Les atteintes de furcation : traitements chirurgical et prothétique par séparation et résection radiculaires - JPIO n° 2 du 01/05/2003
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2003

 

Articles

F. MORA *   M. BARTALA **   S. MERCANDALLI ***  


*UFR d'Odontologie,
Paris-7 Denis-Diderot
**UFR d'Odontologie,
Bordeaux-2 Victor-Ségalen
***UFR d'Odontologie,
Bordeaux-2 Victor-Ségalen

Introduction

La situation et l'anatomie complexe des dents pluriradiculées rendent délicate l'hygiène orale dans les régions postérieures des maxillaires ; elles favorisent l'adhésion et la croissance du biofilm bactérien. La susceptibilité et la vulnérabilité des régions molaires à la maladie parodontale sont confirmées par les études épidémiologiques rapportant des taux de morbidité élevés : de 18 à 30 %, voire 85 % selon les groupes sociaux et ethniques...


Résumé

Dans les régions postérieures de la denture, de nombreux facteurs influencent l'apparition et la progression de la maladie parodontale ainsi que le développement de lésions interradiculaires. Pour vaincre les difficultés rencontrées dans les traitements conservateurs, les techniques chirurgicales (séparation et/ou résection radiculaires) modifient les caractéristiques morphologiques et créent un environnement facilitant une bonne hygiène orale. Une planification de ces thérapies résectrices est proposée ; les phases restauratrice et prothétique déterminent le pronostic à long terme des dents ayant subi une résection radiculaire. Les complications avec les techniques de résection ne sont pas fréquentes mais évitables si les indications endodontiques, chirurgicales et prothétiques sont respectées.

Introduction

La situation et l'anatomie complexe des dents pluriradiculées rendent délicate l'hygiène orale dans les régions postérieures des maxillaires ; elles favorisent l'adhésion et la croissance du biofilm bactérien. La susceptibilité et la vulnérabilité des régions molaires à la maladie parodontale sont confirmées par les études épidémiologiques rapportant des taux de morbidité élevés : de 18 à 30 %, voire 85 % selon les groupes sociaux et ethniques (Lindhe et al., 1989 ; Papapanou et al., 1989). La sévérité des atteintes interradiculaires s'accroît avec l'âge et les surcharges occlusales. La précocité de la destruction tissulaire a été révélée par Svardström et Wennström (1996) qui ont détecté au moins une lésion à l'âge de 40 ans, laquelle est doublée par la consommation de tabac (Mullally et Linden, 1996) et, dans des proportions identiques, par des restaurations prothétiques (Wang et al., 1994).

Les traitements correcteurs des lésions interradiculaires n'ont de perspectives que chirurgicales (résectrices), endodontiques et/ou orthodontiques et prothétiques, en l'état actuel des connaissances. La qualité de ces traitements pluridisciplinaires optimisera le pronostic à long terme en modifiant l'environnement tissulaire, en réduisant les facteurs de risque, et conditionnera ce défi particulier : objectifs thérapeutiques-souhaits des patients.

Evaluation de la destruction tissulaire

Le sondage parodontal évalue la sévérité de la destruction, mais l'appréciation réelle de celle-ci est toujours débattue : en effet, le sondage clinique sous-estimerait l'importance de la lésion (Zappa et al., 1993) et une bonne reproductibilité des mesures ne serait pas assurée (Eickholz, 1995). L'évaluation diagnostique de la lésion ne doit pas soustraire une possible implication de l'endodonte car des facteurs anatomiques (canaux accessoires, tubules dentinaires) et biologiques (similitude de la flore pathogène du parodonte et de la pulpe malade) témoignent de relations fortes endo-parodontales. Mais Trope et al. (1988) différencient par le taux de spirochètes (de 30 à 60 % contre 10 %) une atteinte interradiculaire d'origine parodontale d'une étiologie endodontique. Ces lésions sont classées en fonction du degré de pénétration horizontale de la sonde parodontale dans l'espace interradiculaire (Goldman et Cohen, 1980 ; Hamp et Nyman, 1989). Pour mémoire, on distinguera :

- la classe (ou degré ou grade) I : pénétration horizontale du support osseux n'excédant pas le tiers de la largeur bucco-linguale/palatine de la dent ;

- la classe (ou degré ou grade) II : pénétration horizontale du support osseux supérieur au tiers mais ne traversant pas la totalité de la région interradiculaire ;

- la classe (ou degré ou grade) III : pénétration horizontale de « part en part » de la région interradiculaire.

Tarnow et Fletcher (1984) puis Hou et Tsai (1997) ont enrichi cette classification en définissant des sous-classes qui intègrent les variantes morphologiques du défaut (composante verticale), le type de tronc radiculaire et les lésions osseuses associées : ces propositions sont utiles pour établir un plan de traitement et un pronostic.

Critères de décision thérapeutique

Effets des traitements conventionnels sur les lésions interradiculaires

Le traitement des lésions interradiculaires des dents pluriradiculées représente un défi thérapeutique exaltant : en effet, les caractéristiques anatomiques telles la morphologie des racines, la largeur de l'espace interradiculaire, la hauteur du tronc cervical, mais aussi la présence de canaux accessoires, voire d'anomalies d'origine embryologique, compliquent les thérapeutiques de ces lésions par des techniques usuelles de débridement non chirurgical et/ou chirurgical. Elles constituent des obstacles potentiels aux manœuvres instrumentales délicates de la région même lors de lambeaux d'assainissement : 12,5 % seulement des surfaces radiculaires bordant ces lésions furcatoires (profondeur de sondage : 5-6 mm), traitées par débridement non chirurgical, sont indemnes de dépôts tartriques ; ce taux s'élève à 25 % lors d'une chirurgie d'accès.

Le recours à des instruments rotatifs augmente le pourcentage de surfaces radiculaires libérées de tartre (38 %). Plus la profondeur de la lésion augmente, plus l'efficacité à traiter ces lésions diminue (Matia et al., 1986 ; Parashis et al., 1993).

Des études en « bouche divisée » évaluant les effets cliniques d'approches non chirurgicales (surfaçage radiculaire) par rapport au débridement chirurgical des lésions (sans ou avec résection osseuse) pendant une période d'observation de 15 mois à 8 ans confirment une équivalence de résultats en termes de réduction de profondeur au sondage et de saignement ; mais les dents atteintes de lésions interradiculaires accusent une perte du niveau d'attache clinique 2,5 fois supérieure à celles où l'intégrité de l'espace interradiculaire est préservée (Kalkwarf et al., 1988 ; Schroer et al., 1991 ; Wang et al., 1994).

Dans un contexte de parodontite avancée ou de parodontite à progression rapide, notre capacité à stabiliser les paramètres cliniques par débridement non chirurgical est limitée. La perte d'attache est une constante, toujours confirmée, associée ou non à un saignement au sondage au niveau des lésions de l'espace interradiculaire par comparaison aux sites non molaires (Loos et al., 1988).

Si l'on tente de préciser le risque thérapeutique en faisant appel à la triade proposée par Newman et al. (1994) - association saignement au sondage et présence de Pg/Pi, quantité de plaque, tabac -, les taux d'échecs, non spécifiques des lésions interradiculaires, varient de 44 à 50 %.

Effets des traitements résecteurs au niveau des lésions interradiculaires

Pour contourner ces difficultés, les techniques résectrices promettent, en éliminant les obstacles liés à l'anatomie, de créer des conditions cliniques propices à un bon contrôle de l'hygiène orale dans l'espace interradiculaire.

Dans la littérature scientifique, la terminologie n'est pas uniforme ; nous aurons ici recours à celle adoptée par l'Académie américaine de Parodontologie (American Academy of Periodontology, 1998), qui précise que la séparation radiculaire suppose la section du complexe radiculaire et le maintien des racines et se différencie de la résection radiculaire qui, elle, propose l'ablation d'une racine ainsi que sa partie coronaire.

Ces techniques pluridisciplinaires sont exigeantes car elles reposent sur la maîtrise et la rigueur dans les différents traitements qu'elles associent. L'évaluation de la survie des dents réséquées est délicate à établir car :

- les paramètres d'évaluation ne sont pas identiques parmi les études proposées dans la littérature scientifique ;

- la compétence des praticiens n'est pas la même ;

- les facteurs décisionnels de résection sont variés (parodontaux, endodontiques, fractures, caries).

Buhler (1994), dans une méta-analyse, évalue un taux d'échec moyen des résections radiculaires de 13 % pour une période d'observation courte (7 ans). Hamp et al. (1975) apportent des résultats encourageants, 5 ans après traitement de 310 dents pluriradiculées : aucune avulsion, 7 dents présentent une profondeur de poche résiduelle de 4 à 6 mm et 1 dent une profondeur supérieure à 6 mm. Basten et al. (1996) constatent des taux d'échec de 8 %, en observant le comportement de 49 molaires entre 7 et 22 ans. Carnevale et al. (1991), dans une analyse rétrospective randomisée de 3 à 11 ans, confirment des taux de succès élevés (90 %) et imputent leurs échecs à des raisons endodontiques ou carieuses : la sélection des patients (coopération) et une qualité technique très élevée modèrent la reproductibilité de ces résultats. Seuls Blömlof et al. (1997) constatent des échecs (18 %) imputables à une progression de la maladie parodontale plus qu'au type et aux contraintes du traitement (endodontie, résection). La plupart des études soulignent que même si les échecs ne sont pas d'origine parodontale mais proviennent de fractures radiculaires, de caries ou d'une impossibilité de reprise du traitement endodontique, les dents sont altérées, voire perdues. Müller et al. (1995) tentent d'évaluer les critères décisionnels à partir d'une étude rétrospective incluant 1 100 lésions interradiculaires traitées par deux opérateurs expérimentés : le choix du traitement dépend du degré de l'atteinte et du type de la lésion ; la décision d'amputer une racine de première molaire maxillaire est très élevée par rapport à celle d'une première molaire mandibulaire. Les techniques résectrices ne sont pas plus préjudiciables à l'avenir des dents pluriradiculées, mais le tabac est un facteur de risque important (Blömlof et al., 1997 ; Jaoui et Ouhayoun, 1999).

Il semble enfin que l'efficacité et la fiabilité des traitements résecteurs dépendent de l'approche plurifactorielle imposée ; elles sont opposables à celles des traitements implantaires (implants endo-osseux) dans les zones postérieures (Bühler, 1994). Cette approche de traitement doit être retenue quand la survie de la dent repose sur une stratégie thérapeutique (Caffesse, 1989).

Indications et contre-indications des techniques résectrices

De Sanctis et Murphy (2000) ont résumé les indications et contre-indications des traitements résecteurs, en distinguant les facteurs à considérer dans l'évaluation parodontale, endodontique, prothétique.

Indications parodontales

La perte osseuse affecte une ou plusieurs racines et rend inexploitable l'approche conservatrice par régénération tissulaire guidée. Les lésions interradiculaires de classe II et/ou III et les déhiscences radiculaires regroupent le contingent prédominant des indications de techniques correctrices.

Indications endodontiques ou restauratrices

L'incapacité à traiter et à obturer un canal radiculaire, la fracture radiculaire et/ou la perforation et/ou une résorption radiculaire sévère résument les difficultés de traitement que la seule voie chirurgicale, dans sa philosophie correctrice, cherchera à éliminer.

Indications prothétiques

La proximité radiculaire sévère et/ou l'espace interproximal trop réduit, une fracture du tronc cervical ou un processus carieux avec invasion de l'espace biologique imposeront une chirurgie correctrice.

Les contre-indications regroupent celles de la chirurgie parodontale (facteurs systémiques, faible niveau d'hygiène) et celles liées à l'anatomie locale (racines fusionnées, architecture tissulaire défavorable). S'ajoutent les difficultés procurées par les traitements endodontiques (racines ne pouvant être traitées, surinstrumentation endodontique, profondeur importante du plancher de la chambre pulpaire), l'impossibilité de bien conduire un traitement restaurateur (carie radiculaire interne, présence d'un tenon interradiculaire) et les considérations de stratégie thérapeutique.

Traitement chirurgical par séparation et résection radiculaires

Une planification prothétique cohérente s'impose car il ne fait pas de doute que le « traitement par résection est une technique très sensible et son application sans discernement, sans indication correcte, en l'absence d'une hygiène efficace de la part du patient et d'une compétence effective de la part du praticien restaurateur devrait être évitée » (Carnevale et al., 1991). Trois étapes sont à considérer.

Phase endodontique

Le traitement du système canalaire devra toujours être envisagé, en première intention si possible, suivi par la résection radiculaire. La restauration temporaire achèvera ce premier cycle de soins. L'économie de tissus dentinaires sera la règle tant au stade de la cavité d'accès du système canalaire que de la préparation intracanalaire homothétique à l'anatomie, non excessive. Dans l'hypothèse où une perte de substance camérale existe, les matériaux de reconstitutions adhésifs seront recherchés.

Trois possibilités peuvent être proposées concernant la chronologie des soins. Le traitement endodontique est envisagé :

- après l'amputation radiculaire d'une dent vitale suivant une chirurgie parodontale. Un pansement à l'hydroxyde de calcium au niveau de la pulpe camérale sectionnée permet d'attendre pendant 2 semaines le traitement endodontique définitif ;

- avant la chirurgie parodontale si l'amputation radiculaire est décidée à l'avance et la racine à éliminer connue ;

- avant la chirurgie parodontale si une pathologie endoparodontale est suspectée ; il faudra réaliser le traitement endodontique de tous les canaux et attendre au moins 2 mois avant d'intervenir chirurgicalement.

Phase chirurgicale

Séparation radiculaire

La séparation radiculaire élargit l'espace interradiculaire par séparation de la couronne dentaire en deux portions équivalentes qui supporteront deux hémi-couronnes sur chacune des racines conservées. Cette technique ouvre l'espace interradiculaire aux dépens de la dent et non de son support osseux. Certaines conditions anatomiques doivent être réunies, notamment un tronc cervical court ainsi que des racines très divergentes et volumineuses.

Résection radiculaire

La résection radiculaire offre deux protocoles possibles car l'indication d'élévation d'un lambeau peut se poser :

- soit éliminer la racine, dans un premier temps, sans atteinte de l'os (l'atteinte est supra-osseuse ou juxta-osseuse). Deux à trois mois plus tard, la fermeture de l'alvéole obtenue, il est possible de réaliser un lambeau, l'ostéoplastie, le surfaçage radiculaire et le débridement nécessaire ;

- soit, ce qui est préférable, récliner un lambeau, sectionner la racine, éliminer toute arête osseuse, éventuellement effectuer une légère ostéo-ectomie pour obtenir une architecture positive et replacer le lambeau (fig. 1, 2, 3, 4, 5 et 6 .

Quel choix faire ?

La section de la dent sera toujours privilégiée ainsi que l'odontoplastie avant de récliner un lambeau : ceci ne peut être envisagé que si la lésion interradiculaire est visible avant la chirurgie. Si un lambeau d'accès est nécessaire de façon à exposer la lésion interradiculaire, la section radiculaire évitera de laisser un « bec » dans la région interradiculaire, ce qui constituerait une zone de vulnérabilité engendrant la récidive. Si la perte osseuse est importante, l'extraction de la racine est facilitée, la section s'effectuant au niveau de la zone radiculaire, la partie coronaire étant préservée. Si l'extraction de la racine est délicate, une section corono-radiculaire privilégiera l'élimination de la racine par voie occlusale. Le type de section à effectuer dépendra de la forme de l'alvéolyse et du plan de traitement (prothèse fixée, etc.). Le remodelage osseux est souvent nécessaire au niveau des racines proximales ; il précédera le repositionnement des lambeaux maintenus par des sutures discontinues. Lors des résections radiculaires, il faut éviter de créer tout dommage au niveau de la voûte interradiculaire et du tissu osseux résiduel, des perforations au niveau des entrées canalaires, des angles saillants et des espaces suffisants doivent être ménagés entre les racines résiduelles, de manière à faciliter l'hygiène ; il faut également privilégier la rectification de toute zone anguleuse et l'adoucissement de morphologies trop concaves qui gommeront les irrégularités tissulaires résiduelles responsables d'une majorité d'échecs au maxillaire.

La séparation et la résection radiculaires représentent, in fine, une commodité chirurgicale à l'élimination de la poche et de la lésion osseuse. La quête du meilleur compromis entre l'économie tissulaire diminuant les risques de fracture et la recherche de surfaces planes pour faciliter le contrôle de l'hygiène constitue l'objectif thérapeutique recherché.

Approche des traitements prothétiques

Les reconstructions prothétiques achèvent le cycle des soins succédant aux chirurgies de séparation et/ou de résection radiculaires. Elles répondent aux grands principes restaurateurs avec une attention soutenue concernant, notamment, le volume tissulaire disponible et les morphologies radiculaires.

Quelles reconstitutions ?

Si une intégrité tissulaire préexistait au traitement chirurgical, l'obturation de la cavité endodontique est réalisée avec des matériaux foulés de type composite ou amalgame.

Si le délabrement coronaire ou le sacrifice tissulaire est important, la rétention doit être alors complétée par un ancrage radiculaire. Mais la présence d'une courbure dans le tiers cervical radiculaire peut contre-indiquer la mise en place de ce moyen de rétention du matériau de restauration coronaire dont l'objectif n'est pas la consolidation de la racine traitée (Moyen et Armand, 1999 ; Déjou et Laborde, 2001).

Si la racine est isolée, potentiellement fragile, le choix s'oriente préférentiellement vers les reconstitutions corono-radiculaires avec ancrage en fibre de carbone grâce à l'homogénéité révélée entre les différents modules d'élasticité de la dentine radiculaire, des tenons en carbone et des composites de collage favorisant, en particulier, l'absorption des contraintes (Brouillet et Koubi, 2001).

Dans les situations où le collage est contre-indiqué (zone sous-gingivale ne permettant pas la mise en place d'un champ opératoire), la thérapeutique de reconstitution corono-radiculaire s'oriente vers des techniques par pièce métallique coulée (inlay core) mise en place par scellement. Les tenons sont alors préférentiellement « anatomiques » avec prise d'empreinte du logement canalaire (Geoffrion et al., 1986). Pour ces pièces métalliques coulées, les alliages à base d'or sont privilégiés pour leur capacité à réduire la charge transmise à la dentine (Ko et al., 1992). Dans les situations cliniques favorables aux techniques de collage (isolation possible) et où le praticien opte pour des reconstitutions corono-radiculaires par inlay core, il est préférable, pour améliorer la résistance à la fracture des racines, de coller les reconstitutions métalliques avec des produits intrinsèquement adhésifs (Mendoza et al., 1997).

Quelle que soit la situation clinique, la reconstitution coronaire ou corono-radiculaire doit être mise en place le plus vite possible afin d'assurer la continuité de l'étanchéité du réseau canalaire (Southard, 1999 ; Pertot et Machtou, 2001). Cependant, elle ne le sera qu'après la phase chirurgicale, afin d'éviter toute pollution du site chirurgical lors des phases de séparation et/ou résection radiculaires. L'étanchéité sera assurée par un pansement de type IRM® entre la phase endodontique et la phase chirurgicale.

Prothèse provisoire

Le rôle de la prothèse provisoire n'est plus à démontrer, notamment dans les processus de cicatrisation parodontale (Marin et al., 1994) ; il semble intéressant de l'intégrer dans une logique et une stratégie de traitement. Elle devra être envisagée :

- avant l'intervention de chirurgie parodontale pour des dents présentant un délabrement coronaire justifiant de rétablir une morphologie coronaire et des rapports d'occlusion satisfaisants. Dans le cadre de résections radiculaires mandibulaires, la réalisation d'une prothèse fixée provisoire solidarisant la racine résiduelle et une dent adjacente doit être anticipée avant l'intervention. Une attention très particulière au profil d'émergence des coiffes provisoires et au polissage de la zone cervicale favorisera la cicatrisation parodontale. Dans les thérapeutiques complexes, le recours à des prothèses provisoires réalisées en résine cuite armée et présentant un état de surface parfaitement poli, peu propice à la rétention de plaque bactérienne, sera recommandé ;

- après cicatrisation parodontale, pour les dents présentant une morphologie coronaire satisfaisante avant la chirurgie, au maxillaire dans le cas de résection radiculaire ou à la mandibule lors de séparation. Il semble préférable de réaliser la mise en place de la restauration prothétique provisoire entre 15 et 21 jours après la chirurgie et d'aménager le passage des instruments d'hygiène dans les zones interradiculaires et proximales.

Quelle que soit l'approche de traitement adoptée, la prothèse provisoire devra être réadaptée à la nouvelle situation clinique parodontale. Cela suppose, en conséquence, un risque de toxicité des monomères contenus dans les résines sur les tissus parodontaux en cours de maturation lors des manœuvres de rebasage et une irritation provenant des monomères non polymérisés (Fleiter et Renault, 1992 ; Morenas et al., 1998). Le rebasage immédiat n'est pas souhaitable surtout après la chirurgie résectrice ; il conviendra de différer la réalisation de limites cervicales prothétiques en fonction de la nouvelle situation gingivale.

Réalisation prothétique définitive

Les objectifs de traitement, dans le concept prothétique particulier des dents réséquées, privilégient l'aspect prophylactique et le respect du parodonte assuré par la situation supragingivale des limites de préparation. Si la rétention s'avère insuffisante, des artifices (boîte ou rainure) limiteront l'enfouissement sous-gingival de la limite prothétique. Mais, selon Carnevale et al. (1990), les paramètres cliniques ne semblent pas affectés par la position de la limite prothétique (supragingivale ou légèrement sous-gingivale). Le volume dentaire disponible étant diminué, la préparation doit être la moins mutilante possible. Le choix des limites prothétiques rappellera le souci de préservation tissulaire et s'orientera vers des congés peu profonds (de 0,4 à 0,6 mm) ou un simple chanfrein. Dans cet esprit, lors de la chirurgie, il est nécessaire d'éliminer les surplombs ou les concavités radiculaires trop marqués afin d'obtenir une émergence radiculaire rectiligne (Fleiter et Renault, 1992). Les sillons ou gouttières persistants doivent être marqués au niveau de la préparation afin de permettre au technicien de laboratoire de réaliser l'élément prothétique sans zone de surcontour. Une épaisseur d'au moins 3 mm de dentine sera conservée, particulièrement au niveau de la voûte interradiculaire, afin que soit respecté « l'espace ou la largeur biologique » de cette région. Le non-respect de cet espace biologique est responsable de 86 % des échecs après résection radiculaire molaire (Majzoub et Kon, 1992).

Ce type de limite prothétique amène la réalisation d'un collier métallique périphérique présentant un profil d'émergence rectiligne (Estrabaud, 1994). Il est possible, pour des raisons esthétiques, de rapporter dans ce bandeau métallique un congé périphérique permettant la mise en place de matériau cosmétique. Les embrasures devront être ménagées pour faciliter l'accès d'une instrumentation interdentaire nécessaire au bon contrôle de plaque et la formation d'un épithélium kératinisé dans la zone du col gingival. Ce paramètre doit être contrôlé lors de l'essayage de l'armature prothétique à l'aide des instruments d'hygiène et modifié si nécessaire (fig. 7, 8, 9, 10, 11 et 12 . La restauration prothétique dessinera une face occlusale réduite dans le sens vestibulo-lingual avec une morphologie orientant les forces dans l'axe des racines résiduelles (Ache et al., 1991). Le contrôle et le réglage des différents contacts lors des cycles masticatoires élimineront toute interférence nocive sur le plan parodontal (fig. 13, 14, 15 et 16 .

La conservation d'une racine unique, principalement à la mandibule, amène obligatoirement la solidarisation aux dents adjacentes. La forme du pontique est celle d'une prémolaire permettant ainsi la diminution de la force occlusale dans le sens vestibulo-lingual (fig. 17 et 18).

Dans le cas de séparation radiculaire, il faut pouvoir ménager un espace suffisant entre les racines afin d'obtenir un environnement osseux satisfaisant. Ceci nécessite parfois la mise en œuvre de systèmes orthodontiques permettant une augmentation contrôlée de l'espace entre les racines. La forme prothétique correspond alors à deux prémolaires solidarisées avec une embrasure facilitant les techniques de contrôle de plaque (fig. 19, 20, 21 et 22 .

Résultats à long terme des traitements des lésions interradiculaires (tableau 1)

Taux de survie (ou d'échec !)

La faible susceptibilité de l'hôte associée à un contrôle correct de l'hygiène orale explique la concordance encourageante, flatteuse, des résultats d'évaluation à long terme (Ross et Thompson, 1978 ; Hirschfeld et Wasserman, 1978 ; Mc Fall, 1982 ; Goldman et al., 1986 ; Wood et al., 1989 ; Basten et al., 1996). Mais si l'on compare les taux de survie des dents monoradiculées et pluriradiculées, il y aurait 5 fois plus de risque de perdre une molaire ou une prémolaire atteine dans la région interradiculaire qu'une molaire non atteinte et/ou une dent monoradiculée, d'où notre attitude à traiter les lésions interradiculaires de classe III en supprimant les défauts osseux par une chirurgie résectrice : séparation et/ou résection.

Solution implantaire

Pour Mc Guire et Nunn (1996), il est difficile de prédire l'échec ou la complication. Sur une évaluation longitudinale de 5 ans, les dents qui présentent des lésions interradiculaires, une mobilité augmentée et des parafonctions ont un taux de survie limité sauf si un haut niveau d'hygiène existe. La solution implantaire peut être discutée surtout dans les lésions interradiculaires avancées, dans l'hypothèse d'un risque d'aggravation de la lyse osseuse : il est préférable de pratiquer des extractions « précoces » afin d'optimiser le volume osseux pour la mise en place d'implants.

Etienne et al. (1997) ont précisé les paramètres intervenant dans les décisions conservatrices ou en faveur de la mise en place des implants (le niveau d'hygiène orale, le contexte osseux, les traitements pluridisciplinaires lourds et/ou aléatoires).

Conclusion

Le grand éventail de succès et d'échecs rapportés dans la littérature scientifique reflète l'idée que les traitements résecteurs des lésions interradiculaires sont des méthodes dépendantes de la technicité d'opérateurs expérimentés. Un grand soin doit être apporté à chaque étape, depuis la sélection du cas à traiter jusqu'au traitement parodontal de soutien après intégration des traitements endodontique, parodontal et restaurateur (Mattout et Mattout, 1986 ; Carnevale et al ., 1995 ; Basten et al., 1996). Une réévaluation critique avant la restauration prothétique ainsi que la surveillance stricte d'un programme de maintenance relèvent le défi thérapeutique proposé au parodontiste pour le traitement particulier de ces lésions.

Demande de tirés à part

Francis MORA - 10, rue des Marronniers - 33200 BORDEAUX - FRANCE.

BIBLIOGRAPHIE

  • Ache M, Bourlon JP, Gentilhomme M, Massieux J. Formes cliniques des préparations et des restaurations prothétiques après hémisection et amputation radiculaire. Actualités Odontostomatol 1991;173:33-43.
  • American Academy of Periodontology. Guidelines for periodontal therapy. J Periodontol 1998;69:405-408.
  • Basten CHJ, Ammons WF, Persson R. Long term evaluation of root-resected molars : a retrospective study. Int J Periodont Rest Dent 1996;16:207-219.
  • Blömlof L, Jansson L, Appelgren R, Ahnevid H, Lindskog S. Prognosis and mortality of root-resected molars. Int J Periodont Rest Dent 1997;17:191-201.
  • Brouillet JL, Koubi S. Reconstitutions corono-radiculaires collées et tenons à base de fibres. Considérations cliniques. Cah Prothèse 2001;116:51-59.
  • Bühler H. Evaluation of root-resected teeth. Results after 10 years. J Periodontol 1988;59:805-810.
  • Bühler H. Survival rates of hemisected teeth : an attempt to compare them with survival rates alloplastic implants. Int J Periodont Rest Dent 1994;14:537-543.
  • Caffesse RG. Resective procedures. In : World workshop in periodontics. Chicago : American Academy of Periodontology, 1989.
  • Carnevale G, di Febo G, Fuzzi M. A retrospective analysis of the perio-prosthetic aspect of teeth re-prepared during periodontal surgery. J Clin Periodontol 1990;17:313-316.
  • Carnevale G, Tonelli M, Marin C, Fuzzi M. A retrospective analysis of the periodontal prosthetic treatment of molars with interradicular lesions. Int J Periodont Rest Dent 1991;11:189-205.
  • Carnevale G, Pontoriero R, Hürzeler M. Management of furcation involvement. Periodontol 2000 1995;9:69-89.
  • Déjou J, Laborde G. Le tenon radiculaire : est-il indispensable, utile ou dangereux ? Cah Prothèse 2001;116:31-41.
  • De Sanctis M, Murphy KG. The role of resective periodontal surgery in the treatment of furcation defects. Periodontol 2000 2000;22:154-158.
  • Eickholz P. Reproducibility and validity of furcation measurements as related to class of furcation invasion. J Periodontol 1995;66:984-989.
  • Estrabaud Y. Le profil d'émergence. Cah Prothèse 1994;86:97-104.
  • Etienne D, el Jaffali K, Duthu C. Traitement des lésions interradiculaires molaires. Les cas limites. J Parodontol Implantol Orale 1997;2:145-163.
  • Fleiter B, Renault P. Embrasures et santé parodontale. Réal Clin 1992;3:217-232.
  • Geoffrion J, Blanchard JP, Laluque JF, Mariescu S, Gautier C. Ancrages radiculaires et racines à « haut risque ». Cah Prothèse 1986;53:59-75.
  • Goldman HM, Cohen DW. Periodontal therapy. Saint Louis : Mosby, 1980 : 1024p.
  • Goldman MJ, Ross IF, Goteiner D. Effect of periodontal therapy on patients maintained for 15 years or longer. A retrospective study. J Periodontol 1986;57:347-353.
  • Hamp SE, Nyman S, Lindhe J. Periodontal treatment of multi-rooted teeth. Results after 5 years. J Clin Periodontol 1975:2:126-135.
  • Hamp SE, Nyman S. Treatment of furcation involved teeth. In : Lindhe J, ed. Textbook of clinical periodontology. Copenhague : Munsksgaard, 1989 : 515-532.
  • Hamp SE, Ravald N, Teiwik A. Perspective à long terme des modalités de traitement des lésions inter-radiculaires. J Parodontol 1991;11:11-23.
  • Hirschfeld L, Wasserman B. A long term survey of tooth loss in 600 treated periodontal patients. J Periodontol 1978;49:225-237.
  • Hou GL, Tsai CC. Types and dimensions of root trunk correlating with diagnosis of molar furcations involvement. J Clin Periodontol 1997;24:129-135.
  • Jaoui L, Ouhayoun JP. Evaluation clinique et microbiologique de patients fumeurs atteints de maladie parodontale. Etude rétrospective. J Parodontol Implantol Orale 1999;3:265-276.
  • Kalkwarf KL, Kaldahl WB, Patil KD. Evaluation of furcation region response to periodontal therapy. J Periodontol 1988;58:794-804.
  • Ko CC, Chu CS, Chung KH, Lee MC. Effect of posts on dentin stress distribution in pulpless teeth. J Prosth Dent 1992;68:421-427.
  • Langer B, Stein SD, Wagenberg B. An evaluation of root resections. A ten-year study. J Periodontol 1981;52:719-722.
  • Lindhe J, Okamoto H, Yoneyama T, Haffajee A, Socransky SS. Periodontal loser sites in untreated adult subjects. J Clin Peridontol 1989;16:671-678.
  • Loos B, Claffey N, Egelberg J. Clinical and microbiological effects of root debridement in periodontal furcations pockets. J Clin Peridontol 1988;15:453-463.
  • Majzoub Z, Kon S. Tooth morphology following the tunneling procedures in maxillary molars. J Periodontol 1992;63:290-296.
  • Marin C, di Febo G, Fuzzi M. Restaurations provisoires et thérapeutique prothético-parodontale. Réal Clin 1994;5:53-61.
  • Matia J, Bissada N, Maybury J, Ricchetti P. Efficiency of scaling the molar furcation area with and without surgical access. Int J Periodont Rest Dent 1986;3:6-25.
  • Mattout C, Mattout P. Le point sur les lésions interradiculaires. J Parodontol 1986;4:373-385.
  • Mc Fall WT Jr. Tooth loss in 100 treated patients with periodontal disease. A long term study. J Periodontol 1982;53:539-549.
  • Mc Guire MK, Nunn ME. Prognosis versus actual outcome. II. The effectiveness of clinical parameters in developing an accurate prognosis. J Periodontol 1996;67:658-665.
  • Mendoza DB, Eakle WS, Kahl EA, Ho R. Root reinforcement with a resin-bonded preformed post. J Prosth Dent 1997;78:10-14.
  • Morenas M, Deschaumes C, Compagnon D. Prothèse fixée transitoire et biomatériaux. Etat actuel des connaissances. Cah Prothèse 1998;104:5-14.
  • Moyen O, Armand S. Les reconstitutions corono-radiculaires : apport des ancrages en fibres de carbone. Cah Prothèse 1999;106:7-18.
  • Mullally BH, Linden GJ. Molar furcation involvement associated with cigarette smoking in periodontal referrals. J Clin Periodontol 1996;23:658-661.
  • Müller H, Eger T, Lange D. Management of furcation-involved teeth. A retrospective analysis. J Clin Periodontol 1995;22:911-917.
  • Newman MG, Kornman KS, Holtzman S. Association of clinical risk factors with treatment outcomes. J Periodontol 1994;65:489-497.
  • Papapanou PN, Wennstrom JL, Gröndhal K. A 10-year retrospective study of periodontal disease progression. J Clin Periodontol 1989;16:403-411.
  • Parashis AO, Anagnoou-Varetzides A, Demetriou N. Calculus removal from multirooted teeth with and without surgical access. II. Comparison between external and furcation entrance width. J Periodontol 1993;20:71-77.
  • Pertot WJ, Machtou P. L'étanchéité coronaire : facteur de réussite du traitement endodontique. Cah Prothèse 2001;116:21-29.
  • Ross IF, Thompson R. A long term study of root retention in the treatment of maxillary molars with furcation involvement. J Periodontol 1978;49:238-244.
  • Schroer MS, Kick WC, Wahl TM, Holchens LH, Moriarty JD, Bergenholtz B. Closed versus open debridement of facial grade II molar furcations. J Clin Periodontol 1991;18:323-329.
  • Southard DW. Immediate core build-up of endodontically treated teeth : the rest of the seal. Pract Periodont Aesthet Dent 1999;11:519-526.
  • Svärdström G, Wennström JL. Prevalence of furcation involvements in patients referred for periodontal treatment. J Clin Periodontol 1996;23:1093-1099.
  • Tarnow D, Fletcher P. Classification of vertical component of furcation involvement. J Periodontol 1984;55:283-284.
  • Trope M, Tronstad L, Rosenberg E, Listgarten M. Darkfield microscopy as aid in differentiating exudates from endodontic and periodontal abscesses. J Endodont 1988;14:35-39.
  • Wang HL, Burgett FG, Shyr Y, Ramfkord S. The influence of molar furcation involvement and mobility of future clinical periodontal attachment loss. J Periodontol 1994;65:25-29.
  • Wood WR, Greco GW, Mc Fall WT. Tooth loss in patients with moderate periodontitis after treatment and longterm maintenance care. J Periodontol 1989;60:516-520.
  • Zappa U, Grosso L, Simona C, Graf H, Case D. Clinical furcation diagnosis and interradicular bone defects. J Periodontol 1993;64:219-227.