramfjord lui-même en 1974, le « Widman modifié », n'occupe pas la première place, ce qui rend l'étude crédible.

Il convient de se pencher sur le problème particulier des amputations radiculaires. Aucune étude ne montre de groupe contrôle et, de même, les critères d'inclusion sont flous. Malgré ces limitations, les résultats de la chirurgie osseuse résectrice sont moins bons lorsqu'il y a amputations radiculaires. La première étude à long terme (10 ans) de Bergenholtz (1972) sur 30 amputations mandibulaires et 15 maxillaires montre que le pronostic est bon avec un niveau osseux stable. Cependant, lorsqu'on observe une récurrence de l'inflammation et des poches, c'est en regard de la surface coupée qu'elle survient.

Il semble que les résultats soient étroitement corrélés à la juste indication de la technique, à la qualité de son exécution et à celle du contrôle de plaque subséquent. De nombreux auteurs ont ainsi présenté des résultats qui apparaissent plus comme une appréciation de leur pratique que de la méthode. Tous s'accordent (Langer et al., 1981 ; Bühler, 1988, pour ne citer que les principaux) sur le plus grand nombre de fractures à la mandibule qu'au maxillaire et de complications à caractère plus endodontique que parodontal (caries).

Lorsqu'on préconise la méthode, il faut que tous les paramètres en aient été préalablement pesés. En effet, une comparaison des résultats de Bühler et de Langer (dans les deux études, environ un tiers des dents perdues avec résection au bout de 10 ans) à ceux d'Hirschfeldt et Wasserman (1978) (environ un tiers des dents perdues sans résection au bout de 22 ans) amène à être circonspect.

La controverse dents vitales-dents dépulpées n'a plus lieu, l'étude d'un groupe d'endodontistes, Filipowicz et al. (1984), ayant montré qu'après tentative de conservation pulpaire, seulement 13 % des dents répondaient positivement aux tests à 5 ans.

Discussion

Le problème posé est celui de l'importance relative des éléments considérés. La perte d'os de soutien vaut-elle l'élimination de la poche ? Nous ne disposons que de peu d'études à ce sujet. Elles émanent pour l'essentiel du groupe Ramfjord du Michigan et du groupe Lindhe de Göteborg. Avec des méthodes d'enseignement de l'hygiène et de contrôle légèrement différentes, elles obtiennent des résultats équivalents quel que soit le protocole appliqué. Malgré la dénomination des études, elles sont toutes à court terme, or on sait très bien que maintenir une situation pathologique donnée sans aggravation pendant 5 ans ne peut être considéré comme synonyme de succès.

Il semble que tous les auteurs admettent l'ostéoplastie qui permet un meilleur repositionnement du lambeau. La controverse naît avec l'ostéoectomie. Lors des discussions de workshops, on note plus d'arguments contre que pour. Si le thème général de discussion est la santé publique, la notion de temps passé est récurrente. Pourquoi passer si longtemps au remodelage chirurgical dès lors que l'os a une tendance naturelle au remodelage (Patur et Glickman, 1962) ? Pourquoi remodeler l'os quand on sait qu'avec un programme de contrôle de plaque strict, les irrégularités disparaissent et le soutien osseux augmente (Rosling et al., 1976) ?

Depuis que, pour des raisons évidentes, les réentrées et les données histologiques sur l'homme se raréfient, on en est souvent réduit à des impressions cliniques. Elles ne sont pas dénuées de valeur. Le praticien (en exercice libéral) traitant pendant plusieurs décennies un même échantillon de patients dispose d'informations précieuses dont l'essentiel s'est décanté avec le temps. Beaucoup de biais sont neutralisés par deux facteurs essentiels : le très long terme et le très grand nombre, éléments dont ne disposent pas les groupes de recherche universitaires. Hirschfeld et Wasserman avaient rapporté, en 1978, un suivi de 600 patients qui avait duré, pour certains, plus de 40 ans et, pour un individu, 54 ans (record !). Avec la pratique clinique privée, on s'éloigne de la dentisterie fondée sur la preuve pour se rapprocher de l'art dentaire. Il est évident que tout type de traitement doit être nuancé par de nombreuses considérations. Chaque cas, étant unique, requiert souvent un traitement unique.

Conclusion

Indépendamment des indications et contre-indications admises qui ont été très largement exposées (pour revue, voir Watchtel, 1993), il semble que dans les secteurs postérieurs, lorsque l'ostéolyse est profonde mais non terminale, la chirurgie osseuse résectrice avec apicalisation soit une des solutions les plus acceptables à long terme. La nouvelle morphologie des arcades gêne parfois les patients dans un premier temps avec des tassements alimentaires (d'origine latérale) mais elle facilite d'autant le contrôle de plaque. On pourrait même dire qu'elle l'impose. L'instrument le plus approprié est la brossette interdentaire, dont la supériorité sur le fil de soie a été démontrée surtout dans les espaces larges et les concavités (Bergenholtz et Olsson, 1984) et qui est également d'utilisation plus rapide et plus simple (Gjermö et Flötra, 1970).

En ce qui concerne les amputations radiculaires, aucune étude à long terme ne met en évidence un avantage de la méthode sur le traitement sans amputation.

(1) Avertissement des auteurs : Lorsqu'un article comporte une revue de littérature remontant au XIXe siècle (et même au XVIIIe siècle avec Fauchard), il est presque impossible de consulter les ouvrages les plus anciens. Nous avouons n'avoir pas eu entre les mains les articles publiés avant 1920. Nous n'avons disposé que de transcriptions ultérieures. Nous n'ignorons pas les déformations que peut subir un texte plusieurs fois rapporté, quelle que soit l'honnêteté des rapporteurs. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes attachés à contrôler des points très précis qui peuvent à la rigueur être extraits de leur contexte. Nous nous sommes efforcés, même si cet historique comporte quelques erreurs, de décrire les grands courants qui ont successivement dominé la chirurgie parodontale résectrice.

(2) Pour toute précision sémantique, le lecteur est renvoyé au lexique du site www.parodontologie.com.

Demande de tirés à part

Catherine MATTOUT : 224, avenue du Prado - 13008 MARSEILLE - FRANCE.

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